Les reprises de l’été: Edward Yang, Takeshi Kitano, Ernst Lubitsch et un film queer culte

Posté par vincy, le 8 août 2018

A Brighter Summer Day d'Edward Yang (1991)

L'histoire: Dans les années 60, Xiao Si'r, jeune adolescent, fils d'un réfugié politique chinois, vit à Taiwan. Comme tous les jeunes gens de sa condition il fréquente les gangs qui se mènent une guerre sans merci.

Pourquoi il faut le voir? Edward Yang transpose ici une histoire vraie aussi dramatique que douloureuse. Le cinéaste taïwannais, né à Shanghaï, est mort à l'âge de 59 ans aux Etats-Unis il y a 11 ans. C'est un cinéaste peu connu a priori, par rapport à ses compatriotes (dont Hou Hsiao-hsien pour le quel il a été interprète et compositeur de la musique du film Un été chez grand père). Pourtant ses 7 longs métrages ont reçu de prestigieuses récompenses à Locarno, Berlin et à Cannes (prix de la mise en scène pour l'ultra sensible Yi Yi en 2000). C'est la jeunesse qui l'intéresse ici dans ce "Roméo et Juliette" violent où des ados paumés cherchent à exister au milieu d'une société moralisatrice. A Brighter Summer Day est considéré comme l'un de ses deux chefs d'œuvre avec Yi Yi. Cette chronique sensible et sociale décrypte (avec une sublime esthétique) aussi le phénomène de groupe, le lien entre père et fils, la vaine révolte de la jeunesse face aux institutions (nation, parents, éducation, culture, etc....). Tout est affaire de lien chez lui, de ces relations qui forgent l'identité malgré soi.

A Scene at the Sea de Takeshi Kitano (1991)

L'histoire: Un jeune éboueur sourd-muet se prend d'une passion obsessionnelle pour le surf. Soutenu par le regard protecteur de sa fiancée, sourde-muette comme lui, le jeune homme progresse, d'apprentissages éprouvants en compétitions harassantes, jusqu'à ce que la mer les sépare.

Pourquoi il faut le voir? Tout le monde connaît Kitano en Yakuza et autres rôles de flics et films de mafias. Mais dans les années 1990, Kitano a été un cinéaste marquant pour ses histoires douce-amère, à l'humour ironique, à la sensibilité palpable, et même à l'émotion débordante. A Scene at the Sea est un tournant, pour ne pas dire un virage dans l'œuvre de "Beat Takeshi". C'est son premier film sans gangsters. Le héros est sourd muet et se réfugie dans la passion du surf. Romantique, le film est aussi naturaliste avec cette mer comme horizon indépassable, ce soleil éclatant, le silence et l'amour comme seuls bruits au chaos environnant. Le plus surprenant finalement c'est qu'il s'agit d'un film en apparence légère et en profondeur sublime. Car ce film sur un exclu de la société est peut-être son plus beau, son plus lumineux, son plus coloré. Il y a quelque chose de californien dans l'air et même de hippie. Kitano n'hésite pas à fustiger l'exploitation, la soumission, les inégalités, l'injustice. Même si le soleil se noircit sur la fin, le bonheur est quand même là, dans une larme et un sourire.

Le lieutenant souriant d'Ernst Lubitsch (1931)

L'histoire: L'empereur du Flausenthurm et sa fille, la princesse Anna, sont en visite à Vienne. Pendant le défilé, le lieutenant Niki lance un sourire à son amie Franzi mais la princesse Anna le prend pour elle. Niki doit l'épouser pour réparer l'offense...

Pourquoi il faut le voir? Un roman de Hans Müller, une opérette (1907) et puis un film, inconnu, d'Ernst Lubitsch. Un film musical avec sa dose de "tubes" de l'époque un peu désuet, avec deux stars: le Français Maurice Chevalier et la future oscarisée (et née en France) Claudette Colbert. Le premier était à son apogée, la seconde à ses débuts de vedette. Ce fut la plus grosse recette de l'année pour la Paramount. Aux débuts du cinéma parlant, Lubitsch expérimentait toutes les possibilités offertes par le son. Le lieutenant souriant a été nommé à l'Oscar du meilleur film. Mais ce qui rend le film précieux, outre la mise en scène déjà virevoltante du réalisateur et son talent pour les duos alchimiques, c'est que le film est rare. A cause d'une sombre affaire de droit d'auteur lié à la version muette de l'opérette au cinéma (Rêve de valse, 1925), le film a longtemps été impossible à projeter ou diffusé puis considéré comme perdu. Il a fallu attendre les années 1990 pour retrouver une copie. L'état de la copie a nécessité un long travail de restauration et il ne fut visible qu'à partir de 2008. Une occasion en or pour découvrir ce joyau joyeux du patrimoine.

Fraise et Chocolat de Tomas Gutierrez Alea (1994)

L'histoire: Dans un quartier de la Havane, David, un étudiant militant du parti communiste est chargé d'enquêter sur les activités transfuges d'un marginal, Diego. Ce dernier, homosexuel et fier de son pays, tombe amoureux de David.

