Demain sort dans les salles françaises un documentaire, Tomi Ungerer - l'esprit frappeur, réalisé par Brad Brenstein, et un film d'animation, Jean de la lune, réalisé par Stephan Schesch, d'après une histoire d'Ungerer. Un 2 en 1 que Le Pacte distribue d'un côté sur 10 copies, de l'autre sur 250.
L'occasion de se pencher sur l'incroyable destin de Tomi Ungerer, strasbourgeois de 82 ans, dessinateur et auteur connu mondialement depuis maintenant 55 ans. Schesch avait déjà produit l'adaptation de son livre pour enfant, Les Trois Brigands ; avec Jean de la Lune, il achève son hommage en passant directement à la réalisation.
Crayon tous terrains
Mais Ungerer est bien plus qu'un génial conteur. On lui doit aussi l'affiche contre la ségrégation raciale Black Power/White Power ou celles contre la guerre du Vietnam.
Issu d'une famille d'horloger, fils d'un ingénieur par ailleurs artiste et historien, il a d'abord vécu la guerre. Sa maison, où aujourd'hui une plaque indique la présence du créateur, a été réquisitionnée par les Allemands et, sous la domination des voisins germains, Tomi Ungerer a subit un endoctrinement nazi qui laissera quelques traces. Il ne reviendra jamais à la vie "normale". En échec scolaire, indiscipliné (il se fera même renvoyé de l'Ecole des Arts décoratifs) il commence alors son tour du monde. Laponie, Algérie, Grèce, Islande, New York. C'est là que l'aventure commence avec un carton de dessins, quelques billets. Il collabore alors avec les plus grands journaux et Harper & Row va publier des dizaines de livres pour enfants.
Un musée à Strasbourg
Dans les années 70, il s'installe au Canada et commence son entreprise de transmission : il fait une première donation de son œuvre et de sa collection de jouets à la ville de Strasbourg. Depuis 2007, un Musée Tomi Ungerer - Centre international de l'illustration a été ouvert à la Villa Greiner dans la métropole alsacienne. On y trouve, en plus de milliers de jouets, 8 000 dessins originaux, parfois grivois, souvent satiriques. Car on le sait moins, il ne dessinait pas que pour les petits.
Très investit dans la politique strasbourgeoise et les liens pacifiques entre la France et l'Allemagne, il n'en oublie pas son métier d'illustrateur. Il y a 14 ans, il a reçu le prestigieux Prix Hans Christian Andersen, le Nobel des auteurs de livres pour enfants.
Nul n'est prophète en son pays
Tomi Ungerer - l’esprit frappeur est le premier long métrage à lui être consacré. Ce documentaire revient sur son histoire chaotique mais aussi sur son point de vue souvent peu conventionnel. Cet homme aura connu les Nazis, l'utopie européenne, les beatniks de New York, l'isolement en Nouvelle-Ecosse... Considéré comme un génie du XXe siècle, dénonçant ses absurdités, le citoyen du monde Ungerer semble pourtant avoir été oublié dans son propre pays... Brad Bernstein, le réalisateur du documentaire, a eu l'idée de son film en 2008. Il lisait le New York Times qui annonçait le retour de l'artiste aux USA. Echange épistolaire rapide : le projet est lancé.
Tomi Ungerer a publié près d’une centaine de livres pour enfants. Aujourd'hui, le cinéma lui permet de prolonger son art. Les Trois brigands fut un succès surprise en 2007. Jean de la Lune est la suite logique des événements, cinq ans plus tard. Dans les deux films, Ungerer assure la voix du narrateur.
Kubrick s'invite dans Jean de la Lune
Film pour les petits, en concurrence avec Ernest et Célestine et Nikko le petit renne 2, le poétique Jean de la Lune est l'adaptation du conte le plus célèbre d'Ungerer. L'histoire est simple : Jean s’ennuie tout seul sur la Lune. Il décide de visiter la Terre. En s’accrochant à la queue d’une comète, il atterrit sur la Planète bleue. Le Président du Monde, persuadé qu’il s’agit d’un envahisseur, le pourchasse.
L'Allemand Stephan Schesch, très francophile, a présenté son film aux festivals de Munich et d'Annecy : "Je dirais du film qu’il est élégiaque. Il a son propre rythme, il laisse de l’espace au public, jeunes et grands, qui peut à loisir observer, imaginer, en étant en plus captivé".
A noter que l'on peut voir le personnage du président sur une fusée. Cette référence appuyée au film Docteur Folamour n'est pas innocente : Tomi Ungerer avait réalisé l'illustration des affiches du film de Kubrick.