Election présidentielle : les candidats aiment-ils le cinéma?

Posté par vincy, le 20 avril 2012

Dimanche 22 avril, 10 candidats s'affrontent au premier tour de l'élection présidentielle. Hormis une poignée d'entre eux a évoqué la CULTURE. François Bayrou veut insérer l’enseignement artistique dans les programmes scolaires ; Jacques Cheminade souhaite interdire les jeux vidéo violents et surtaxer tous ceux étant dépourvus de contenu pédagogique ; François Hollande parle lui aussi d'un Plan national d'éducation artistique et propose une décentralisation des aides publiques ; Eva Joly aimerait organiser des états généraux des droits culturels par région ; Marine Le Pen s'inspire du modèle anglais en voulant lier les subventions aux recettes ; Philippe Poutou veut développer un service public de la culture, développer et soutenir les réseaux alternatifs de diffusion ; préférant continuer son action actuelle, Nicolas Sarkozy ne propose que la création d'une Agence culture France.

Hormis l'actuel Président de la république, tous veulent abroger HADOPI. Voilà au moins un point commun. Après ils diffèrent : accès libre pour Nathalie Arthaud ; développement d'une offre de téléchargement légal pour François Bayrou et Jean-Luc Mélenchon ; taxe de deux euros par mois et par abonnement sur les FAI pour Jacques Cheminade ; licence globale pour Nicolas Dupont-Aignan et Marine Le Pen ; développement de l'offre légale, lutte contre la contrefaçon commerciale et contribution des plateformes comme Google et Amazon pour François Hollande ; instauration d'une contribution d'un milliard d'euros pour soutenir la création pour Eva Joly ; taxe sur le chiffre d'affaire des majors, des opérateurs de télécoms, des fabricants de matériel informatique pour Philippe Poutou.

Il y a un autre moyen de les départager : en fonction de leurs goûts. Allociné a demandé aux dix candidats quels étaient leurs films préférés (voir les films par candidats). Et là, Ecran Noir se dit qu'il y connait un peu quelque chose. Palme d'or donc à Eva Joly qui obtient la meilleure moyenne avec sa liste de chefs d'oeuvre. Mais on ne peut être que déçu de l'ensemble : quasiment aucun film datant de ses dix dernières années ; hormis les cinémas américain, français, britannique et italien, le reste du monde du 7e art ne semble pas les intéresser ; on peut en conclure que ce sont les films de leur jeunesse qui les ont marqués, mais cela dénote une certaine inadéquation avec la jeunesse actuelle ; cependant, ne nous plaignons pas : la moyenne de chaque candidat est plutôt haute et l'ensemble de leurs films a de la tenue.

Nathalie Arthaud : 3,6/5. Des films cultes plus que des grands films mais au moins des films contemporains (et fortement féministes). Mention spéciale pour avoir choisi Chicken Run, film d'animation.

François Bayrou : 4/5. Des films cultes ET grand public. Et surtout des comédies. Choix insolites d'un cinéma traditionnel et atemporel où son amour pour Julia Roberts côtoie l'humour de Lubitsch.

Jacques Cheminade : 4/5. Iconoclaste : un film d'horreur et un documentaire aux côtés de trois grands films dans leur genre. Et finalement cinq films sur des "civilisations disparues.

Nicolas Dupont-Aignan : 4/5. Tavernier, Fellini, Allen, les films préférés du candidat sont avant tout attachés à ses réalisateurs préférés. Un point commun : les passions humaines et leurs tourments.

François Hollande : 4/5. Péplum façon Kubrick et Western de John Ford cohabitent avec Rohmer, Ozon et Truffaut. Un certain classicisme se dégage de ces choix romanesques.

Eva Joly : 4,6/5. La grande classe avec une série de chefs d'oeuvre (pré-années 2000). Des fresques signées par de grands auteurs mais on peut regretter qu'il n'y ait qu'un seul film français.

Marine Le Pen : 3,6/5. Des choix peu audacieux avec cinq films très populaires (dont trois américains) et tous sortis dans les années 80/90 et multi-diffusés à la TV.

Jean-Luc Mélenchon : 4,2/5. Une liste très variée, allant de l'épique à la science-fiction, de Coppola à Fellini. Là encore des films sortis entre les années 70 et 90.

Philippe Poutou : 3,4/5. De Loach à Chaplin, avec une très forte connotation sociale, les films du candidat du NPA ne sont pas surprenant mais, au moins, ils sont singuliers.

