Vesoul 2017 : coup de projecteur sur le cinéma du Sri Lanka

Posté par kristofy, le 13 février 2017

© michel mollaret - ficaLe Festival des Cinémas d’Asie de Vesoul est l'un des rares évènements qui propose des rétrospectives d'envergure sur des cinématographies rares et méconnues, comme le Laos par exemple. Pour cette édition 2017, ce sont les films du Sri Lanka qui ont été retrouvés et qui nous sont révélés, soit 13 films rares (certains jamais montrés en Europe) qui s'étalent sur la période de 1956 à nos jours.

Le Sri Lanka, comme d’autres pays d’ailleurs, n’a pas une organisation systématique d’archivage et de conservation de ses films de patrimoine (comme la Cinémathèque et le CNC en France…), surtout pour ceux d’avant l’an 2000. Après leur courte exploitation commerciale les bobines ou copies de films sont simplement laissées de côté et abimées ou détruites. Le Sri Lanka ayant, de plus, connu environ 25 années de guerre civile (entre les communautés Cinghalaise et Tamoule), quantité de films ont disparu...

Outre ces films, cette rétrospective inédite « Les Maîtres du cinéma sri-lankais » est complétée par bon nombre de films rares retrouvés là-bas qui n'avaient pas été projetés depuis longtemps, pas même dans la capitale du pays, Colombo. C’est la première fois qu’un tel panorama cinématographique est offert. Cette sélection couvre donc plusieurs décennies de cinéma mais aussi plusieurs régions et plusieurs communautés: les images de certains films sont même la seule archive visuelle d’un mode de vie de certains endroits avant la guerre.

C’est le FICA qui s’est déplacé sur place pour un travail de recherche en allant à la rencontre de passionnés de cinéma, et de cinéastes, dont certains sont à Vesoul. Il y a eu notamment des échanges avec Lester James Peries, considéré comme le ‘père’ du cinéma Skrilankais (97 ans) et sa compagne, également réalisatrice, Sumitra Peries (82 ans).
Prasanna Vithanage est plutôt revenu à Vesoul pour y présenter un film inédit. Il est le réalisateur actuel en vogue avec deux de ses films qui ont déjà été en compétition au FICA : Flowers of the sky en 2009 (mention spéciale d’un jury) et With you, without you en 2013 (Cyclo d’or).

Swarna  Mallawarachchi est elle aussi venue à Vesoul pour plusieurs de ses films : c'est l'actrice la plus récompensée du cinéma Skrilankais avec 26 prix d’interprétation durant sa carrière longue de cinq décennies, dont un Cyclo d’or d’honneur qui lui a été décerné lors de la cérémonie d'ouverture cette année. Quatre films dont elle est l'héroïne sont à découvrir grâce au FICA de Vesoul :

  • Yonger sister (Ponmani), (1978) de Dharmasena Pathiraja (avec Swarna Mallawarachchi) : c’est un réalisateur Cinghalais qui raconte un histoire sur les Tamouls, une démarche qui était rare en 1978, avant la guerre. On découvre qu’une jeune fille cadette de sa famille ne peut pas espérer un mariage tant que sa sœur ainée ne soit elle mariée. La jeune femme doit donner de l’argent pour le mariage (à l’inverse du principe de la dote ailleurs). Complication supplémentaire : la cadette est amoureuse d'un pêcheur, donc de classe sociale inférieure... Un dialogue du film est particulièrement osé et revendicatif pour l'époque : "les gens devraient avoir le droit d'aimer qui ils veulent".
  • A letter written on the sand, (1988) de Sumitra Peries (avec Swarna Mallawarachchi) : film d’une femme réalisatrice (quasiment la seule...) : Sumitra Peries. Avec ce film l'actrice Swarna Mallawarachchi a gagné 4 prix d’interprétation. Une femme élève seule son petit garçon depuis que son mari est décédé, mais elle ne peut plus faire face. Son appel à l'aide et à la solidarité sera dramatiquement ignoré, sauf par un homme du voisinage dont l'épouse est très jalouse...
  • Seven seas, (1967) de Siri Gunasinghe (avec Swarna Mallawarachchi) : le premier film majeur de cette actrice alors qu'elle n'avait même pas vingt ans. Contrairement aux conventions de l’époque (influencées par les films indiens) où il y avait plusieurs moment chantés joyeux, on y remarque l’utilisation d’une chanson triste. Un pêcheur au quotidien rude va vivre un dilemme insoluble : quitter sa maison et sa mère, là où il est depuis toujours, pour suivre sa femme originaire d'une autre communauté et malheureuse ici, ou rester au risque que sa femme s'en aille...
  • The hunt, (1983) de Vasantha Obeysekere (avec Swarna Mallawarachchi ) : l'histoire inspirée d’un fait divers qui avait fait la une des journaux à cause de son issue tragique. Une femme étant tombée enceinte est à la recherche de l’homme avec qui elle avait eu une liaison : celui-ci lui a menti sur son identité et n’est guère disposé à se marier avec elle malgré sa promesse. Elle va le presser d’envisager tout de même un mariage tandis que lui cherche à y échapper...

