Les Indies, pour l’esprit…

Posté par vincy, le 22 février 2009

Les Independant Spirit Awards sont les prix les plus respectés à Hollywood pour leur valeur artistique. Appellons ces Spirit, les Oscars pour les snobs, ceux qui fréquentent les salles art et essais. Cette année, les Indies Spirit ont couronné The Wrestler dans trois catégories et pas des moindres : film, acteur, photo. Le réalisateur Darren Aronofsky n'était pas nommé. Reste que la soirée a signé la résurrection de Mickey Rourke, véritable vedette de la saison, et qui pourrait obtenir l'Oscar cette nuit. Un come-back magnifique et salué par un système cruel qui adore ce genre de "belles" histoires.

Son discours fut des plus bizarres et pourrait effrayer les producteurs des Oscars. Il a fait l'éloge d'Eric Roberts ("Le meilleur acteur avec lequel j'ai pu travaillé"), pour lequel il a prié que les réalisateurs lui donne à lui aussi une seconde chance. Il a dédié le prix à son chien Loki, décédé il y a six jours, menacé de "botter le cul" du comique Rainn Wilson ("ce petit con de blond") qui osé le parodier, oublié le prénom de sa partenaire Marisa ("Melissa? Marisa?") Tomei en lui rendant un vibrant hommage, et enfin cassé son micro. Rock n' roll.

D'un point de vue plus global, cela reste le triomphe de la vieille génération sur la nouvelle puisque Woody Allen, Melissa Leo, Penelope Cruz (15 ans de carrière tout de même) ont tous obtenu un prix. On notera le prix du meilleur second rôle pour le jeune James Franco, pour son rôle d'amant délaissé dans Milk.

Les prix du cinéma indépendant ont aussi récompensé deux films français : le documentaire Le funambule et surtout, dans la catégorie meilleur film étranger, Entre les murs. Cela pourrait apporter du baume au coeur, tant le film de Laurent Cantet est partout signalé comme étant l'outsider principal de Valse avec Bashir pour l'Oscar du meilleur film en langue étrangère.
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Tout le palmarès

2008 : le top 5 de Vincy

Posté par vincy, le 30 décembre 2008

Ecran Noir revient, auteur par auteur, à ses coups de coeur de l’année passée… (le classement est ici par ordre chronologique des sorties)

vincy thomas by françois lebel2008 aura marqué les cinéphiles par une certaine vitalité, mélangeant de plus en plus les codes et les genres, se régénérant dans un désir de cinéma plus audacieux. Le 7e art est toujours porté par ce subtil équilibre où, dans un bilan, la force intense du cinéma israëlien coexiste avec la suprématie au box office d'un groupe comme Pathé.

Ecran Noir a donc défendu L'échange comme Louise Michel, descendu Disco comme Sex & the City le film. Les top 5 de nos auteurs se suivent, se ressemblent parfois. J'aurais aussi placé Into the Wild, Le bon la brute et le cinglé, Il Divo, Batman the Dark Knight, Un conte de Noël et Vicky Cristina Barcelona tant ces films m'ont procuré un immense plaisir de spectateur. A ce titre, le plus désopilant sera venu de Norvège avec La nouvelle vie de Monsieur Horten. Mais j'ai préféré opter pour cinq films significatifs, c'est-à-dire qui donnent un sens au cinéma, une voie pour sa propre vie, quand on est simple spectateur...

1. There Will be Blood. Une fresque où la foi et le fric coulent dans les veines d'une oeuvre fiévreuse et tragique. Sa folie puise ainsi dans les deux mamelles d'une Amérique viscéralement violente mais aussi capable de se réinventer, jusque dans son cinéma dit "académique". Paul Thomas Anderson signe là un film magistral, décryptant les maux d'un monde obsessionnel.

1. Wall-E. Dans cette fable écologique, anti-consumériste et romantique, Pixar raconte, en se moquant de notre civilisation, une histoire d'amour universelle qui touche les plus insensibles. Surtout, la grâce de la mise en scène et l'enchantement du scénario déclenchent un attachement imprévisible pour une fiction complètement irréaliste. Nous n'avions pas ressenti cette émotion enfantine et naïve depuis E.T.

3. Be Happy. Dans ce monde chaotique, en pleine crise économique, en pleine déperdition humaine, cette comédie dramatique de Mike Leigh a réchauffé les coeurs et agrandit les sourires. Avec un personnage qui pratique la "positive attitude" sans se forcer, juste parce que "la vie est belle", on renoue aussi avec cette envie de croire en un monde plus solidaire, et pas forcément dévoré par les crédits et la cupidité.