Pourquoi il faut le voir? Alors que Cuba ouvre la voie au mariage entre personnes du même sexe, il y a près de 25 ans, le cinéma cubain nous offrait l'un des plus beaux films "queer" (interprété par des acteurs à la beauté ravageuse). Torride, sensuel, mélodramatique, le film a d'abord été un immense triomphe dans les festivals (9 prix à celui de La Havane, un prix spécial du jury et le Teddy Award à Berlin, le prix spécial du jury à Sundance, un Goya espagnol du meilleur film hispanophone, une nomination à l'Oscar du meilleur film en langue étrangère). Ce film où se côtoient politique et sexualité a étonnement réussi à franchir les grilles de la censure castriste. Après tout, l'idée de départ est quand même d'espionner un homme, homosexuel et érudit, suspecté comme dissident au régime communiste. Un étudiant militant, hétéro, beau comme un Dieu va en fait devoir s'ouvrir l'esprit et les deux hommes vont apprendre à dépasser leurs préjugés. Ce n'est pas un film gay mais plutôt un film sur la tolérance face à une société rigide. Toute l'histoire tend vers le contact entre les deux hommes: se toucheront-ils enfin? Il n'est pas question de sexe, mais c'est finalement plus pour contourner la censure. Le cinéaste a préféré la parabole. La force de Fraise et Chocolat est finalement d'être un des plus beaux récits sur l'homophobie, évoquant aussi bien la répression des homosexuels que la paranoïa de l'Etat. Malgré cela, sans doute à cause du régime dictatorial de son pays, le cinéaste évite les sujets qui auraient pu fâcher Cuba frontalement.

Vesoul 2018 : un bilan positif et un Cyclo d’or pour « Bagage »

Posté par kristofy, le 7 février 2018

Le 24ème Festival des Cinémas d’Asie de Vesoul s'est terminée avec des bouquets de compliments à l'équipe de l'organisation guidée par Martine et Jean-Marc Thérouanne : durant une semaine il y a eu environ 90 films présentés en provenance de 20 pays asiatiques, certains en première européenne voire mondiale, en plus de  l'initiative de retrouver et restaurer des films jusqu'alors invisibles même dans leur pays d'origine...

Cette édition a été marquée par une thématique "Paroles de Femmes" en écho avec l'actualité, un fabuleux travail pour réunir 17 films symboliques de la Mongolie et la venue du cinéaste Jigjidsuren Gombojav et de la réalisatrice Byambasuren Davaa, une rétrospective des films de Mohamad Malas et de Wang Xiaoshuai qui ont reçu tous deux un hommage du festival.

Le FICA de Vesoul est non seulement le plus ancien festival d'Europe consacré aux cinémas asiatiques mais il est aussi 'lun des dix festivals français les plus fréquentés. Cette année ses multiples séances de projection ont fait venir environ 32 500 spectateurs : certains sont venus de loin pour voir jusqu'à 7 films par jour. Les différents artistes asiatiques invités ont été surpris de voir beaucoup de séances complètes pour leurs films, qui ne sont parfois toujours pas distribués dans leurs propres pays. L'un d' entre eux, séduit par la ville de Vesoul, chercherait même à y revenir en vacances... Une nouvelle réussite qui promet un beau 25ème anniversaire pour 2019.

Avec cette volonté d'éveiller une plus grande curiosité au monde et une ouverture vers les autres, la section des films en compétition proposait la découverte de 9 titres, principalement signés de jeunes talents (des premiers ou seconds films pour la plupart). Deux vétérans étaient quand même dans la course du Cyclo d'or : Leaf Of Life de Ebrahim Mokhtari (son 3ème film de fiction en 25 ans) et River's Edge du célèbre Wang Chao (déjà venu à Vesoul et qui tenait à y revenir).

Wang Xiaoshuai © ecrannoirLe Jury International avait comme président Wang Xiaoshuai, entouré de Mohamad Malas, Mai Masri et de l’actrice philippine Liza Dino. Avec leurs délibérations et celle des autres jurys, deux films se retrouvent plusieurs fois cités au palmarès : A Letter To The President de Roya Sadat qui retrace le combat d'une femme contre l'injustice et qui va se retrouver en prison pour avoir voulu en sauver une autre (4 prix au total), et The Taste of Rice Flower de Pengfei, qui raconte la relation d'une mère de retour dans son village pour s'occuper de sa fille, un village aux anciennes croyances, loin des villes modernes. Soit un drame tragique qui appelle à plus de progrès et un mélodrame émouvant qui s'attache à des traditions du passé, qui repart également avec quatre prix. D'ailleurs beaucoup de films du FICA (en compétition ou non) allaient dans l'une ou l'autre direction, une soif d'avenir meilleur ou un ancrage de ses racines.

Certains films étaient centrés sur des chroniques familiales : renouer des liens comme dans Shuttle Life avec la mort d'une petite fille ou comme dans Mothers (cité au palmarès) avec différentes mères et enfant adopté qui se cherchent. Dans ce film sud-coréen, une femme devient tutrice d'un adolescent et une adolescente enceinte va confier son futur bébé à un autre couple. Et dans Goodbye Grandpa venu du Japon, une joyeuse comédie durant l'organisation de funérailles, et qui remporte un Grand Prix mérité : « Le premier film de Yukihiro Morigaki est teinté d’humour et réussit le fragile équilibre entre moments de douceur et de drame grâce à son formidable casting ».