Trois autres films

Walls within, (1997) de Prasanna Vithanage : Un individu contre un système, ici la religion catholique. Alors qu’elle se prépare à ce que ses deux grandes filles soient mariées et deviennent à leur tout mère de famille, une femme retrouve un amour de jeunesse perdu de vue depuis plus de vingt ans et s’attache à lui : ce qui est très mal vu par ses proches et en particulier du côté du futur fiancé de sa fille cadette.  Est-il concevable pour une mère de famille de se retrouver encore enceinte alors que sa fille espère bientôt se marier ? Aux yeux de tous c'est un pêché inqualifiable...

Line of destiny, (1956) de Lester James Peries : c'est le film emblématique d'une balise de la naissance du cinéma skri-lankais, le premier film de Lester James Peries (qui en fera 19) et qui fût d’ailleurs sélectionné au Festival de Cannes en 1957 ! Il vient d’être restauré et présenté en première dans la capitale à Colombo quelques jours avant d’arriver dans les salles du FICA de Vesoul. Ce film est symbolique car il se détache de plusieurs conventions de l’époque : il n'y a pas vraiment de séquences musicales (l'ingrédient qui attirait le public), et la (lourde) caméra était portée à l’extérieur d’un studio (simultanément à la Nouvelle Vague en France). Un petit garçon, fils d’un pickpocket, se retrouve dans une situation où on pourrait croire qu’avec sa main il a permis à une petite fille aveugle de recouvrer la vue : un ‘miracle’ qui va être bientôt monnayé à un riche notable avec une conséquence dramatique. Comme une fable, avec un humour à la fois réaliste et ironique que n’aurait pas renié Bunuel, ce petit garçon (exploité par son père) va être célébré puis maudit…

This is my moon, (2000) de Asoka Handagama : il aborde la guerre civile du point de vue d’un village reculé en campagne : s’engager comme militaire semble être la chose à faire pour séduire une fille et pour faire gagner à sa famille un belle prime en cas de décès. L’histoire débute sur un champs de bataille où les tirs sont entendus hors-champs depuis un remblais et d'où un soldat Cinghalaise voit surgir une jeune femme Tamoule : après deux nuits elle va le suivre... Celui-ci revient dans dans son village avec elle (représentant le camp ennemi). Elle se découvrira enceinte depuis son viol et déterminée à rester avec lui : ce qui perturbe sa famille et sa future promise…

Les blockbusters et films cultes de Universal réunis sous un même label

Posté par vincy, le 8 juillet 2016

La filiale de distribution française de Universal va lancer le label Universal Vintage afin de valoriser son catalogue de blockbusters et de films cultes. Lors de la convention française Studio Show, le studio a annoncé vouloir regrouper ses films "classiques", de 1970 à aujourd'hui afin de leur offrir une meilleure visibilité.

Les dents de la mer, E.T. l'extraterrestre, Jurassic Park, mais aussi Breakfast club, Coraline, Eternal sunshine of the Spotless Mind, Apollo 13 ou encore Trainspotting sont numérisés ou en cours de numérisation afin de pouvoir les ressortir en salles. L'objectif est de faire de ces ressorties un événement, à l'image de ce que le studio a fait avec la trilogie Retour vers le futur l'an dernier pour célébrer la fameuse date du 21 octobre 2015 qui apparaissait dans le film de Robert Zemeckis.

Cette exploitation du patrimoine, qui autrefois se contentait du DVD (mais le marché de la vidéo est sinistré) est devenu dynamique depuis la création de festivals dédiés (Cinémathèque française, Institut Lumière, FIFC) et de salles spécialisées comme Les Fauvettes ou la Fondation Pathé.

Toy Story, Wong Kar-wai, Retour vers le futur au programme du nouveau cinéma Les Fauvettes

Posté par vincy, le 6 novembre 2015

Les Fauvettes a eu quelques mois de retard. Mais cette fois-ci c'est la bonne. Le cinéma parisien exploité par Gaumont Pathé ouvre aujourd'hui, vendredi 6 novembre.

Avec 5 salles (641 fauteuils) entièrement dédiées aux films restaurés et un bar dans un patio végétal, le complexe remplace l'ancien Gaumont Gobelins (XIIIe arrondissement) à quelques pas de la nouvelle Fondation Pathé. Deux façades numériques animées, sur lesquelles défileront des images de films pixellisées, marquent sa présence sur l'avenue parisienne.

Les Fauvettes n'a rien à voir avec une cinémathèque et ne projettera pas uniquement des films du catalogue Pathé. C'est un lieu de rendez-vous "amoureux" entre les cinéphiles et le cinéma classique ou populaire, en version originale, restauré numériquement. Le concept est unique au monde selon Jérôme Seydoux, co-président de Pathé.
Les copies restaurées attirent de plus en plus de spectateurs dans les salles mais aussi dans les Festivals (certains y consacrent même des sections). C'est une manière d'accompagner une sortie DVD/Blu-Ray lorsqu'un classique a bénéficié du lifting numérique. Là il s'agira d'aller voir ou revoir un film dans des conditions optimales.

Et le programme s'annonce éclectique: la trilogie Retour vers le futur, Top Gun en 3D, Casino, Blade Runner (final cut), Le conformiste, un cycle Toy Story pour amorcer une rétrospective intégrale de Pixar, Le Corniaud, avec Danièle Thompson en invitée spéciale, Jusqu'au bout du monde, avec son réalisateur Wim Wenders ou The Blues Brothers en présence de John Landis. On pourra aussi voir les premiers films de Wong Kar Wai en version restaurée (Chungking Express, Les anges déchus, Happy Together, Nos années sauvages) et même Skyfall!

