[Lumière 2019] Frances McDormand, quand cinéma rime avec engagement

Posté par Morgane, le 16 octobre 2019

Festival Lumière. Lyon. Début de semaine. La salle de la Comédie Odéon est pleine et c'est une véritable ovation qui est faite à Frances McDormand. Thierry Frémaux, fidèle au poste, accueille l'actrice et Didier Allouch est là pour mener la discussion. L'actrice oscarisée (Fargo, Three Billboards) est évidemment l'une des muses des frères Coen (elle en a d'ailleurs épouser un des deux), mais elle a aussi tourné avec Wes Anderson, Sam Raimi, Alan Parker, Ken Loach, Robert Altman, John Boorman, Curtis Hanson, ou encore Gus Van Sant.

Indépendance de ses personnages
Un trait de caractère qui revient chez beaucoup de ses personnages c'est cette indépendance. Est-ce quelque chose qu'elle recherche particulièrement?
"Le seul truc qui revient souvent, ce sont mes fesses trop larges!" Plus sérieusement, l'actrice explique qu'au début de sa carrière elle faisait principalement des seconds rôles qui mettaient en avant des personnages masculins (elle le fait très bien d'ailleurs dans Mississipi Burning). "Mais je savais qu'un jour mon fils partirait de la maison et que j'aurais envie de faire autre chose, d'avoir les premiers rôles et ce fut le cas. Depuis que j'ai 50 ans j'ai la chance d'avoir des rôles de femmes très intéressants et je ne compte pas m'arrêter là."

Qu'est-ce qu'être une actrice à l'âge de Netflix?
Elle répond en tant que productrice. "J'ai eu la chance de travailler avec HBO. Quand j'ai développé Olive Kitteridge j'ai regardé The Wire et je me suis rendue compte du réel pouvoir de la série. Il est difficile de raconter l'histoire d'une femme en 90 minutes car il y a beaucoup de choses qui partent dans tous les sens. 30 ans de sa vie en 90 minutes c'est impossible, il fallait bien quatre heures! J'adore les pièces de théâtre qui durent six, huit, neuf heures. On regarde une partie puis on va prendre un café, une autre partie puis on va déjeuner et enfin la dernière partie et on va diner.  Aujourd'hui on a pris l'habitude de faire la même chose à la maison avec les séries. Moi je fais ça avec Fleabag. Je regarde cette série pendant des heures et je m'arrête juste pour manger et aller aux toilettes."

Ses débuts au cinéma
Son premier film c'était Blood Simple des frères Coen en 1984. "C'était une expérience formidable. Tout le monde était débutant. Ça a été mon école de cinéma!" Puis elle a tourné Mississipi Burning dont elle dit avoir obtenu le rôle grâce à Stella qu'elle jouait sur Broadway dans Un tramway nommé désir. "Venant du théâtre j'avais peur d'en faire trop, surtout avec mon visage. Avec Mississipi Burning j'ai pu utiliser tout mon corps, comme au théâtre mais d'une manière plus subtile."

Les Frères Coen, 9 films depuis 1984. Comment la relation évolue?
"J'ai beaucoup appris sur le mariage venant d'eux! En ce moment je travaille avec Joel sans Ethan. Pour la première fois je travaille sur le début de la création du film. Mais après une réunion, Joel m'a dit: 1, il vaut parfois mieux écouter que parler. 2, quand je ne parle pas je pense et 3, avec Ethan on travaille en se comprenant sans dire un mot." Il est souvent bien difficile de séparer les deux frangins. Et pourtant Frances McDormand dit qu'ils fonctionnent bien évidemment ensemble mais sont très différents. "Ethan a l'esprit très littéraire alors que Joel lui est plutôt visionnaire, invente des technologies, travaille le visuel." Et vous, où êtes-vous là-dedans? "Après quelques martinis un soir j'ai demandé à Joel mon mari, est-ce que je suis ta muse? Il a répondu: Mmm, non! Mais au final je préfère être sa productrice!"