Il y a un film qui se détachait des autres car il aborde avec sensibilité le trauma d'une femme tout en évoquant une certaine brutalité de la mondialisation : c'est Bagage du philippin Zig Dulay, qui nous a fait une vive impression, tout comme au Jury ensuite qui a choisi de lui attribué le Cyclo d'or. Pour le président Wang Xiaoshuai le jury a été sensible à « une douce intensité combinée à la représentation brute de la partie sombre du monde où vivent les travailleuses domestiques philippines. Son cadre et son approche cinéma vérité forcent le public à goûter, à ressentir et à entendre chaque combat et chaque nuance ». Bagage avait d'ailleurs reçu déjà un prix de meilleur scénario au festival Cinemalya et il sera aussi au prochain festival de Londres : on lui souhaite une distribution prochaine dans les salles.

grandpaLe Palmarès du Fica de Vesoul 2018 :

-  Cyclo d'Or : Bagage de Zig Dulay (Philippines)
- Grand prix : Goodbye Grandpa de Morigaki Yukihiro (Japon)
- Prix du Jury : The Taste of Rice Flower de Pengfei (Chine)
- Mention spéciale du Jury : A Letter To The President de Roya Sadat (Afghanistan)

- Prix de la critique : The Taste of Rice Flower de Pengfei ( Chine)
- Prix du Jury NETPAC : The Taste of Rice Flower de Pengfei ( Chine) ex-aequo avec Mothers de Lee Dong-eun (Corée du Sud)
- Mention spéciale du Jury NETPAC : A Letter To The President de Roya Sadat (Afghanistan)
- Prix INALCO : Leaf Of Life de Ebrahim Mokhtari (Iran)
- Coup de coeur INALCO : The Taste of Rice Flower de Pengfei ( Chine)
- Prix du public du film de fiction : A Letter To The President de Roya Sadat (Afghanistan)
- Prix du Jury Lycéen : A Letter To The President de Roya Sadat (Afghanistan)
- Prix du Public du film documentaire : Au Fil Du Monde : Laos de Jill Coulon & Isabelle Dupuy Chavanat (Laos/France)
- Prix du Jury Jeune : The Wait de Emil Langballe & Andrea Storm Henriksen (Afghanistan/Danemark)
- Prix des Exploitants : Dakini de Dechen Roder (Bhoutan)

Vesoul 2018 : Paroles (et actes) de femmes

Posté par kristofy, le 6 février 2018

Le mouvement #MeToo popularisé par des actrices américaines depuis octobre continue de s'étendre : à propos de diverses violences aux femmes (harcèlement, agression...), depuis octobre, les révélations et autres bad buzz, tribunes et contre-tribunes féministes s'enchaînent. Il est beaucoup question partout de 'libération' de la parole de la femme, mais pas assez encore de questions à propos d'égalité salariale ou d'une meilleure représentation au sein de plusieurs instances dirigeantes (en politique tout comme dans des entreprises, mais aussi dans les structures de financement de films).

#MeToo n'est pas un phénomène uniquement occidental. Par exemple, depuis début janvier, il y a de plus en plus de #YeWoShi en Chine. Le Festival des Cinémas d'Asie de Vesoul avait prévu depuis plusieurs mois une sélection thématique "Paroles de femmes" avec plus d'une vingtaine de films à (re)découvrir dont plusieurs en avant-première. Si depuis quelques mois on parle de plus en plus aux Etats-Unis, ça fait plusieurs années qu'en Asie, non seulement on parle, mais en plus on agit comme par exemple en Inde, au Népal ou en Iran. Les problématiques sont bien plus complexes que le comportements de prédateur de quelques hommes : l'oppression est subie par l'organisation du pouvoir politique et religieux, les notions de liberté ou d'égalité sont encore à conquérir...

En 2011 la star asiatique Michelle Yeoh est dirigée par Luc Besson pour The Lady, un film biographique en hommage au combat de Aung San Suu Kyi assignée à résidence (emprisonnée chez elle, et isolée de sa famille) durant plusieurs années pour la tenir à l'écart des élections en Birmanie. On y entend cette phrase-clé : "Vous ne pensez peut-être pas à la politique, mais la politique elle pense à vous". Depuis, la Prix Nobel est au centre des critiques pour son ambiguïté sur le génocide et l'exil des Rohingyas.

La réalisatrice israélienne Elite Zexer s'est fait connaître avec un premier film passé au festival de Berlin en 2016 après avoir gagné un Grand prix du jury à Sundance pour Tempête de sable.

Des traditions patriarcales permettent à un homme de prendre une seconde épouse, de répudier la première s'il le désire, et surtout d'interdire à sa fille de fréquenter l'élu de son cœur pour la marier à un autre homme qu'il aura lui-même choisi. Le "tu ne peux pas me garder enfermée ici" de la jeune fille sera bien faible par rapport au "tu épouseras qui je te dirais" de son père. Le rôle du père est plus subtil qu'il n'y parait car il est 'obligé de' et 'forcé de' suivre les traditions, et son ainée qui souhaite autre chose finira par s'y plier pour l'honneur de sa famille, avec l'illusion (vaine) que ça ne se reproduira pas pour sa petite sœur...

Cette liberté refusée de se marier librement est d'ailleurs le sujet de biens d'autres films, comme le récent Noces de Stephan Streker en Belgique à propos d'une famille originaire du Pakistan.

Une lycéenne est déjà enceinte, sans l'avoir dit à sa famille. Pourtant, on lui a choisi trois jeunes hommes du Pakistan comme potentiel futur mari : "elle ne rentre pas, elle a dit que si on ne l’obligeait pas à se marier alors elle rentrait, elle ne veut pas se marier, et tant qu’on veut la marier elle ne rentre pas". Son frère la comprend un peu tout en suivant davantage le point de vue de son père. Sa grande soeur qui a vécu la même situation l'incite à obéir à ce mariage prévu avec un inconnu approuvé par les parents : "évidement que c’est injuste, on est des femmes qu’est ce que tu crois, on ne peut se révolter que si on peut changer les choses, sinon il n’y a qu’une seule chose a faire, c’est accepter". Là encore un renoncement. A noter que Noces est nommé pour le César du meilleur film étranger et qu'il vient de recevoir en Belgique le Magritte de la meilleure actrice dans un second-rôle pour Aurora Marion. A Angoulême, il avait réussit un doublé : meilleure actrice pour Lina el Arabi et meilleur acteur pour Sebastien Houbani.