A l'origine, en 1900, La Fauvette est une salle de bal puis un café-concert où l'on diffuse des films, comme Le Voyage dans la Lune de Méliès. Il faut attendre 1937 pour que le lieu devienne un cinéma de 1000 laces, avec balcon. En 1972, La Fauvette et le Ciné-Théâtre des Gobelins fusionnent. Dans les années 80, on ajoute deux salles, puis on divise la grande salle en 3. Et finalement ce cinéma de 5 salles change de nom en 1992. Le Gaumont Gobelins est né. Jusqu'à aujourd'hui, où Les Fauvettes va retrouver son enseigne et se met au pluriel.

Festival Lumière – Jour 2 : le Bubby de Rolf De Heer et le King de Martin Scorsese

Posté par Morgane, le 14 octobre 2015

Deuxième jour du festival Lumière à Lyon. De l'Australie à New York, on se dépayse en quelques heures.

Bubby le bad boy australien

Aujourd'hui direction la salle obscure du Cinéma Opéra pour découvrir Bad Boy Bubby (1993) de Rolf De Heer présenté ici en avant-première avant sa ressortie en salles le 11 novembre prochain. Le pitch attire, intrigue (un enfant sauvage de 35 ans, enfermé depuis sa naissance, fait pour la première fois l'expérience du monde extérieur…), tout comme la bande-annonce.

Rolf De Heer est là en personne, fraîchement débarqué de Tasmanie, pour nous présenter son film. Il a aussi inauguré sa plaque rue du Premier Film hier après-midi. C'est un cinéaste australien majeur. Il réalise des films très politiques, abordant notamment la thématique aborigène - The Tracker, 10 canoës, 150 lances et 3 épouses et Charlie's Country. Les deux derniers ayant été présentés et primés à Cannes dans la section Un Certain Regard. Son travail a donc marqué l'Histoire du cinéma australien de par ses thématiques qui font encore polémique dans les débats nationaux (la politique, les aborigènes, les marginaux…).

Ce film a été tourné à Adelaide il y a de cela 23 ans et l'on peut noter une anecdote peu commune : il y a eu 32 directeurs de la photographie sur ce film. Pourquoi? Rolf De Heer nous explique: "C'est compliqué! Quand j'ai commencé à travailler sur ce film, 11 ans avant de le faire, je pensais que ce serait mon tout premier film et je n'avais donc aucune attente en ce qui concernait le financement. Je pensais alors devoir tourner les week-end et travailler la semaine pour le financer. Je pensais également qu'il faudrait deux ou trois ans pour filmer et le problème serait que je ne pourrai pas garder la même équipe aussi longtemps. J'ai alors résolu ce problème dans le script même. J'ai enfermé mon personnage!!! J'ai retiré tout l'extérieur pendant 35 ans. Une fois libéré, tout ce qu'il voit, il le voit pour la première fois et ça pouvait donc ressembler à n'importe quoi. J'ai alors eu l'idée de prendre un chef opérateur différent pour chaque lieu que Bubby va découvrir.

Mais 11 ans plus tard, Bad Boy Bubby est en réalité le quatrième film que je réalise. On a un budget correct et je peux donc filmer en une seule fois. Mais j'ai conçu le film avec l'idée de tous ces chefs opérateurs alors je décide quand même de le faire ainsi. Ce qui s'est avéré une belle idée avec trois résultats inattendus : On ne voit pas qu'il y a 32 directeurs de la photographie différents. À chaque nouveau chef opérateur une nouvelle et terrible énergie émergeait! Et avec cette idée, les financeurs nous prenaient pour des dingues et nous ont donc foutu la paix durant le tournage!"

Quant au côté culte de son film, y avait-il pensé? "Non. La réussite de ce film est quelque chose de très inattendu. C'est le public qui fait d'un film un film culte!" Le film a gagné 4 "Oscars" australiens (dont meilleur réalisateur, meilleur scénario et meilleur acteur) et trois prix à Venise (Grand prix spécial du jury, Prix FIPRESCI)?

"Bubby, pas fait pour l'extérieur"

Rolf De Heer nous souhaite donc une bonne projection, les lumières s'éteignent et l'on plonge au coeur de cette expérience peu banale. Dès les premières images le spectateur est happé par cet univers glauque dans lequel Bubby est enfermé par sa mère depuis 35 ans. Une unique pièce sombre, des cafards qui rasent les murs, un chat martyrisé, une relation mère/fils plus qu'incestueuse, le décor est posé et on sait d'ores et déjà que ce film ne nous laissera pas indifférent.

Puis le monde de Bubby s'élargit quand il finit par sortir de sa prison mais l'univers qu'il découvre n'en est pas moins sordide et absurde. Le film oscillant entre folie et scènes totalement surréalistes est tout à la fois dérangeant et émouvant. Les quelques longueurs que l'on peut éprouver dans la deuxième partie du film ne lui retire pas son côté ovni qui nous met une bonne claque. Bad Boy Bubby appartient à ses films qui marquent, qui dérangent et dont on ressort soulagés qu'il soit fini tout en étant à la fois fascinés…

Scorsese et sa Valse des pantins

Le temps de prendre l'air quelques minutes et on replonge de suite dans la salle du Cinéma Opéra pour découvrir cette fois la Valse des pantins (The King of Comedy, 1982) de Martin Scorsese.