Quand on pense Frances McDormand et les frères Coen on revoit directement Marge Gunderson dans Fargo. "Je le vois comme un film de famille. Je n'étais pas enceinte mais notre fils que nous adoptions arrivait quatre mois plus tard. C'était donc un film très personnel."

Les autres réalisateurs
Neuf films avec les frères Coen c'est pas rien, mais Frances McDormand n'a pas travaillé uniquement avec eux. Après Miller's Crossing elle a joué dans Darkman de Sam Raimi. Elle revient alors sur leur période de colocation avec Sam Raimi et les frères Coen à Los Angeles. "J'adore Sam mais je n'ai pas trop aimé jouer dans Darkman. C'est d'ailleurs sur ce tournage que j'ai rencontré Ken Loach. Il cherchait de l'argent et les producteurs voulaient un nom. Je n'étais pas un nom mais comme je jouais dans Darkman ils m'ont embauchée pour Hidden Agenda. J'étais ravie car après Darkman, j'avais besoin de rédemption alors je l'ai suivi en Irlande du Nord et j'ai adoré ça! D'ailleurs je continue de faire cela. Quand je tourne dans des films à gros budget j'ai besoin ensuite de faire des pièces off off Broadway ou de jouer dans des films à petit budget." On la retrouve également chez Wes Anderson. "Comme avec Sam Raimi, on rentre dans son monde, dans son esprit et on doit obéir à leurs règles. Mais je ne suis pas très douée pour ça. Ce dont j'ai besoin c'est de quelque chose de plus organique."

Féminisme et cinéma
"Une femme cinéaste, si elle se plante une fois elle n'aura pas d'autres chances contrairement à un homme. Il faut qu'il y ait des gens au pouvoir qui leur permettent de se planter plus d'une fois." Concernant son discours lors de la Cérémonie des Oscars: "Pour 3 Billboards, j'allais de cérémonie en cérémonie avec les mêmes femmes nommées. J'ai partagé de longs moments avec elles et j'avais donc envie de les inclure dans mon discours. Sur scène, j'appelle les femmes à se lever et elles le font. Je suis tellement excitée que j'en oublie complètement mon discours alors je finis par: J'ai deux mots à vous dire, inclusion rider! et depuis, ma vie est un enfer! (rires) Ce but est inatteignable je le sais et je réalise qu'il faut que les choses évoluent de manière organique."

"Je suis actrice car je veux faire partir de l'échange humain?"
"Plus jeune je trouvais dérangeant quand les gens venaient me voir dans la rue. Les gens pensent qu'on demande la célébrité alors que pas du tout. J'ai donc décidé de me retirer de la promotion des films. Le deal pour moi c'est une photo avec le reste de l'équipe lors d'une première du film et c'est tout. Ainsi ça m'a rendu mon pouvoir de dire non et ça m'a même donné le droit d'être parfois malpolie. Mais mon fils me demandait justement pourquoi j'étais malpolie avec les gens dans la rue. Alors j'ai fait ça autrement. Je répondais non pour la photo mais je disais qu'à la place on pouvait se serrer la main et échanger quelques mots."

C'est ça être actrice pour Frances McDormand, l'échange humain. Pour preuve, sa masterclasse a été l'une des plus longues de l'histoire du festival, dépassant largement le temps prévu.

3 bonnes raisons de voir « Queens » de Lorene Scafaria

Posté par wyzman, le 15 octobre 2019

Quatre ans après Ma mère et moi, Lorene Scafaria repasse derrière la caméra pour un thriller qui ferait rougir Les Affranchis.

C’est un excellent divertissement inspiré de faits réels. Fauchée comme jamais, Destiny (Constance Wu) se lance dans le strip-tease et décide de prendre sa revanche sur de riches clients de Wall Street. Aux côtés de Ramora (Jennifer Lopez), elle reprend sa vie en mains et n’hésite pas à enchaîner les missions périlleuses. Basé sur un article de la journaliste du magazine New York de Jessica Pressler (Julia Stiles), Queens prend un malin plaisir à bouleverser les codes des films d’arnaqueurs pour divertir le public — voire  l’épater. Les ficelles sont parfois grosses mais à l’instar des « malheureux » traders, on en ressort convaincus d’avoir passé un très bon moment.

