Nantes 2009 : voix d’Iran

Posté par MpM, le 30 novembre 2009

BassidjiPremier film en compétition au Festival des 3 continents de Nantes, le documentaire Bassidji suit le réalisateur Mehran Tamadon (un Iranien vivant en France) qui a décidé d’aller à la rencontre des "Bassidji" (les membres des forces paramilitaires iraniennes créées au moment de la guerre Iran-Irak et qui aujourd’hui font partie des Gardiens de la Révolution islamique) pour tenter de comprendre leur point de vue. Derrière et devant la caméra se rejoue une confrontation digne de Socrate et de ses grands amis les Sophistes.

Si ce n’est qu’à la différence de son illustre prédécesseur,  Mehran Tamadon ne parvient ni à mettre ses adversaires face à leurs contradictions, ni à leur faire partager son point de vue. Aux questions concrètes de plusieurs Iraniens, posées par l’intermédiaire du réalisateur (sur le voile ou la posture d’éternelle victime adoptée par le régime), les Bassidji ne répondent pas vraiment, ou s’empêtrent dans de longs discours théoriques.

Mais peu importe, car le film vaut presque plus pour ce qu’ils ne disent pas, pour cette manière qu’ils ont de ne pas répondre aux questions qui les dérangent ("Ce n’est pas logique", s’emportent-ils. Ou alors : "On s’écarte du sujet"), que par leurs propos, forcément propagandistes. On loue le courage et l’intelligence du réalisateur qui a fait l’effort de provoquer ce débat et d’offrir ainsi un regard intérieur sur une réalité très prégnante du pays.

 Iran et sexualité

Comme en écho, au Lieu unique de Nantes, une installation vidéo est consacrée à l’artiste iranienne Mitra Farahani. Elle aussi vivait en France jusqu’à il y a peu. En juin Tabousdernier, elle a été arrêtée à Téhéran dès sa descente d’avion, maintenue deux semaines en détention puis libérée suite à la mobilisation internationale. Depuis, elle jouit d’une relative liberté mais ne peut pas quitter le territoire, et n’est pas sûre de pouvoir tourner son prochain film, Le coq, écrit dans le cadre de la Cinéfondation du Festival de Cannes.

Outre quelques-unes de ses toiles, on découvre dans cette exposition plusieurs de ses films. Le temps suspendu, sur la peintre iranienne Bejat Sadr. Juste une femme, un documentaire suivant une transsexuelle prostituée à Téhéran. Et Tabous, sorti en France en 2004, enquête gonflée sur le rapport secret que la société iranienne entretient avec la sexualité. Comme son compatriote Tamadon, Mitra Farahani recueille la parole sans la commenter, dans un rôle "d’accoucheuse" plus que d’exégète.

On y entend toutes les voix, de la prostituée qui reste vierge ( !) dans l’optique de se marier un jour au chirurgien spécialiste de la "reconstruction" des hymens, en passant par une mère de famille vantant les mérites de la pureté ou une jeune fille (anonyme) avouant une grande liberté sexuelle. Toutes ces voix et ces points de vue mêlés forment un étonnant portrait de l’Iran d’aujourd’hui, obsédé par les lois morales qui le régissent et pourtant avide d’ouverture et de liberté, contraint et harcelé, mais pas réduit au silence. Malgré le poids des traditions, cette parole libre et audacieuse fait souffler comme un petit vent d'espoir, et apporte un contrepoint salutaire et passionnant au prêchi-prêcha des Bassidji de Tamadon.

La Boutique des Pandas, Malin comme un Singe?: la Chine fait le bonheur des petits

Posté par Morgane, le 30 novembre 2009

La boutique des pandasLes Films du Préau présente deux programmes de films d’animation des Studios d’Art de Shangai (fondés en 1957), soit six films projetés pour la joie des plus petits mais aussi des grands qui sauront apprécier l’aspect artisanal et poétique de ces courts récits.  L’écureuil coiffeur, Le hérisson et la pastèque, La boutique des pandas, Attendons demain, Les singes vont à la pêche et Le petit singe turbulent : six films, six animateurs et de multiples facettes de l’art traditionnel chinois…

Ces petits films d’animation, qui mobilisent humour et émotion, font en effet la part belle à la technique des découpages articulés, à l’exception de L’écureuil coiffeur qui relève du dessin animé. La technique des découpages articulés est issue de l’art populaire chinois qui consistait à coller des papiers découpés sur les carreaux des fenêtres pour le Nouvel An et auquel se mêle celle des ombres chinoises. Ce qui en résulte est à des années-lumière de ce que l’on peut voir aujourd’hui dans le monde de l’animation car tout est fait de manière très artisanale. On est en effet bien loin des effets 3D que l’on peut observer dans Le drôle de Noël de Scrooge (sorti dans les salles le 25 novembre dernier). Les gestes des personnages sont très visibles à l’écran et souvent saccadés, le mouvement des bouches n’est pas synchronisé avec les paroles, etc. Mais le tout conjugué donne à ces six films un côté désuet qui en surprendra plus d’un et que beaucoup apprécieront pour leur simplicité, leur beauté et leur poésie.