C'est Delphine Gleize, réalisatrice notamment de La permission de minuit avec Vincent Lindon, qui vient présenter le film.

Elle nous explique qu'à sa sortie le film avait été un échec commercial car, comparé à Raging Bull, film précédent du réalisateur, celui-ci apparaît trop classique. Le film est alors soutenu par la presse mais boudé par le public. Pourtant le film, sélectionné en compétition à Cannes, a reçu le prix du scénario aux British Awards et le titre de meilleur film de l'année par les Critiques de cinéma de Londres.

Selon elle, il y a dans ce film "trois grands numéros d'acteurs : Robert De Niro, Jerry Lewis et la révélation du film, Sandra Bernhard, mélange de Mick Jagger et Courtney Love, qui est l'incarnation même du corps de l'acteur qui parle. Elle est fascinante et traduit à elle seule la folie du New York du tout début des années 80."

"Mieux vaut être Roi d'un soir que Charlot toute sa vie"

L'ambiance est ici un peu plus détendue que dans Bad Boy Bubby même si le thème de la folie y est également abordé.

Robert De Niro y campe Rupert Pupkin (alias The King) dans un rôle bien loin de ceux qu'il a tenu jusqu'alors dans les films de Scorsese (Mean Streets, Taxi Driver, New York, New York ou encore Raging Bull). Il est ici un comique, adorateur de Jerry Langford (Jerry Lewis), star du stand-up, prêt à tout pour percer. À tel point que son obsession tourne réellement à la folie.

Martin Scorsese aborde son sujet sous l'angle de la comédie mais celle-ci est noire. On ne sait parfois si l'on doit rire ou pleurer, aussi amusés que attristés par ce personnage de comique. Ce film donne l'occasion à Scorsese de montrer une autre facette du New York fou des années 80... Comme une suite à New York, New York. Il porte là un regard cruel sur le monde du show-business. Et encore une fois, plus dure sera la chute pour celui qui s'approchera trop du soleil...

Le convoi de la peur: un tournage d’enfer et une restauration éclatante

Posté par vincy, le 4 août 2015

La sortie de la reprise restaurée de Sorcerer aka Le Convoi de la peur mérite d'être soulignée. Ce film de William Friedkin, méconnu, pour ne pas dire oublié, est un bijou dans son genre. Adaptation du roman de Georges Arnaud, Le salaire de la peur, qui a donné l'excellent film d'Henri-Georges Clouzot (Palme d'or ET Ours d'or en 1953), Le Convoi de la peur est une oeuvre scindé en trois parties presque distinctes: la présentation de quatre "criminels" au Mexique, à Jérusalem, à Paris et dans le New Jersey que rien ne relie a priori ; le quotidien de ces quatre hommes dans un pays d'Amérique latine où la dictature militaire et l'exploitation des gisements de pétrole par une compagnie étrangère dictent leur loi ; le périple dangereux des quatre hommes à bord de deux camions pour transporter de la nitroglycérine sur 300 kilomètres.

Le Convoi de la peur c'est donc l'itinéraire de quatre "mercenaires" prêts à tout pour se casser du trou paumé où ils ont fuit leur passé: Roy Scheider, Bruno Cremer, Francisco Rabal et Amidou. Le premier a participé à un braquage qui a mal tourné et devient la cible de la mafia new yorkaise, à ses trousses. Le deuxième a ruiné son entreprise et ne peut pas échappé aux poursuites pénales. Le troisième a tué de sang froid un homme. Le quatrième est responsable d'un attentat meurtrier. Cremer et Amidou d'un côté, Scheider et Rabal de l'autre vont rivaliser pour amener la matière explosive et instable à travers une jungle hostile, avec en récompense un paquet de cash qui peut les amener vers la liberté.

Un casting démissionnaire

Nous sommes en 1975 quand William Friedkin songe à ce film. Il vient d'enchaîner deux énormes succès, French Connection et L'Exorciste. Il a deux films en tête: Le Triangle des Bermudes et Le convoi de la peur, dont le scénario sera écrit en quatre mois. Avec le scénariste Walon Green (La horde sauvage), il cherche à se détacher du roman, en mélangeant le film de genre avec un style littéraire proprement sud-américain, le réalisme magique (Cent ans de solitude de Gabriel Garcia Marquez est alors l'un des livres les plus lus dans le monde depuis sa parution en 1967). Clouzot a accepté, sans enthousiasme, de lui céder les droits cinématographiques.

Le film coute cher (tournage en Israël, à Paris, à New York et en Equateur), il faut donc des stars. Friedkin veut Steve McQueen, Lino Ventura, Marcello Mastroianni et Amidou. Le script est écrit pour eux. Rien ne va se passer comme il le faut. McQueen finalement se rétracte.  Il vient d'épouser Ali MacGraw et ne souhaite pas passer des mois à l'étranger, à moins qu'elle n'ait un rôle dans le film. .

La production craint un tournage coûteux, avec ses prologues aux quatre coins de la terre et son action principale perdue en Equateur, mais aussi dangereux : « Tu te feras assassiner, ton équipe se fera assassiner, et personne ne voudra assurer ton film », le prévient Lew Wasserman, exécutif d’Universal alors qu’une guerre civile éclate dans le pays. Friedkin refuse, et avouera plus tard qu'il avait tort. Suite à cette désaffection, Ventura commence à émettre quelques doutes. Ils seront renforcés quand Marcello Mastroianni décline finalement l'offre. Catherine Deneuve, alors compagne de l'acteur italien, vient de mettre au monde leur fille Chiara. Hors de question que la famille aille vivre en Equateur, alors que le pays plonge dans une guerre civile sous l'emprise d'une dictature militaire. Le château de carte s'écroule. Robert Mitchum ne veut pas plus aller se morfondre dans la jungle équatoriale.

