Vesoul 2015 : La Chine, nouvel eldorado du cinéma

Posté par kristofy, le 13 février 2015

xiaoLa Chine, immense pays multiethnique, est doté d'un vaste patrimoine cinématographique, dont on ignore la plus grande partie. L'an dernier, il y a eu différentes initiatives pour célébrer la "Saison Culturelle France-Chine 50" (pour les 50 ans d’amitié franco-chinoises).  Le 21e Festival des cinéma d’Asie de Vesoul y apporte sa contribution avec la plus importante rétrospective de films de patrimoine chinois avec 36 œuvres telles que : les inédits La boutique de la famille Lin de Shui Hua (1959) ou Le tireur de pousse-pousse de Ling Zifeng (1982) ; Le coq chante à minuit de Lei Yeou (à Cannes en 1965) ou Une nuit de glace de Que Wen (à Cannes en 1984) ; Ju dou de Zhang Yimou (1990) ou Xiao Wu artisan pickpocket de Jia Zhang-ke (1997) ; Le fossé (2010) de Wang Bing ou La môme Xiao de Peng Tao (2007)...

Toujours venu de l'Empire du milieu, le film d'ouverture de Vesoul était  Full circle en hommage à Wu Tianming disparu l'année dernière. Le jury international pour les films en compétition est présidé par un chinois, le réalisateur Wang Chao (Voiture de luxe, Memory of Love), dont le dernier film, Fantasia était au dernier festival de Cannes.

En terme de distribution de films, on parle de territoire, et la Chine représente en ce moment LE territoire à investir. Le box-office chinois est en pleine explosion depuis plusieurs années. Rien qu’en 2014 il y a eu la construction de 1015 multiplexes (en Chine il y a désormais plus de 23600 salles - contre 18000 en 2013). C’est aussi le marché le plus important pour les films en 3D (Lucy de Luc Besson a d’ailleurs été converti spécialement en 3D pour sa diffusion en Chine). Côté box office, la Chine est dorénavant le deuxième pays dans le monde en nombre de spectateurs et en recettes. En 2014, le B.O. chinois a récolté 4,82 milliards de recettes, en progression de 36% par rapport à 2013. A ce rythme, d'ici la fin de la décennie, le marché chinois sera plus important que le marché américain.

Lente ouverture aux films étrangers

Le pays limite l’accès aux films étrangers (même si le chiffre progresse chaque année) sauf s'il s’agit de coproduction avec des règles à suivre (environ un tiers du budget par une société chinoise, un acteur chinois doit avoir un rôle conséquent, une partie du tournage en Chine, l’administration du bureau des films doit approuver le scénario et le montage final…). Depuis que la Chine a conclu un accord de coproduction avec la France le 29 avril 2010 (et des accords semblables avec d’autres pays), les films coproduits ne sont ainsi plus comptés dans le petit nombre de films étrangers (surtout américains) autorisés à être importés. Il en résulte des films chinois coproduit par des français comme 11 Fleurs (2011) de Wang Xiaoshuai ou Le Promeneur d'oiseau (2014) de Philippe Muyl, ou encore le prochain film de Jean-Jacques Annaud Le dernier Loup , qui va bientôt sortir dans nos salles d’après le best-seller chinois Le Totem du loup de Jiang Rong.

La Chine développe aussi de plus en plus des partenariats avec les Etats-Unis. Un des plus gros budgets chinois Flowers of war de Zhang Yimou a été conçu pour séduire le marché international avec, en vedette, Christian Bale. Côté USA il y a eu l’étape du blockbuster Transformers 4 l'âge de l'extinction (leader du box office l'an dernier) de Michael Bay tourné en Chine avec Mark Wahlberg (et les acteurs chinois Li Bingbing et Han Geng) qui a réalisé un meilleur démarrage en Chine qu'aux Etats-Unis. Iron man 3 également tourné en partie en Chine a d’ailleurs une version différente pour le marché chinois avec des scènes en plus (avec Wang Xuegi et Fan Bingbing). Et du côté du film d’animation DreamWorks Animation a une filiale chinoise Oriental DreamWorks. Les suites Avatar 2 (novembre 2017) et Avatar 3 (novembre 2018) de James Cameron qui visent des records de spectateurs seront aussi des coproductions avec la Chine.

En attendant, impossible de voir les 600 films produits chaque année en Chine.
Alors, Vesoul, eldorado du cinéphile amateur de films asiatiques, programme 90 films de tout le continent, en une semaine (à condition, certes, de ne rien faire d'autre).

