Au jeu du "Je ne veux pas parler de ma sexualité", Jack Falahee et Jussie Smollett sont les deux cibles préférées du moment. Bien qu'ils incarnent des personnages homosexuels à la télévision (dans How To Get Away With Murder pour le premier et Empire pour le second), les deux acteurs refusent jusqu'ici d'en faire des tonnes sur leur sexualité. Alors, simple hypocrisie ou placard trop dur à ouvrir ?
Personnages importants pour intrigues importantes
Dans How To Get Away With Murder (que l'on réduira à HTGAWM), Jack Falahee joue Connor Walsh, un étudiant en droit prêt à se donner corps et âme pour faire avancer les audiences. Régulièrement, la série nous l'a montré dans des scènes NSFW, sexuellement actif et visiblement épanoui. Bref, Connor Walsh est un jeune étudiant gay dont la romance avec Oliver est devenue une intrigue importante de HTGAWM. De son côté, Jussie Smollett est Jamal Lyon, celui qu'on a trop tendance à appeler "le fils gay" du phénomène Empire. Dès le début du show, Jamal doit faire face à l'homophobie certaine de son tyran de père. Pas de scènes NSFW ici, mais un parcours qui le pousse à s'accepter et lui permet de faire son coming-out. Jamal Lyon est gay et sa sexualité est l'un des atouts majeurs d'Empire.
Les deux acteurs incarnent des personnages d'une télévision en constante évolution. Ces personnages ne sont pas de simples faire-valoir, une manière de plaire aux associations de défense de la communauté LGBT mais bien un moyen de faire avancer les séries. A chaque scène de couple que Connor et Oliver ont, impossible de ne pas frissonner. A chaque fois que Jamal est traité comme un moins que rien par son père, impossible de ne pas se sentir soi-même sous pression. Pas besoin d'être homosexuel pour apprécier voir Jamal tenir tête à son père. Pas besoin de vivre en couple avec une personne du même sexe pour comprendre les difficultés que Connor et Oliver traversent. Ces personnages tendent à s'écarter des stéréotypes et ont tout le temps de mûrir, tout comme leurs interprètes.
Une controverse inutile
Cependant, si ces jours-ci les déclarations, ou plutôt l'absence de déclaration de la part de Jack Falahee et Jussie Smollett posent problème, c'est avant tout parce qu'une petite partie d'entre nous pense qu'incarner un personnage LGBT, que soutenir la communauté LGBT et lui donner une meilleure visibilité ne suffisent pas. Apparemment, s'ils sont homosexuels, ces acteurs devraient l'annoncer publiquement. Car dans un contexte politique et social où la transparence est prônée (mais surtout voulue), certains aimeraient voir davantage de personnalités sortir volontairement du placard. Mais d'où vient cette attente au juste ? Pourquoi un acteur doit-il révéler qu'il est homosexuel ou plus largement dévoiler son orientation sexuelle dans la sphère publique s'il n'en a pas envie ?
En couverture du mensuel OUT Magazine, Jack Falahee dit ne pas vouloir s'exprimer sur sa sexualité parce que cela finirait par être "trop réducteur". Et on le comprend. S'il est le premier à reconnaître qu'il est bon pour les jeunes adolescents de voir des personnalités faire leur coming-out, lui n'en est pas là. Persuadé que cela ne ferait que satisfaire une curiosité malsaine, il refuse de commenter cet aspect de sa vie privée. Et le petit a raison ! Alors qu'il n'est clairement qu'au début de sa carrière, révéler qu'il est homosexuel pourrait le cantonner dans des rôles d'homosexuels. Et comme il l'a exprimé à plusieurs reprises, il ne veut pas être cantonné dans un type de rôles, mis dans une case et ne plus pouvoir en sortir.
