La grande scénariste Suso Cecchi D’Amico est morte (1914-2010)

Posté par vincy, le 2 août 2010

On retient rarement le nom des scénaristes au générique, ces conteurs d'histoires en images. Suso Cecchi D'Amico a pourtant écrit de multiples chef d'oeuvres italiens parmi les 110 scénarios dont elle est l'auteur. Cette intellectuelle aura traversé sept décennies de cinéma, jusqu'à son dernier scénario en 2006.

Née en 1914 et décédée samedi 31 juillet - ce qui lui faisait 96 ans - cette romaine (de son vrai nom Giovanna Cecchi) avait pour parents l'écrivain Emilio Cecchi et la peintre Leonetta Pieraccini. Très belle femme, elle s'était mariée au musicologue Fedele D'Amico. Pour le réalisateur Franco Zeffirelli, elle était "à la fois une mère et une soeur pour tous."

Antifasciste, elle commence sa carrière de scénariste après la seconde guerre mondiale et signe deux films fondateurs du courant néo-réaliste, ce mélange de fiction et de portrait social d'un pays en reconstruction : Rome ville ouverte et surtout, en 1948 : Le voleur de bicyclette, de Vittorio De Sica, film fondamental dans l'histoire du cinéma italien, et succès international. Le film obtint l'Oscar du meilleur film étranger.

L'amie des artistes, des grands écrivains comme Alberto Moravia, des actrices légendaires comme Anna Magnani, collabore alors avec tous les grands cinéastes du pays -  Michelangelo Antonioni, Francesco Rosi, Luigi Comencini, Mario Monicelli, Franco Zeffirelli... Elle travailla même avec un jeune scénariste nommé Federico Fellini et écrira la version filmée de Kean, réalisée par le comédien Vittorio Gassman.

Claudia Cardinale lui rend hommage en insistant sur ces années "durant lesquelles notre cinéma était le phare du cinéma mondial." Suso Cecchi D'Amico était, selon la comédienne, "une personne exceptionnelle, d'une grande générosité, d'une culture exceptionnelle."

En 1951, la scénariste fait une rencontre déterminante : Luchino Visconti. Leur première collaboration produit Bellissima. Ils ne se quitteront plus jusqu'au projet non réalisé du cinéaste, La recherche du temps perdu de Marcel Proust. Ensemble, ils écriront Senso, Les nuits blanches, Rocco et ses frères, Sandra (Lion d'or à Venise), L'étranger, Le crépuscule des dieux, Violence et passion, L'innocent et surtout, bien sûr, Le Guépard, fresque sicilienne auréolée d'une Palme d'or au Festival de Cannes.

Pour mesurer à quel point son travail était reconnu, il suffit de voir son palmarès. En 1994, le festival de Venise lui avait décerné un Lion d'or pour l'ensemble de sa carrière et l'an dernier, la Guilde des scénaristes américains lui avait remis le prix Jean Renoir pour toute son oeuvre. L'un de ses premiers films, Vivre en paix (1947), de Luigi Zampa, fut primé pour son scénario à Locarno. Le Syndicat des journalistes de cinéma italiens la récompensera huit fois tout au long de sa vie. Les prix David di Donatello (les César italiens) lui donnèrent le prix Luchino Visconti à l'occasion des dix ans de la mort du Maître en 1986 et elle reçut en 2006 un prix spécial pour les 50 ans des Donatello.

Trilingue, elle écrivit aussi pour des réalisateurs étrangers comme René Clément, José Pineihro, Nikita Mikhalkov (Les yeux noirs), Martin Scorsese (Mon voyage en Italie).

On retiendra de son travail des idées brillantes et singulières, parfois simples mais efficaces, et une finesse d'écriture, notamment pour les personnages qu'ils soient féminins (Deneuve et Girardot en profiteront) ou à sensibilité féminine (Mastroianni).

Cannes 2010 : Qui est Oleg Menchikov ?