En avant-première au FICA (après être passé par Cannes) et en attente d'une future date de sortie, Marlina la tueuse en quatre actes serait en Indonésie une version de western féministe, et filmé par une femme Mouly Surya (d'après une histoire inspirée par Garin Nugroho , venu à Vesoul en 2013).

Une jeune veuve dans sa maison isolée voit arriver chez elle un gang de sept hommes, leurs intentions sont claires : lui voler tout son bétail pour le revendre, et chacun va la violer. Ils ont l'habitude de faire ça, mais cette femme-là va se défendre: elle va d'ailleurs couper la tête du chef avec un sabre ! Marlina est en route en emportant sous le bras la tête coupée pour porter plainte à un service de police. Parmi le gang, cinq hommes sont morts tandis que les deux autres seront à sa poursuite...

Enfin, finissons avec un film symbolique de paroles de femmes (et de l'actualité de ces dernières semaines): le documentaire No land's song de Ayat Najafi est à (re)voir.

En Iran, les femmes ont interdiction de chanter seules. Entre 2010 et 2013, la caméra suit les démarches entreprises par la musicienne Sara Najafi qui voudrait contrer cette censure en organisant un concert où plusieurs femmes chanteraient devant un public : début du projet, rencontres avec différentes chanteuses à Téhéran et à Paris (avec Jeanne Cherhal, Elise Caron), répétitions, difficultés diplomatiques, arrivée en Iran du groupe, ... Le concert est interdit avant d'être tout de même toléré: "dans ce pays pour beaucoup de choses, on ne donne pas de raisons à un refus"... La loi en vigueur veut qu'une femme ne doit pas parler avec un homme non-intime, ni chanter seule en public, et que la voix chantée d’une femme ne doit pas dépasser une certaine limite dans le cadre du travail et ne pas provoquer de désir. Bref, une femme ne peut plus chanter comme soliste sur une scène depuis des dizaines d'années et le documentaire aborde en parallèle la vie culturelle du pays d'avant 1979. Des femmes voudraient chanter, d'autres (avec le récent mouvement du 'mercredi blanc') voudraient ne plus avoir l'obligation de porter un voile. C'est d'autant plus courageux qu'elles mettent leur vie en péril. Ne l'oublions pas.

Vesoul 2018: Bagage de Zig Dulay, une histoire de bébés abandonnés

Posté par kristofy, le 2 février 2018

zig dulay ©ecrannoirLe Festival des Cinémas d'Asie de Vesoul c'est la découverte de films en provenance d' Iran, Afghanistan, Malaisie, Chine, Corée du Sud, Philippines, ou du Japon. Recevoir un prix à Vesoul est d'ailleurs un coup de projecteur pour favoriser ensuite une sortie en salles en France, comme par exemple Les lauriers roses-rouges (Under construction) le 7 juin 2017, Tharlo, le berger tibétain ce 3 janvier dernier ou Hotel Salvation le 21 mars prochain.

Aujourd'hui on s'envole vers les Philippines dont on connait surtout les films de Brillante Mendoza. On se demande pourquoi les distributeurs n'ont pas fait sortir par exemple les films de Lawrence Fajardo (Invisible) ou de Edouardo Roy Jr, passé à Vesoul mais aussi par Berlin (Baby factory, le quotidien d’une maternité à travers différentes mamans, infirmières, bébés ou Quick change, histoire de transsexuels avec un trafic illégal de produits de chirurgie esthétique).

Un nouveau nom est à suivre : le réalisateur Zig Dulay (qui est aussi scénariste, monteur, producteur), venu à Vesoul présenter Bagage avec comme héroïne l'actrice Angeli Bayani (que l'on connaît depuis Ilo Ilo qui avait eu le prix Caméra d'or à Cannes en 2013).

Le pitch: Alors que toute la famille célèbre le retour au pays de Mercy Agbunag, des agents du Bureau National des Investigations viennent la chercher Mercy pour enquêter sur la découverte d’un nouveau-né qui a été jeté dans la poubelle d'un avion. Mercy était à bord de cet avion, elle va devoir passer entre les mains de divers organismes : police, hôpital, refuge des services sociaux, médias avides de sensationnalisme...

Le style du film et son esthétique visant au réalisme nous sont déjà familiers: la caméra est presque toujours tournée vers le personnage principal dont on suit autant la trajectoire géographique dans différents lieux que son parcours émotionnel. Ici c'est une femme, déjà mère de famille, qui est accusée d'avoir donner naissance à un bébé et de l'avoir abandonné dans un avion. L'enquête va d'abord viser son corps avec divers examens médicaux puis sa conscience avec une demande d'aveux qu'elle ne fait pas : est-elle vraiment coupable, que s'est-il passé ?

Inspiré de faits divers

Zig Dulay a donné cet éclairage : « Le film est inspirés de différents faits-divers de femmes ayant dû accoucher dans les toilettes d'aéroport et qui y ont abandonné le bébé. Il y a aussi eu un cas d'un bébé oublié dans les toilettes d'un avion. C'était à chaque fois des avions qui venaient de pays du Moyen-Orient. Il y avait d'ailleurs une histoire où le bébé trouvé avait été appelé Rosario. J'ai gardé ce prénom. Tout ça m'a inspiré l'écriture de ce film Bagage. Ce titre a une double signification, à la fois la charge trop lourde que représente ce bébé pour sa mère, et aussi le fait que ce type d'histoire représente un poids social pour le pays car ce qui est raconté se produit encore et toujours. Aux Philippines on traite ce genre d'affaire presque comme quelque chose de quotidien, il y a des réactions quand ça arrive mais on ne fait pas grand chose pour éviter ce type de problème. La justice est limitée à sa juridiction sans pouvoir enquêter en direction de criminels d'un autre pays étranger et essaie de savoir qui est la mère qui a abandonné le bébé. Avec Bagage j'ai voulu montrer ce cercle vicieux où des femmes sont d'abord coupables avant d'être éventuellement ensuite comprise comme étant victimes.»

