BIFFF 2017 : les serial-killers en vedette dans 3 films

Posté par kristofy, le 17 avril 2017

Strangled

Le BIFFF sans serial-killers ne serait certainement pas le BIFFF. L'expression popularisée aux Etats-Unis a changer la façon d'enquêter. On remplace le portrait-robot par un portrait-psychologique pour trouver un suspect. Au cinéma on s'intéresse le plus souvent au travail de détective pour l'arrêter, comme par exemple avec David Fincher (Seven ou Zodiac). Et en Europe ?

Voilà trois exemples de films où un tueur en série inspire des images éprouvantes :

Strangled
Le réalisateur Arpad Sopsits s'appuie sur une histoire vraie avec une reconstitution de la Hongrie des années 60. Au début du film une femme est assassinée, un homme est accusé et condamné à 25 ans de prison. Quelques années après une autre femme est violée et tuée, puis plus tard une autre, puis encore une autre... Toutes ces femmes sont originaires du même endroit. Elles rentraient seules à leur foyer le soir... La police a la pression pour trouver le coupable: ces meurtres sont aussi contrariants pour les représentants de la justice car cela remet en cause le procès de celui jugé 7 ans plus tôt qui, justement, demande la révision de son procès. A-t-on condamné un innocent sans vérifier tout les éléments, qui est le coupable ? Le film fait glisser progressivement l'intérêt du spectateur sur les victimes puis les policiers et l'auteur des crimes. Les femmes de l'usine à chaussures ont peur, quelques flics font des recoupements contre leur hiérarchie qui cherche à couvrir des erreurs ("il ne faut pas ébranler la foi des gens en la justice"), et le criminel apparaît comme un monsieur-tout-le-monde qui se croit insaisissable...

Cold Hell
Une femme chauffeur de taxi de nuit rentre chez elle crevée: pas de chance, par une fenêtre, elle aperçoit dans l'appartement d'en face une femme nue torturée en train de crever : elle a vue la silhouette d'un homme mais surtout elle sait que lui l'a clairement vue et que, en tant que témoin, elle est en danger de mort s'il la retrouve... Attention à ce réalisateur Stefan Ruzowitzky (Oscar du meilleur film étranger en 2008 pour Les Faussaires), son film se déroule dans l'Allemagne d'aujourd'hui avec une héroïne d'origine turque confrontée à un serial-killer motivé par un verset du coran : certains dialogues évoquent des rivalités sensibles. En plus d'un serial-killer violent, cette héroïne à une passion pour la boxe thaï (un univers d'hommes...), sa meilleure amie mariée multiplie des aventures avec d'autres hommes, le policier s'occupe de son vieux père presque grabataire, un bébé se retrouve sans famille... On découvre toute une galerie de personnages inhabituels dans le genre, mais le film nous gratifie de plusieurs scènes brutales dont une bagarre en voiture mémorable.

Therapy
Trois jeunes vont dans un bâtiment désaffecté pour y faire des tags, et ils n'en sont jamais revenus. Peu après, à côté, cinq personnes arrivent pour camper mais l'une d'entre eux disparait la nuit, les autres se retrouvent dans ce même bâtiment et ils disparaissent à leur tour... Les gendarmes ont trouvé les cartes-mémoire de leurs différentes caméras et découvrent tout ce qu'ils ont filmé : il y a un serial-killer masqué dans les parages... La majeure partie du film est constitué d'un montage de plusieurs enregistrements vidéo de ces personnes que l'on découvre. Ça vous rappelle le Projet Blair Witch ? C'est un peu ça, voici un film du genre found-footage qui est français ! Sa particularité est que son réalisateur Nathan Ambrosioni est très jeune. A 16 ans, il signe ainsi son deuxième long-métrage ! Il a tourné avec des proches, presque tous bénévoles, du matériel prêté et 2000 euros de frais divers. Alors oui c'est un peu bancal pour la forme du found-footage (de la musique effrayante a été rajoutée, une chronologie hasardeuse...) tout comme sur le fond (le déroulé de l'enquête des gendarmes et la façon de les filmer...) mais c'est excusable par rapport au contenu des images filmées par les disparus. Il y a tout de même une certaine tension qui s'installe avec tout ce que l'on voit. La hache comme le sang sont plutôt réaliste... Bel effort et prometteur.

662 Charlots pour célébrer Charlie Chaplin

Posté par vincy, le 17 avril 2017

A Corsier-sur-Vevey, en Suisse, une étrange procession de 662 personnes a eu lieu. On y fêtait l'anniversaire de la naissance de Charlie Chaplin, né le 16 avril 1889. Mais aussi le début de la célébration des quarante ans de sa mort, survenue le 25 décembre 1977.

Dimanche 16 avril, 662 personnes étaient donc toutes déguisées en Charlot au Chaplin's World, le musée dédié à l'artiste ouvert il y a un an et géré par Grévin. On peut estimer qu'il s'agit d'un record du monde puisque c'ets la première fois qu'un tel rassemblement est homologué et enregistré sous le contrôle d'un huissier.

662 personnes avec un complet noir, des chaussures noires, une chemise blanche, un chapeau melon, une moustache. Et bien sûr, une canne. "C'était un moment très émouvant de voir réunis des Charlots de tous les âges, de deux à 80 ans", a déclaré au Temps Annick Barbezat, directrice de la communication du Musée Chaplin's World.

La photo officielle montre ainsi tous les Charlots formant une étoile, en référence au fameux trottoir «Walk of Fame» de Hollywood. Puis ils ont participé à une chasse aux œufs, dotée de 600 lots (vols en montgolfière, nuits dans les hôtels de la région ou encore des entrées dans les musées...).

Le musée a déjà attiré 300000 visiteurs, soit largement plus qu'espéré avant son ouverture.

Cannes 70 : petits et grands scandales sur la Croisette

Posté par cannes70, le 16 avril 2017

70 ans, 70 textes, 70 instantanés comme autant de fragments épars, sans chronologie mais pas au hasard, pour fêter les noces de platine des cinéphiles du monde entier avec le Festival de Cannes. En partenariat avec le site Critique-Film, nous lançons le compte à rebours : pendant les 70 jours précédant la 70e édition, nous nous replongeons quotidiennement dans ses 69 premières années.

Aujourd'hui, J-32 Et pour retrouver la totalité de la série, c'est par .

Avec une infinie générosité, la Cinémathèque Française, a décidé de participer à notre hommage au Festival de Cannes en organisant, du 26 avril au 28 mai, une rétrospective de 26 films présentés sur la Croisette liés à des scandales et controverses. Nous remercions l'aimable direction de son soutien à notre dossier.

Dans le texte de présentation du cycle dans le programme officiel, Thierry Frémaux, délégué général du festival de Cannes, présente les divers types de scandales qui ont émaillé l'histoire de la manifestation, essentiellement d'ordre esthétique, politique ou moral, sans oublier les rejets violents de certains palmarès rejetés et/ou sifflés.

Certains des plus nobles scandales de Cannes sont avant tout d'ordre esthétique. Renouvelant considérablement l'art délicat de la narration, La Dolce vità de Fellini et L'Avventura d'Antonioni (ah, ces italiens, quel talent !) ont, en 1960, surpris les amateurs d'un cinéma aux codes plus classiques que l'on retrouvait cette année là : Celui par qui le scandale arrive de Vincente Minnelli, Jamais le dimanche de Jules Dassin ou Le Trou de Jacques Becker qui sont pourtant des moments de cinéma bien nobles. La Source de Ingmar Bergman et Moderato Cantabile de Peter Brook ont pu dérouter également mais ont moins choqué une certaine foule - que l'on qualifiera de peu éclairée - que leurs confrères italiens.