Après un film brésilien l'an dernier, les historiques Teddy Awards ont récompensé un cinéaste chilien habitué des festivals. Sebastian Silva revient de la Berlinale avec le plus convoité des prix cinématographique labellisé LGBT. Nasty Baby, qui réunit la vedette américaine Kristen Wiig (Mes meilleures amies, La vie rêvée de Walter Mitty), le réalisateur lui-même et Tunde Adebimpe, est l'histoire d'un artiste homosexuel qui désire obsessionnellement un bébé. Avec son partenaire, il parviennent à convaincre leur meilleure amie d'être la mère porteuse. Mais c'est, évidemment, plus compliqué que ça en a l'air. Le film, présenté dans la sélection Panorama, avait fait son avant-première mondiale à Sundance il y a trois semaines.
Dans la catégorie documentaire, c'est l'uruguayen Aldo Garay qui repart avec le trophée pour son film El Hombre Nuevo (Le nouvel homme). Le film est centré sur Stephania, transsexuelle, né "garçon" au Niracagua, adopté en Uruguay où elle est devenue une femme.
Le Teddy du court-métrage a été décerné à San Cristobal du chilien Omar Zúñiga Hidalgo.
Hormis ces trois Teddy tous latino-américains, le jury a distingué d'un prix spécial Stories of our Lives du kenyan Jim Chuchu, qui a aussi reçu la 2e place du jury Panorama parmi les innombrables prix de la Berlinale.
Enfin, un Teddy Award d'honneur a été remis à Udo Kier, acteur légendaire du cinéma allemand (et réalisateur d'un seul film). A 70 ans, le comédien ouvertement homosexuel et aimant se travestir, s'est fait connaître très tôt en mannequin. Proche de Jean Marais (on les a d'ailleurs vus ensemble dans la série Joseph Balsamo), protégé de Rainer Werner Fassbinder, ami fidèle de Lars von Trier, acteur culte de Gus Van Sant, il a cinquante ans de carrière à son actif et une quantité infinie de navets aux titres risibles. Mais on l'a surtout remarqué dans Andy Warhol's Frankenstein (de Paul Morrissey, produit par Vittorio de Sica et Roman Polanski), Histoire d'O, La femme du chef de gare, La troisième génération, Lili Marleen, Lola, Europa, My Own Private Idaho, Ace Ventura, détective pour chiens et chats, Blade, Johnny Mnemonic, Breaking the Waves, The End of Violence (de Wim Wenders), Dancer in the Dark, End of Days (avec Schwarzzy), Dogville, Grindhouse, Soul Kitchen (de Fatih Akin), Melancholia, Nymphomaniac... Enfin, Madonna l'a aussi fait travaillé dans ses clips sulfureux Erotica et Deeper and Deeper en 1992.
Pour ses 20 ans, le Festival Chéries-Chéris s'est offert Arielle Dombasle comme marraine. La vedette ouvrira le Festival le 25 novembre (au MK2 Bibliothèque).
Quelques jours après la révélation du programme de son nouveau concurrent, Le Marais Film Festival, qui se déroulera deux semaines avant, l'historique Festival LGBT de la Capitale a dégainé ses compétitions.
Deux avant-premières nationales feront l'ouverture et la clôture du Festival : Praia do Futuro, du réalisateur brésilien Karim Aïnouz (le film était en compétition au dernier Festival de Berlin) et Pasolini d'Abel Ferrara (le film était en compétition au dernier Festival de Venise).
Le Festival s'est également offert un programme spécial - « 20 ans - 20 films » - sélection de longs métrages qui ont marqué ces deux dernières décennies.
La compétition des longs métrages comprend 11 films dont le dernier film de Larry Clark, tourné à Paris. 52 Tuesdays de Sophie Hyde (Australie), Appropriate Behaviour de Desiree Akhavan (USA), L’Art de la fugue de Brice Cauvin (France), Je suis à toi de David Lambert (Belgique), Nordland de Ingo J. Biermann (Norvège-Allemagne-Suisse), Les Nuits d’étéde Mario Fanfani (France), Quick Change de Eduardo Roy (Philippines), The Smell of Usde Larry Clark (France), Stand de Jonathan Taïeb (France), Ye de Hao Zhou (Chine) et Yo soy la felicidad de este mundo de Julian Hernandez (Mexique).