Vesoul 2018 : Wang Xiaoshuai, Mohamad Malas et la Mongolie à l’honneur

Posté par kristofy, le 30 janvier 2018

C’est LE festival asiatique majeur et pour sa 24e édition, les regards vont de nouveau se tourner vers l’est en région Bourgogne-Franche-Comté : le Festival des Cinémas d'Asie de Vesoul va rendre hommage au chinois Wang Xiaoshuai (avec 11 films dont certains inédits) et au syrien Mohamad Malas (avec l'intégrale de ses films), et faire découvrir un large panorama du cinéma de Mongolie !

« Si l’une des missions du FICA de Vesoul est de mettre à l’honneur les films totalement inédits de futurs talents de demain dans les sections compétitives, elle est aussi de faire connaître et reconnaître des cinématographies peu ou mal connues. Proposer une rétrospective implique pendant plusieurs années l’étude de l’histoire du cinéma et de l’histoire du pays souvent intimement mêlées, le visionnement de centaines de films, des déplacements et des contacts sur place, l’aide à la restauration de certaines copies, la traduction et la création de sous-titres en français… » C’est cela le Festival de Vesoul, aller dénicher des films inédits en France ou en Europe, voire des films devenus invisibles (l’année dernière, c’était le Skri Lanka et la Georgie qui étaient à l'honneur). On y verra donc plus d’une quinzaine de films en provenance de Mongolie, dont des trésors qui datent de 1936, 1938, 1954 et d’autres plus récents.

Avec une sélection thématique "Paroles de femmes" (rattrapée par l’actualité), ses différents films en avant-première, et ses films en compétition pour un Cyclo d’or, le FICA de Vesoul va proposer de découvrir presque une centaine d’œuvres asiatiques du proche à l’extrême orient. Le jury international pour les fictions en compétition sera présidé par Wang Xiaoshuai (qui a déjà été récompensé à Cannes comme à Berlin), avec à ses côtés Mohamad Malas, Mai Masri et l’actrice philippine Liza Dino.

Au fil des multiples séances toute la journée, ce sont environ 30 000 spectateurs qui vont être accueillis sur une semaine, beaucoup de projections sont suivies d’ailleurs par un débat : cette année sont invités par exemple Byambasuren Davana, Zig Dulay, Lee Dong-eun, Lee Kwang-kuk, Ebrahim Mokhtari, Morigaki Yukihiro, Pengfei, Roya Sadat, Tan Seng Kiat, et aussi Wang Chao.

C’est Hotel salvation qui fait l’ouverture du festival (avant sa sortie en salles le 21 mars), et pour la clôture c’est Centaure (qui sera sur les écrans à partir de ce 31 janvier).


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24e Festival des Cinémas d'Asie de Vesoul
Du 30 janvier au 6 février 2018
Informations pratiques sur le site de la manifestation

Venise 2017 : John Woo revient au polar avec Manhunt

Posté par kristofy, le 9 septembre 2017

Le maestro du polar Hongkongais John Woo est de retour avec Manhunt présenté en première mondiale à Venise. D’ailleurs le montage a été terminé juste un peu avant le festival. Est-ce que John Woo va nous éblouir de nouveau avec sa maestria de gunfights et de cascades ? Pour les scènes d’action, on se retrouve en terrain connu. Cette chasse à l’homme nous renvoie aux standards du genre plusieurs dizaines d’années en arrière. L’ensemble est plaisant, mais pas époustouflant.

On adore justement John Woo pour son sens de l’esbroufe des années 80 à Hong-Kong (Les Larmes d'un héros, Le Syndicat du crime, The killer, Une balle dans la tête…) qu’il a su régénérer ensuite aux Etats-Unis (Broken Arrow, Volte-face, Mission impossible 2…) avant de retourner en Chine pour des films d’époque en costumes (Les Trois Royaumes, Le Règne des assassins, Crossing…). Le souhait de beaucoup était de revoir John Woo aux commandes d’un polar comme il en faisait avant (un projet de remake de The Killer est dans l’air), ce vœu est exaucé maintenant avec Manhunt. On aurait aimé qu'il soit satisfaisant.

Un avocat d’une grande firme pharmaceutique est accusé à tort d’un crime qu’il n’a pas commis, il est poursuivi à la fois par des tueurs et par un flic. Il va devoir évité d’être tué, protéger une femme qui veut se venger, convaincre le flic qu’il est innocent, et bien entendu contrer les projets de… (tadaaa : une grande firme pharmaceutique). Le scénario de ce genre de polar est connu d’avance (c’est toujours l’ex-employeur). C’est d’ailleurs un remake du Manhunt japonais de 1976 avec l’acteur Ken Takakura, auquel John Woo rend ainsi hommage : "la première fois que je l’ai vu dans des films ça m’a marqué, c’était des histoires de gangsters ou d’évasion de prison. Il avait beaucoup de charisme. Je me suis inspiré de son image pour la personnage de Chow Yun-fat dans Le syndicat du crime et The killer, avec par exemple un long manteau."

La séquence d’introduction où le héros croise par hasard deux tueuses nous met dans l’ambiance avec une fusillade en règle. De plus c’est la première fois chez John Woo que les ‘méchants’ sont des 'méchantes'. Ensuite le scénario est conduit de façon à faire se suivre les scènes d’action attendues : course dans le métro, poursuite en scooter de mer, assaillants sur des motos lors d’un mariage, fusillade dans une maison où le héros est menotté au flic, combat rapproché dans un laboratoire, et bien entendu, OUI!, un envol de colombes ! C'est sa signature.