Posté par vincy, le 22 mai 2010

oleg menshikovA 50 ans, il est l'un des comédiens russes les plus connus des cinéphiles. Oleg Menchikov (en anglais Menshikov) a même reçu les Palmes académiques en France en 2004. Formé au théâtre depuis l'âge de 17 ans, il suit un itinéraire institutionnel classique, à Moscou, avant de "s'exporter" sur les planches étrangères (il joua notamment aux côtés de l'immense Vanessa Redgrave dans "When she danced"). Il recevra d'ailleurs un prix Laurence Olivier du meilleur second rôle masculin.

Directeur de théâtre, s'amusant avec les textes de Gogol, il ne délaisse pas la télévision, ni le cinéma. Il doit sa carrière sur grand écran à Nikita Mikhalkov qui le fit débuter en 1981 avec La parentèle.  Il tourne aléatoirement pour le 7e art, de plus ou moins grands rôles, soldat ou homme divorcé, selon son agenda.

La glasnost va sonner son réveil. Il tourne avec des cinéastes de plus grande envergure, comme Aleksei Sakharov ou Alksandr Khvan qui lui permet de venir à Cannes en 1993 pour la première fois avec Dyuba-Dyuba. L'année suivante, il retrouve Mikhalkov avec Soleil trompeur, qui lui aussi est sélectionné à Cannes (Grand prix du jury). Il y tient le rôle principal, et reprendra son personnage dans la suite, Soleil trompeur 2, en compétition cette année. A l'époque le film emporte l'Oscar du meilleur film étranger.

Par la suite, il tourne Le prisonnier du Caucase, de Sergei Bodrov. Là encore, le film obtient une reconnaissance internationale mais surtout il obtient le prix Nika du meilleur acteur (les oscars russes). Désormais star en son pays, il était logique qu'on l'emploie ailleurs. Mikhalkov en fait son jeune officier russe dans Le Barbier de Sibérie (ouverture du Festival de Cannes en 1999), grande épopée à la David Lean, où il croise les yeux de la belle Julia Ormond. Son allure altière, son beau visage en font un magnifique jeune premier, même en approchant de la quarantaine.

Régis Wargnier ne s'y trompe pas. Dans Est-Ouest, il joue le scientifique marié à Sandrine Bonnaire dans l'après guerre, avec, en bonne fée, Catherine Deneuve. Il est impressionnant de sang froid et de résignation. Surtout, ne parlant pas français, il apprend les phrases par coeur, phonétiquement.de là, s'ensuit une longue absence. Il revient sur scène, tourne pour de grandes séries télévisées. Et ne retrouve les chemins des plateaux que pour Mikhalkov et Soleil Trompeur 2.

On le voit un peu vieillit. Mais le désir semble être revenu puisqu'on l'annonce dans la production anglaise, Aleksander Rouge. Pour compléter ses cachet, il peut compter sur des marques de luxe dont il est l'emblème en Russie.

Le cinéma russe dans la tourmente

Posté par vincy, le 28 avril 2010

soleil trompeur 2Nikita Mikhalkov a déclenché une tempête en Russie avec la sortie de Soleil Trompeur 2, qui sera en compétition au prochain Festival de Cannes. Il est accusé de s'approprier tous les pouvoirs et de ne plus se soucier des conflits d'intérêt que cela entraîne. Aussi un grand nombre de cinéastes ont quitté, en signe de protestation, l'Union des cinéastes russes que préside Mikhalkov. Parmi eux, on note Alexei Gurman, Alexandre Sokourov, Andreï Popov, Daniil Dondoureï ou encore le directeur du Musée du cinéma de Moscou. Au total, il y aurait une centaines de personnalités qui dénonce le "style totalitaire" de leur Président. Une pétition publiée sur Internet le 8 avril affirme que "la discussion libre, la diversité des opinions, l'esprit de liberté et de démocratie ont quitté les murs de notre Union depuis longtemps", tous révoltés par le faux patriotisme et la servilité qui dominent désormais cette Union. Les signataires pensent  faire sécession en créant leur propre alliance, dissidente.

