Avant que ne commence le 68e Festival de Cannes, on note du côté de la Sélection officielle, 5 tendances assez marquantes pour cette année.
Fraîcheur
D'abord, il souffle un vent frais en Compétition comme à Un certain regard. On ne va pas s'en plaindre. 9 des 19 films en course pour la Palme d'or sont signés de cinéastes qui n'ont jamais été en compétition. Et sur les 12 nationalités des réalisateurs en compétition, cinq pays n'ont jamais reçu la Palme (ou son équivalent le Grand prix avant 54). Seuls deux cinéastes ont déjà été récompensés par une Palme.
Sans frontières
Ensuite, notons l'internationalisation des films d'auteur, qui se financent de plus en plus grâce à un système de coproductions transfrontralières. Casting d'ici et d'ailleurs, langue anglaise, tournages à l'étranger: les cinéastes s'aventurent hors de leur territoire d'origine. Ainsi Jia Zhang-ke s'exile en Australie, Joachim Trier va jusqu'aux USA, Gus van Sant s'envole au Japon et Denis Villeneuve part au Mexique. De Trier à Lanthimos en passant par Sorrentino, on y parlera anglais. Et ainsi on verra Huppert, Seydoux, Cassel, Hayek, Weisz, Caine, Whishaw, Roth, Dano, Eisenberg chez des cinéastes européens ou même mexicains, loin de leurs territoires d'origines.
Sexe fort
Les femmes sont-elles de retour? Pas forcément: avec seulement une poignée de réalisatrices en Sélection officielle. Pourtant, elles seront bien là. Car elles ont souvent un rôle central dans les films. Hors-compétition, il y aura de la star (Charlize Theron, Emma Stone, Catherine Deneuve). Mais en compétition les actrices ne manqueront pas à l'appel, ce qui promet du glamour sur les marches: Anaïs Demoustier, Léa Seydoux, Isabelle Huppert, Shu Qi, Salma Hayek, Cate Blanchett, Rooney Mara, Tao Zhao, tout le casting du Kore-eda, Marion Cotillard, Rachel Weisz, Emmanuelle Bercot, Margherita Buy et Emily Blunt, pour ne citer que les plus connues, sont toutes en tête d'affiche et au coeur des intrigues. En fait, seuls trois films de la compétition ne tournent essentiellement qu'autour des hommes.
Passage
La mort, la transmission et l'héritage sont l'autre grand thème de cette compétition. Franco accompagnera les malades en phase terminale, Garrone nous racontera de vieilles histoires éternelles (tout comme Gomes à la Quinzaine), Jia Zhang-ke traversera les années pour passer d'une génération à l'autre, Kurzel reprend le Shakespeare le plus noir et morbide, Nemes plongera dans la Shoah, Moretti sera plus intime avec des relations intergénérationnelles entre femmes, Sorrentino évoquera le temps qui passe et surtout celui qui reste pour deux octogénaires, Van Sant choisira un lieu spirituel pour confronter un suicide et une survie, Schroeder se retournera sur l'histoire de sa mère... Sans oublier le Guédiguian qui revient sur le génocide arménien. Mais rassurez-vous, il y a aussi beaucoup d'histoires d'amour...
Vulnérable
Enfin, les films devraient nous montrer un monde fragile et une humanité précaire. De la condition des immigrés au capitalisme broyeur, du trafic de drogue à l'émigration choisie, de la fin de vie à la délinquance, tous les grands thèmes de la société y passeront. Le monde subit des secousses telluriques et l'Homme semble de plus en plus démuni ou désemparé quand il n'est pas victime d'accident ou de génocide. Même le futur ne s'annonce pas plus brillant. De Mad Max à The Lobster, l'utopie n'est pas joyeuse et la Résistance est la seule voie. Avec Dheepan, La loi du marché, Mon roi, Sicario, Mountains may depart, Chronic ou La tête haute, le genre humain devrait nous rappeler que nous sommes bien peu de choses et qu'on fait comme on peut...