On y pend certes plaisir mais les autres scènes qui font progresser l’histoire sont laborieuses. Les faiblesses de Manhunt sont d’abord liées à son mode de fabrication, tout se passe au Japon mais c’est une co-production avec un casting panasiatique : l’actrice Qi Wei est chinoise, Ha Ji-won est coréenne, Okammoto Tao est japonaise (auparavant vue dans des films de super-héros américains), Angeles Woo, la fille du réalisateur est aussi présente. Dans les deux rôles principaux masculins le flic est le japonais Masaharu Fukuyama (vu dans les films de Hirokazu Kore-eda mais peu crédible ici, il est surtout un chanteur populaire dans son pays), et le héros fugitif est le chinois Zhang Hanyu (déjà héros pour Tsui Hark et Dante Lam). Cette variété de talents (pour que le film soit le plus exportable possible) est une belle réunion, mais l’ensemble est très inégal ou mal dirigé (avec des moments presque parodiques). Surtout, dans certaines situations, les dialogues sont en japonais ou en mandarin et dans d’autres en anglais sans aucune logique (et les répliques anglaises sont risibles), ce qui provoque des rires involontaires.

John Woo est de retour avec une carte de visite de ce qu’il sait bien faire, espérons que cela lui permettra de nous offrir ensuite un film d’un tout autre calibre.

Le Prix Lumière 2017 « in the mood of » Wong Kar-wai

Posté par vincy, le 15 juin 2017

Le Prix Lumière 2017 sera décerné le 20 octobre au cinéaste Wong Kar-wai, "pour ses films inclassables qui sont autant d'éclats de beauté, pour la trace qu'il laisse déjà dans l'histoire du cinéma, pour ce que son œuvre a de splendide et d'inachevé, pour les néons de Hong Kong et les neiges de Mandchourie, et parce que les lunettes noires, c'est quand même très classe." Ni Godard ni JR ne peuvent dire le contraire.

Le cinéaste, né à Shanghai en 1958 et résidant à Hong Kong depuis son enfance, a déclaré qu'il s'agissait pour lui d'un "grand honneur" et qu'il éprouvait "une grande fierté de rejoindre" ceux déjà distingués (Eastwood, Forman, Depardieu, Loach, Tarantino, Almodovar, Scorsese et Deneuve). Wong Kar-wai est le premier asiatique à recevoir ce prix, remis lors du Festival Lumière (14-22 octobre).

Wong Kar-wai a reçu au cours de sa carrière le Prix de la mise en scène à Cannes pour Happy Together, le Prix du meilleur film étranger aux European Film Awards et le César du meilleur film étranger pour In the Mood for Love et le Prix du meilleur film étranger aux European Film Awards pour 2046.

Il a réalisé 10 longs métrages depuis 1990, ressuscitant et exacerbant le romantisme et la mélancolie, avec un esthétisme unique dans le cinéma, grâce notamment à la photo de Christopher Doyle, qui vient d'être honoré à Cannes, et la direction artistique de William Chang.

BIFFF 2017 : le meilleur de l’action en Asie en 3 films

Posté par kristofy, le 16 avril 2017

Call of Heroes

Le BIFFF c’est donc le Bruxelles International Fantastic Film Festival, avec de la fantasy, du thriller, de la science-fiction, et des films d'action où on se bagarre en combat rapproché et où on se tire dessus pour tout faire exploser : ennemi, voiture, bâtiment, rétines des spectateurs.

Voilà trois exemples de films qui sauront vous redonner envie de voir des (bons) films d'action :

Call of Heroes, de Benny Chan avec Sammo Hung en chorégraphe des combats.
Tout ce que vous aimez dans les westerns et dans les films de kung-fu se retrouve dans ce ‘eastern’ : le fils d’un seigneur de guerre est coupable de trois meurtres dans un village. Il est donc condamné à mort, mais son armée exige sa libération, menaçant, sinon, de tuer tout le monde… On y retrouve le personnage du vagabond expert en combat qui passe par là et qui va s’impliquer dans l'affaire, une shérif qui tient à faire respecter la justice, des villageois qui ne veulent pas mourir à cause de l’entêtement de leur chef, un condamné qui s’amuse de tout ça car son armée a de toute façon prévu de piller le village et de tuer tout le monde... L’histoire est l’archétype de David contre Goliath, du faible qui défend la justice et l’honneur de son village contre le fort violent qui envahit d’autres territoires. Call of Heroes concentre tout les ingrédients des films d'arts-martiaux d'antan mais dans une grande fresque moderne et spectaculaire.

Opération Mékong, de Dante Lam.
Le film se base sur un fait survenu en Asie dans le ‘triangle d’or’ de la drogue, à la frontière de la Thaïlande, du Laos et du Myanmar (ancienne Birmanie): il y avait eu sur le fleuve Mekong une attaque d’une embarcation pleine d’un étrange chargement. 13 chinois ont été retrouvés dans l’eau les mains attachées et mort d’une balle tandis que la marchandise (des milliers de cachets de méthamphétamine) a été retrouvée ailleurs. Plusieurs pays décident d’unir leur force de police en commun pour enquêter et arrêter les gros bonnets du cartel producteur de drogue, en particulier les policiers chinois, qui sont ici les héros. Si Dante Lam, expert en film d’action a été un peu oublié, il prouve bien qu’il est l’un des meilleur du genre avec Opération Mekong : exfiltration d’une no-go zone avec combats à tout les étages pour finir en cascades de voitures et lance-roquette, négociation d’un gros deal qui foire dans un centre commercial bondé de gens avec des combats dans tout les sens et même une voiture qui casse tout à l’intérieur, assaut de repaire du big boss dans la jungle façon Rambo avec grenades, course-poursuite de plusieurs bateaux à toute vitesse sur le fleuve en vidant quantité de chargeurs d’arme à feu, et en bonus des enfants soldats assassins…