Nicolas Sarkozy : 4,2/5. Le patrimoine comme seule valeur étalon avec des films antérieurs aux années 70. Mais un véritable choix de film d'auteurs, tous genres confondus.

Cinéma, livre, musique unis pour la présidentielle : décryptage

Posté par vincy, le 24 mars 2012

On pourrait regretter que le jeu vidéo n'ait pas été inclus dans la boucle. Mais reconnaissons, pour une fois, que l'unité affichée par les trois grands piliers de la Culture (hors spectacle vivant et patrimoine), le Cinéma, la Musique et le Livre, est suffisamment rare pour être soulignée.

Ainsi les organisations du cinéma et de l'audiovisuel - ARP, SACD et Scam - de la musique - SNP, Upfi - et du livre - SNE, SGDL-, se sont unies aux plateformes de diffusion - FilmoTV, Dailymotion, Libsum -  pour promouvoir une offre légale culturelle numérique accessible, riche et attractive et la défendre auprès des candidats à l'élection présidentielle.

Ils se sont réunis hier au siège de l'ARP, le Cinéma des cinéastes, à Paris. C'est la première fois que les représentants des principaux "corps intermédiaires" de la profession signent un communiqué commun.

L'après Hadopi en question

Il y a plusieurs raisons à cela : Hadopi est considéré comme un semi-échec (coûteux, impact difficilement quantifiable, ...), le numérique s'ancre de plus en plus dans les habitudes de consommation du citoyen (et on n'a toujours pas prouvé que le piratage était néfaste culturellement), l'accès légal aux oeuvres culturelles reste confus et complexe... Sans oublier qu'une grande partie de cet accès passe par des plateformes étrangères (iTunes d'Apple ou bientôt Netflix).

L'autre raison, plus pragmatique, est la différence de points de vue des dix candidats à l'élection présidentielle. Si l'on prend le comparatif des programmes effectués par Le Monde (pas forcément exhaustif mais factuel), voici les propositions des candidats (par ordre alphabétique) :

- Nathalie Arthaud (Lutte Ouvrière) : Films, disques, reportages en accès libre sur internet avec un service public associé.
- François Bayrou (Modem) : Abrogation de la loi Hadopi et développement d'une offre de téléchargement légal.
- Jacques Cheminade (Solidarité et progrès) : Abrogation des lois Dadvsi et Hadopi ; Taxe de 2€ par mois et par abonnement sur les fournisseurs d’accès à Internet ; Possibilité pour les artistes de s’organiser en auto-producteurs ou en coopératives pour diffuser leurs oeuvres, avec une subvention fournie à des individus, non à des structures ; Etablir une plateforme de téléchargement publique ; Accroître les moyens juridiques sur la protection des données personnelles ; Lancer une stratégie du logiciel libre.
- Nicolas Dupont-Aignan (Debout la République) : Abrogation de la loi Hadopi pour une licence globale.
- François Hollande (Parti Socialiste et Parti Radical de Gauche) : Remplacement d'Hadopi par "une loi qui conciliera la défense des droits des créateurs et un accès aux œuvres par internet facilité et sécurisé ; Couverture de 100 % du territoire en très haut débit d'ici à 2022 (voir aussi « Réconcilier les internautes et le monde de la culture » par Fleur Pellerin et Aurélie Filippetti et « La loi Hadopi doit être repensée » par François Hollande).
- Eva Joly (Europe Ecologie - Les Verts) : Abrogation de la loi Hadopi et légalisation du partage non marchand ; Instauration d'une contribution de l'offre d'un milliard d'euros (internautes et fournisseurs d'accès à internet) pour soutenir la création.
- Marine Le Pen (Front National) : Abrogation de la loi Hadopi pour une licence globale.
- Jean-Luc Mélenchon (Front de Gauche) : Abrogation de la loi Hadopi et création d'une plateforme publique de téléchargement ; Engagement d'une concertation en vue de garantir le respect des droits des artistes, auteurs et interprètes grâce à une mise à contribution des fournisseurs d’accès, des opérateurs de télécommunications et du marché publicitaire.
- Philippe Poutou (Nouveau Parti Anticapitaliste) : Abrogation de la loi Hadopi pour une licence "égale" (maintient de l'exception pour copie privée des internautes et protection de la rémunération des artistes et techniciens), financée par une taxe sur le chiffre d'affaire des majors, des opérateurs de télécoms, des fabricants de matériel informatique.
- Nicolas Sarkozy (Union pour un Mouvement populaire) : Maintien d'Hadopi (mais évolution possible), et couverture de 100 % du territoire en très haut débit d'ici à 2020. Création de taxes et impôts propres à Internet (notamment une taxe sur la publicité en ligne et l'assujettissement à l'impôt sur les sociétés - quitte, dans ce dernier cas, à renégocier certaines de nos conventions fiscales) ; possibilité d’organiser des raids équivalents à ceux du FBI contre Megaupload.