Monica Vitti et Antonioni ont même reçu quelques tomates lors de la remise du prix du Jury, attribué pour sa «remarquable contribution à la recherche d'un nouveau langage cinématographique». Après la projection pour le moins chaotique, comme l'explique la comédienne dans la vidéo ci-dessous, le film est heureusement soutenu par de nombreux artistes et journalistes choqués par des réactions disproportionnées et bien peu réfléchies. La Dolce Vita reçoit la Palme d'or. Le scandale n'a pas étouffé l'art, heureusement, grâce au jury présidé par Georges Simenon.

Les vrais gros scandales

La postérité retient un petit nombre de scandales en réalité. En 1955, Nuit et brouillard d'Alain Resnais est retiré de la compétition, sur ordre du pouvoir, alors qu'il s'agit d'une commande du Comité d’histoire de la Seconde Guerre mondiale pour commémorer le dixième anniversaire de la libération des camps de concentration. La raison de cette censure ? Un gendarme apparaît furtivement sur une photo en ouverture au camp de rassemblement des futurs déportés de Pithiviers. Une présence que Resnais n'avait même pas remarqué, au passage...


Jean Cayrol, co-auteur du film et rescapé des camps, victime lui-même du décret Nuit et Brouillard (Nacht und Nebel, en allemand) qui ordonne la déportation des ennemis du Reich, dénonce cette intervention des pouvoirs publics au journal Le Monde (cité dans En haut des marches, le cinéma d'Isabelle Danel) : «la France refuse ainsi d'être la France de la vérité, car la plus grande tuerie de tous les temps, elle ne l'accepte que dans la clandestinité de la mémoire, elle arrache brusquement de l'histoire les pages qui ne lui plaisent plus ; elle retire la parole aux témoins ; elle se fait complice de l'horreur, car notre dénonciation ne portait pas seulement sur le système concentrationnaire nazi mais sur le système concentrationnaire en général, qui fait tache d'huile et tache de sang sur toute la terre encore sinistrée par la guerre». Le gendarme est caché et le film est bien programmé, mais hors-compétition. L'objet du délit sera réintégré au montage en 1997. Une œuvre historique qui saisit en quelques minutes une horreur indicible, alors quasiment secrète. Avec ce film, le silence se tait définitivement.

La Grande bouffe de Marco Ferreri est rejeté pour l'outrance de son propos, ce suicide collectif organisé par quatre amis pour rejeter l'inanité de leurs vies et qui ont prévu de bouffer jusqu'à s'en faire éclater la panse. Mais le rejet ne serait-il pas plus sournois, lié à la mise en valeur du corps voluptueux d'Andréa Ferréol, filmé avec amour et désir, loin des canons de beauté plus lisses ? Une image, à force d'avoir été diffusée très régulièrement depuis près de 45 ans a marqué ce rejet hystérique : une dame bien apprêtée hurle face caméra sa réaction à la vision de ces gloutons mortifères : «C'est un scandale, un scandale, ça gagne du pognon, ça...».

La haine aujourd'hui ne passe plus par de telles éructations face caméra ou par des crachats tels qu'en ont reçu le réalisateur et son acteur Marcelo Mastroianni. Ces dérives n'existent plus (heureusement). Désormais les rejets exagérés passent certes toujours par quelques piques bien senties dans des journaux de presse écrite mais aussi désormais dans des messages plus crus sur Twitter en 140 signes et des poussières. Le relatif anonymat des réseaux sociaux pourrait faire naître quelques scandales dans les prochaines années, le rejet caractérisé de certains films pouvant achever certains d'entre eux en quelques minutes, Sea of trees de Gus Van Sant (absent de cet hommage) en a fait les frais en 2015.

Dans une image devenue historique, Maurice Pialat lève un point conquérant (et ne fait pas un bras d'honneur contrairement aux apparences) lorsqu'il reçoit la Palme d'or pour Sous le soleil de Satan sous quelques quolibets. Premier français à recevoir la Palme depuis Claude Lelouch en 1966 et dernier avant Laurent Cantet pour Entre les murs en 2008, il a notamment battu Nikita Mikhalkov pour Les Yeux Noirs. Les sifflets qui lui étaient destinés viendraient-ils de la communauté russe ?

Underground d'Emir Kusturica a poussé cet idiot d'Alain Finkielkraut, le lendemain de l'annonce de sa Palme d'or, à publier une tribune assassine (L'imposture Kusturica) dans Le Monde, alors qu'il n'avait pas vu le film, suivi par une autre réaction hostile de Bernard Henri-Levy dans Le Point qui lui non plus ne l'avait pas vu ! Ces messieurs ont, il est vrai, tendance à ne pas rater les occasions de ne pas se taire. Alors oui, ça fait parler, ça fait du papier, mais est-ce bien utile de s'illustrer ainsi ?

Heurté, le cinéaste a rétorqué ainsi, toujours dans Le Monde, quelques mois plus tard, au moment de la sortie en salles : «J'ai d'abord ressenti une grande tristesse puis une assez grande colère, et finalement une sorte d'incertitude. J'aurais voulu répondre immédiatement ; mais pour quoi dire ? Non que mon imagination eût été prise en défaut, mais je ne trouvais pas de mots pour répliquer à l'auteur de l'article, qui, à l'évidence, n'avait pas vu mon film. Finalement, j'en suis venu à la conclusion que nous étions effectivement une ” imposture ”, moi et les films que je fais. C'est un sentiment qui devient prédominant au moment du tournage, lorsque le doute m'envahit. Je crois d'ailleurs que tous mes films sont nés du doute, car dans le cas contraire je serais probablement aujourd'hui en Amérique, en train de fabriquer des films pour le box-office. Mais la croyance qu'il existe toujours une différence entre les films et les hamburgers me pousse à continuer de vivre ici, en Normandie. Je ne comprends toujours pas que Le Monde ait publié le texte d'un individu qui n'avait pas vu mon film, sans que personne ait cru bon de le signaler».

En 1978, Gilles Jacob invite en compétition L'Homme de marbre d'Andrzej Wajda, sorti discrètement de Pologne et invité à la dernière minute pour déjouer la censure. Trois ans plus tard, sa «suite» L'Homme de fer, bénéficie du même traitement de "film surprise" et remporte la Palme d'or, offrant une visibilité inattendue au mouvement Solidarnosc de Lech Walesa. En 1961, Viridiana de Luis Buñuel est jugé «sacrilège et blasphématoire» par le Vatican et le directeur général de la Cinématographie est renvoyé. Le film reçoit la Palme mais perd sa nationalité espagnole, qu'il récupère en 1983.

Les petits scandalinous de rien du tout

Le cycle réunit d'autres films à la croisée des reproches. À L'Argent de Robert Bresson, celui de la présence dans la distribution de Valérie Lang, la fille de Jack Lang, alors ministre de la culture ; à Fahrenheit 9/11 – qui n'est pas considéré comme le film le plus pertinent et indémodable de Michael Moore – le fait de partager avec Quentin Tarantino, président du jury qui lui a remis la Palme d'or, les mêmes producteurs (les frères Weinstein) ; à Funny Games de Michael Haneke, sa violence extrême ; à Khroustaliov, ma voiture ! d'Alexeï Guerman, son style déroutant ; à La Peau de Liliana Cavani sa crudité dans la description de la libération en Italie et au Goût de la cerise d'Abbas Kiarostami sa représentation du suicide, interdit en Iran.