Headshot, de The Mo Brothers
Le nouveau film du duo Timo Tjahjanto et Kimo Stamboel continue une progression vers un cinéma un peu plus grand public, après le gore de Macabre et les tortures de Killers . Ce nouveau film est avant tout de la grosse baston. Leur as c'est Iko Uwais la star de The Raid (également chorégraphe des scènes de combat). Le point de départ est comme Jason Bourne ou XIII : il est à l’hôpital après qu’on lui ai tiré dessus, et il est amnésique… Sans surprise il se révèle être désormais un ‘gentil’ que son ancien gang de ‘méchants’ veut abattre: il était un tueur expert en combat mais maintenant il doit se défendre contre eux et protéger, en plus, la belle infirmière tombée amoureuse de lui. Festival de coups de machette, de pieds-poings dans la gueule et de bras tordus avec pour décor un commissariat qui sera détruit ou un bus qui sera brulé, Iko Uwais est bel et bien un phénomène qui pourrait séduire Hollywood.

15 projets sélectionnés à l’Atelier de la Cinéfondation 2017

Posté par vincy, le 3 mars 2017

L’Atelier de la Cinéfondation du Festival de Cannes lance sa treizième édition avec 16 réalisateurs "dont les projets de film ont été jugés particulièrement prometteurs."

Créé en 2005 pour encourager le cinéma de création et favoriser l’émergence d’une nouvelle génération de cinéastes dans le monde, L’Atelier a suivi en onze ans le développement de 186 projets, dont 145 sont terminés et 14 sont actuellement en pré-production. Pour cette 13ème édition, 15 projets venus de 14 pays (le Vietnam a deux projets en lice) ont été retenus, du réalisateur à ses débuts au cinéaste confirmé. La cartographie se compose ainsi : six projets d'Asie de l'Est, trois du Proche Orient et trois d'Europe, deux d'Amérique centrale et un d'Afrique.

Sew the winter to my skin de Jahmil X.T. Qubeka (Afrique du Sud)
Day after tomorrow de Kamar Ahmad Simon (Bangladesh)
Ningdu de Lei Lei (Chine)
Teenage Jesus de Marie Grahto Sorensen (Danemark)
Decompression de Yona Rozenkier (Israël)
Go youth de Carlos Armella (Mexique)
Bedridden de Byamba Sakhya (Mongolie)
Alam de Firas Khoury (Palestine)
Candy town de Yannillys Perez (République Dominicaine)
Otto the barbarian de Ruxandra Ghitescu (Roumanie)
Summer E5 de Emily Young (Royaume-Uni)
City of small blessings de Chen-Hsi Wong (Singapour)
The translator de Rana Kazkaz & Anas Khalaf (Syrie)
Cu Li nevers cries de Phan Ngoc Lan (Vietnam) - en photo
Taste de Le Bao (Vietnam)

Du 19 au 25 mai, des rendez-vous seront organisés avec les réalisateurs, accompagnés de leurs producteurs, pour rencontrer les professionnels intéressés par leurs projets.  Le Livre des Projets et les fiches d’inscription aux rendez-vous seront disponibles début avril suer le site de la Cinéfondation.

Vesoul 2017 : Des femmes et des bébés au palmarès

Posté par kristofy, le 15 février 2017

Le 23ème Festival des Cinémas d’Asie de Vesoul s'est terminée avec sa chaleureuse convivialité habituelle et beaucoup de promesses pour le rendez-vous de l'année prochaine. La manifestation prend de plus en plus d'ampleur localement (avec des lycéens, d'autres salles dans d'autres villes proches, incluant même un débat en duplex, et une programmation post-festival à Paris et ailleurs) et à l'international (au festival de Busan en Corée, on parle autant de Vesoul que de Berlin, pour beaucoup d'invités la ville vosgienne restera leur première étape de découverte de la France...), tant et si bien que de nombreuses séances ont affiché 'complet'. Sur une semaine il y a eu tout de même environ 150 séances et il a fallu en rajouter pour satisfaire la demande.

Nos films préférés

C'est au FICA de Vesoul que l'on voit en avant-première des films comme Tunnel de Kim Seong-hun (sortie le 3 mai), Après la tempête de Kore-eda Hirokazu (découvert à Cannes, sortie le 26 avril), The Bacchus Lady de Lee Je-yong (en ce moment au festival de Berlin), et surtout la riche sélection des films en compétition dont la plupart n'ont pas encore de distributeurs.

Parmi nos préférés il y avait Hotel Salvation de Shubhashish Bhutiani (Inde), Reseba-The Dark Wind de Hussein Hassan (Irak), Baby Beside Me de Son Tae-gyum (Corée du Sud), et 500m 800m de Yao Tian (Chine), ce dernier étant d'ailleurs étrangement complémentaire avec un des films les plus fort d'une autre sélection Blind Mountain de Li Yang...

Le prix du public pour Reseba-The Dark Wind

Comme on le pressentait déjà Reseba-The Dark Wind a fait forte impression sur les festivaliers et repart avec deux prix : prix du public et prix des lycéens.