Apocalypse Now aux Antilles

Mais pour 12 millions de $ de l'époque, il faut de la star. Et un partenaire. Le Convoi de la peur va ainsi être coproduit par Universal et Paramount, un premier cas exceptionnel dans l'Histoire (et qui sera un modèle pour les années 2000). Petite ironie de l'histoire, la Paramount appartient alors à un énorme conglomérat pétro-chimique, Gulf+Western, qui a des sites en République dominicaine. Et voilà que le dangereux Equateur disparaît de la production pour être remplacé par une île des Antilles.

Roy Scheider est alors proposé par Universal. Mais l'acteur se souvient que Friedkin ne l'avait pas enrôlé pour L'Exorciste. Il accepte sans joie. Lino Ventura abandonne alors le navire, remplacé par Cremer, totalement inconnu hors de France.  Et Rabal complète alors l'affiche.

Sorcerer, titre original du film, est finalement une prophétie qui s'annonce juste. Un sale sortilège.  Le cinéaste est réputé colérique et perfectionniste. l'ambiance est insupportable. De nombreux producteurs exécutifs et collaborateurs sont évincés ou se cassent du tournage: épuisement, malaria, drogue, etc.... La lumière changeante des tropiques rallongent les jours de productions pour que le cinéaste obtienne une continuité lumineuse. Rien que la scène sur le pont branlant au dessus des rapides demande trois mois de prises de vue chaque matin avec des camions qui ne cessent de tomber à chaque prise. Et finalement, elle sera faite au Mexique. Le budget double quasiment: 22,5 millions de $ au final.

Star Wars l'éclipse

« Ce film devait être mon chef-d’œuvre. J’avais l’impression que tous mes autres films n’avaient été qu’une préparation de celui-ci » confie Friedkin dans ses mémoires. « J’étais devenu comme Fitzcarraldo, l’homme qui veut construire un opéra dans la jungle brésilienne », résume-t-il. La folie emporte ceux qui reste. Friedkin, au passage, perd 25 kilos, atteint de malaria et sombre en dépression.

Mais au final, tout le monde est satisfait du résultat. Manque de chance, les critiques ne sont pas du même avis et le public ne suit pas. Il faut dire que depuis une semaine un certain Star Wars est sur les écrans.

Pour le réalisateur, point de doute: c'est son meilleur film. Et la version restaurée permet de revoir ou découvrir ce qui, en effet, est un grand film.

Hybride, audacieux: le film est un choc

Le Convoi de la peur est à la fois une oeuvre politique et un film sous haute tension, un récit humain désespéré et une aventure sans issue. Friedkin s'amuse aussi bien avec les genres qu'avec le rythme. La première partie est tournée comme un thriller d'espionnage international avec ses quatre séquences d'ouverture qui justifient l'exil des personnages. L'atmosphère est très "seventies" mais avec un attentat terroriste, une course poursuite qui finit mal, une meurtre de sang froid et un suicide brutal. L'ellipse est maligne. Sans transition, le scénario nous immerge directement, en deuxième partie, dans un pays sud-américain, pauvre. Peu importe comment ces quatre maudits sont arrivés là. Ils y (sur)vivent. Friedkin décrit alors la vie dans un bout du monde où militaires et polices font la Loi, où une multinationale exploite le pétrole et le peuple pour enrichir ses actionnaires et le régime. C'est une partie de transition qui est à la fois une critique virulente d'un nouveau colonialisme et d'un lien étroit et malsain entre le capitalisme et l'autorité. C'est aussi le prétexte de réunir les quatre hommes. Sans qu'il y ait beaucoup d'action, le cinéaste impose une sorte d'atmosphère pesante, où tous étouffent dans leur prison à ciel ouvert, loin de chez eux. On comprend alors très bien l'aspiration de chacun: se barrer de ce cloaque. Retrouver une forme de liberté, à défaut de retrouver leur honneur, leurs proches ou leur vie d'avant. Ils sont piégés.

Et s'ouvre alors le troisième chapitre, au petit matin, avec deux camions, Lazarus et Sorcerer. Jusque là le film était un brillant exercice de style, assez audacieux, avec une narration peu classique, se laissant le temps de présenter ses personnages, leurs motifs, et leur psychologie, et ce, sans trop de dialogues. A partir de là, on change de registre: 300 kilomètres sur des routes de montagnes périlleuses (avec éboulements et piste friable) et de jungle répulsive (arbre gigantesque en travers de la route, pont branlant tenant par quelques cordes). Le spectateur est rapidement scotché. Pas besoin d'effets numériques: le bon vieux cinéma est affaire de montage et de musique (ici, celle de Tangerine Dream, avec ses accentuations électro typiques de l'époque est angoissante à souhait). Nous sommes à leurs côtés, dans leur galère. Et la fameuse séquence du pont à cordes, sous des tornades de pluie (artificielle) est un monument en soi: Friedkin multiplie par deux la scène avec pour chacun des camions, leur enjeu dramatique et leur morceau de bravoure.