Vesoul 2015 : la Chine, l’Iran et les thrillers à l’honneur

Posté par MpM, le 10 février 2015

fica2015Il fut longtemps le plus important festival de cinéma asiatique de France, il est désormais le seul de cette envergure. Alors que l'on apprend semaine après semaine l'arrêt (ou la suspension) de manifestations consacrées au cinéma, le Festival des cinémas d'Asie de Vesoul tient bon. Mieux, après les fastes de son 20e anniversaire, il revient en 2015 avec une programmation solide, élégante et ambitieuse qui permet une fois de plus de concilier tous les publics, des plus cinéphiles aux plus néophytes, avec un seul mot d'ordre : la curiosité.

Le secret d'une telle longévité réside bien sûr dans toute une alchimie d'éléments. Mais avant tout, c'est le fruit de vingt années de travail acharné et patient de la part de ses créateurs, Martine et Jean-Marc Thérouanne, qui n'ont jamais cessé de poursuivre leur rêve : partager leur passion avec le plus grand nombre. La 21e édition du FICA qui s'ouvre ce 10 février est ainsi le résultat de leurs efforts, mais aussi le terreau des éditions futures dont on sait déjà qu'elles ne céderont ni en exigence, ni en qualité. Un rendez-vous solide et incontournable s'est en effet établi à Vesoul et les plus grandes personnalités du cinéma asiatique y vont désormais comme on va à Cannes ou Venise.

Cette année, c'est ainsi le réalisateur chinois Wang Chao, par ailleurs président du jury international, qui recevra le Cyclo d'or d'honneur pour l'ensemble de son oeuvre. Un hommage sera également rendu au cinéaste Wu Tianming qui avait lui aussi été honoré à Vesoul en 2007. Le cinéma chinois sera décidément à la fête lors de cette 21e édition puisqu'une rétrospective de 36 films présentera également des oeuvres de cinéastes des troisième, quatrième, cinquième et sixième générations.

Autre temps fort du FICA 2015, la section thématique intitulée "Tenir en haleine" proposera de voir ou revoir des films comme Ajami de Scandar Copti et Yaron Shani, Sparrow de Johnnie To, Infernal affaires d'Andrew Lau et Alan Mak, Mystery de Lou Ye, ou encore Black coal de Diao Yi'nan... En parallèle, les compétitions longs métrages et documentaires réserveront elles-aussi leurs quotas d'émotion avec des films venus de tout le continent asiatique.

Enfin, le FICA n'oublie pas le cinéma iranien qui sera représenté par la société de production "Iraniens indépendants" et six de ses derniers films, inédits en France. Comme le soulignent les organisateurs du festival, il s'agit de rendre hommage à une société courageuse dans laquelle faire du cinéma librement ne va pas de soi. Car c'est aussi cela, l'esprit du Festival de Vesoul : s'engager aux côtés des cinématographies fragiles ou bafouées et rappeler sans cesse la nécessité de faire mais aussi de montrer et de voir un cinéma militant qui lutte pour la simple liberté d'exister.

Conscient et soucieux de ces enjeux, Ecran Noir est d'autant plus fier d'accompagner cette belle manifestation pour la 8e année consécutive et forme le vœu d'être à nouveau à ses côtés tout au long de sa troisième décennie... et au-delà.

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Festival des cinémas d'Asie de Vesoul
Du 10 au 17 février 2015

Programme et informations sur le site de la manifestation

Vesoul 2015 : Wang Chao président du jury

Posté par MpM, le 13 janvier 2015

fica2015C'est donc Wang Chao qui succèdera à Brillante Mendoza en tant que président du jury international du 21e Festival international des Cinémas d'Asie de Vesoul.

Le cinéaste chinois, qui est un habitué de Cannes (L’orphelin d’Anyang, Voiture de luxe...), présentera en avant-première son dernier long métrage, Fantasia. C'est par ailleurs son très beau thriller amoureux, Memory of love, qui clôturera cette 21e édition.

Pour décerner le Cyclo d"or, Wang Chao sera accompagné de Laurice Guillen (actrice et réalisatrice philippine, actuellement présidente du Festival Cinemalaya de Manille), Mohammad Rasoulof (réalisateur iranien) et  Prasanna Vithanage (réalisateur sri lankais).

Le FICA 2015, dont on connaîtra bientôt la programmation complète, se tiendra du 10 au 17 février.