La présence de certains films dans cette rétro étonne. Le choix de Wim Wenders de primer Sexe, mensonges et vidéo de Steven Soderbergh a certes surpris à plusieurs titres : il s'agit d'un premier film (le seul à recevoir une Palme d'or), l'acteur principal (James Spader) est lui aussi primé (ce qui valide l'enthousiasme du jury) et d'autres étaient plus attendus : Cinema Paradiso de Giuseppe Tornatore, Do the Right Thing de Spike Lee, Monsieur Hire de Patrice Leconte, Mystery Train de Jim Jarmusch, Pluie noire de Shohei Imamura, Sweetie de Jane Campion ou Trop belle pour toi de Bertrand Blier. Certains seront primés, d'autres non, mais la victoire de Soderbergh, plus jeune palmé de l'histoire, juste devant Claude Lelouch, n'est pas embarrassante, loin de là. Et n'a pas franchement suscité de controverse.

Inclure La Frontière de l'aube de Philippe Garrel, simplement car il fut défendu ardemment par un critique qui traita de «trous du cul» ses détracteurs, étonne. Le film a certes déconcerté certains festivaliers ou leur a simplement déplu mais scandale ? Controverse ? Mmm… Pas vraiment... Hors-la-loi de Rachid Bouchareb énerve quelques élus de droite et d'extrême droite mais laisse les spectateurs plus indifférents que scandalisés. Lire le reste de cet article »

BIFFF 2017 : le meilleur de l’action en Asie en 3 films

Posté par kristofy, le 16 avril 2017

Call of Heroes

Le BIFFF c’est donc le Bruxelles International Fantastic Film Festival, avec de la fantasy, du thriller, de la science-fiction, et des films d'action où on se bagarre en combat rapproché et où on se tire dessus pour tout faire exploser : ennemi, voiture, bâtiment, rétines des spectateurs.

Voilà trois exemples de films qui sauront vous redonner envie de voir des (bons) films d'action :

Call of Heroes, de Benny Chan avec Sammo Hung en chorégraphe des combats.
Tout ce que vous aimez dans les westerns et dans les films de kung-fu se retrouve dans ce ‘eastern’ : le fils d’un seigneur de guerre est coupable de trois meurtres dans un village. Il est donc condamné à mort, mais son armée exige sa libération, menaçant, sinon, de tuer tout le monde… On y retrouve le personnage du vagabond expert en combat qui passe par là et qui va s’impliquer dans l'affaire, une shérif qui tient à faire respecter la justice, des villageois qui ne veulent pas mourir à cause de l’entêtement de leur chef, un condamné qui s’amuse de tout ça car son armée a de toute façon prévu de piller le village et de tuer tout le monde... L’histoire est l’archétype de David contre Goliath, du faible qui défend la justice et l’honneur de son village contre le fort violent qui envahit d’autres territoires. Call of Heroes concentre tout les ingrédients des films d'arts-martiaux d'antan mais dans une grande fresque moderne et spectaculaire.

Opération Mékong, de Dante Lam.
Le film se base sur un fait survenu en Asie dans le ‘triangle d’or’ de la drogue, à la frontière de la Thaïlande, du Laos et du Myanmar (ancienne Birmanie): il y avait eu sur le fleuve Mekong une attaque d’une embarcation pleine d’un étrange chargement. 13 chinois ont été retrouvés dans l’eau les mains attachées et mort d’une balle tandis que la marchandise (des milliers de cachets de méthamphétamine) a été retrouvée ailleurs. Plusieurs pays décident d’unir leur force de police en commun pour enquêter et arrêter les gros bonnets du cartel producteur de drogue, en particulier les policiers chinois, qui sont ici les héros. Si Dante Lam, expert en film d’action a été un peu oublié, il prouve bien qu’il est l’un des meilleur du genre avec Opération Mekong : exfiltration d’une no-go zone avec combats à tout les étages pour finir en cascades de voitures et lance-roquette, négociation d’un gros deal qui foire dans un centre commercial bondé de gens avec des combats dans tout les sens et même une voiture qui casse tout à l’intérieur, assaut de repaire du big boss dans la jungle façon Rambo avec grenades, course-poursuite de plusieurs bateaux à toute vitesse sur le fleuve en vidant quantité de chargeurs d’arme à feu, et en bonus des enfants soldats assassins…

Headshot, de The Mo Brothers
Le nouveau film du duo Timo Tjahjanto et Kimo Stamboel continue une progression vers un cinéma un peu plus grand public, après le gore de Macabre et les tortures de Killers . Ce nouveau film est avant tout de la grosse baston. Leur as c'est Iko Uwais la star de The Raid (également chorégraphe des scènes de combat). Le point de départ est comme Jason Bourne ou XIII : il est à l’hôpital après qu’on lui ai tiré dessus, et il est amnésique… Sans surprise il se révèle être désormais un ‘gentil’ que son ancien gang de ‘méchants’ veut abattre: il était un tueur expert en combat mais maintenant il doit se défendre contre eux et protéger, en plus, la belle infirmière tombée amoureuse de lui. Festival de coups de machette, de pieds-poings dans la gueule et de bras tordus avec pour décor un commissariat qui sera détruit ou un bus qui sera brulé, Iko Uwais est bel et bien un phénomène qui pourrait séduire Hollywood.

Cannes 70 : si les biopics musicaux de Cannes m’étaient contés

Posté par MpM, le 15 avril 2017

70 ans, 70 textes, 70 instantanés comme autant de fragments épars, sans chronologie mais pas au hasard, pour fêter les noces de platine des cinéphiles du monde entier avec le Festival de Cannes. En partenariat avec le site Critique-Film, nous lançons le compte à rebours : pendant les 70 jours précédant la 70e édition, nous nous replongeons quotidiennement dans ses 69 premières années.

Aujourd'hui, J-33 Et pour retrouver la totalité de la série, c'est par .

Si le festival de Cannes a échappé à La Môme, Gainsbourg, Django, Dalida, Cloclo et autres biopics musicaux récents, certains ont pu s’y dévoiler, sous une forme plus inattendue que la biographie romancée d’un artiste. Considéré dans sa simple expression, un biopic peut se contenter d’être la chronologie de la vie d’un musicien, avec un acteur grimé pour le représenter (on se souvient du maquillage de Marion Cotillard en Piaf), mais souvent le réalisateur qui s’empare d’un tel projet fait tout pour s’affranchir du genre, y voyant tous les poncifs à éviter. Et Mathieu Amalric qui fait l’ouverture d’Un Certain Regard cette année avec Barbara annonce déjà qu’il ne s’agit pas vraiment d’un biopic sur la chanteuse. Nous voilà rassurés.

Puisqu’il ne s’agit pas ici de documentaires (ceux-ci ayant donné lieu à des belles réussites comme celui de Asif Kapadia, Amy, sur Amy Winehouse, présenté à Cannes en 2005, Gimme Danger de Jarmusch sur les Stooges l’année dernière sur la croisette...), il est toujours risqué pour un cinéaste de se confronter à une figure existante dans le cadre de la fiction. Il y a bien sûr la question de la véracité des faits (respect ou pas de la chronologie d’une vie), la question de l’incarnation physique (acteur ressemblant ou pas), et en ce qui concerne la musique, le choix est posé de convoquer ou pas les titres existants et de leur interprétation.

Pour Control (Quinzaine des réalisateurs 2007) sur la vie et le suicide de Ian Curtis, leader de Joy Division, le réalisateur Anton Corbijn s’est inspiré du livre écrit par Déborah, la veuve du chanteur, son film est vibrant comme un hommage, il est vécu par le spectateur de l’intérieur, dans toute sa dimension intime. De plus, avec cette adaptation, le réalisateur a eu le soutien de Deborah Curtis, ce qui est précieux puisque le biopic se confronte bien souvent à des freins juridiques puisqu’il faut l’autorisation (la “validation”) de l’artiste ou de ses ayant-droits.