4. Entre les murs. Si le film fait débat, tant mieux. Si le professeur/auteur/acteur agace, ça fait partie du je(u). Ca veut dire que le cadavre bouge encore. Dans notre société amorphe, où les idées sont massacrées par la télé, les réformes manipulées par les paroles, il est sain de voir qu'un film peut encore secouer les préjugés. Celui-ci est alerte, vif, intelligent, ancré dans son temps, loin d'être manichéen, et même divertissant. Jusque là tout va bien, mais on sait que la haine n'est pas loin.

5. The Visitor. A l'image de son personnage central, il est arrivé discrètement et frappe les esprits aussi fortement qu'on joue du djembé. Ce conte de l'amitié ordinaire est la parabole parfaite de ce qui est arrivé cette année : une Amérique intellectuelle, WASP, endormie, aveugle même, s'est réveillée, a tissé des liens avec les jeunes et les autres ethnies, et s'est révoltée en votant Obama. Ici, pas de miracle, et c'est ce qui est bien, mais un sursaut civique qui rend ce film généreux. los abrazos rotos penelope cruz pedro almodovar

Bonus : vu en 2007, véritable coup de coeur, sorti en 2008. Juno. La chronique douce amère et drôle sur cette jeune fille mère a ensoleillé l'hiver dernier. Une écriture subtile qui fait l'éloge de la curiosité, de la responsabilité et d'une certaine crudité ont fait de ce "combat" contre les idées préconçues, déjouant la normalité attendue, et ainsi la moralité si conventionnelle.

Le film le plus attendu de 2009 : Los abrazos rotos (Les étreintes brisées), soit le nouveau film de Pedro Almodovar. Une oeuvre dédiée au cinéma, à la mort, à la renaissance, où la confession se confond avec l'intimité. Avec Pénélope Cruz, en blonde.

2008 : Le Top 5 de Benoit

Posté par benoit, le 28 décembre 2008

Ecran Noir revient, auteur par auteur, à ses coups de coeur de l’année passée… 

benoit gautier1. Un conte de Noël de Arnaud Depleschin. Le plus beau film de Depleschin injustement oublié au palmarès du Festival de Cannes. Sa mise en scène et l’interprétation de sa troupe de comédiens qui regarde dans la même direction artistique sont absolument somptueuses, impériales. Ce scénario d’une richesse et d’un foisonnement inouïs inclut deux flash forward qui anticipent le cours du récit ponctué de split screen, fermeture à l'iris, adresse caméra, citations et références. Si vous replacez chronologiquement les flash forward, alors vous vous apercevrez que dans ce "règlement de conte" familial, ce sont les enfants qui engendrent les parents. Du vrai et du très grand cinéma !

2. The visitor de Thomas Mc Carthy. The Visitor aurait pu être une boursouflure de bons sentiments comme le faisait craindre sa bande-annonce catastrophique. La régénérescence d'un sexagénaire grâce à l'amitié, à la musique et enfin à l’amour avait de quoi faire frémir. Eh bien, non ! Cette œuvre écrite, réalisée et interprétée au cordeau évite tous les poncifs américano-humano-dégoulinants. Aussi impitoyable qu’émouvante, elle dénonce sans fard la paranoïa des Etats-Unis depuis le 11 septembre et sa politique d’expulsion galopante. The Visitor concrétise à la perfection le vœu pieux de Jean-Luc Godard : faire politiquement du cinéma plutôt que du cinéma politique.

3. The dark knight, le chevalier noir de Christopher Nolan. Ce sixième épisode de la saga Batman au cinéma s’avère le plus capé, le plus culotté, le plus épouvanté, le plus atomisé, mais aussi le plus captivant parce que le plus profond. Éreinté par sa longévité, donc par la légitimité de son propre mythe, Batman aussi lisse que las reprend du collier pour sauver Gotham City, la jumelle de New York assombrie par la tourmente du terrorisme. En Ben Laden punk et sadomaso, Heath Joker Ledger masque au sens propre comme au figuré un abîme de blessures qui le conduisent aux frontières de la folie, de la mort. Un Oscar posthume s’impose pour cet acteur poète parti rejoindre River Phoenix, son frère spirituel de cinéma.

4. Les bureaux de Dieu de Claire Simon. Les bureaux de Dieu, avec une intensité magistrale, créé un planning familial situé sous les toits de Paris. Point culminant qui contemple l’agitation de la capitale et aimante ses confidences les plus intimes. Dans une réalité documentaire et une recomposition fictionnelle, Claire Simon signe non seulement un film d’une grande beauté, mais une œuvre d’utilité publique qui devrait être remboursée par la sécurité sociale. Toutes les actrices, professionnelles ou non, veillent avec l’énergie de tous les espoirs sur ces bureaux de Dieu dont les voies toujours impénétrables cherchent la libération sexuelle à travers l’obscurantisme de l’ignorance.

