Avec un troisième fiasco financier pour cette saison estivale, les studios hollywoodiens tremblent. The Lone Ranger, 250 millions de $ de budget, pourrait faire perdre 100 millions de à Disney, déjà un peu échaudé par l'aventure John Carter l'an dernier.
La fin des blockbusters?
Et si Steven Spielberg et George Lucas avaient eu raison? Le 12 juin lors d’une conférence à la University of South California, ceux qui ont fait naître le concept de blockbuster estival dans les années 70 ont attaqué le système avec une virulence particulière.
« Tout ce qui les motive, c’est l’argent. Ça ne tiendra pas indéfiniment. Ils se crispent de plus en plus sur leur quête de profit. Les gens finiront par se lasser. Et les studios ne sauront rien faire d’autre. Il y aura une implosion le jour où trois, quatre, voire une demi-douzaine de ces films au budget démesuré vont se planter au box-office. Le modèle qu’on connaît aujourd’hui va changer » expliquait le réalisateur de Lincoln, qui avouait que son dernier film avait faillit ne jamais voir le jour.
Lucas jouait aux prédicateurs, et confirmait ce que James Cameron imaginait déjà à la fin des années çà :
« Vous allez vous retrouver au final avec de moins en moins de salles de cinéma, de plus en plus grosses avec beaucoup de belles choses. Aller au cinéma coutera 50, 100 voire 150 dollars, comme un ticket pour Broadway ou un match de foot. Ce sera une chose chère… Les films resteront à l’affiche un an, comme les shows à Broadway. Et on appellera ça l’industrie du cinéma. »
Et tout cela arrive plus vite que prévu. Ce week-end, The Lone Ranger, produit et réalisé par le duo de Pirates des Caraïbes, Jerry Bruckheimer et Gore Verbinski, avec Johnny Depp en tête d'affiche, a essuyé un cuisant revers au box office, malgré le long week-end férié. Le film a rapporté à peine 49 millions de $ en 5 jours, près de trois fois moins que Moi moche et méchant 2. Même pas certain que le film rapporte la moitié de ses dépenses. Disney encaissera le coup après les cartons d'Iron Man 3, du Magicien d'Oz et Monstres Academy, mais risque de manquer d'audace dans les prochaines années...
Un gros flop financier par semaine
Rien que cet été, Hollywood a enregistré deux grosses déconvenues : After Earth (qui a sauvé les meubles sur les marchés internationaux) et White House Down, tous deux ayant coûté plus de 130 millions de $. Mais ce ne sont pas les seuls échecs de l'année: Epic, G.I. Joe 2, Very Bad Trip 3, Oblivion, Die Hard 5, Jack et le chasseur de géants, Gangster Squad, et à des niveaux de budgets différents des films avec stars comme Beautiful Creatures, Hansel et Gretl, Le dernier rempart, Bullet to the Head, The Big Wedding, Les stagiaires et Broken City ont tous eut besoin des spectateurs internationaux pour couvrir en partie ou totalement leur budget de production et de marketing. Ces gros échecs en Amérique du nord ont aussi subit l'affront de voir des films peu coûteux devenir (très) rentables comme Mud, Mama, Quartet, Olympus has Fallen, Now You See me, 42, Identity Thief, Warm Bodies, The Purge...
Avec le fiasco de Lone Ranger, les studios comptent leurs succès. Parce que Disney a produit 3 des 5 plus gros succès de l'année, l'échec du western de Verbinski est à relativiser. Tout comme Universal : le flop d'Oblivion a été compensé par 5 hits parfois inattendus. Mais, de plus en plus dépendants des spectateurs étrangers, les studios vont peut-être revoir leur stratégie du "tentpole" (le mât qui tient la tente) où l'on investit des sommes astronomiques dans un film plutôt que de répartir les risques entre plusieurs.
Spielberg comme Lucas ont raison (même si pour ce dernier, la critique est un peu gonflée) : en misant sur le spectacle dispendieux plutôt que la créativité et la diversité, Hollywood est peut-être en train de muter. Cependant, si les actionnaires constatent que l'industrie n'est plus rentable (parce que les spectateurs sont déçus ou parce qu'ils préfèrent se divertir ailleurs), alors c'est tout le système qui s'effondrerait. Pour l'instant, personne ne panique parce que les marchés étrangers compensent largement les pertes, la plupart du temps. 7 films ont dépassé le cap des 400 millions de $ dans le monde depuis janvier. Quasiment toutes les grosses productions américaines ont réalisé plus de 60% de leurs recettes à l'international.
Et justement Lone Ranger compte dessus et Disney espère que la côte de popularité de Johnny Depp est toujours intacte à l'étranger, pour que la ligne ne soit pas trop rouge dans le bilan financier.