Le mieux est même d’impliquer l’artiste lui-même de son vivant : Ray Charles choisit lui-même Jamie Foxx pour l’incarner dans Ray (2004). Johnny Cash approuve Joaquin Phoenix pour Walk the Line (2005) de James Mangold. Et pour la musique de ces biopics, se pose la question des droits que vont négocier les superviseurs musicaux, ces personnes missionnées par la production d’un film pour choisir avec le réalisateur les titres et en “clearer” les droits.


L’histoire de Sid & Nancy de Alex Cox (Quinzaine des réalisateurs 1986, et dont on attend en salles le 25 octobre 2017 la version restaurée) rappelle celle de Control, avec le récit d’un couple destructif constitué du chanteur (Sid Vicious, rebel punk des Sex Pistols) et d’une groupie. Il s’agit pour ces deux premiers exemples de la fin d’un mythe, d’une désagrégation, tandis que d’autres biopics sont plutôt des prequels en se focalisant sur la période qui précède le succès, sur l’enfance. C’est le cas de Nowhere Boy de Sam Taylor-Wood (2009) sur l’adolescence de John Lennon, ou de Notorious B.I.G de George Tillman Jr. (2009) sur l’enfance du rappeur. Ces approches permettent plus de liberté puisque ces épisodes sont moins connus.

Comme nous le remarquons, le biopic est un récit souvent relaté par un regard tiers, celui d’une groupie, d’un concurrent jaloux (Antonio Salieri dans Amadeus de Milos Forman qui fait office de biographe), ou bien d’un compagnon comme cela se présente dans Ma Vie avec Liberace/Behind The Candelabra de Steven Soderbergh (en compétition, Cannes 2013), portrait du pianiste américain de music-hall, Liberace (interprété par Michael Douglas) scruté par les yeux de son jeune amant Scott (Matt Damon). Ces points vue potentiellement déformants sont une autre manière pour les réalisateurs de faire jouer leur inventivité.

Avec Bird de Clint Eastwood (en compétition officielle, Cannes 1988), il s’agissait à travers la figure du saxophoniste Charlie Parker (incarné par Forest Whitaker, Prix d'interprétation masculine au festival) de rendre hommage à un genre musical tout entier, le jazz, qu’affectionne particulièrement le cinéaste. Le film se situe au delà de l’artiste. Todd Haynes aussi a voulu avec Velvet Goldmine (Compétition 1998 et Prix de la meilleure contribution artistique) rendre hommage à un genre, le glam rock, à travers les figures de David Bowie, d’Iggy Pop et de Lou Reed, jamais nommés mais qui apparaissant derrière l'exubérance des personnages.

En privilégiant le pur acte artistique au dépend de la biographie, le cinéaste conçoit un biopic “fantasmé” comme il le refera avec I’m not there (2007) autour de l’idée d’une réincarnation avec un Bob Dylan interprété par six acteurs d’âges, de sexes et de couleurs différents (et une BO constituée de reprises de Dylan par d’autres artistes). Il s’agit plus ici d’une évocation que d’une représentation.

Last Days de Gus Van Sant (en compétition, Cannes 2005) de Gus Van Sant s'intéressait aux derniers jours de Kurt Cobain mais le personnage se prénomme Blake, le récit n’est pas véritablement narratif, et aucun titre du leader de Nirvana ne figure dans la BO (l’acteur Michael Pitt a inventé des chansons originales avec sa guitare). On est ici devant un cas très éloigné du biopic, où la personnalité évoquée n’est que suggérée. Il s’agit plus d’une allusion que d’une reconstitution.

Concernant la musique, l’emploi des titres en relation avec l’artiste représenté n’empêche pas à une musique originale de s’imposer. Par exemple, dans Bird, Lennie Niehaus prolonge la musique de Parker avec un quintet de jazz. Dans Velvet Goldmine, le fidèle du cinéaste Carter Burwell tisse sa propre toile musicale entre les instants glam. Pour Lady Sings The Blues de Sidney J. Furie (Hors-compétition, Cannes 1973) où Diana Ross interprète la diva du blues Billie Holiday, c’est Michel Legrand qui écrit le “love theme” mélancolique au piano tout en se chargeant de l’arrangement des chansons blues.

Alors, en ce qui concerne Barbara, dans quelle direction le réalisateur aura choisi d’aller ? Les amoureux de la chanteuse peuvent espérer entendre ses hits (le compositeur Grégoire Hetzel qui a officié pour Amalric sur La Chambre bleue a confirmé ne pas être impliqué) et imaginer voir Jeanne Balibar (elle-même également chanteuse) reprendre les gestes de la “dame en noir”, mais on peut compter sur Mathieu Amalric pour prendre ses distances avec le biopic attendu.

Benoit Basirico de Cinezik

BIFFF 2017 : Rencontre avec Stanley Tong (Kung-Fu Yoga)

Posté par kristofy, le 15 avril 2017
Sonu Sood, Stanley Tong et Disha Patani

Sonu Sood, Stanley Tong et Disha Patani

Stanley Tong est connu pour avoir réalisé plusieurs films avec Jackie Chan (Police Story 3 (Supercop), Jackie Chan dans le Bronx, The Myth... ). Il a commencé comme cascadeur puis a occupé différents postes sur des tournages de films, avant de devenir scénaristes et réalisateur. Il est aussi producteur de films comme de séries télé, il gère également un circuit de salles de cinéma. Il est venu au BIFFF de Bruxelles pour présenter son nouvel opus, encore avec Jackie Chan : Kung-Fu Yoga.

Le pitch

Après une introduction en forme de cours d'histoire sur une bataille en Inde à ses élèves, un archéologue du nom de Jack Chan (!) rencontre une consœur venant d'Inde avec une ancienne carte abimée qui évoque un trésor légendaire du Royaume de Magadha : c'est parti pour une expédition pleine d'aventures. Des combats dans une grotte glacée sous une montagne au Tibet, un bijou volé qu'il faut retrouver à Dubai sans se le refaire voler avec une folle poursuite en voitures (et un lion), et enfin l'Inde : le groupe sera attaqué sur un marché typique (et donc bagarre avec dresseur de cordes et avaleur de sabres, ce qui n'existe plus vraiment en dehors des cartes postales), il faudra s'échapper d'une fosse d'hyènes affamées, explorer le labyrinthe d'un temple et ses pièges (façon Indiana Jones)... Bref un trésor convoité par une bande de mercenaires avec au générique 3 vedettes chinoises et 3 vedettes indiennes dont la belle Disha Patani. Les connaissances en kung-fu des uns et en yoga des autres vont leur permettre de se sortir de situations périlleuses et pour plusieurs combats. On y retrouve Jackie Chan comme on le connaît en train de sautiller dans tout les sens et d'utiliser ce qu'il a sous la main pour combattre, toujours avec agilité et humour...

Jackie Chan

"Je travaille avec Jackie Chan depuis 26 ans, on est amis, Jackie est un grand acteur. On connaît tout les deux les cascades, on imagine des scènes d'action qui doivent être originales et aussi amusante. Quand j'ai fait Supercop (Police Story 3) à cette époque la plupart des films de Jackie Chan se terminaient dans un entrepôt, j'ai voulu autre chose avec des hélicoptères. Une bonne scène d'action doit suivre un certain rythme, oller au tempo de la musique qu'il y aura, c'est essentiel de penser à l'avance au montage. Avec l'âge et l'expérience on fait plus attention durant les prises, il y a eu moins de prises où Jackie se fait mal. A la fin du générique de ses films il y a souvent un petit best-of de prises ratées, il n'y en a pas pour Kung-Fu Yoga. La raison principale est que le film devait sortir en période de nouvel an en Chine donc on ne pouvait pas terminer sur des prises ratées où quelqu'un tombe en se faisant mal, à la place il y a cette séquence de danse finale qui rend tout le monde heureux."