5. Les sept jours de Ronit et Shlomi Elkabtez. Avec Prendre femme, le second long-métrage du frère et de la sœur Elkabtez forme l’embryon d’une filmographie vibrante, fiévreuse, noblement engagée, artistiquement impeccable. Les réalisateurs scrutent l’implosion d’une famille israélienne enfermée pendant sept jours pour cause de deuil. Ils grattent jusqu’au sang les plaies de cette communauté. Arrachent les peaux mortes d’une société malade au fil de plans fixes dignes d’un Manoel De Olivera, de portraits de groupe grouillant comme des insectes égarés. Les sept jours rassemble une brochette de comédiens exceptionnels au sommet de leur art : celui de l’écoute de l’autre jusqu’à son plus infime frémissement.

Short bonus : Next floor de Denis Villeneuve.  Lors d'un opulent et luxueux banquet, onze convives sont servis à profusion par une horde de valets stylés. Tous participent à cet étrange repas aux allures de carnage gastronomique. Ce court-métrage du montréalais Denis Villeneuve allie le naturalisme décadent d’Eric Von Stroheim à celui, grotesque, de Marco Ferreri. Dénonçant les excès de la société de consommation, Next floor plonge sa tablée dans une descente aux enfers carnassière. Un film cinglant comme un coup de cravache !

Le film le plus attendu de 2009 : La fille du RER de André Téchiné avec un casting tous azimuts dont il a le secret : Catherine Deneuve, Emilie Dequenne, Ronit Elkabetz, Michel Blanc, Nicolas Duvauchelle, Mathieu Demy…

L’emmerdeur, un cas d’école?

Posté par vincy, le 23 décembre 2008

emmerdeur patrick timsit richard berryAvec L'emmerdeur, Francis Veber espérait encore avoir un film à un million d'entrées. En 9 films, il a séduit et fait rire 41 millions de spectateurs en France. Un seul, Le jouet, en 1976, n'a pas franchi les 2 millions d'entrées. Et seul Le jaguar, et ses 2,5 millions de fidèles, était considéré comme un fiasco pour le cinéaste. Tout est relatif.

Mais ce qui est absolu, c'est le fiasco financier du remake de L'emmerdeur. A l'origine le film, scénarisé par Veber, avait été réalisé par Edouard Molinaro. Sorti en 1973, le film réunissait Lino Ventura, Jacques Brel et Caroline Cellier. A Paris, 612 000 spectateurs en rient, et le total en France s'élève à 3 354 756 spectateurs. Cela en fait le cinquième film le plus populaire de l'année. Pour Molinaro, c'ests on plus gros succès depuis Hibernatus en 1969. Pour Lino Ventura, c'est la gloire intégrale, entre L'aventure c'est l'aventure et La gifle, tous au dessus des 3 millions de fans.

Le remake, réalisé par le scénariste d'origine, est la fausse bonne diée qui va coûter très cher. Dans un premier temps, Veber relance le concept au théâtre, à guichet complet. Dans un second temps, il convainc producteurs et distributeurs que L'emmerdeur peut renaître au cinéma, avec ce duo de scène : Richard Berry, populaire mais pas star, et Patrick Timsit, qui sort d'un fiasco cinématographique douloureux en 2005 avec L'Américain. Autrement dit, l'affiche n'avait rien à voir avec Ventura/Brel. Le premier était très populaire, le second une star incontestée dans la chanson.

On sort le grand jeu marketing. Un plan média qui n'épargne aucune émission de radio de grande écoute, aucun talk show télévisuel. Une affiche ringarde mais simple : le lettrage rouge et épais qui signifie en grosses lettres "comédie française", les deux comédiens, un fond blanc. Aucun travail graphique. On fait dans le basique, le déjà vu, le rassurant.

Puis TFM inonde le marché avec 595 copies, soit à peu près autant que Le jour où la terre s'arrêta. Au final, ce cumul d'impairs, ce lancement d'un autre temps, cette absence d'anticipation des désirs des spectateurs, ont entrâiné le crash désormais connu : 144 300 spectateurs en première semaine. 4e des nouveautés, 7e au classement général, 5e moins bonne moyenne par copie du Top 15 (mais la pire parmi toutes les nouveautés).

Autrement dit, même avec les fêtes, L'emmerdeur passera difficilement le cap des 350 000 entrées. Jamais Veber n'avait atteint de telles abysses. Plus grave pour TFM distribution, que TF1 cherche à vendre depuis plusieurs moi en vain (Quinta vient de se retirer des postulants), cela achève une année dramatique. Malgré 25 films sortis en 2008, le distributeur n'a attiré que 5,1 millions de spectateurs (à peine 3% de parts de marché) : ce qui le sitie en 11e place des distributeurs en France. Son plus gros (et unique) succès est sorti en mars dernier : Les femmes de l'ombre, avec à peine 850 000 spectateurs (53e succès de l'année). Ce qui ne veut pas dire que le catalogue est mauvais puisque récemment TFM a sorti The Visitor (200 000 curieux) et L'apprenti (Prix Louis Delluc du premier film). mais il est clairement mal exploité, au détriment des bons films.