Mikhalkov, proche du premier ministre Vladimir Poutine, cumule, à leurs yeux trop de fonctions ; outre la direction de l'Union depuis 1998, il est président du Fonds russe de la culture, membre du Conseil présidentiel, membre du conseil civil du Ministère de la Défense. Surtout, il est devenu expert en financement public pour ses propres films, dont Soleil Trompeur 2. Sa société de production a été choisie avec seulement sept autres (sur 400!) pour s'accaparer 4/5e des fonds accordés par l'Etat au cinéma (environ  50 millions d'euros). Avec 6,5 millions d'euros chacune, elles doivent s'engager à produire trois films par an, selon des critères spécifiques (humanisme, patriotisme...). Sokourov, interrogé par Le Monde, râle que "les subventions ne vont qu'aux personnes appartenant au cercle de Mikhalkov."

Les aides ne transitent plus qu'à travers le Fonds de soutien économique et social, où l'acteur-réalisateur-producteur a une position dominatrice, au détriment d'un Ministère de la Culture de plus en plus impuissant. Ce fonds n'investit désormais que dans des films de qualité, correspondant aux intérêts nationaux. "On n'aime pas la quête obsédée de l'ennemi intérieur et l'expulsion des insoumis" est-il écrit dans la pétition. Plus largement, cette révolte se dirige contre la réforme du système de subventions nationale. Beaucoup subissent la suppression d'aides publiques qui les empêchent de pouvoir réaliser leurs films.

La réforme exige dorénavant que les financements publics ne se limitent qu'aux compagnies produisant des films à succès, au contenu davantage patriotique. Parmi les critères de sélection, il y a la rentabilité de la société, les prix reçus dans les festivals, ...  Comme par hasard, Mikhalkov répond à ses exigences.

Les cinéastes dénoncent tout la gangrène d'un système qui souffre de commissions occultes (corruption de fonctionnaires, subventions gonflant les budgets) et de problèmes de distribution pour le cinéma national (piratage notamment). La moitié des films réalisés l'an dernier n'est  jamais sorti dans les salles. Les exploitants ne veulent pas faire preuve de transparence sur le nombre réel d'entrées, grugeant ainsi les producteurs de 25 à 40% des recettes. Mais le gouvernement de Vladimir Poutine a surtout décidé de faire du cinéma russe, comme à la grande époque du cinéma soviétique, un instrument de propagande à son service.

Poutine a ainsi permit de rénover 1 500 salles et la production d'une centaine de films par an. Mais il ne cache pas qu'il veut surtout voir des films commercialement intéressant, aussi bien en Russie qu'à l'étranger. Manière de critiquer la médiocrité du cinéma russe actuel dans un pays qui a connu une hausse de 12% de sa fréquentation en 2009 (avec 139 millions de spectateurs, il s'agit du quatrième marché européen), mais aussi une baisse de 11% ds recettes (735 millions de $). La part de marché des films russes ne s'élève qu'à 25%.

Soleil Trompeur 2 était censé être un sauveur face à un Hollywood envahissant. Sorti en Russie le week-end dernier afin de coïncider avec la commémoration de l'Armistice de 1945, il a coûté 55 millions de $ (un record dans ce pays), principalement financé par les fonds alloués à la célébration de ce 65e anniversaire. Malin. Film à la gloire de Staline, les critiques l'ont incendié. Et malgré ses 1 000 copies, il n'a récolté que 3,7 millions de $ au box office. Un score très faible (trois à cinq fois moins qu'un blockbuster hollywoodien) par rapport aux attentes (le distributeur espérait un box office final aux alentours de 20 millions de $). D'autant que, pour élargir l'audience, les billets sont bradés.

Il reste à attendre l'accueil cannois pour être fixé sur cette oeuvre. Surtout, l'ambiance au Pavillon Russe sera une bonne manière de voir si le cinéma Russe est redevenu soviétique ... ou s'il maintient un semblant d'apparence démocratique.

Le Syndicat français de la critique cinéma récompense trois film cannois

Posté par vincy, le 9 février 2010

Cette année, il y a une forme de consensus. Ce sont toujours les mêmes films qui gagnent. Les prix du Syndicat français de la critique cinéma n'ont pas échappé à la règle : Meilleur film français? Un prophète. Meilleur film étranger? Le ruban Blanc. Meilleur premier film français? Adieu Gary.

Tous les trois étaient sélectionnés à Cannes, ont été primés sur la Croisette. Adieu Gary fut, de loin, la pépite de la semaine de la critique.