Vesoul 2015 : premières révélations sur la 21e édition

Posté par MpM, le 9 juin 2014

Jean-Marc et Martine ThérouannePour ceux qui en doutaient, un Festival de cinéma se prépare au moins un an en avance. Martine et Jean-Marc Thérouanne, les organisateurs du Festival international des Cinémas d'Asie de Vesoul (FICA), n'étaient donc pas venus au dernier Festival de Cannes dans l'idée de se reposer après le succès de leur 20e édition, mais bien pour travailler d'arrache-pied à la suivante qui se tiendra du 10 au 17 février 2015.

Au programme, des films bien sûr, mais surtout des réunions et des rencontres afin de garder un contact étroit avec le microcosme toujours plus important du cinéma asiatique. L'idée n'est pas tant de découvrir les longs métrages qui seront les pépites de la compétition 2015 ("C'est trop tôt", souligne Martine Thérouanne, qui mise plutôt sur le Festival de Pusan en octobre) que de tisser et renforcer les liens indispensables qui permettent aux organisateurs de faire venir chaque année à Vesoul les plus grandes stars du cinéma asiatique.

"Par exemple, nous avons participé à la journée franco-chinoise organisée par le CNC. Nous aurons en 2015 un focus sur le cinéma chinois donc c'était extrêmement important d'être là", explique Jean-Marc Thérouanne. " Nous avons rencontré un certain nombre de réalisateurs chinois comme Liu Hao [Addicted to love, Cyclo d'or à Vesoul en 2011] et Liu Bingjian [Les larmes de Madame Wang, prix du Jury Netpac à Vesoul en 2003]."

Par ailleurs, les organisateurs ont également rencontré le cinéaste Jia Zhang-Ke à plusieurs reprises durant la quinzaine cannoise et ont pu lui proposer d'être le président du jury de la prochaine édition. "Il nous a donné son accord de principe, mais tout dépendra de sa disponibilité à ce moment de l'année", précise Martine Thérouanne. Bien sûr, pour un organisateur de Festival plus que pour quiconque, rien n'est jamais certain tant que les invités ne sont pas là en chair et en os, mais c'est en tout cas une excellente nouvelle pour lancer le 21e FICA.

Et ce n'est pas la seule. En effet, les organisateurs travaillent également à une rétrospective sur le cinéma du Laos, dans le cadre de la section "Francophonies d'Asie". "Nous avons mandaté Bastian Meiresonne [l'un des spécialistes de cinéma asiatique qui travaille pour le FICA] pour aller voir sur place ce qui existe physiquement dans les archives et dans quel état c'est. Nous aimerions notamment montrer Le lotus rouge de Som-Ok Southiphone un film mythique de 1988 remarqué dans de nombreux festivals internationaux", précise Jean-Marc Thérouanne.

Enfin, l'intitulé de la section thématique du prochain FICA est également connue. Il s'agira de "Tenir en haleine". Avis aux amateurs de cinéma de genre, mais pas seulement, puisque les organisateurs ont prévu de montrer plus largement des films "avec une intrigue extrêmement forte". On n'est donc pas au bout de nos émotions, quelles qu'elles soient ! Mais ça, avec la manifestation vésulienne, on en a pris l'habitude.

Vesoul 2014 : reprise d’une partie des films primés au Musée Guimet

Posté par MpM, le 2 mars 2014

On vous a beaucoup parlé de la 20e édition du Festival international des Cinémas d'Asie de Vesoul qui se tenait en février dernier. Pour tous ceux qui n'ont pas eu la chance d'assister à cette édition d’exception, l'auditorium du Musée Guimet de Paris propose du 5 au 7 mars l'occasion unique de découvrir certains des lauréats : 10 minutes de Lee Yong-seung (Corée du Sud), Summer's end de Kumakiri Kazuyoshi (Japon) et The Ferry de Shi Wei (Chine).

10 minutes10 minutes, déjà lauréat du prix FIPRESCI au Festival de Pusan en 2013, a reçu à Vesoul le Cyclo d'or et le coup de coeur du jury INALCO. Construit comme un quasi huis clos, le film suit le parcours de Kang Ho-chan, un étudiant rêvant de devenir producteur de télévision, dans l'administration où il est embauché comme stagiaire. Le récit très elliptique et la narration presque éparse donnent l'impression d'un film fuyant, fait de sensations et d'anecdotes.