C’est un film fait pour Jennifer Lopez. Des années après Selena et Hors d’atteinte, l’interprète de "Booty" et "Dinero" prouve que son corps est aussi excitant ses talents d’actrice. Magnifiée par la caméra profondément respectueuse et esthétisante de Lorene Scafaria, Jennifer Lopez est la véritable star de Queens. Une vedette capable de faire de la place à ses nombreuses co-stars (Keke Palmer, Lili Reinhart, Cardi B, Lizzo) pour permettre au public de s’extasier devant la performance tout à fait honorable de Constance Wu. A la fois maligne et hypocrite quand il faut l’être, le personnage que Jennifer Lopez incarne est celui d’une leadeuse sans pareille. L’occasion pour l’artiste visiblement accomplie de devenir une candidate sérieuse lors des prochaines cérémonies de prix...

C’est un film féministe. Entièrement orienté sur les péripéties, les motivations et les prises de conscience de ses deux héroïnes (Ramora et Destiny), Queens fait la part belle aux femmes qui n’ont pas besoin du sexe opposé pour que le travail soit fait. Classique dans sa structure, le film de Lorene Scafaria dispose d’une galerie de personnages féminins plus surprenants les uns que les autres. Quand certains n’en retiendront que les apparitions surprises de stars (celle d’Usher vaut le détour) et la bande originale sur laquelle se croisent Janet Jackson et Britney Spears, nous préférons garder en mémoire le destin un peu tiré par les cheveux d’outsiders qui ont bien mérité leur liasse de billets en fin de soirée.

Deneuve, Magimel et De France tournent chez Bercot

Posté par vincy, le 14 octobre 2019

Ce sera le troisième film de Catherine Deneuve (après Elle s’en va et La Tête haute) et de Benoît Magimel (après La Tête Haute et La Fille de Brest) sous la direction d'Emmanuelle Bercot. De son vivant sera aussi l'occasion pour la réalisatrice de filmer pour la première fois Cécile de France.

Selon Le Film français, le tournage de ce film produit par Les Films du Kiosque a début en fin de semaine dernière. Le tournage doit durer neuf semaines. Le casting comprend également Gabriel Sara, le médecin oncologue américain qui a inspiré le sujet.

La cinéaste continue ainsi son exploration des zones grises du système de santé en France tout en creusant son thème privilégié: la libération des êtres. Le journal professionnel explique que le film raconte le déni d’un fils condamné trop jeune par la maladie. Une mère refuse cette fatalité, inacceptable. Un médecin lutte pour faire son travail. Durant une année, il va falloir apprendre à mourir de son vivant.

Le film sera distribué par Studiocanal.

Un remake américain pour « Le convoyeur »

Posté par vincy, le 13 octobre 2019

Guy Ritchie va réaliser le remake d'un film français. Le Convoyeur de Nicolas Boukhrief sera transposé à Los Angeles. Jason Statham, qui avait été dirigé par le cinéaste dans Snatch, Tu braques ou tu raques et Arnaques, crimes et botanique, reprendra le rôle d'Albert Dupontel.

Miramax a acquis les droits du film du catalogue Studiocanal. Sorti en 2004, le film, qui réunissait aussi Jean Dujardin et François Berléand, avait attiré près de 500000 entrées dans les salles françaises, soit le plus gros succès de Nicolas Boukhrief.

Le pitch: La société de transport de fonds Vigilante a la vie dure. Trois violents braquages dans l'année et ils n'ont laissé aucun survivant. La société risque le dépôt de bilan. Alors qu'on évoque une possible complicité entre les braqueurs et certains convoyeurs, le "bleu" Alexandre Demarre (Dupontel) entame sa première journée de travail. Ce nouvel arrivant discret et énigmatique éveille très vite les soupçons de ses nouveaux collègues.