Le Syndicat a aussi primé L'autre (Meilleur film singulier) et Mei Ling (Meilleur court métrage). La Journée de la jupe a reçu les honneurs de la Meilleure fiction TV.

Côté DVD, Hunger a été élu Meilleur du genre. Le Coffret Mikhlakov a gagné celui de sa catégorie. Enfin pour le Patrimoine, Les Vacances de Monsieur Hulot ont flegmatiquement repoussé la concurrence.

Quatre livres sur le cinéma ont été récompensés : Hollywood classique, le temps des géants, de Pierre Berthomieu (Meilleur livre français), Tambour battant, de Volker Schlöndorff et Bric-à-brac, du cachemar réel au réalisme magique, de Lucian Pintilie (Meilleur livre étranger exaequo) et L'antiquité au cinéma, d'Hervé Dumont (Meilleur album).

Un état du monde grâce au cinéma: Haïti, Russie, Corée, Iran…

Posté par vincy, le 28 janvier 2010

etatdumonde.jpgPour conclure notre partenariat avec Courrier International, évoquons le 2e Festival Un état du monde ... et du cinéma. Il a lieu au Forum des images à Paris, du 29 janvier au 7 février. Cette année, il est parrainé par Jacques Attali et le réalisateur haïtien, ancien Ministre de la culture de son pays, et nouveau Président de la Fémis, Raoul Peck.

Faisant le lien entre cinéma et politique, société, peuples, cette manifestation mélange les regards du monde : Jeon Soo-il, Nikita Mokhalkov, Claire Denis, Merzak Allouache, Hana Makhmalbaf, Michel Ciment, Florence Aubenas, William Karel...

Dix avant-premières rempliront chacune des dix soirées : White Material en ouverture, puis 12, le remake russe de 12 hommes en colèreThe Messenger, Himalaya, Moloch Tropical, qui lui s'inspire du Moloch de Sokourov, Lola, le nouveau Mendoza, Harragas, Bassidji, Pepetuum Mobile et Téhéran.

Deux grands thèmes traverseront la programmation. Corée : bouleversement d'une identité avec en plus une table ronde, "Corée, singulier ou pluriel?" le 6 février. Des films peu connus de l'avant-garde cinématographique décriront une Corée inédite, en pleine mutation, entre tradition et modernité. Parallèlement, Le retour du religieux? posera aussi la question identitaire, et cet équilibre préilleux entre valeurs ancestrales et monde contemporain complexe. Avec des films de Chahine, Darabont, Reygadas et Makhmalbaf, on fera le tour du monde et des cultes.

Le festival organise aussi une rétrospective Raoul Peck , une rencontre avec Nikita Mikhalkov et un Focus sur l'Iran. Manière de mettre en avant trois destins qui nous concernent au premier plan ces temps-ci : Haïti, la Russie de Poutine, la rébellion contre le régime de Téhéran.  Quatre films réalisés ces derniers mois débarqueront en avant-première en Frnce, avec la possibilité de discuter avec leurs auteurs.

Le cinéma ne sera pas oublié avec un bilan 2009 en cinq conférences. La désobéissance, la crise, la planète écologique, la prison seront ainsi analysées et commentées grâce à un 7e art qui a témoigné de ces enjeux.

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Site officiel Forum des Images

Karlovy Vary prime le Danois Henrik Ruben Genz

Posté par vincy, le 13 juillet 2008

Le plus grand festival de cinéma d’Europe de l’Est, Karlovy Vary, en République Tchèque, a récompensé le film danois Terriblement heureux, de Henrik Ruben Genz. Il a par ailleurs reçu le prix de la critique et le prix du jury oecuménique. Ce dernier a déjà été nommé à l’Oscar du meilleur court métrage en 2000. Ces précédents longs métrages ont souvent été primés dans différents festivals. A surveiller, donc.
Autres « prix cristal » : Le photographe (Nan Trivenu Achnas, Indonésie), prix spécial du jury ; Aleksei Uchitel (Captif, Russie), meilleur réalisateur ; Jiri Madl et Martha Issova (Chouettes nocturnes, République Tchèque), prix d’interprétations ; 12 (Nikita Mikhalkov, Russie), prix du public.
Cette 43e édition a réuni près de 145 000 spectateurs.