Pourtant, un fil directeur émerge peu à peu de cette observation presque chirurgicale des relations professionnelles et familiales. L'ambivalence des rapports humains, l'absence de loyauté, les difficultés économiques et l'individualisme forcené sont notamment autant de thèmes effleurés par le cinéaste.
A voir le 5 mars à 12h15.

summer's endSummer's end, qui a été récompensé par le prix "Coup de cœur" du jury Guimet, est  l'adaptation élégante et feutrée du best-seller écrit par Setuchi Jakucho.

Il raconte comment une jeune femme gagne peu à peu sa liberté en s'affranchissant des différents hommes qui partagent sa vie. La mise en scène soignée et la beauté des images font oublier l'aspect parfois un peu statique du récit ainsi que ses quelques passages à vide.
A voir le 6 mars à 12h15.

The Ferry, prix du jury Emile Guimet, mais également prix NETPAC, raconte la relation ténue entre un vieil homme et son fils de retour au village pour les vacances.

En plus d'observer avec beaucoup de pudeur les liens qui se nouent entre les deux hommes, le film est un hymne à la solidarité et à la loyauté indéfectible. Une œuvre épurée d'une grande beauté formelle.
A voir le 7 mars à 20h30.

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Auditorium du Musée Guimet
6, place d'Iéna
75 016 Paris

Informations sur le site du Musée

Vesoul 2014 : rencontre avec Brillante Mendoza

Posté par MpM, le 28 février 2014

Brillante Mendoza, chef de file du cinéma philippin contemporain, est régulièrement sélectionné dans les grands festivals internationaux depuis le milieu des années 2000 :  Le Masseur à Locarno en 2005, John John à Cannes et Tirador à Toronto en 2007,  Serbis à  Cannes en 2008, Lola en 2009 à Venise, Kinatay à Cannes en 2009 (avec un prestigieux prix de la mise en scène en prime), Captive en 2012 à Berlin, etc.

C’est donc fort logiquement que le festival international des Cinémas d’Asie de Vesoul lui a décerné son Cyclo d'honneur 2014, et lui a proposé de présider le jury international de sa 20e édition, qui proposait justement un regard sur le cinéma philippin.

Disponible et d’une grande simplicité, le cinéaste en a profité pour présenter une rétrospective de son travail, participer à une table ronde sur le cinéma de son pays, et aller à la rencontre des festivaliers. L’occasion de l’écouter parler avec énormément de précision de son travail minutieux de mise en scène, et de lui demander de décortiquer pour Ecran Noir sa méthode de travail habituelle :

La plupart de mes films sont basés sur des histoires vraies. J’essaye d’adapter ces histoires de la manière dont j’aimerais les voir dans la réalité.

Par exemple, si je pars de l’histoire de personnes en particulier, et si je vois les personnages en eux, j’essaye de les mettre dans le film, de transcrire leur vie dans le film. Ce n’est pas aussi simple que ce dont ça a l’air quand on regarde le film. Sur grand écran, tout simple improvisé, tout semble être exactement comme on le voit dans la réalité.

Mais pour obtenir ce résultat, et le rendre réaliste, comme un documentaire, cela demande beaucoup de travail et de patience. Il faut s’appuyer sur différents éléments de réalisation, comme le son, la direction artistique, la mise en scène, le montage, et même la musique. Même si on tourne en temps réel, il faut d’une certaine manière tout recréer lorsque l’on réunit tous les éléments.

Brillante MendozaComment procède-t-on concrètement ? Dès le casting : on mélange des acteurs professionnels avec des amateurs. Je les laisse improviser beaucoup. Je ne leur donne pas le scénario, même si j’en ai un. Je passe beaucoup de temps à faire des recherches, et j’écris avec une équipe de scénaristes, mais on ne montre pas notre travail aux acteurs. Je leur donne juste les situations et je les laisse improviser. Je ne leur dis pas où sera placée la caméra pour ne pas les bloquer.

Et pour ce qui est de la musique : je n’en utilise pas beaucoup. Si le film se suffit à lui-même, il n’y a pas besoin de musique.  Je pense que la musique sert à mettre les scènes en valeur. Mais s’il n’y en a pas besoin, s’il n’y a rien à mettre en valeur parce que ça sonne déjà tellement vrai, j’essaye d’adapter le son et l’environnement. Mais j’utilise la musique comme un son naturel de l’environnement.

Même chose avec la direction Brillante Mendozaartistique : je veux que tout semble le plus vrai possible. Je n’aime pas que les acteurs portent des vêtements qui ne sont pas habituellement portés par les gens ordinaires. Parce que la plupart de mes personnages sont des gens ordinaires. Ensuite, cela dépend. Si le personnage a vraiment besoin de porter du maquillage, alors je fais maquiller les acteurs.