Après le mega-hit Aladdin, sorti en mai, Guy Ritchie vient d'achever son nouveau film, The Gentlemen, avec Matthew McConaughey, Charlie Hunnam, Hugh Grant et Colin Farrell, prévu dans les salles nord-américaines le 24 janvier prochain. Le film est aussi produit par Miramax.

De son côté, Jason Statham n'avait plus de projet confirmé depuis le tournage de Fast & Furious: Hobbs & Shaw, qui a récolté 760M$ dans le monde depuis août.

Décès de l’acteur Robert Forster (1941-2019)

Posté par vincy, le 12 octobre 2019

Il était inoubliable en chargé de caution flegmatique et bienveillant dans Jackie Brown de Quentin Tarantino. Robert Forster s'est éteint à l'âge de 78 ans. Né le 13 juillet 1941, il est décédé ce 11 octobre d'un cancer. Cet italo-irlandais venu de l'Etat de New York avait brillé dans de nombreux seconds-rôles et dans plusieurs grandes séries récentes: Desperate Housewives, Heroes, Alcatraz, Breaking Bad et dans le personnage du shérif Truman, la saison 3 de Twin Peaks de David Lynch.

Paradoxalement, sa carrière a explosé sur le tard. Pourtant il a déjà une longue carrière avant que Tarantino ne le "ressuscite" au cinéma, avec sa seule nomination aux Oscars en bout de course dans la catégorie du second-rôle masculin. Il en a d'ailleurs conclu une sorte de philosophie: "Je ne sais pas comment un gars gagne ou perd dans ce show-business, mais il faut que quelqu'un vienne et vous rende chanceux. Vous ne pouvez pas le faire vous-même."

Bien avant de croiser la route de l'hôtesse de l'air Jackie Brown, Robert Forster avait débuté dans Reflets dans un œil d'or de John Huston en 1967, aux côtés d'Elizabeth Taylor et Marlon Brando. C'est davantage sur le peti écran qu'il trouve de quoi vivre. Car hormis des petits rôles (L'Homme sauvage de Robert Mulligan, Justine de George Cukor, Don Angelo est mort de Richard Fleischer), l'acteur ne perce pas sur le grand écran. On le voit (ou pas) dans de nombreux navets ou séries B (genre The Delta Force de Menahem Golan).

Tarantino, féru du cinéma de vidéoclub ne s'y est pas trompé en le révélant sous un autre jour dans l'un de ses meilleurs films. A partir de là, sa filmographie s'enrichit de plusieurs films par an: Psycho de Gus Van Sant, Supernova de Walter Hill, Fous d'Irène de Bobby et Peter Farrelly, Human Nature de Michel Gondry... Il s'aventure dans tous les genres, tous les styles, mettant au service des cinéastes sa belle gueule et son charisme, pouvant lui permettre de jouer un homme doux et drôle, ou, à l'inverse dur et inquiétant. Même s'il a surtout du endosser des habits d'homme d'autorité, dans l'armée ou la police, à son corps défendant.

Détective dans Mulholland Drive de David Lynch, il confirme son intérêt pour les derniers grands auteurs d'Hollywood. On le suit ensuite dans Petite arnaque entre amis de Jeff Probst, Charlie's Angels : Les Anges se déchaînent ! de McG, Cursed de Wes Craven, Slevin de Paul McGuigan, D War de Shim Hyung-Rae, Cleaner de Renny Harlin, The Descendants d'Alexander Payne, Girl Walks into a Bar et Hotel Noir de Sebastian Gutierrez, La Chute de la Maison Blanche d'Antoine Fuqua, Pionnière (Damsel) de David Zellner et Nathan Zellner...

Il était aussi un conférencier hors pair, doté d'un Q.I. très élevé, ne dédaignait pas prêter sa notoriété à des courts métrages, et s'affichait souvent au théâtre (Un Tramway nommé désir, Douze hommes en colère, La ménagerie de verre, Vol au dessus d'un nid de coucou, ou encore le one-man show The Lifeguard, où il incarnait Ronald Reagan). Forster était un lecteur de livre audio, coach de développement personnel que ce soit pour des prisonniers, des patrons ou des étudiants.