De manière sensationnelle, Le Convoi de la peur s'amène alors vers l'épilogue. Des quatre hommes, il n'en restera qu'un. Mort accidentelle, d'autant plus bête après ce qu'ils ont traversé, folie quasiment hallucinogène. Le dernier tronçon de route, dans un cadre lunaire et fantasmagorique, est saisissant. La traversée des enfers où les morts rodent tels des fantômes. Tous sont atteint. Et même le survivant n'aura que peu de répit. La conclusion est hors-champs. Mais on devine la cruauté de la situation. Sans issue.

Le Convoi de mort est arrivé à destination.

Cannes Classics 2015 : Rocco et ses frères de Luchino Visconti (1960)

Posté par vincy, le 17 mai 2015

Voici un grand classique du cinéma européen qui sera présenté ce soir au Festival de Cannes dans le cadre de Cannes Classics: Rocco et ses frères, en version longue inédite et restaurée. Luchino Visconti a imaginé l'histoire à la fin des années 50, alors que les Italiens du sud fuyaient vers le nord du pays pour trouver du travail, notamment en lisant Le Christ s'est arrêté à Eboli de Carlo Levi. Avec ce contexte très réaliste, le cinéaste, qui sera quelques années plus tard Palme d'or à Cannes pour Le Guépard, traverse les grands thèmes de sa filmographie - la passion, la famille, la jalousie, la sexualité, la loyauté, le péché, le pardon, les luttes de classe... - en réalisant un film noir, quasiment religieux, dont les contrastes sont accentués et même sublimés par le chef opérateur Giuseppe Rotunno.

Rocco et ses frères est l'histoire de cinq frères qui tentent de s'intégrer à la vie urbaine. Deux d'entre eux vont convoiter la même femme, une prostituée, Nadia. C'est sans doute ce personnage féminin qui nous hante encore 55 ans après sa présentation au Festival de Venise, incarné par la toute jeune Annie Girardot, dont c'est le premier "grand" film, plus connue pour ses performances au théâtre (c'est d'ailleurs à la Comédie Française que Visconti l'a repérée avant de la dirigée sur scène en 1958). Pourtant Visconti a eu toutes les peines du monde à convaincre ses producteurs de l'enrôler, au point de changer de financier. Magnétique et mélancolique, angoissé et fascinant, le visage de Girardot envahit longtemps nos mémoires, et pas seulement à cause du destin tragique qui l'attend.

Evidemment, il ne faut pas oublier les cinq frères: Spiros Focas, Max Cartier, Rocco Vidolazzi, Renato Salvatori et Alain Delon. Un quintet d'hommes bruns, beaux et très différents. Delon (qui interprète Rocco, prénom choisi en référence au poète italien Rocco Scotellaro) est alors d'une beauté renversante, explosant de sensualité, à la fois candide et romantique, incandescent et charmeur, capable de répondre aux violences des situations (où la boxe joue un rôle essentiel pour illustrer la brutalité de l'époque). Il n'est pas encore la star qu'il va devenir. Il est la face lumineuse d'un groupe où les caractères sont affirmés (et d'ailleurs écrits chacun par différents scénaristes): Vincenzo, le frère aîné calme, et marié à une jolie fille interprétée par Claudia Cardinale (On y croise aussi Roger Hanin, dont on devine l'homosexualité, et Nino Castelnuovo futur vedette des Parapluies de Cherbourg), Ciro, l'étudiant qui s'adapte le plus à Milan, le lien entre tous les frères, le jeune Luca et Simone, le boxeur et rival de Rocco, qui va commettre l'irréparable. Simone est incarné par Renato Salvatori, réputé impulsif et bagarreur, qualités idoines pour le personnage. Au point de faire peur à Girardot quand il doit la poignarder pour les besoins de la scène.

Les damnés

Il faut dire que Visconti n'avait pas son pareil pour manipuler ses comédiens et obtenir d'eux ce qu'il voulait. Ainsi, pour que la rivalité entre Delon et Salvatori soit parfaitement perceptible à l'écran, il n'a pas hésité à choyer le comédien français pour rendre jaloux l'italien.

En plus de trois heures, Rocco et ses frères, comme toujours chez Visconti, propose différentes lectures de la société, des liens familiaux et de la nature humaine, rongée souvent pas de mauvaises pensées, une violence tantôt étouffée ou bien réelle (la séquence du viol subira une remarque de la censure). Le portrait assez négatif d'une Italie en mutation, pas vraiment relevée de l'après-guerre, entrant dans l'ère urbaine, sert d'arrière plan à un tableau parfois sombre, mais jamais désespérant, d'un groupe d'individus dont les liens du sang ne suffisent pas à protéger les âmes damnées qui choisissent le mauvais camp. Et puis on peut aussi vouloir le revoir pour se damner de ces beaux mâles et revoir le génie subtil d'Annie Girardot.

Cannes 2015: copies restaurées, inédits, hommages et docus à Cannes Classics

Posté par redaction, le 29 avril 2015

C'était la sélection manquante. Et le Festival de Cannes a réservé un feu d'artifice avant l'heure avec la révélation des films diffusés dans le cadre de Cannes Classics: Welles, Costa-Gravras, un inédit d'Oliveira, Schroeder, mais aussi Spielberg, Cameron, Molinaro, Kurosawa, Pagnol, Widerberg, Singer... De la plage à la Salle Bunuel, il y en aura pour tous les cinéphiles.