Jackie Chan dans Kung Fu Yoga

Une coproduction Chine-Inde

"Le tournage a eu lieu en Chine, en Islande, à Dubai et en Inde. J'étais déjà allé à Dubai avant et je m'étais dit qu'un jour je mettrais dans un film ce que j'y avais vu : des courses de chameaux, les voitures de luxe de la police, des hôtels gigantesques; c'est donc dans Kung-Fu Yoga. Si un jour j'avais le budget pour ça je ferais une poursuite de voitures avec les voitures les plus luxueuses qui soit, j'ai pu faire ça aussi.
En Chine le public en salle de cinéma est plus majoritairement féminin, et leur type de film préféré est d'abord les comédies, puis les films d'action, puis les romances. Kung-Fu Yoga est aussi un film de fille, d'ailleurs il y a 3 personnages de femmes. Kung-Fu Yoga c'est un 'family-picture', de l'action spectaculaire mais pas vraiment de violence et pas de sang, vous pouvez emmener vos enfants voir ce film. C'est difficile de plaire à d'autres publics dans différents pays asiatiques en dehors de la Chine ou en Europe, certains pays préfèrent beaucoup des explications pour l'intrigue quand d'autres pays préfèrent que ça parle moins. Pour les cinéastes c'est de plus en plus difficile d'attirer le public de masse dans les salles: beaucoup de gens attendent quelques semaines pour voir le film sur internet."

Cannes 2017: Netflix en compétition, ça ne plaît pas à tout le monde…

Posté par vincy, le 15 avril 2017

Ce n'est pas une surprise. Est-ce une polémique? Toujours est-il que la sélection en compétition du 70e Festival de Cannes de deux films qui seront diffusés sur Netflix provoquent des grincements de dents.

The Meyerowitz Stories de Noah Baumbach a été acquis par Netflix en tant que simple diffuseur il y a une semaine, avant le dévoilement de la sélection. Okja de Bong Joon-ho est une production Netflix et prévu dès le départ un produit 5 étoiles (Tilda Swinton, Jake Gyllenhaal au casting) pour la plateforme en SVOD.

Respect des règles

La Fédération nationale des cinémas français (FNCF) a envoyé un communiqué pour exprimer son inquiétude. "Si les salles de cinémas ne remettent pas en cause la liberté de programmation du premier festival de cinéma du monde, ni le fait que de nouveaux acteurs internationaux viennent légitimement, comme Amazon, contribuer au développement et au financement du cinéma, elles contestent ce choix qui a été fait sans concertation", déclare la FNCF. En fait, à travers cette remarque, la Fédération s'interroge sur la fameuse chronologie des médias: "Si des films du Festival de Cannes contrevenaient à la réglementation en vigueur sur la chronologie des médias, par exemple en étant diffusés sur Internet simultanément à une sortie en salle, ils seraient passibles de sanctions par le CNC ! Et qu’en sera-t-il demain, si des films du Festival de Cannes ne sortaient pas en salle, remettant ainsi en cause leur nature d’œuvre cinématographique ?".

La fédération enfonce le clou avec l'argument juridico-fiscal: "Netflix, qui vient de fermer ses bureaux en France, montre qu’il contourne depuis plusieurs années la réglementation française et les règles fiscales (TVA et TSA). Ces règles fondent le cycle vertueux et le financement d’un écosystème exemplaire pour le cinéma dans notre pays, qui permet aujourd’hui à la plupart des films français et étrangers de la sélection officielle d’exister".

Autrement dit, Netflix ne joue pas le jeu, et ne respecte aucune règle du système français, qu'il soit légal ou financier. Ce que réclame la FNCF est simple: la garantie que The Meyerowitz Stories et Okja sortent bien en salles en France, avant leur diffusion sur Netflix.

Chronologie des médias, saison 20

Cette interpellation est légitime, mais nous semble mal posée. Cette chronologie des médias, dont la directive célèbre ses 20 ans, pose problème depuis quelques années avec le surgissement de la SVOD, de la VàD et du piratage. Le modèle actuel semble déjà dépassé. D'ailleurs, le Festival de Cannes sélectionne chaque années des films qui n'ont pas l'assurance de sorties en salle (et n'ont même pas de distributeurs au moment de leur sélection voire de leur projection cannoise). Et certains de ces films connaissent des sorties en salle si réduites qu'on peut se demander si une diffusion simultanée en SVOD ou en prime-time sur Arte ne serait pas plus profitable (on ne dit pas que c'est mieux, car l'expérience d'une salle de cinéma reste irremplaçable pour voir un film). Enfin, il est arrivé par le passé que des films produits par la télévision soient en sélection officielle. Prenons trois exemples.

Elephant de Gus Van Sant, Palme d'or en 2003, était un film produit par HBO. Sans sa Palme, d'ailleurs, il ne serait jamais sorti en salles aux Etats-Unis, visant ainsi, en vain, les Oscars. Ma vie avec Liberace, de Steven Soderbergh, est aussi un téléfilm coproduit par HBO. Présenté en compétition, le téléfilm avait bien un distributeur en France (ARP) mais n'est jamais sorti sur les grands écrans américains : la chaîne payante HBO l'a même diffusé sur le petit écran américain quelques jours après sa projection cannoise. Enfin, Carlos, d'Olivier Assayas, qui avait déclenché une polémique similaire à celle d'aujourd'hui.

Initialement prévu pour la télévision, le film, sélectionné hors-compétition, était produite par Canal +, et a été présenté dans sa version intégrale, en trois parties, tout en étant diffusé simultanément sur la chaîne cryptée (fin mai/début juin). Le film sera vendu sous une version cinématographique dans les autres pays. Et finalement, cette version raccourcie à 2h45 est sortie le 7 juillet en France, dans une centaine de salles, distribué par MK2. Cette solution était d'autant plus baroque que le DVD était disponible juste après sa diffusion télé début juin. "Bizarre chronologie des médias" écrivait-on à l'époque.

Un débat sain

Par conséquent, la polémique Netflix du jour n'est qu'une nouvelle petite secousse sismique dont on a déjà ressenti les premiers effets au début des années 2000. Le Festival de Cannes a d'ailleurs une vertu sur ce registre: en anoblissant des films produits pour la télévision, il les conduit généralement dans les salles de cinéma.

La FNCF souhaite avoir les garanties que les deux films Netflix sortent en salle en France. Au nom de l'exception culturelle. Ce n'est qu'une stratégie défensive. Cela ne résoudra rien au problème de fond: dès lors que des plateformes comme Netflix entrent dans la production de films signés de grands cinéastes, il faudra sans doute revoir notre façon d'aborder la chronologie des médias et la définition même d'un film de cinéma.

Les deux films seront diffusés sur Netflix en 2017 pour les abonnés de la plate-forme dans les pays où le service est disponible. Cela touche 93 millions de personnes dans le monde. Si pour Okja, une sortie en salles n’est pas exclue, qu'en est-il de The Meyerowitz Stories? Et cela ne concernerait-il que la France, ou des pays comme la Corée du sud (pour Okja) et les Etats-Unis (pour que Meyerowitz vise les Oscars)? Ce genre de débats en tout cas n'a jamais lieu dans les autres festivals...