 Des films ancrés dans le contexte politique de l'époque

De plus, ces films ne sont pas tout jeunes, mais il aura fallu attendre 2009 pour qu’ils puissent Malin comme un singesortir dans les salles françaises (il faut préciser que certains avaient tout de même pu être projetés dans quelques festivals auparavant). Ils datent tous des années 1980 à l’exception de Attendons demain qui lui a été réalisé en 1962. Ce dernier est par ailleurs une véritable petite merveille aux couleurs chaudes et envoutantes, qui nous entraîne dans un univers quasi-fantastique aux décors époustouflants (mon petit coup de cœur personnel).

Bien sur, on notera que les différentes morales de ces contes sont empreintes d’une époque et d’un contexte bien particulier, aussi bien géographique que politique. On est en effet au cœur de la Chine communiste, et on le ressent, les films pour les enfants étant une priorité pour le gouvernement de l’époque. L’importance de ces Studios dans les années 1960 était équivalente ou presque à celle des studios Disney.

Voici donc une belle manière pour quiconque de découvrir un cinéma d’animation très différent et de faire plus ample connaissance avec l’univers graphique d’un autre continent.

La folle histoire d’amour de Simon Eskenazy : pas si fou

Posté par Morgane, le 30 novembre 2009

La folle histoire d’amour de Simon Eskenazy"On ne me parle pas quand je cuisine."

L'histoire : Dix ans après L'homme est une femme comme les autres, Simon Eskenazy est devenu un grand interprète de musique traditionnelle juive.Il voit successivement débarquer sa mère envahissante, son ex-femme, son fil de dix ans qu'il n'a jamais vu et Naïm, un jeune travesti musulman qui va changer sa vie.

Notre avis : Pour La folle histoire d’amour de Simon Eskenazy, véritable suite de L’homme est une femme comme les autres, on retrouve le même réalisateur, Jean-Claude Zilbermann, ainsi que certains acteurs comme Antoine de Caunes, Elsa Zilberstein et Judith Magre. Dix ans plus tard, en pleine canicule parisienne, on croise donc à nouveau Simon Eskenazy (Antoine de Caunes) qui est devenu un clarinettiste hors pair de renommée mondiale. Divorcé de Rosalie, la quarantaine passée, il assume parfaitement son homosexualité mais sa vie sentimentale est loin d’être calme, tiraillée entre Raphaël, un jeune professeur de philosophie et Naïm, un transsexuel musulman. Pour rendre son quotidien encore plus mouvementé, sa mère, malade, vient s’installer chez lui et son ex-femme lui propose de rencontrer son fils de dix ans qu’il n’a jamais vu.

Sexualité, religion, lien entre les générations...

Jean-Claude Zilbermann, avec un ton qui sait rester très léger et sur le mode de la comédie, aborde de nombreux sujets, parfois délicats. Se croisent alors la question de la sexualité et de la religion, de l’identité, des générations, etc. A travers le personnage de Naïm et de sa relation aux autres, le film nous entraîne vers l’intolérance, le mensonge, la recherche de soi. La relation cachée que Simon entretient avec Naïm prend de plus en plus de place dans sa vie. Mais il refuse de l’avouer à son entourage et se retrouve confronté à une famille juive ancrée dans des idées très arrêtées, tiraillé entre le besoin de se cacher et l’envie de crier son amour. Il reste en retrait, se cachant et se trouvant des excuses, évitant de mettre ses sentiments à nu tandis que Naïm (ou Angela ou bien encore Habiba, selon l’habit et les circonstances) est très à fleur de peau, laissant ses émotions exploser au regard de tous et se sentant plus fort, plus aimé, plus regardé lorsqu’il revêt ses habits féminins. La relation qui s’instaure et qui grandit entre les deux personnages se complexifie quand l’on comprend que Naïm a besoin de son apparence féminine pour affronter le monde alors que Simon ne demande, lui, qu’à l’aimer pour ce qu’il est.

Un autre sujet vient se greffer à la vie de Simon, celui des générations et des liens qui les unissent. Au moment où sa mère s’installe chez lui, c’est son fils de dix ans qui débarque dans sa vie, petit génie, clarinettiste et totalement bilingue. Simon ne réussit pas à trouver la fibre paternelle qu’il aimerait pourtant savoir sommeiller en lui. Tout comme dans la relation avec sa mère, dont il reste distant, Simon est encore une fois en retrait, comme pour se protéger, là où, Naïm est à l’inverse beaucoup plus expansif et attaché aux personnes qui l’entourent. Ce dernier réussira d’ailleurs à tisser des liens avec Yankele (le fils de Simon) et Bella (la mère de Simon) très facilement alors que Simon lui-même, maladroit, ne sait pas trop sur quel pied danser. Vivant dans un présent très fort, Simon a du mal à se tourner aussi bien vers le passé que vers le futur et cette idée de lien unissant plusieurs générations se concrétise difficilement dans son esprit.

L’équilibre de sa vie est alors plutôt précaire. Celui du film aussi parfois. Car à vouloir aborder de trop nombreux sujets, on risque de s’y perdre ou du moins de s’emmêler un peu les idées…