La compétition des documentaires rassemble Le Dernier Voyage de Madame Phung de Thi Tham Nguyen (Viêt Nam), God Loves Uganda de Roger Ross Williams (USA), Out in the Line-up de Ian W. Thomson (France-Australie), Peter de Rome, Grandfather of Gay Porn de Ethan Reid (Royaume-Uni), Le Projet Sex Toy de Anastasia Mordin et Lidia Terki (France), The Punk Singer de Sini Anderson (USA), Rien n’oblige à répéter l’histoire de Stéphane Gérard (France) et Vivant!de Vincent Boujon (France).
Des focus (Bavo Defurne, Patricia Rozema, Dominique Cardona et Laurie Colbert, Amos Guttman), des documentaires, des courts métrages: le premier Marais Film festival affiche sa couleur "arc-en-ciel".
Le festival ouvrira le 11 novembre avec Something Must Break, film suédois sélectionné à Rotterdam et Tribeca.
La clôture se fera le 17 novembre avec le téléfilm The Normal Heart, diffusé au printemps sur HBO, avec un casting prestigieux au génériques - Mark Ruffalo, Matt Bomer et Julia Roberts. Le film est l'adaptation d'une pièce de théâtre qui retrace la montée en puissance du sida dans les années 80.
Entre ces deux films, le MFF projettera le film allemand À demi-mots, les films néerlandais Boys et Zomer, les films américains Kill Your Darlings (sélectionné à Sundance, avec Daniel Radcliff et Michael C. Hall) et Last Summer, le film suisse Le Cercle (Prix du public dans la section Panorama à Berlin cette année et Teddy Award du meilleur film documentaire) et le film italien Mezzanotte.
Côté bonus, on notera la projection de Lilies, le très beau film canadien de John Greyson, les soirées spéciales consacrées au film suédois Snö de Simon Kaijser et au film culte de Jacques Demy, Les demoiselles de Rochefort (suivie d'une soirée dans la boîte historique du Marais, Le Tango).
Plus hot, et interdit aux moins de 16 ans, la soirée du 16 novembre sera entièrement dédiée au Porn Film Fest de Berlin.
Le Festival a été créé par Thibaut Fougères et Michaël Martin, directeurs de l'éditeur et distributeur Outplay, et se positionne frontalement en concurrent du festival LGBT historique de Paris, Chéries-chéris (lire lire notre actualité du 25 septembre dernier). Le festival se déroulera intégralement au Nouveau Latina, en plein Marais.
Cet automne, deux festivals LGBT vont avoir lieu à Paris. Le vénérable festival Chéries-Chéris, qui fête ses 20 ans, et Le Marais Film Festival dont c'est la première édition. Une troisième manifestation est également en préparation.
Ce n'est pas une guerre. Il ne faudrait pas que ces événements finissent par K.O. Cependant le doyen connaît quelques difficultés, et pas seulement financières. Depuis quelques mois, les organisateurs du Festival du Film Lesbien, Gay, Bi, Trans & ++++ de Paris se divisent (au point de finir par un match nul) et ces dissensions ont amené le Forum des images (aux Halles), lieu historiques de la manifestation, à renoncer à l'événement.
Chéries-Chéris sera donc éclaté entre le MK2 Bibliothèque et le MK2 Beaubourg, entre le 25 novembre et le 2 décembre. On peut s'inquiéter de l'effet de cette dispersion. Lorsque le Forum des Images était en travaux, le festival avait réussi à se délocaliser au Grand Rex. Un seul lieu. Si le MK2 Beaubourg est à deux pas du Marais et des Halles, e MK2 Bibliothèque est très éloigné. Certes, après une période de doute, le rendez-vous est confirmé, mais quid de la programmation? A deux mois de l'événement, on ne sait toujours rien.
Mais c'est la concurrence du nouveau Marais Film Festival (11-16 novembre) qui risque d'être fatale à un vieux festival fragilisé par son manque de moyens et ses querelles internes. En prenant place au Nouveau Latina, à deux pas de tous les bars gays historiques de la capitale, le MFF va proposer plus de 50 films, dont pas mal d'inédits et d'avant-premières, mais aussi des débats, des classiques, des courts métrages, selon les informations du webzine Yagg. Avec un atout pas négligeable en bonus : le distributeur de films et de vidéos spécialisé en films LGBT, Outplay, est aux commandes.