Récemment, il a tourné un petit rôle dans Phil de Greg Kinnear mais les abonnés à Netflix vont surtout pouvoir le voir dans El Camino : Un film Breaking Bad de Vince Gilligan, prolongement de la série TV culte, diffusé sur la plateforme depuis hier.

7 raisons d’aller au festival Lumière 2019

Posté par vincy, le 11 octobre 2019

Francis Ford Coppola. Le maître vient de changer d'agent et espère pouvoir réaliser prochainement son projet d'une vie, Megalopolis. En attendant, il recevra le prestigieux prix Lumière pour l'ensemble de son œuvre (6 Oscars, 2 Palmes d'or). Le cinéaste fera aussi une master classe le 18 octobre. Et plusieurs de ses films, dont la trilogie du Parrain, Conversation secrète et ses premiers films méconnus seront projetés.

Les invités. Grand écart cinéphile et cosmopolite puisque Lumière accueillera cette année des stars aussi différentes que Donald Sutherland (avec une rencontre le 13 octobre), Daniel Auteuil (rencontre le 14 octobre, présentation de La Belle époque en avant-première), la doublement oscarisée Frances McDormand (rencontre le 14 octobre), Marco Bellocchio (rencontre le 16 octobre et avant-première du Traître), le Palmé de l'année Bong Joon-ho (rencontre le 17 octobre et nuit en son honneur le 18 octobre), Gael Garcia Bernal (rencontre le 18 octobre) et Marina Vlady (rencontre le 19 octobre). Tous auront le droit à la présentation de plusieurs de leurs grands films.

Le marché et le 1er salon du dvd. L'Allemagne est le pays invité du Marché international du film classique. Une table ronde, des projections de films, une exposition d'affiches en plus de quelques festivités ponctueront ce rendez-vous. Ce sera aussi le lancement du premier Salon du DVD le 13 octobre, ouvert au public comme aux pros. Une conférence publique - "Le futur du DVD/BR: durable ou incertain?" - en sera le point d'orgue. A cela ajoutons plusieurs tables rondes et keynotes et études de cas, notamment sur les médias, l'édition, l'exploitation, les business models...

The Irishman. Martin Scorsese est de retour, avec la plus grosse production Netflix à ce jour. L'événement sera à la hauteur des attentes: ses retrouvailles avec De Niro et Pesci, sa première collaboration avec Pacino. Le 15 octobre au soir, The Irishman aura les honneurs de l'une des rares projections françaises sur grand écran (deux jours avant celle de la Cinémathèque française), en présence du réalisateur.

André Cayatte. "Le courage social", tel est le titre de la rétrospective du poète, romancier et réalisateur (1909-1989--, qui a dirigé Annie Girardot, Danielle Darrieux, Emmanuelle Riva, Serge Reggiani, Noël Roquevert, Marina Vlady, Marcel Mouloudji, Anouk Aimée, Bernard Blier, Jacques Brel. De La fausse maîtresse (1942) à Mourir d'aimer (1971) en passant Par Justice est faite (1950), Ours d'or à Berlin, Nous sommes tous des assassins (1952) et Le passage du Rhin (1960), Lion d'or à Venise, Lumière va faire redécouvrir ce cinéaste qui savait scruter son époque, sa société, notamment à travers la justice et les injustices, passant du mélodrame au réalisme social.

Lina Wertmüller. Peu de réalisatrices ont su s'imposer dans l'histoire du 7e art. Et souvent elles ont été les grandes oubliées de la fabrique des rêves. Rebelle, formée aux côtés de Fellini, la réalisatrice a été la première femme nommée dans la catégorie du meilleur réalisateur aux Oscars, en 1977, avec Pasqualino. On pourra aussi voir parmi ses œuvres qualifiées parfois de provocatrices Mimi métallo blessé dans son honneur, Film d'amour et d'anarchie et Vers un destin insolite, sur les flots bleus de l'été. De la satire italienne très seventies...