Quoi d’autre… Ah oui, même dans le montage, j’essaye d’aller à l’encontre des règles. Normalement, quand on sort d’une école de cinéma, on apprend à suivre une série de règles de montage. Par exemple, si je filme votre visage, ensuite il faut montrer l’envers et filmer mon visage. Moi, je me contente de suivre mon instinct. De réfléchir à ce qui est nécessaire et à ce qui ne l’est pas.

Lire l'intégralité de notre rencontre avec Brillante Mendoza

Photos : Brigitte Arradi

Vesoul 2014 : l’Asie vue par Céline Tran

Posté par kristofy, le 26 février 2014

Le Festival international des Cinémas d'Asie de Vesoul vient de fêter ses 20 ans ! Tant de passion et d'énergie à transmettre l'amour des films asiatiques depuis une vingtaine d'années, et cela est partagé : quelques cinéphiles qui aiment ces films évoquent leur rapport avec le cinéma asiatique.

Céline Tran est une actrice de la saison 4 de la série Le Visiteur du Futur (à voir en dvd ou sur internet ici) que l'on va retrouver prochainement dans d'autres projets aussi bien pour la télévision que pour le cinéma, après plusieurs années dans l'univers du charme et des films pour adulte sous le nom de Katsuni et après quelques apparitions comme dans Les Kaïra de Franck Gastambide.

Ecran Noir : Si tu devais choisir un film asiatique qui t’a le plus étonnée…
Céline Tran : Le choix est difficile the hosttellement il existe de perles dans le cinéma asiatique. Mais j'ai envie de citer The Host de Bong Joon-Ho que j'ai découvert il y a quelques mois sur Netflix aux USA, en version originale sous-titrée. A mon sens on ne peut apprécier totalement un film et la performance de ses acteurs que dans sa version originale. J'avais été bluffée par Mother et Memories of murder, il me fallait regarder The Host !

Etant donné le titre et le visuel du film je m'attendais à voir un film de monstres, un film d'horreur, mais j'ai trouvé bien plus que cela. Ce film est surprenant, il jongle avec habilité avec les émotions du spectateur rebondissant d'un genre à l'autre (horreur, drame, comédie) sans jamais perdre sa cohérence. Derrière l'aventure invraisemblable d'un parfait anti-héros (l'excellent Song  Kang-Ho) et de sa famille, il y a une critique éloquente de la société coréenne, l'incompétence et la corruption de son système, la manipulation des médias et l'hypocrisie américaine qui se présente une fois de plus comme sauveur de l'humanité.

Et au milieu de cette hystérie parfaitement orchestrée sont parsemés, comme si souvent dans le cinéma coréen, des instants de délicatesse et de poésie, inattendus, rares, touchants. Les monstres ne sont pas forcément  ceux qu'on croit. Ce film est un bijou !

EN : Est-ce que tu te souviens des premiers films asiatiques qui t’ont impressionnée ?
CT : Sans aucun doute, c’est les films de Bruce Lee et de Jackie Chan avec lesquels j'ai grandi. Le premier devait être Big Boss ou La Fureur du Dragon. La violence y est tellement belle. J'étais fascinée par Bruce Lee. Qui ne l'a pas été d'ailleurs ? Je considère comme une chance d'avoir pu voir ses films très jeune. Ce sont de très belles sources d'inspiration malgré la violence des combats. Puisqu'il y a quelque chose de très noble dans ce type d'action.

EN : Les derniers que tu as vus ?
love exposureCT : Les derniers en date sont Tetsuo the Iron Man de Shinya Tsukamoto et Naked Blood de Hisayasu Sato, quelle violence ! Tetsuo est un ovni, une œuvre absolument hypnotique. Sur ma liste à regarder dans les prochains jours : Gozu (Takashi Miike), Glory the filmmaker (Takeshi Kitano), Love Exposure (Sono Sion), Female Convict Scorpion (Shunya Ito) et beaucoup d'autres !