D'autant, Netflix ne cache pas vouloir proposer ses films simultanément en salles et en ligne. Là il s'agit d'instaurer un dialogue équitable entre la plateforme américaine qui veut faire plier un écosystème (gaulois) et un pays qui refuse le diktat d'une transnationale. Cette "uberisation" a un impact certain puisque ce ne sont pas seulement les films "Netflix" qui sont en jeu. En court-circuitant les salles qui pourraient diffuser les deux films sélectionnés à Cannes, ce ne sont pas les grands groupes de distribution qui sont menacés mais bien les exploitants indépendants, bien plus dépendant de ce genre de films, qui seraient ainsi un peu plus fragilisés.

Dans un échange de tweets passionnant entre Jean Labadie (Le Pacte) et Vincent Maraval (Wild Bunch, qui avait déjà expérimenté la projection cannoise en off d'un film qui sortait en VàD), on constate que le dialogue semble dans l'impasse. Pourtant c'est bien un autre débat qu'ils soulèvent, l'un en défendant l'exploitation et la distribution, l'autre en privilégiant la création (les deux n'étant pas incompatibles). Dans cette histoire, ce qui est en jeu c'est davantage la liberté d'accès au cinéma. La démocratisation, est-ce le fait que tous pourront voir les films dans une salle de cinéma près de chez soi ou que tous les films pourront être vus, chez soi ou en salle, par le plus grand nombre?

A la tête de Fidélité productions, Marc Missionnier préfère y voir une ouverture avec ces films et séries prévus pour le petit format. Une ouverture "en grand".

Cannes 70 : chants (et contrechamps) du cygne

Posté par MpM, le 14 avril 2017

70 ans, 70 textes, 70 instantanés comme autant de fragments épars, sans chronologie mais pas au hasard, pour fêter les noces de platine des cinéphiles du monde entier avec le Festival de Cannes. En partenariat avec le site Critique-Film, nous lançons le compte à rebours : pendant les 70 jours précédant la 70e édition, nous nous replongeons quotidiennement dans ses 69 premières années.

Aujourd'hui, J-34 Et pour retrouver la totalité de la série, c'est par .


Cannes, nous l'avons déjà écrit dans le cadre de ce dossier, c'est le lieu des découvertes mais aussi de la reconnaissance de grands auteurs reconnus, comme le confirment les Palmes d'or tardives dans leur vie et leur carrière de Roman Polanski, Ken Loach, Theo Angelopoulos ou Michael Haneke. On pourrait dire qu'ils l'ont obtenue à l'usure et certains ne s'en sont pas privés, à tort ou à raison.

Mais, pour ne citer qu'un exemple, comment résister à la bouleversante Palme du cinéaste polonais, Le Pianiste ? "I wish I knew you better", dernière phrase de Wladyslaw Spillman prononcée à sa sœur avant qu'il ne soit séparé définitivement de sa famille, est une des plus belles répliques entendues dans une Palme, la plus intime peut-être, prononcée par un réalisateur dans un film - au moins en apparences - non autobiographique.

Les quatre grands cinéastes cités ci-dessus ont encore tourné plusieurs films après leur prix, Michael Haneke, 75 ans, étant le seul cette année à tenter à nouveau sa chance avec un long-métrage au titre quasi parfait pour cet article : Happy End. Le nonagénaire Claude Lanzmann sera présent en séance spéciale avec un documentaire (Napalm) mais ne soyons pas désobligeants en citant ces deux personnalités :  rien ne laisse présager – en dehors de leur âge avancé – qu'ils ne mèneront pas d'autres projets à terme dans les prochaines années.

Petit tour d'horizon de quelques grands noms du cinéma dont les tout derniers longs-métrages sont passés en sélection officielle, en compétition ou hors-compétition. La retraite anticipée d'un artiste est rarement volontaire et nombreux sont ceux qui rêvent à tourner jusqu'à leur dernier souffle et y parviennent, parfois avec des films qui n’entachent en rien leur carrière prestigieuse.

Pas encore prêt...


En 1993, Akira Kurosawa, le cinéaste qui a grandement participé au rayonnement du Japon à l'international, livrait, à 83 ans, une œuvre testamentaire qui renie cette dimension dans son titre mais l'embrasse dans son contenu avec ironie et douleur. «Madadayo» («pas encore !», sous-entendu «prêt à mourir») est, dans le film éponyme, la réponse rituelle d'un vieux professeur à l'attention de ses anciens élèves réunis 17 années de suite après sa retraite à la question «maadakai» («êtes-vous prêt ?»). Après cinquante années de cinéma, impossible de ne pas reconnaître le cinéaste dans ce récit sur le temps qui passe et la postérité. Son grand âge et sa réputation lui firent dire non sans malice, alors qu'il était applaudi avant la première projection : «vous me célébrez avant même d'avoir vu mon film parce que vous me reconnaissez comme un maître. Et vous allez voir que vous avez raison». Il décède en 1998 avec plusieurs projets dans sa besace, dont une adaptation d'une nouvelle d'Edgar Allan Poe (Le Masque de la mort rouge) et après avoir achevé les scénarios de Après la pluie et La Mer regarde qui seront réalisés par d'autres après sa disparition.

En 1960, Jacques Becker, l'un des premiers grands cinéastes français du parlant, disparaît alors qu'il achève le montage de ce qui restera comme son dernier film. Le Trou est l'un de ses chefs d’œuvre, occupant une belle place à côté de Goupi Mains Rouges, Falbalas, Antoine et Antoinette, Rendez-vous de juillet ou Casque d'or. Dans ce film viril mais surtout humain sans être angélique, un jeune homme bien sous tous rapports se retrouve en prison aux côtés d'hommes bien plus solides que lui. Méfiants d'abord, ils finissent par l'accepter dans leur groupe alors qu'ils préparent une évasion. «Pauvre Gaspard», l'une des plus belles dernières répliques dans un long-métrage, est concise, nette, percutante, indélébile, lorsqu'elle pénètre dans les oreilles de son destinataire qui rentre alors dans un abyme de solitude dont il ne sortira peut-être jamais. Le trou du titre n'est pas tant celui creusé par ces frères de cellule que celui d'une culpabilité sans fin. La Cinémathèque Française rend hommage au cinéaste jusqu'au 29 avril et ce grand film noir, une brillante étude de caractères sans concession, est à ne pas manquer.

Dernières danses


Étrange vision en 1983 lorsque le vénérable Orson Welles, dont le dernier film remonte déjà à quelques années, est invité à remettre un double Grand prix à deux autres grands cinéastes en fin de parcours. Robert Bresson est récompensé pour son dernier film, L'Argent et Andrei Tarkovski pour son avant-dernier, Nostalghia, mais il s'agit de sa dernière présence sur scène, Le Sacrifice en 1986 lui permettant de recevoir un troisième Grand Prix alors qu'il se meurt d'un cancer du poumon dans un hôpital parisien. La Palme revient cette année là à Roland Joffé pour Mission... En 1983, c'est un autre grand nom du cinéma qui recevait la Palme : Shohei Imamura, qui recevra une deuxième Palme en 1997 pour L'Anguille et quittera la scène en 2001 avec De l'eau tiède sous un pont rouge, un film pourtant d'une grande santé, sensuelle et enlevée, également dévoilée en compétition.

Federico Fellini a obtenu la Palme pour La Dolce Vita en 1960 et le Prix du 40ème anniversaire en 1987 pour Intervista. L'italien s'est rendu très régulièrement sur la Croisette pendant plus de 35 ans, achevant son parcours en 1990 avec La Voce della luna, avec Roberto Benigni (et Sim dans un petit rôle), un film très mal reçu qui déçoit les cinéphiles malgré quelques jolis moments, que l'on peut voir comme l'un des symboles de la fin d'un âge d'or du cinéma italien. Il disparaît en 1993, suivi quelques mois plus tard de sa muse et épouse Giulietta Massina.