Le MFF a déjà annoncé le Tigre d'or du dernier festival de Rotterdam, Something Must Break, quelques autres films et une soirée au Tango (de quoi se distraire en draguant). Il n'y aura pas que des films d'Outplay et c'est le public qui primera la compétition. Alléchant.
Les partenaires de Chéries-Chéris prennent leur indépendance
Tout le milieu a bien compris que Chéries-Chéris avait du plomb dans l'aile. Depuis le départ de l'équipe historique, partie ailleurs, créant d'autres formes d'événements comme le Jerk-Off Festival, on attendait un rebond. Il risque de venir d'ailleurs. Pire, il vient des amis de Chéries-Chéris : Outplay mais aussi Têtu et le Forum des Images. Le mensuel communautaire et le Forum des Images cherchent en effet à créer un événement audiovisuel (transmédia?), selon Le Monde.
Plutôt que de prendre le risque de ne plus avoir de festival LGBT à Paris, chacun a lancé son initiative. Ce sont les difficultés de Chéries-Chéris qui ont stimulé les idées chez ses propres partenaires. La nature a horreur du vide.
Certains se réjouiront de cette visibilité augmentée pour les films LGBT. Mais il est urgent que Chéries-Chéris se réveille et réagisse : l'appui institutionnel ne suffira pas à le sauver à une époque où les collectivités et mécènes sont de plus en plus vigilants sur leurs aides. On a déjà vu de grands festivals mourir (ou presque), se faire doubler par des nouveaux venus plus audacieux. Les Festivals LGBT en province ont souvent eu une vie éphémère et déjà quelques tentatives à Paris n'ont pas dépassé leur deuxième anniversaire.
Il n'y aura pas de place pour tout le monde : les films LGBT ne sont pas si nombreux, et la France les accueille souvent des mois après Rotterdam, Berlin, Cannes et même Deauville. Les grands films LGBT - Reaching for the Moon, Pride, Au premier regard... - de cette année sont même déjà sortis en salles.
Il y a une véritable réflexion sur le long terme pour qu'un Festival LGBT puisse créer l'événement à Paris. Sur d'autres thématiques - les films de genre, les documentaires, ... - certains ont réussi à être incontournables dans l'agenda de l'année.
Le réalisateur sud-coréen Park Chan-wook (Stoker, Old Boy) va adapter Du bout des doigts (Fingersmith), roman britannique de Sarah Waters.
Roman culte lesbien, Du bout des doigts, publié en 2002, se déroule à l'époque victorienne à Londres. La jeune Sue Trinder, orpheline élevée par deux trafiquants d'enfants, a dix-huit ans et fait la connaissance d'un escroc, surnommé Gentleman, qui l'entraîne dans une étrange affaire: escroquer la jeune et riche Maud Lilly, jeune fille née dans un asile, où est morte sa mère, et élevée par son oncle dans un manoir lugubre de la région. Dans cette atmosphère mystérieuse sur fond d'érotisme et de saphisme, les deux jeunes filles vont tisser une étrange relation, au milieu de complots et de trahisons.
Le tournage débutera en 2015. Le cinéaste va transposer l'action en Corée du Sud au XXème siècle, à l'époque de la domination de la péninsule par les Japonais. Le film est réintitulé Agassi (jeune fille en coréen). Il promet de conserver l'aspect sexy du thriller.
Ce roman avait fait l'objet d'une mini-série britannique en 2005 avec Sally Hawkins, Elaine Cassidy, Imelda Staunton et Rupert Evans.
Pour le réalisateur, ce sera son premier film "à domicile" depuis 2008. Le prochain festival de Pusan a annoncé fin août qu'il projetterait son nouveau court-métrage, A Rose Reborn.