EN : Isabelle Huppert en Corée du sud dans In Another Country de Hong Sang-Soo et aux Philippines dans Captive de Brillante Mendoza, Johnny Hallyday à Hong-Kong dans Vengeance de Johnnie To… Quel pays ou cinéaste asiatique te ferait envie pour un tournage ?
CT : Wow ! Sans hésiter la Corée du Sud ! Avec mes réalisateurs favoris Bong Joon-Ho, Kim Jee-Woon et surtout Park Chan-Wook que je rêve de rencontrer, ce serait juste incroyable de tourner pour lui.

tel pere, tel filsEN : En ce moment le film Tel père, tel fils de Kore-Eda Hirokazu (prix du jury à Cannes, Cyclo d'or d'honneur à Vesoul) sorti le 25 décembre est encore à l’affiche en février dans plus de 50 salles avec plus de 400 000 spectateurs en France (plus que de nombreux films français), ça t’inspire quoi ?
CT : C'est une excellente nouvelle. J'ai l'impression qu'il y a un intérêt grandissant pour le cinéma asiatique. Je trouve ça réconfortant de constater que les blockbusters américains n'ont pas forcément le monopole.

Je suis moi-même allée voir Tel Père, Tel fils, c'est drôle, le public se comportait comme lors d'une exposition d'art. Il y avait un silence total dans la salle, une sorte de respect, de recueillement devant une œuvre qui donne à réfléchir.

Le cinéma n'est pas juste un divertissement, il reprend ici ses lettres de noblesse en étant également objet d'art, fenêtre sur une autre culture, proposition d'un autre point de vue et miroir de notre propre condition.

Vesoul 2014 : fréquentation record pour une édition d’exception

Posté par MpM, le 23 février 2014

"Pour nos vingt ans, nous avons dépassé les 30000 spectateurs", s'enthousiasme Jean-Marc Thérouanne, délégué général du Festival international des cinémas d'Asie de Vesoul (photo de gauche, en compagnie de son épouse et complice Martine, la directrice du Festival,  lors de la soirée d'ouverture). "Nous n'avions jamais fait autant !" Un succès à la fois mérité et logique, tant les organisateurs avaient concocté une édition anniversaire d'exception, mêlant une compétition de haute volée et des rétrospectives d'envergure sur les cinémas philippin et vietnamien. En tout, exactement 100 films présentés en une semaine.

"C'était un cru d'excellente qualité en raison aussi de nos nombreux invités", explique Jean-Marc Thérouanne.  "Par exemple l'actrice fétiche d'Ashgar Farhadi, Taraneh Alidoosti, la réalisatrice libanaise Jocelyn Saab, le critique et programmateur Philip Cheah, le directeur de la photographie Sunny Joseph, l'universitaire philippin Rolando B. Tolentino... et bien sûr le président du jury international Brillante Mendoza qui a la simplicité des plus grands." La gentillesse et la disponibilité du talentueux cinéaste philippin resteront d'ailleurs comme l'un des meilleurs souvenirs de cette 20e édition. "Il nous a rappelé Hou Hsiao-Hsien ou Jafar Panahi. Savoir rester simple quand on sait qu'on fait partie des meilleurs est une vraie preuve de grandeur."

Lorsqu'ils ont créé la manifestation en 1995, Martine et Jean-Marc Thérouanne n'imaginaient probablement pas recevoir un jour des personnalités d'envergure comme celles qui se sont succédé à Vesoul depuis. D'ailleurs, à l'époque, ils étaient peu nombreux à parier sur le succès de la manifestation. "On nous a beaucoup dit qu'on n'y arriverait pas seuls, ou que l'on n'arriverait pas à grandir" se souvient en effet Jean-Marc Thérouanne. "Il a fallu s'adapter au terrain, tisser des liens de confiance, constituer une équipe... Car un festival, c'est aussi une équipe fidèle : les projectionnistes, les photographes, les chauffeurs, ceux qui s'occupent des plannings... Tous participent à l'âme du FICA."

Sans oublier le public, qui est toujours au centre des préoccupations des organisateurs du Festival, soucieux de proposer un programme populaire de qualité. "Nous ne sommes pas une manifestation élitiste", explique le délégué général du FICA. "Nous avons donné le goût du cinéma asiatique à des gens qui n'auraient jamais pensé aller voir ce genre de films, parce que nous l'avons popularisé. Par exemple, nous avons eu des thèmes porteurs, comme cette année avec "avoir 20 ans". On a tous eu 20 ans ! C'est comme cela qu'on arrive à rendre les gens curieux."

Et la curiosité, c'est justement le maître-mot de cette manifestation qui met la découverte et la singularité au cœur de sa programmation, en privilégiant les cinématographies atypiques et les premiers films. Désormais, tout le monde a des raisons de vouloir voir Vesoul ! Et ça tombe bien, puisque le FICA ouvrira un nouveau chapitre de son histoire dès 2015, soucieux de poursuivre le travail de défrichage qui, en moins de 20 ans, en a fait l'un des plus importants festivals européens consacrés à l'Asie.