Grands classiques et autres pépites. Les chefs d'œuvre en noir et blanc seront aussi au rendez-vous: Citizen Kane, M Le Maudit, La règle du jeu, La chevauchée fantastique, Voyage à Tokyo, Le Plaisir, La nuit du chasseur, Drôle de drame (accompagné d'un docu sur le duo Carné-Prévert), Miracle à Milan, Quand passent les cigognes.... On pourra aussi (re)découvrir La Beauté des choses de Bo Widerberg, La Femme aux cheveux rouges de Jack Conway, Rue des prairies de Denys de La Patellière, L’Affaire Cicéron de Joseph L. Mankiewicz, L’Âme des guerriers de Lee Tamahori ou les Courts métrages d’Émile Cohl...

Marie-José Nat, prix d’interprétation à Cannes, est morte (1940-2019)

Posté par vincy, le 10 octobre 2019

Marie-José Nat est morte ce jeudi 10 octobre à Paris à l'âge de 79 ans "des suites d'une longue maladie". Prix d'interprétation à Cannes en 1974 pour Les Violons du Bal de Michel Drach, l'histoire autobiographique du réalisateur qui a été son compagnon durant une décennie, Marie-José Nat, brune incandescente, visage mutin, yeux noirs perçants était née en 1940 à Bonifacio d'un père kabyle et d'une mère corse.

Gilles Jacob, qui n'était pas encore à la tête du Festival de Cannes à l'époque, lui rend hommage sur Twitter: Elle "a incarné une époque (60-70), une beauté, un type de femme suave mais résolue, une douceur qui, elles aussi, ont disparu".

Car au cinéma c'est bien à cette époque que Marie-Josée Benhalassa, de son vrai nom de naissance (le 22 avril 1940), qu'elle fut à son sommet. Après quelques petits rôles, elle est révélée dans Rue des prairies de Denys de La Patellière en 1959, puis La Vérité, où elle est éblouissante, d'Henri-Georges Clouzot en 1960.

Michel Drach en fait son héroïne (et sa muse) dans Amélie ou le temps d'aimer, avant d'enchaîner avec un film de Gérard Oury et surtout La vie conjugale d'André Cayatte, diptyque de 1964, et Le journal d'une femme en blanc de Claude Autant-Lara. Entre séries B et grands maîtres, elle impose son nom sans devenir une actrice de premier plan.

Jusqu'à Elise ou la vraie vie de Michel Drach en 1969. Cette tragédie sociale fit scandale. Et pour cause il raconte l'histoire d'Élise, provinciale qui rejoint son frère Lucie, ouvrier et sympathisant du FLN, à Paris. Elle tombe amoureuse d'un militant algérien. C'est non seulement un des premiers films sur le racisme en France, mais les braises encore fumantes de la guerre d'Algérie rendait le sujet tabou. Marie-José Nat, à la fois madone apaisante et prolétaire bouleversée, exprime toute la détestation d'une société aigrie et de jugements inadmissibles.

Par la suite, sensible et discrète, elle tourne beaucoup moins, et un peu partout, en Algérie, en Egypte, en Italie et en France: on la voit chez Mocky (Litan, 1981) et Mihaileanu (Train de vie, 1997). Sa carrière est plutôt sur scène ou sur le petit écran.

Le scénariste et réalisateur Peter Handke reçoit le Prix Nobel de Littérature 2019

Posté par redaction, le 10 octobre 2019

L'écrivain et dramaturge autrichien Peter Handke a reçu le Prix Nobel de littérature ce jeudi 10 octobre. Grand ami de Wim Wenders, il a écrit plusieurs de ses scénarios: Drei Amerikanische LP's, L'Angoisse du gardien de but au moment du penalty, adapté de son propre roman, Faux mouvement, le récent Les beaux jours d'Aranjuez, dans le quel il jouait le jardinier, et surtout le sublime Les Ailes du désir (1987).