Invité d’honneur : COSTA-GAVRAS

Z (1968), Palme d'or

Les documentaires sur le cinéma

• Hitchcock/Truffaut de Kent Jones (2015)

• Depardieu grandeur nature de Richard Melloul (2014)

• Steve McQueen: The Man & Le Mans de Gabriel Clarke et John McKenna (2015)

• By Sidney Lumet de Nancy Buirski (2015)

Harold and Lilian : a Hollywood love story de Daniel Raim (2015)

Hommage : Ingrid Bergman

• Jag Är Ingrid (Je suis Ingrid/Ingrid Bergman, in Her Own Words) de Stig Björkman (2015)

Célébration des soixante ans de la création de la Palme d’or

La Légende de la Palme d’or (The Golden Palm's Legend) d’Alexis Veller (2015) >

Centenaire Orson Welles

Citizen Kane d’Orson Welles (1941)

The Third Man (Le Troisième homme) de Carol Reed (1949), Grand Prix du Festival

The Lady from Shanghai (La Dame de Shanghai) d’Orson Welles (1948)

Orson Welles, Autopsie d’une légende d’Elisabeth Kapnist (2015)

This Is Orson Welles de Clara et Julia Kuperberg (2015)

Barbet Schroeder

More de Barbet Schroeder (1969)

Le film suivra la projection de Amnesia (2015, 1h36) sélectionné en Séance spéciale.

Hommage à Manoel de Oliveira

Visita ou Memórias e Confissões (1982). Film posthume totalement inédit.

Lumière !
À l'occasion de la célébration des 120 ans de la naissance du Cinématographe Lumière, projection d'un montage de films Lumière dans le Grand Théâtre… Lumière.

Copies restaurées

• Rocco e i suoi fratelli (Rocco and His Brothers/Rocco et ses frères) de Luchino Visconti (1960)

Les Yeux brûlés de Laurent Roth (1986)

Ascenseur pour l’échafaud de Louis Malle (1958)

La Noire de… (Black Girl) de Ousmane Sembène (1966)
et le documentaire SEMBENE! de Samba Gadjigo et Jason Silverman (2015)

Insiang de Lino Brocka (1976), premier long métrage philippin à être présenté à Cannes.

Sur (The South/Le Sud) de Fernando Solanas (1988)

Zangiku Monogatari (The Story of the Last Chrysanthemum/Le Conte du chrysanthème tardif) de Kenji Mizoguchi (1939)

Jingi Naki Tatakai (Battles without Honor and Humanity aka Yakusa Paper/Combat sans code d’honneur) de Kinji Fukasaku (1973)

Szegénylegények (The Round-Up/Les Sans espoir) de Miklós Jancsó (1965, 1h28)

Les Ordres (Orderers) de Michel Brault (1974)

Panique de Julien Duvivier (1946)

Xia Nu (??/A Touch of Zen) de King Hu (1973), premier film taïwanais au Festival de Cannes et premier film en langue mandarin à y être présenté.

Dobro Pozhalovat, Ili Postoronnim Vkhod Vospreshchen (Welcome or No Trespassing) de Elem Klimov (1964)

La Historia Oficial (The Official Story/L’Histoire officielle) de Luis Puenzo (1984), prix d'interprétation féminine ex-aequo au Festival de Cannes 1985 pour Norma Aleandro et Oscar du meilleur film en langue étrangère en 1986.

Marius de Alexander Korda (1931, 2h), scénario et dialogues de Marcel Pagnol.

Cinéma de la Plage

Ran d’Akira Kurosawa (1985)

Hibernatus d’Edouard Molinaro (1969)

Le Grand blond avec une chaussure noire d’Yves Robert (1972)

Jurassic Park 3D de Steven Spielberg (1993)

Ivan Le terrible 1 et 2 de Sergueï Eisenstein (1944 et 1945)

The Terminator de James Cameron (1984)

The Usual Suspects de Brian Singer (1995)

Hôtel du Nord de Marcel Carné (1938)

Joe Hill de Bo Widerberg (1971)

Rabid Dogs de Eric Hannezo (2015) avec Lambert Wilson, Guillaume Gouix et Virginie Ledoyen, avant-première mondiale.

Marius de Marcel Pagnol à Cannes Classics

Posté par vincy, le 26 février 2015

marius de marcel pagnol

Pour le 120e anniversaire de la naissance de l'écrivain et cinéaste Marcel Pagnol, le Festival de Cannes diffusera la version restaurée de Marius (1931), dans la sélection Cannes Classics. Marius est le premier film de la trilogie qui comprend Fanny (1932) et César (1936), également en cours de restauration. Ces travaux de restauration se dérouleront sous la supervision de Nicolas Pagnol et de Guillaume Schiffmann, chef opérateur des récents films de Michel Hazanavicius.

Marius sortira également en salles dans cette version et sera diffusé sur Arte.

Le travail de restauration a été rendu possible grâce aux aides d'Arte, du CNC, du Fonds culturel franco-américain et de la Cinémathèque française. Par ailleurs, un appel aux dons avait été lancé en décembre dernier. Il manquait 50000€, et finalement CMF-MPC (présidé par le petit-fils Nicolas Pagnol) a récolté 75400€ sur Ulule
.
A terme, les 17 films de Marcel Pagnol devraient connaître la mêle cure de jouvence... Les négatifs de Marius sont tachés, avec des moisissures, des déchirures, des collures endommagées. Fanny n'a jamais été restauré et César est très abimé. C'est la version longue de césar qui bénéficiera de ce travail de restauration. Les négatifs seront aussi numérisés.