Vesoul 2014 : trois questions à l’actrice Eugene Domingo

Posté par kristofy, le 20 février 2014

Eugene DomingoEugene Domingo, l'une des actrices les plus populaires des Philippines, avait fait le voyage jusqu'à Vesoul pour accompagner la rétrospective consacrée au cinéma de son pays lors de la 20e édition du Festival international des Cinémas d'Asie.

Cette habituée des comédies alterne grosses productions comme Here comes the bride de Chris Martinez et films indépendants comme The woman in the septik tank de Marlon Rivera, tous deux d'énormes succès au box office local, qui figuraient dans la sélection du FICA 2014. Elle a également joué dans des films plus dramatiques ou sociaux comme 100 de Chris Martinez, primé à Vesoul en 2009, ou John John de Brillante Mendoza.

Au cours d'une rencontre chaleureuse et décontractée, Eugene Domingo nous a parlé du cinéma philippin, populaire comme indépendant, et de ses choix en tant qu'actrice.

Ecran Noir : Pour le public français qui n’a pas la chance d’être familier du cinéma philippin et qui ne vous connaît pas encore comme actrice, quels films faudrait-il voir pour vous découvrir ?
Eugene DomingoEugene Domingo : Oh, pas seulement moi… Justement, ce film ici à Vesoul, Woman in the septik tank, pourrait être le premier film à voir pour me voir jouer mais aussi pour découvrir un aspect des films indépendants aux Philippines en ce moment. On y voit des jeunes cinéastes qui essaient de faire un film en visant une sélection en festival de cinéma pour être remarqués.

En plus, dans l’histoire, ils veulent engager l'actrice Eugene Domingo, donc je joue une parodie de moi-même. Ils pensent qu’en montrant le pire de la pauvreté, ils pourraient gagner un prix... Cela vient d’une observation faite à un moment où le circuit des festivals choisissait toujours des films avec des pauvres dans des bidonvilles… En tant qu’actrice, je trouve important de garder un équilibre entre films commerciaux ou projets à la télévision qui me font vivre et des films indépendants qui manquent d’argent, et pour lesquels je suis prête à m’engager pour le plaisir. Un film indépendant parle de choses plus substantielles à propos de notre pays.

EN : Est-ce que le film Woman in the septik tank est plus une critique du cinéma philippin (avec ses jeunes réalisateurs qui veulent se faire remarquer plus que raconter une histoire) ou une critique des festivals internationaux (qui recherchent des films à thèmes misérabilistes) ?
Eugene Domingo : Parfois la vie here comes the brideest encore plus étrange que dans une fiction. Je crois que Chris Martinez le scénariste et Marlon Rivera le réalisateur, qui sont aussi les producteurs, ont eu l’idée de ce film en se souvenant qu’il y a quelques années, au festival du film d'Osaka, ils ont présenté le film 100, à propos d’une femme atteinte d’un cancer. Or, quelqu’un dans le public leur a demandé pourquoi cette femme semblait riche et non pauvre…

Alors ils se sont demandés si les festivals ne montraient que des films philippins à propos de pauvreté ! Woman in the septik tank est une satire de cette idée que montrer un film avec de la pauvreté a beaucoup plus de chances de gagner un prix dans un festival. C’est une parodie des jeunes réalisateur ambitieux qui pensent exploiter la misère des gens pour intégrer le circuit des festivals internationaux.

EN : Vesoul fait découvrir Woman in the septik tank, film indépendant à très petit budget et la comédie Here comes the Bride, film commercial à gros budget…
woman in the septik tankEugene Domingo : Here comes the Bride a été produit par une grosse compagnie, avec un important budget pour les décors et les acteurs et beaucoup plus de jours de tournages. Ils espéraient une longue exploitation du film en salles pendant plus d’un mois. Pour gagner beaucoup d’argent, avoir beaucoup de moyens ça aide, et Here comes the Bride a été un gros succès. Woman in the septik tank a été produit avec une bourse obtenue du festival Cinemalaya (environ 10 000 dollars) et ne devait être montré aux Philippines que dans le cadre de ce festival spécialisé en films indépendants.

Ce qui s’est passé, c’est qu'après avoir été montré là-bas, le film a ensuite été acheté par un distributeur important qui voulait le placer dans les salles de cinéma commercial. A ce jour, c’est devenu le film indépendant qui a gagné le plus d’argent. On a eu de la chance. La qualité du film est une chose, mais il faut aussi bien en faire la promotion.