A la lecture des propositions, on constate qu'hormis le Président-candidat qui a créé Hadopi, tous veulent soit l'abroger ou la remplacer. Les différences, qui ne démontrent pas un clivage gauche/droite sur ce sujet là, sont davantage dans la manière d'envisager la rémunération des auteurs (licence globale, ...) ou la diffusion des oeuvres.

Enjeu culturel et industriel

Les organisations culturelles qui se sont réunies expliquent leur motivation : "L’enjeu est à la fois culturel – faciliter l’accès légal aux œuvres dans toute leur diversité – et industriel – encourager le développement des plateformes françaises et européennes de diffusion numérique capables de concurrencer les géants américains de l’Internet. Il implique que ces offres puissent se développer hors de la présence et de la concurrence massive des offres de téléchargement et de streaming illégales."

En 6 points, elles expliquent que la concurrence déloyale (téléchargement et streaming illégaux, contournement des règles fiscales nationales par les géants américains de l'Internet) menacent l'offre (et la diversité) culturelle française. Elles s'accordent qu'il faut dépasser les débats "stériles" de l'Hadopi, qui ont opposé les créateurs à leur public. On peut être en désaccord sur le fait que cette union d'organisations représentatives estiment qu'Hadopi est pédagogique et "non répressive" (sic, que dire alors de sanctions malgré tout radicale non validées par un juge?).

Les 6 points ont la vertu de poser le problème rationnellement. Et reconnaissons qu'aucun des candidats ne réponds à tous les points, ou, pire, quand ils y répondent, c'est parfois à côté de la plaque. On privilégie la taxation nationale au détriment d'une harmonisation européenne, ou on augmente la TVA sur les biens culturels quand leur consommation est déjà en baisse (livre, musique).
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Une nouvelle stratégie très télévisuelle pour EuropaCorp

Posté par vincy, le 4 mai 2011

EuropaCorp, après une année de turbulences (résultats financiers contrastés, box office inégal, mouvements internes tumultueux), a dévoilé son plan d'actions stratégiques, à une semaine de l'ouverture du Marché du film de Cannes. La société de Luc Besson fête ses dix ans avec l'annonce de lourdes pertes mais aussi la sélection en compétition officielle de deux de ses films : The Tree of Life de Terrence Malick et La source des femmes de Radu Mihaileanu. De plus, la série télévisée XIII, d'après la bande dessinée de Jean Van Hamme et William Vance, a cartonné ce mois-ci sur Canal +. Certes, en salles, le box office est moins flamboyant : seulement 13e distributeur sur les 4 premiers mois de l'année. Mais depuis 12 mois, EuropaCorp a encaissé de belles recettes avec Les petits mouchoirs (5,4 millions d'entrées), Arthur 3 (3,1 millions d'entrées), L'homme qui voulait vivre sa vie (1,2 million d'entrées) et Un balcon sur la mer (1,04 million d'entrées). Des films français par des cinéastes plus auteurisants que populaires (si l'on excepte Luc Besson). Ceci dit, depuis le début de l'année, le distributeur n'a pu compter que sur Halal, police d'Etat (793 000 spectateurs).

Arrêts d'activité non stratégiques, mais lesquelles?

EuropaCorp vise donc un retour "à la profitabilité pour l’exercice 2011/2012, notamment porté par une gestion opérationnelle optimisée et un line-up dense et équilibré". Ça va plaire aux actionnaires. Pour cela, la société mise sur "une part croissante des Ventes Internationales (portées à 65% du Chiffre d’Affaires de 2014) et des activités présentant une forte récurrence (séries TV en franchise, catalogue, édition musicale) portées à 35% du Chiffre d’Affaires". La télévision est donc l'objectif principal de la croissance, puisque la production pour le petit écran devra doubler dans les trois prochaines années. Enfin, EuropaCorp veut poursuivre l'intégration verticale du groupe (la maîtrise de toute la chaîne si l'on préfère), "avec notamment une participation dans l’exploitation des plateaux de tournage de la Cité du Cinéma."