Mais c'est 500m 800m de Yao Tian qui a gagné le Cyclo d'or du jury international (la cinéaste iranienne Rakhshan Bani-Etemad comme présidente, la réalisatrice géorgienne Rusudan Chkonia, le réalisateur sri lankais Vimukthi Jayasundara et la réalisatrice mongole Byambasuren Davaa) : ce film chinois risque d'ailleurs de ne pas être vu dans son propre pays tant il critique la politique de l'enfant unique en Chine (qui a été assouplie depuis 2016).

Yao Tian, fils unique, Cyclo d'or

Le réalisateur Yao Tian qui était présent à Vesoul avait expliqué que «Je suis né dans les années 80 et je n'ai pas eu de petit frère ou petite sœur à cause de cette injonction de l'enfant unique. Ce n'était pas possible car sinon il y avait une très grosse amende impossible à payer, de plus pour qui avait un travail de fonctionnaire c'était le renvoi de cet emploi. Si jamais une seconde grossesse arrivait tout de même c'était comme dans le film 500m 800m, pas possible de donner naissance à un deuxième enfant, il n'y avait pas vraiment de limite au nombre de mois de grossesse pour un avortement (ndlr : comme une séquence marquante du film). Cette politique de l'enfant unique a durer longtemps et au bout d'un moment il y a eu un vieillissement de la population, c'est pourquoi ça a été changé début 2016 avec l'autorisation d'un deuxième enfant. »

Le titre du film 500m 800m évoque deux endroits voisins où s'est construit le barrage des Trois Gorges : dans le village rural à plus de 800 mètres d'altitudes un second enfant était permis sous certaines conditions (si le premier enfant était une fille, il fallait attendre 3 ans après sa naissance...) mais ses habitants apprennent qu'on leur ordonne de déménager pour être reloger ailleurs, dans des logements plus modernes, plus bas, sous 500 mètres d'altitude... La décision de tout quitter pour les plus âgés est dure, les autres sont séduits par l'avantage d'avoir enfin une école. Une femme du village au dessus des 800 mètres déjà maman d'une petite fille se retrouve enfin enceinte d'un second enfant (ce qui est permis) et la famille bon gré-mal gré déménage donc, mais là où ils arrivent c'est l'application stricte de la politique de l'enfant unique : il lui est interdit de garder son bébé à naître...

reseba the dark windGrossesses, viols, avortements, traditions, maternité: la femme dans tous ses états

A noter que la grossesse était un sujet de société et un sujet de débat dans de nombreux films du FICA de Vesoul cette année, dont certains se retrouvent dans le palmarès. En Chine dans 500m 800m il y a des avortements forcés dans le cadre de la politique de l'enfant unique, dans Blind Mountain il y a des jeunes femmes qui sont vendues et retenues prisonnières et violées pour enfanter dans certains villages avec une majorité d'hommes qui désirent eux une descendance... Le viol est d'ailleurs un drame collatéral en période de guerre comme dans This is my moon de Asoka Handagama ou dans Reseba-The Dark Wind de Hussein Hassan. Dans La belle-mère de Samanishvili de Edgar Shengelaia le remariage d'un patriarche implique un futur bébé possible et donc la menace que son héritage soit divisé: on lui cherche une femme stérile. À l'inverse dans The Hunt de Vasantha Obeysekere un bébé né d'une liaison incite une femme à retrouver l'homme géniteur pour l'obliger à sa promesse de se marier avec elle. Quand une femme d'un certain âge se retrouve de nouveau enceinte cela provoque beaucoup de questionnements chez ses proches dans Emma (Mother) de Riri Riza et même des scandales dans Walls Within de Prasanna Vithanage. C'est donc compliqué de décider d'avoir ou pas un enfant, d'ailleurs le débat sur l'avortement est le thème central du film iranien Being Born de Mohsen Abdolvahab , Grand prix du jury, avec en balance des dépenses supplémentaires, le poids de la religion, un épanouissement contrarié... Certaines femmes n'arrivent pas à assumer leur bébé, confié à l'adoption dans The Bacchus Lady de Lee Je-yong parce que sa mère prostituée coréenne a accouché d'un bébé métis suite une relation avec un soldat américain..., dans Baby Beside Me de Son Tae-gyum, Prix Emile Guimet, une mère disparaît du foyer en abandonnant son bébé à son compagnon qui ayant un doute sur sa réelle paternité envisage de le faire adopter.

Le Palmarès du Fica de Vesoul 2017 :

- Cyclo d'Or : 500M 800M de Yao Tian (Chine)
- Grand prix du Jury International : BEING BORN de Mohsen Abdolvahab (Iran)
- Prix du Jury International : GOING THE DISTANCE de Harumoto Yujiro (Japon)
- Mention spéciale du Jury International : Hiromi Hakogi dans HER MOTHER de Sato Yoshinori (Japon)

- Prix du Jury NETPAC : GOING THE DISTANCE de Harumoto Yujiro (Japon)
- Prix de la critique : HOTEL SALVATION de Shubhashish Bhutiani (Inde)
- Prix Emile Guimet : BABY BESIDE ME de Son Tae-gyum (Corée du Sud)
- Coup de cœur du Jury Guimet : GOING THE DISTANCE de Harumoto Yujiro (Japon)
- Prix INALCO : EMMA (Mother) de Riri Riza (Indonésie)
- Coup de coeur INALCO : 500m  800m de Yao Tian (Chine)

- Prix du public du film de fiction : THE DARK WIND de Hussein Hassan (Iraq)
- Prix du Jury Lycéen : THE DARK WIND de Hussein Hassan (Iraq)
- Prix du Public du film documentaire : UN INTOUCHABLE PARMI LES MORTS de Asil Rais (Inde)
- Prix du Jury Jeune : LE CRI INTERDIT de Marjolaine Grappe & Christophe Barreyre (France / Chine)