Le public va toujours voir en priorité les films commerciaux, les comédies romantiques et les films d’horreur. Les jeunes et les étudiants sont un peu plus ouverts aux films indépendants. C’est très important pour nous qu’un festival comme Vesoul organise ce genre de rétrospective des films philippins, quand je rentrerai à Manille je n’arrêterai pas d’en parler.

Lire l'intégralité de l'interview

Portraits d'Eugene Domingo : Michel Mollaret

Vesoul 2014 : le Cyclo d’or du 20e anniversaire pour « 10 minutes » du Sud-Coréen Lee Yong-seung

Posté par MpM, le 19 février 2014

Les lauréats du FICA 2014

Face à une sélection de haute volée qui mêlait propositions formelles, scénarios sensibles et cinéma engagé, le jury international du 20e Festival international des cinémas d'Asie de Vesoul composé de Brillante Mendoza, Taraneh Alidoosti, Jocelyne Saab et Philip Cheah a récompensé trois films qui privilégient l'intime et l'humain.

Un Cyclo d'or elliptique et un Grand prix doux-amer

Cyclo d'or 2014C'est ainsi le Sud-Coréen Lee Yong-seung (à gauche sur la photo, avec Defne Gürsoy et Brillante Mendoza, Cyclo d'honneur de ce 20e anniversaire) qui a reçu le Cyclo d'or pour son premier long métrage 10 minutes, déjà lauréat du prix FIPRESCI au Festival de Pusan en 2013, et coup de coeur du jury INALCO à Vesoul. Construit comme un quasi huis clos, le film suit le parcours de Kang Ho-chan, un étudiant rêvant de devenir producteur de télévision, dans l'administration où il est embauché comme stagiaire.

Le récit très elliptique et la narration presque éparse donnent l'impression d'un film fuyant, fait de sensations et d'anecdotes. Pourtant, un fil directeur émerge peu à peu de cette observation presque chirurgicale des relations professionnelles et familiales. L'ambivalence des rapports humains, l'absence de loyauté, les difficultés économiques et l'individualisme forcené sont notamment autant de thèmes effleurés par le cinéaste. On reste toutefois un peu sur sa faim devant un final qui manque de panache. Le grand soin apporté à la photographie, qui tranche avec l’aspect quasi documentaire de l'ensemble, renforce la sensation d'un bel objet un peu creux.

Autre lauréat de ce 20e FICA, Grand Prix du FICA 2014le premier film de fiction de la réalisatrice turque Deniz Akçay, Nobody's home, justement récompensé du Grand prix du jury ainsi que du prix du jury lycéen (reçus en son nom par Defne Gürsoy, avec brillante Mendoza sur la photo de droite). Cette chronique familiale douce-amère, qui suit quatre membres d'une famille tentant de se reconstruire après la mort du père, oscille entre humour burlesque et violence psychologique.

Le personnage central, une trentenaire réservée, doit apprendre à faire face à sa mère étouffante et hystérique pour prendre enfin en mains son existence. Très finement écrit, le scénario accumule les situations conflictuelles et les tensions latentes en évacuant toute tentation dramatique hors champ. Ce sens de l'ellipse, associé à de très beaux personnages féminins, lui permet de transformer une intrigue presque banale en véritable parcours initiatique d'une femme qui conquiert chèrement sa liberté.

Les relations familiales au cœur des films récompensés

Anup SinghUne mention spéciale a par ailleurs été décernée au seul film indien de la sélection, Quissa d'Anup Singh (photo de gauche), également récompensé par le prix du jury INALCO. Mêlant grande et petite histoire, ce conte parfois cruel raconte l'histoire d'un Sikh contraint d'abandonner sa terre lors de la partition entre l'Inde et le Pakistan. Ne pouvant supporter de ne pas avoir d’héritier mâle, il travestit sa 4e fille dès la naissance et l'élève comme un garçon.

Extrêmement symbolique, le film parle avec intelligence des questions d'identité et de genre qui agitent tant la société française actuellement. Persuadée d'être un garçon pendant la majeure partie de sa vie, la jeune héroïne ne peut plus s'envisager comme fille lorsqu'elle apprend la vérité. Très subtilement, le réalisateur interroge les notions d'homme et de femme en se fondant non sur une stérile opposition des genres, mais sur leur complémentarité à l'intérieur même de chaque être, quitte à recourir pour cela à des éléments fantastiques déroutants.

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