Freeheld va réunir Julianne Moore, primée cette année à Cannes pour son interprétation dans Maps to the Stars, Ellen Page, Zach Galifianakis et Michael Shannon, selon les informations de Screen International. Ce drame réalisé par Peter Sollett (Une nuit à New York) a été écrit par le scénariste de Philadelphia, qui a valu un Oscar à Tom Hanks, Ron Nysmaner.
Adapté d'une histoire vraie, le film sera en tournage dans quelques jours.
Ellen Page sera Stacie Andree, garagiste du New Jersey, en couple avec Julianne Moore, dans le rôle de Laurel Hester, inspectrice de police. Cette dernière apprend qu'elle est condamnée par la maladie et va se battre pour que son amie puisse bénéficier de sa pension de retraite, comme dans n'importe quel couple. Michael Shannon incarnera le partenaire professionnel de Laurel Hester et Zach Galifianakis interprètera un militant des droits gays et fondateur d'une compagnie d'assurance.
Freeheld avait déjà fait l'objet d'un court métrage documentaire, réalisé par Cynthia Wade, qui avait reçu l'Oscar dans sa catégorie en 2008.
Zachary Quinto et Emma Roberts ont rejoint James Franco au casting de Michael, un drame autour d'un pasteur homophobe qui a lui-même été homosexuel dans son passé.
Selon Variety, Franco incarnera le pasteur, Quinto son ancien petit ami et Emma Roberts sa fiancée. Roberts et Franco partagent actuellement l'affiche de Palo Alto. Chris Zylka interprétera un autre ancien amour du pasteur.
Michael est adapté d'un article du New York Times Magazine, "My Ex-Gay Friend", rédigé par Benoit Denizet-Lewis. Le journaliste s'est intéressé à Michael Glatze, pasteur chrétien du Wyoming depuis 2007. Avant de renoncer son homosexualité en 2004, suite à une frayeur sanitaire, l'homme d'église était si impliqué dans la culture gay qu'il avait créé un magazine pour les jeunes homos, Young Gay America. Il a ensuite violemment rejeté l'homosexualité, qu'il a dans un premier temps qualifié de "pornographique", puis dans une semaine plus tard, dans un article, il a avoué être "répugné à l'idée de penser à l'homosexualité", affirmant qu'il allait "faire ce qu'il faut pour la combattre".
Le projet, annoncé en avril, sera réalisé par Justin Kelly et produit par James Franco et Gus van Sant, entre autres.
Evident et logique. Il aura fallu attendre le dernier film des 16 qui étaient lice pour la Queer Palm pour que le jury trouve enfin son coup de coeur lesbien, gay, bi, transgenre de ce 67e Festival de Cannes. Contrairement à l'an dernier, où La vie d'Adèle (en compétition) et L'inconnu du lac (Un certain regard) étaient ouvertement deux grands favoris pour ce prix, cette année, toute sélections confondues, le jury - la réalisatrice Anna Margarita Albelo, notre amie journaliste Charlotte Lipinska, le directeur du festival Queer Lisboa João Ferreira, le réalisateur brésilien Ricky Mastro et le président Bruce LaBruce - n'avait pas trouvé son prix la veille des délibérations. Xénia, malgré les problématiques soulevées (extrême droite, homophobie...) n'avait pas convaincu un jury plus séduit par des films qui traitaient de féminisme et de genre que d'homosexualité.
Unanimité du jury
Vendredi 23 mai, 10h, Quinzaine des réalisateurs : les cinq jurés voient Pride, film de clôture de la Quinzaine, où un groupe activiste gay et lesbien londonien mobilise la communauté LGBT pour venir en aide aux mineurs en grève (on est sous Thatcher). Typique comédie britannique, croisement entre Billy Elliot et un épisode de Queer As Folk, ce film réalisé par Matthew Warchus grand public (que Pathé sortira en salles en octobre) fait rire et réfléchir, prône la solidarité et l'ouverture aux autres, hétéros ou homos. Le jury décernera sa Queer Palm à l'unanimité douze heures plus tard sur la Plage de la Quinzaine.