En tant que scénariste, Peter Handke a également écrit le remake américain des Ailes du désir, La Cité des anges de Brad Siberling, et l'adaptation du roman d'Henry James, Les ailes de la colombe, réalisé par Benoît Jacquot.

L'écrivain n'a pas que des amis. Proche de la Serbie, et notamment de Slobodan Milosevic, il a beaucoup d'ennemis. Certains regrettent ce Nobel, même si son œuvre littéraire ne souffre pas de critiques. A noter que le jury des Nobel a aussi remis le prix pour l'année passée (le Nobel de littérature n'avait pas pu être décidé suite à un scandale ayant entraîné de nombreuses démissions dans le comité).

Lauréate 2018, l'écrivaine polonaise Olga Tokarczuk, farouche opposante au régime néo-conservateur actuellement au pouvoir en Pologne, a aussi un lien avec le cinéma. Elle a en effet écrit deux scénarios: Pokot réalisé en 2017 par Agnieszka Holland et Kasia Adamik, en compétition à Berlin, et prix Alfred Bauer ; et The Vanishing réalisé en 2011 par Adam Uryniak.

Quant à Peter Handke, il a également été réalisateur de cinéma: Chronik der laufenden Ereignisse (1971), La femme gauchère, d'après son livre (1978), sélectionné en compétition à Cannes, le moyen métrage Das Mal des Todes, d'après le roman de Marguerite Duras, et L'absence (1993), en compétition à Venise. La femme gauchère lui avait valu le prix Bambi de la meilleur réalisation et le Prix Georges Sadoul.

3 raisons d’aller voir « Pour Sama »

Posté par vincy, le 9 octobre 2019

Le pitch: Syrie, décembre 2016. Waad al-Kateab fait partie des derniers survivants avant que la ville ne tombe aux mains des forces de Bachar al-Assad. Elle est connue sur Internet pour ses reportages déchirants sur la situation en Syrie.

Parce que les images sont uniques. Waad al-Kateab a filmé durant cinq ans, de 2011 à 2016, le quotidien de la ville d'Alep, en Syrie, alors que celle-ci se désagrège au fil de la guerre. Autrefois patrimoine culturel et historique, capitale universitaire, la métropole ploie sous les bombes, entraînant une véritable catastrophe humanitaire. Waad filme ainsi l'amour, les bombes, les visages, la peur. Elle expose sa rencontre avec Hamza et la naissance de leur Sama, alors que la ville est assiégée. Ce sont des images à hauteur d'humain, emplies d'humanité. C'est à la fois une forme de défiance de l'horreur et une résilience intime qui coexistent en permanence. Car c'est bien cela: ce ne sont pas des images destinées au cinéma. C'est un témoignage d'une tranche vie, heureuse et dramatique. Sans savoir si, à la fin, il en restera quelque chose.

Parce que le documentaire est poignant. A partir de 500 heures de rush, Edward Watts en a fait une sorte de lettre signée par la mère et adressée à sa fille. Des premiers bonheurs à l'exil fatidique, c'est finalement une sorte de "story" embedded où le réseau social sera le cinéma. Oeil d'or du meilleur documentaire à Cannes, Pour Sama est unique, singulier. Une sorte de réflexion visuelle et mentale sur l'existence, sur soi-même. Quitte à mourir, au moins, prouvons que nous sommes passés. C'est une histoire de courage et d'amitiés, de survivance et de résistance. Les gens sont ordinaires et on comprend que leurs destins vont les pousser vers l'extraordinaire. C'est un film de guerre, avec ce que cela comporte de terreur, et un formidable film solidaire, avec ce motif de partage, sans leçons de morale. L'hôpital en est le parfait symbole, entre vie et mort, urgence et serment. Sacrificielle, comme ces alépins sont sacrifiés, l'œuvre s'avère généreuse et jamais culpabilisante.