2008 : le Top 5 de Karine

Posté par Karine, le 22 décembre 2008

Ecran Noir revient, auteur par auteur, à ses coups de coeur de l'année passée...

karine marcuzziCinq films marquants de l’année 2008, deux-trois lignes pour justifier chaque choix. Telle était la consigne du cinéphile en chef. Sadique…

Dur dur de faire un top 5 quand on aime le cinéma. L’envie de le transformer en top 10 se révèle vite impérieuse. Car même si l’on doit constater que la majorité des films produits s’inscrivent aujourd’hui dans une frileuse médiocrité, il reste un certain nombre de perles capables de faire oublier la morosité créative ambiante.

En cette fin d’année, rendons grâce à Nolan d’avoir sauvé le soldat Batman et de montrer aux autres super-blockbusters le chemin du renouvellement. Au chevalier noir Burton aussi, qui m’a fait aimer une “comédie” musicale (à l’exception notable des “I feel you Johaaaannaaa” dont mes oreilles ne se remettent pas). D’ailleurs, puisque j’ai entamé mon année cinéma avec le sanglant Sweeney Todd, je l’achèverai, c’est décidé, en beauté et en bonne compagnie avec Le bon, la brute et le cinglé. Mon prochain film en salle attendra donc l’an neuf, ce sera le Che de Soderbergh. Mais l’heure est au bilan. Et il ne devait en rester que cinq.

1. Vicky Cristina Barcelona. Quand Woody Allen badine avec l’amour il dissèque le cœur humain avec tendresse et acuité. Cette subtile méditation sur le désir et la plénitude amoureuse n’a de légère que l’apparence et bat au rythme d’une musique envoutante.

2. WALL-E. C’est à se demander ce que serait Disney sans Pixar… Des héros adorables, une histoire d’amour touchante et bien plus. Inventive, osée, cette fable post apocalyptique épingle le consumérisme humain avec une rare intelligence. Comme quoi, on peut ne pas prendre les enfants (et les adultes) pour des cons.

3. Bons Baisers de Bruges. Burlesque, torturé, poignant, réfléchi, porté par des personnages complexes et attachants, avec juste ce qu’il faut de décalé et d’impertinent. Un crossover de tons divers étonnamment homogène.

4. The Visitor. L’immigration clandestine à hauteur d’êtres ou, plus exactement, l’histoire d’un homme usé qui s’ouvre au contact d’une culture différente et prend des distances avec la politique de repli de son pays. Déchirant parce que Thomas McCarthy évite les pièges du sentimentalisme outrancier et du coup de gueule artificiel.

5. Soyez sympas, rembobinez. Un peu comme Bienvenue chez les Ch’tis, Gondry nous parle de fra-ter-ni-té ! Mais à la différence du précité, le Gondry est follement drôle, original, émouvant, bourré de trouvailles. En un mot, magnétique.

Ainsi que le disait Meryl Streep dans Le diable s’habille en Prada, “that’s all”.

Joyeuses fêtes et bonne année 2009 !

Karine

Deauville récompense The Visitor

Posté par vincy, le 15 septembre 2008

Le Festival de Deauville a remis ses deux prix hier soir. Tom McCarthy , déjà remarqué avec le méconnu mais néanmoins excellent The Station Agent, a reçu le Grand prix avec The Visitor. Le film, qui a été l'un des jolis succès du cinéma indépendant cet été avec 10 millions de dollars de recettes au box office, sort le 29 octobre dans les salles françaises. Richard Jenkins, qui interprète le rôle principal, avait déjà reçu le prix d'interprétation masculine au Festival de Moscou. Le film dénonce la politique d'immigration des Etats-Unis. McCarthy a, dans son discours de remerciement, a lancé : "Je crois au pouvoir de l'art. Ces films montrent que le changement et la paix vont arriver aux Etats-Unis."

Le prix de la révélation Cartier a été décerné à Ballast, de Lance Hammer. Lui a plutôt fait le choix d'un constat réaliste : "Notre pays est dans un état lamentable. Si on a un espoir aujourd'hui c'est Barack Obama." Le film est très sombre et engage trois destins dans des enjeux conflictuels et violents. Déjà sélectionné au Festival de Berlin, il avait reçu deux prix à Sundance, dont celui du meilleur réalisateur.

Cette année, Deauville a su séduire 65 000 spectateurs, 10 000 de plus que l'an dernier. Produit par le groupe côté en bourse Le Public Système, le festival a surtout été marqué par l'entrée d'Orange en sponsor média principal, remplaçant Canal + grâce à l'apport d'un énorme chèque.