Pouvait-on imaginer en 1996 que The Sunchaser serait le dernier film de Michael Cimino, vingt ans son décès l'an dernier ? Après une série de quatre chefs d’œuvres en douze ans, marqueurs indéniables de l'histoire de son pays, au niveau politique mais surtout cinématographique (Le Canardeur, Voyage au bout de l'enfer, La Porte du paradis, L'Année du dragon), il avait ensuite déçu avec Le Sicilien et La Maison des otages. Son dernier opus, un road-movie dans lequel un cancérologue (Woody Harrelson) est kidnappé par un jeune membre de gang d'origine indienne, n'est pas très bien accueilli dans l'ensemble malgré quelques avis dithyrambiques. Il reviendra brièvement en 2007 pour l'un des sketchs de Chacun son cinéma en 2007. Même questionnement en 2000 avec le taïwanais Edward Yang avec Yi Yi. Son prix de la mise aurait du être le jalon d'une deuxième partie de carrière au premier plan après des années de relative discrétion. En 2007, il décède d'un cancer alors qu'il cherchait à réunir des fonds pour un long-métrage d'animation avec Jackie Chan.

En 1998, 26 ans après sa récompense suprême pour le grand film politique L'Affaire Mattei, Francesco Rosi rend hommage, avec La Trêve, à Primo Levi en adaptant son autobiographie Si c'est un homme, récit de sa survie à Auschwitz, sur l'indicible douleur des survivants des camps. Le film est jugé trop académique et décrié pour la scène où un officier allemand demande pardon au double de Levi joué par John Turturro, un passage absent du livre. Le réalisateur se justifiait ainsi : «Je l'ai rajouté en hommage au chancelier Willy Brandt, le premier allemand à l'avoir fait. Mais qu'on ne se méprenne pas : ce pardon, Primo Levi ne l'a pas donné, et moi, l'auteur du film, je ne le donne pas non plus ».

2012 marque quasiment un double adieu à la scène. Abbas Kiarostami, révélé comme grand cinéaste de l'enfance mais qui ne s'est pas limité à cet âge de la vie, proposait ce qui aurait pu être une parenthèse stylistique avec Like Someone in Love, tourné au Japon. Il avait révélé au monde le cinéma iranien et séduit de nombreux confrères dont Nanni Moretti qui a tourné un court métrage sur la sortie de Close-up et s'était battu au sein du jury présidé par Isabelle Adjani pour lui faire obtenir une Palme d'or en 1997 pour Le Goût de la Cerise.

Akira Kurosawa l'avait adoubé avec enthousiasme : «Quand Satyajit Ray est décédé, j’ai été très déprimé. Mais après avoir vu les films de Kiarostami, j’ai remercié Dieu de nous avoir donné exactement la bonne personne pour prendre sa place». Jean-Luc Godard aurait dit de lui : «le cinéma commence avec D.W. Griffith et prend fin avec Abbas Kiarostami». Le Festival 2017 rendra hommage à celui qui fut un pilier de Cannes de 1992 à 2014 (l'année où il fut président du jury de la Cinéfondation) en présentant 24 frames, annoncée comme expérimental et que l'on croyait inachevée. Ce sera donc à vérifier entre le 17 et le 27 mai. Il disparaît le lundi 4 juillet 2016, moins de 48 heures après Michael Cimino.

Toujours en 2012, Alain Resnais venait avec son avant-dernier film, que nous citons ici pour son côté testamentaire, un film «boucle» au titre évocateur, Vous n'avez encore rien vu, comme un lien à travers les âges au «Tu n'as rien vu à Hiroshima» de Hiroshima, mon amour, son premier long.

S'ils ne sont pas inconscients de leur grand âge, rares seront les réalisateurs à admettre directement la part testamentaire de leur dernière œuvre, se confronter à sa mortalité n'étant pas une chose aisée. Pour certains, la possibilité de la poursuite de leur carrière passe notamment pas l'impossibilité de ne jamais, ou difficilement, admettre cette dimension. Manoel de Oliveira a tourné en 1982 Visite ou Mémoires et Confessions, une œuvre réellement testamentaire, la sortie ne pouvant être que posthume selon ses vœux, alors que sa carrière ne faisait que commencer et s'est achevée trente ans plus tard avec Gebo et l'ombre, dévoilé à Venise alors que la quasi-totalité de ses films ont été montrés sur la Croisette dans les années 90-2000. Clint Eastwood, autre abonné cannois, rêve de tourner à un âge aussi avancé, au-delà de son centième anniversaire.

Rajoutons à tous ces prestigieux exemples d'autres noms en bref : Leopold Lindtberg, l'un des premiers habitués avec trois sélections entre 1946 et 1953 (Le Village près du ciel, son dernier film) et membre du jury en 1955) ; Alfred Hitchcock hors-compétition en 1976 avec Complot de famille ; Yilmaz Guney avec Le Mur en 1983, un an après sa palme pour Yol, la permission ; Sergio Leone hors-compétition avec sa fresque magnifique Il était une fois en Amérique en 1984 ; Shuji Terayama disparu prématurément à 47 ans, présent en 1984 avec Adieu l'arche ; André Delvaux avec L'Œuvre au noir en 1988 (avec l'immense Gian Maria Volonté dans l'un des ses derniers rôles) ; Bernhard Wicki en 1989 avec La Toile d'araignée ; Axel Corti, l'auteur de la magnifique trilogie Welcome in Vienna qui signait son dernier passage cannois avec l'europudding sinistre La Putain du roi (qui sera heureusement suivi de la brillante mini-série pour la télévision La Marche de Radetzky) ; João César Monteiro avec Va et vient en 2003, la même année que le Sri-lankaisen Lester James Peries avec Le Domaine (toujours vivant mais âgé de 98 ans, il n'a pas tourné depuis) ou le sénégalais Ousmane Sembène qui dénonce l'excision avec Moolaadé à Un Certain regard en 2004. Tous, ou presque, sont décédés peu de temps après ce dernier volet de leur parcours.

Enfin, difficile de conclure ce texte d'une immense gaieté sans évoquer la «mort sur scène» de Roberto Rossellini, un cas bien particulier dans l'Histoire du festival, celui de la disparition, une petite semaine après la fin de l'édition 1977, du président d'un jury marqué par une polémique. Le jury du réalisateur de Rome, ville ouverte a préféré remettre la palme à Padre, Padrone des frères Taviani alors qu'un autre de leurs compatriotes, Ettore Scola était le favori avec Une Journée particulière. Le président du festival, Robert Favre le Bret, est en colère, le fait savoir et n'assiste pas à la remise des prix, une première et une dernière dans l'Histoire de Cannes ! Dans son ouvrage La Vie passera comme un rêve, Gilles Jacob rapporte les mots du cinéaste à Favre Le Bret dans la dernière lettre qu'il lui a écrite : «Cher Robert, nous n'allons tout de même pas mourir pour un festival… »

Pascal Le Duff de Critique-Film

Cannes 2017: « Carne y Arena », ovni en réalité virtuelle sur la Croisette

Posté par vincy, le 14 avril 2017

Annoncé hier dans le cadre des événements du 70e anniversaire du Festival de Cannes, Carne Y Arena (Virtually Present, Physically invisible), le nouveau film d'Alejandro G. Inarritu est le premier film en réalité virtuelle en sélection officielle du Festival. Le film sera ensuite présenté à la nouvelle Fondazione Prada de Milan à partir de juin avant de faire un tour de musées dans le monde l'année prochaine.