Parce que c'est une épreuve qu'il faut comprendre. Pour Sama a cette force de nous intégrer à sa tragédie. On en sort pas indemne. Alors que les Etats-Unis d'Obama ont refusé d'attaquer Damas et son régime à l'époque, alors que les Etats-Unis de Trump ont ouvert la voie à une attaque turque contre les Kurdes syriens ces jours-ci, on saisit l'effroi. Citons Héraclite et ses fragments. "La parole originaire. L’expérience du monde. Le savoir et le regard" écrit-il. C'est ce que fait Waad al-Kateab avec ses images. "On ne pensait pas que le monde laisserait faire." L'impuissance extérieure (ou l'ignorance, ou l'aveuglement) se confrontent alors à la puissance intérieure de cette femme, de sa famille, ses amis, ses voisins, à la conscience de ce monde fragile, à l'impossibilité de fermer ses yeux devant ces atrocités. Certaines scènes semblent surréalistes. Et pourtant...Ce journalisme-citoyen qu'elle a pu diffuser dans le monde, avant le film, est si réel qu'il est, parfois, insoutenable. C'est brut. Un sourire de Sama peut effacer un corps mutilé. Ou l'inverse. Ce qui est certain, c'est que l'affection ne cède jamais à l'affliction. La neige tombe sur les vaincus. L'exil prouve la défaite. Mais ce documentaire est une petite victoire, une petite flamme. On ne détourne pas le regard. On espère juste que leur vie déracinée sera plus paisible.

Le cinéma britannique s’inspire d’histoires vraies

Posté par vincy, le 8 octobre 2019

Si le 30e Dinard Film Festival est un reflet du cinéma britannique, alors les réalisateurs ont été inspirés par les histoires vraies. Comme si le réel était devenu un matériau nécessaire et une matrice imparable pour la fiction. De la grande histoire aux destins individuels, le cinéma britannique, qui a toujours aimer ausculter la réalité, prend de plus en plus ses racines dans des faits ayant existé.

Bien sûr, ils ne racontent pas la même chose. Sous la forme d'une fresque rhétorique, Mike Leigh ravive un massacre de citoyens d'il y a deux siècles dans Peterloo, écho aux révoltes citoyennes et à la brutalité policière actuelles. Le passé est, sinon, plus récent, avec trois films se déroulant essentiellement dans les années 1920-1940. A l'instar de The Keeper, Hitchcock d'or et Hitchcock du public, qui retrace la vie d'un soldat nazi devenu champion de foot anglais juste après la seconde guerre mondiale. Entre les deux guerres, il y a aussi Mr Jones, biopic du photographe Gareth Jones, qui s'aventurera des nazis jusqu'en Mongolie. Ou encore Red Joan, portrait d'une espionne aux grands sentiments dans le Royaume-Uni en fin de guerre, au service des soviétiques. Couverture bien cachée jusqu'à ce qu'elle soit grillée au début des années 2000.

C'est aussi au début de ce troisième millénaire qu'Official Secrets prend place pour faire revivre les persécutions d'une lanceuse d'alerte, coupable de vouloir révéler les manigances américaines et du gouvernement de Tony Blair pour forcer l'ONU à légaliser leur guerre en Irak.

Si les guerres civiles ou internationales, prennent tant le dessus, ce sont aussi, à chaque fois des films qui se focalisent sur des gens opérant un choix crucial, doutant souvent, partagés entre la loyauté et la conviction intime. Ce qui ne veut pas dire que le cinéma est toujours grave. Il suffit de voir Fisherman's Friends, comédie feel-good qui suit des pêcheurs de Cornouailles propulsés en tête des charts musicaux avec des chants folkloriques. C'est authentique, une fois de plus. A l'image de ce drame africain sur les mutilations faîtes aux femmes et la violence masculine, The Girl From Mogadishu, inspiré du parcours de la somalienne Ifrah Ahmed, exilée en Irlande.

Et ce n'est pas terminé puisqu'on attend plusieurs biopics: Judy Garland dans Judy du britannique Rupert Goold, The Personal History of David Copperfield d'Armando Iannucci, The Aeronauts de Tom Harper autour de la pilote Amelia Wren et du savant James Glaisher, ou encore Love Life and Laughter de George Pearson autour de l'artiste Betty Balfour,