Cela entraîne quelques changements internes avec une nouvelle "organisation transversale par métier (Ventes, Marketing, Opérations, Licences et live Entertainment)." Plus flou : le rapport entre investissements dans la production et les objectifs de rentabilité. On comprend bien que le producteur souhaite sécuriser le financement de ses films (préfinancement à l'international, maîtrise des coûts de fabrication) mais comment interpréter la volonté d'arrêter les activités non stratégiques. De quelles activités parle-t-on?

EuropaCorp a donc fixé cinq objectifs stratégiques d'ici à 2014 : poursuivre le développement international, et notamment installer un bureau de représentation en chine et consacrer au moins 30% de son programme à des films en langue anglaise ; diversifier les sources d’approvisionnement et construire un programme de 15 à 20 films par ans adaptés à la demande, y compris du grand spectacle en 3D ; accroitre significativement l’activité Production Télévisuelle, y compris dans le cadre de co-productions internationales ; continuer les actions prioritaires comme la Cité du cinéma et créer un studio 3D/VFX (effets spéciaux) ; valoriser la VOD.

EuropaCorp ou "la stratégie personnelle de Luc Besson"

Ce plan stratégique a été élaboré par le nouveau directeur général, Christophe Lambert, ancien publicitaire et proche du pouvoir politique actuel. Il était d'autant plus attendu que le départ de Pierre-Ange Le Pogam, ex-numéro 2 de l'entreprise et ami de Besson, avait alimenté une campagne médiatique assez violente. Le Pogam accusait son ancien associé d'être "dans une stratégie personnelle", se plaignant d'avoir été mis à l'écart de plusieurs décisions. Il évoquait "un climat de terreur" au sein des collaborateurs, une société où "l'on parle de moins en moins de films, de plus en plus de stratégies de marques". A propos de Christophe Lambert, il disait : "il a surtout la réputation d'être brutal; ce n'est pas ma culture".

Outre Lambert, ancien conseiller en communication de Nicolas Sarkozy, Besson a recruté Emmanuelle Mignon comme Secrétaire générale d'EuropaCorp, elle-même ancienne conseillère auprès du Président de la République.

Et si Nicolas Sarkozy allait voir Hunger?

Posté par vincy, le 21 juillet 2008

Nous apprenons, très matinalement, que l'actrice et réalisatrice Valeria Bruni-Tedeschi, soeur de Carla Bruni Sarkozy et donc belle-soeur du Président de la République Française, a rendu visite à Marina Petrella, ancienne membre des Brigades rouges, vivant en France depuis 15 ans et arrêtée l'an dernier.

Cette femme avait refait sa vie, en tant que mère et assistante sociale, et vivait tranquillement à l'abri de la parole donnée par François Mitterrand, qui s'était engagé à ne pas extrader ceux qui ont renoncé aux armes.

Nicolas Sarkozy a décidé de rompre cet engagement. Comme Jacques Chirac avant lui avec l'affaire Cesare Battisti.

Or, sa belle-soeur vient rendre visite à cette femme. Politiquement, ce n'est pas anodin. D'autant que les soeurs Bruni sont venues en France pour se protéger d'un éventuel enlèvement dans la famille. Bruni-Tedeschi confie au Corriere della Sera : "Je préfère ne pas parler de la rencontre car la situation est très délicate et ce n'est pas à moi de faire des déclarations publiques. Je peux seulement dire que cette personne va très mal, son poids est descendu à 40 kilos, elle ne mange plus depuis avril et elle a été placée sous perfusion."

Lorsqu'on lit ça, on ne peut pas s'empêcher de revoir les images de Hunger, le film de Steve McQueen présenté à Un Certain Regard cette année à Cannes. Une histoire de prisonnier politique faisant la grève de la faim. Des images insoutenables sur un corps en désincarnation. Le film avait reçu la Caméra d'or (meilleur premier film).

Maintenant que le décret d'extradition est signé, Nicolas Sarkozy peut toujours s'ingérer dans les affaires italiennes et demander sa grâce, cela risque de se terminer de manière fatale, avec un arrière-goût amer dans la bouche. Epidermiquement de gauche, voulant se lancer dans l'humanitaire, Carla Bruni devrait lui montrer ce film qui ne laisse pas insensible à la souffrance d'un homme, ou d'une femme, qui n'a plus rien à perdre.