Marius est le premier film tiré de l'œuvre théâtrale de Marcel Pagnol. Il fût produit par Paramount et réalisé par Alexander Korda. Premier "grand" film parlant français, son succès fut considérable et "starisa" Raimu, Pierre Fresnay et Charpin.

Le 12ème film d’Orson Welles pourrait sortir au cinéma en 2015

Posté par vincy, le 11 novembre 2014

the other side of the wind orson welles john hustonUltime oeuvre d'Orson Welles, intégralement tournée mais inachevée, The Other Side of the Wind, pourrait sortir en salles. Selon le New York Times, Royal Road Entertainment est prêt à en acquérir les droits de distribution pour sortir le film le 6 mai 2015, à l'occasion du centième anniversaire de sa naissance.

Orson Welles a tourné le film entre 1970 et 1976. Il a travaillé sur le montage jusqu'à son décès, en 1985. Il en reste une copie de 45 minutes. Mais les ayant-droits, par détestation réciproque, ont jusque-là fait en sorte qu'elle ne soit jamais diffusée. Royal Road Entertainment a négocié directement avec l'amie de Welles, Oja Kodar, sa fille et unique héritière, Beatrice Welles, et la société de production franco-iranienne les Films de l'Astrophore. Cette société avait pis le contrôle des bobines du film (1083 pellicules), suite à un désaccord avec le réalisateur, et les avait entreposés dans les environs de Paris.

Dans L'Express, Françoise Widhoff, qui a travaillé avec Orson Welles, raconte : "Lorsque, en février 1979, les mollahs ont pris le pouvoir à Téhéran, ils ont voulu saisir l'entreprise, et Mehdi [Bousheri, gérant de la société et beau-frère du Chah d'Iran] m'a alors confié la gérance de la société. Peu après la Révolution, un émissaire iranien, très courtois, s'est rendu à Paris pour tenter de saisir la boîte. Mais, comme il a cru que celle-ci était criblée de dettes, il est reparti, toujours aimablement, faire la révolution dans son pays." Les pellicules sont stockées à Bagnolet, à côté de Paris.

Entre temps, le cinéaste, qui réside en banlieue parisienne, met à l'abri, à Los Angeles, 42 minutes déjà montées du film. Ces 42 minutes voyagent quand son ancienne compagne Oja Kadar, désormais sculptrice, les rapatrie dans son pays natal, la Croatie.

Le casting du film réunit John Huston, en réalisateur de cinéma tempétueux se battant contre les cadres d'Hollywood pour pouvoir finir un film (autant dire un autoportrait de Welles), Susan Strasberg, Lilli Palmer, Dennis Hopper et Peter Bogdanovich. Ce dernier expliquait en 1974: "C'est ce qu'Orson a fait de plus intéressant depuis Citizen Kane." Pour d'autres, il n'est pas commercialisable. Lors de la rétrospective dédiée à Welles, au festival de Locarno, un livre, également intitulé The Other Side of the Wind avait été publié et retraçait l'incroyable histoire de ce film.

Reste à finir le montage du film, en fonction des indications très précises que Welles a laissé, et la post-synchro (notamment en complétant la musique originale). Si The Other Side of the Wind sortait en mai prochain, la filmographie d'Orson Welles passerait de 11 à 12 films.

En 2012, c'est un court métrage, Too Much Johnson du maître qui avait été retrouvé.

La Cinémathèque française retrouve Sherlock Holmes, film disparu en 1916

Posté par vincy, le 2 octobre 2014

sherlock holmes william gillette arthur bertheletLa Cinémathèque française a retrouvé il y a quelques semaines une version de Sherlock Holmes. Le film d'Arthur Berthelet, produit par le studio américain Essaney en 1916, était considéré comme définitivement perdu depuis sa première exploitation. Berthelet a réalisé une vingtaine de films entre 1915 et 1925.

Le film est l'adaptation de la pièce américaine Sherlock Holmes de William Gillette, qui interprète le célèbre détectuve, d'après les aventures du héros de Sir Arthur Conan Doyle. Selon le communiqué de la Cinémathèque, il s'agit de "la seule trace de la performance de l'acteur". "Ce film permet aussi de découvrir les créations apocryphes de celui-ci, qui semblent s’être inscrites presque naturellement dans la mémoire collective en devenant des archétypes holmésiens. En effet, Gillette a notamment ajouté des accessoires particuliers qui s’écartent des textes originaux comme la pipe courbée, ou bien une canne, qui furent repris dans des illustrations américaines d’époque, et que l’on retrouvera aussi dans des adaptations cinématographiques ultérieures" ajoute le communiqué.

Enfin, "C’est aussi à lui que l’on doit la fameuse réplique « élémentaire, mon cher Watson »".

Le contretype en nitratre a été retrouvé avec des intertitres en français et des annotations de teintes. Il est en cours de restauration numérique par la Cinémathèque française et le San Francisco Silent Film Festival.

La Cinémathèque projettera le film dans le cadre du Festival Toute la Mémoire du Monde qui débutera le 28 janvier 2015.