Cette comédie est aux antipodes du cinéma underground du président du jury Bruce LaBruce. Mais Pride le méritait à plus d'un titre. D'abord, il correspond parfaitement à la définition du prix, qui récompense un film pour son traitement des thématiques altersexuelles (homosexuelles, bisexuelles ou transsexuelles). Ensuite, depuis les débuts de la Queer Palm, c'est assurément celui qui a le plus fort potentiel populaire, qui peut s'adresser au plus grand nombre.
Party Girl et Bande de filles
"Le débat fut animé, soulevant plusieurs questions essentielles au cinéma : l’art contre la politique; la visibilité queer contre une expression indirecte ou ambigüe des sexualités alternatives ; l’avènement d’une nouvelle sensibilité queer contre la représentation de faits ou de personnages historiques" comme l'a expliqué Bruce LaBruce dans son discours.
"Bien que nous ne les ayons pas récompensés, deux films se sont distingués pour leur esprit queer par l’affirmation de l’autonomisation des femmes et de leur résistance aux conventions sociales et sexuelles, ainsi qu’à la domination masculine. Ces films sont Party Girl de Marie Amachoukeli, Claire Burger et Samuel Theis (Un Certain Regard) et Bande de filles de Céline Sciamma (Quinzaine des Réalisateurs).
Finalement, le film que nous avons choisi – basé sur des faits historiques – est une histoire importante et pertinente à raconter aujourd’hui vu le climat d’intolérance et de violence dirigé contre ceux d’entre nous dont la sexualité questionne les normes de la culture dominante. Ce film nous rappelle que les luttes politiques, sexuelles ou sociales contre les pouvoirs réactionnaires et conservateurs sont nées d’un activisme direct. Ce film nous rappelle que le mouvement gay prend ses racines dans des questionnements plus larges que lui-même : la conscience des classes, l’égalité sociale et la liberté d’expression. Ce film évoque l’ensemble de ces problématiques dans une forme assez classique mais sans jamais succomber aux stéréotypes ni à la simplification. Le film dépeint ses personnages et ses situations avec subtilité et compassion, tout en nous rappelant que notre lutte continue."
On attendait un certain James. Ce sera finalement un fameux Bruce. Le réalisateur canadien Bruce LaBruce, 50 ans cette année, sera le président du jury de la Queer Palm cette année. Pour sa 4ème édition, le prix LGBT du Festival de Cannes s'offre un artiste engagé : cinéaste "underground", écrivain, journaliste, photographe, passionné par les fétichismes sexuels. Le choix est symbolique tant la personnalité est provocatrice et ses films souvent censurés.
Révélé par No skin off my ass en 1991, consacré avec Hustler White en 1994, alternant regards documentaires sur la prostitution masculine, films pornographiques et même films de zombies, Bruce LaBruce a franchit un cap avec Gerontophilia, qui sera en salles le 26 mars en France. Entre comédie romantique et mélo troublant, cette histoire d'amour qui lie un vieillard et un jeune homme est sans aucun doute son film le plus réussi. Le film a reçu un Grand prix au FFM de Montréal.
Depuis, Bruce LaBruce a reçu le prix du jury aux Teddy Awards 2014, durant le Festival de Berlin, avec Pierrot Lunaire. Le film, un moyen métrage, questionne l'identité sexuelle d'une fille qui s'habille en garçon.
Les autres membres du jury 2014 seront dévoilés dans le courant du mois de mars.
Le communiqué de presse des organisateurs indique aussi qu'un supplément « Spécial Cannes – Queer Palm » sera édité en partenariat avec le mensuel TÊTU. "Offert avec le numéro de mai du mensuel, il sera également distribué à Cannes accompagné de la liste des films en compétition pour le prix" précise le communiqué.
La Queer Palm est un prix de cinéma créé en 2010. L’organisation sélectionne parmi tous les films présentés au Festival de Cannes (Sélection officielle, Quinzaine des réalisateurs, Semaine de la critique) ceux traitant des questions homosexuelles, bisexuelles ou transgenres, ou plus largement ceux traitant de façon décalée des codes de genre.
La Queer Palm 2013 a été remise à L'inconnu du Lac de Alain Guiraudie, récompensé également du prix de la mise en scène d’Un Certain Regard, et nommé huit fois aux César.