Le dossier de presse indique qu'il s'agit d'une exploration de la condition humaine, des migrants et des réfugies, une installation conceptuelle en réalité virtuelle et une occupation inédite d'un vaste espace visuel original.

Historiquement, c'est de facto le tout premier programme de réalité virtuelle présenté en Sélection officielle du Festival. Le fait qu'il soit signé par un réalisateur oscarisé (deux Oscars du meilleur réalisateur, un Oscar du meilleur film, un Oscar du meilleur scénario original) et également primé à Cannes (prix de la mise en scène pour Babel, Grand prix de la semaine de la critique pour Amores Perros) légitime en soi ce choix. D'autant que la photographie est assurée par le triple-oscarisé Emmanuel Lubezki (et indirectement palmé grâce à son travail avec Terrence Malik pour The Tree of Life ­L’Arbre de vie).

La condition humaine

Produite et financée par Legendary Entertainment et la Fondazione Prada, cette installation en réalité virtuelle est à la fois expérimentale et visuelle. "À partir de faits bien réels, les lignes qui semblent habituellement séparer le sujet observé de son observateur se trouvent ici brouillées quand chacun est invité à se déplacer à l’intérieur d’un vaste espace, en suivant des réfugiés et en en vivant intensément une partie de leur périple" explique le dossier. Ce qui n'éclaire pas vraiment et attise la curiosité. On sait juste que le film utilise la technologie virtuelle "pour créer un espace infini de narrations multiples peuplé de personnages réels."

Cela ne dure que six minutes trente. Même s'il a fallu quatre ans pour le faire. Cet "ovni" cinématographique est cependant (avant tout?) politique dans le contexte actuel (on le rappelle: le POTUS Donald Trump souhaite construire un mur entre les Etats-Unis et le Mexique). "J’ai eu la chance de rencontrer et d’interviewer de nombreux réfugiés arrivant du Mexique et d’Amérique centrale. Ce qu’ils me racontaient de leur vie continuait à m’obséder, je leur ai donc proposé de collaborer à mon projet", confie le cinéaste. "Je souhaitais pouvoir utiliser la réalité virtuelle pour explorer la condition humaine tout en m’affranchissant de la dictature du cadre ­à l’intérieur duquel on ne peut être que simple observateur ­ pour prendre possession de la totalité de l’espace dans lequel je propose au visiteur de vivre l’expérience réelle des migrants, en marchant avec eux, en pénétrant sous leur peau et au plus profond de leur cœur" précise-t-il.

Transition et transformation

Selon Germano Celant, responsable des Arts et des Sciences au sein de la Fondazione Prada, "C’est une véritable révolution dans la façon de communiquer : quand, au cinéma, voir se transforme en ressentir, l’engagement physique est total. Il s’agit bien là d’une transition, d’un passage de l’écran au regard de l’homme dont tous les sens se trouvent alors sollicités."

Fusion des identités, dualité entre organique et artificiel, rapport vision/expérience: les éléments de langage n'aident pas forcément à comprendre ce projet qui sera, à coup sûr, pris d'assaut par les journalistes durant le Festival. Un espace sera dédié et Thierry Frémaux a promis que la presse serait un public privilégié pour vivre cette expérience.

Peu importe si le résultat apparaît comme un gadget aux yeux des critiques: le Festival de Cannes ne voulait pas manquer le train. L'an dernier, Michel Reilhac avait présenté "Viens!" à Sundance. Venise a annoncé il y a quelques semaines que la VR aurait sa compétition, en plus d'avoir déjà installé l'an dernier un atelier permettant de financer des projets (lire notre article du 29 mars. Les salles de cinéma commencent à s'en équiper (notamment MK2 et la Géode à Paris). Après la révolution numérique, le retour de la 3D, l'émergence de la 4D, le cinéma continue d'avancer pour rendre le spectacle encore plus immersif. A défaut de nouveau langage, il s'aventure là où la technologie l'emmène: vers un horizon mystérieux, où l'Homme, curieux, tâte le terrain, avec un casque.

Cannes 70 : les habitués de la croisette

Posté par cannes70, le 13 avril 2017

70 ans, 70 textes, 70 instantanés comme autant de fragments épars, sans chronologie mais pas au hasard, pour fêter les noces de platine des cinéphiles du monde entier avec le Festival de Cannes. En partenariat avec le site Critique-Film, nous lançons le compte à rebours : pendant les 70 jours précédant la 70e édition, nous nous replongeons quotidiennement dans ses 69 premières années.

Aujourd'hui, J-35 Et pour retrouver la totalité de la série, c'est par .


Depuis sa création, le festival de Cannes compte son lot d’habitués, ces réalisateurs prestigieux assurés d’obtenir une place en compétition dans le plus grand festival de cinéma du monde. Une situation confortable qui ne garantit pas pour autant l’accession au Graal Suprême, la Palme d’Or, que Ettore Scola ou Carlos Saura ont convoité maintes fois, en vain.

Tous les cinéastes rêvent de voir leur film envahir l’écran du Théâtre Lumière mais très peu ont eu ce privilège. Une évidence ou une injustice ? Lorsque l’on regarde attentivement la liste des cinéastes qui ont leur rond de serviette cannois, force est d’admettre qu’elle est très loin de faire pâle figure : Michelangelo Antonioni, Ingmar Bergman, Federico Fellini ou Andrei Tarkovski pour ceux « qui ne sont plus disponibles », Clint Eatwood, Michael Haneke, Lars Von Trier, Nuri Bilge Ceylan, Ken Loach, les frères Coen ou Nanni Moretti pour les réalisateurs toujours en activité.

Ignorer les réalisateurs les plus importants de leur temps serait une absurdité et les responsables du festival l’ont bien compris (un peu trop d’ailleurs). Certains ont été primés dès leurs premiers pas en compétition (les frères Coen avec Barton Fink, Steven Soderbergh et son Sexe, Mensonge et Vidéo) tandis que d’autres ont longtemps attendu la consécration (Michael Haneke et ses deux Palmes successives, Le Ruban Blanc et Amour). Et ceux qui n’ont jamais décroché la Palme ont plus d’une fois présenté l’une de leur œuvre majeure, que ce soit Clint Eastwood (Mystic River), Carlos Saura (Cria Cuervos), James Gray (La nuit nous appartient) ou Pedro Almodovar et sa très venimeuse Piel Que Habito.

Si la fidélité aux cinéastes est le plus souvent sauvegardée, quelques malheureux ont soudain subi l’opprobre dont ils ne se sont pas remis. Le cas le plus manifeste étant le réalisateur danois Bille August, deux fois lauréat de la Palme d’Or (pour Pelle le Conquérant et Les Meilleures Intentions) qui n’a plus foulé le tapis rouge depuis vingt-cinq ans.

Mais cette fidélité se transforme parfois en aveuglement et met à mal la fameuse politique des auteurs qui veut nous faire croire qu’un grand cinéaste ne créé que des chefs d’œuvre. Aussi immenses qu’ils furent, Hitchcock, Chaplin et Welles ont connu, le temps d’un film, un sérieux coup de mou. Sous le prétexte d’obtenir le label Festival de Cannes, pour quelle raison avouable les membres du club n’auraient pas droit eux aussi à un moment de faiblesse ? Leur présence sur la Croisette n’en est alors que plus cruelle et le retour de bâton peut s’avérer très violent. On se souvient encore des sifflets et des ricanements accompagnant la projection de Nos Souvenirs de Gus Van Sant (lauréat d’une Palme d’Or pour Elephant), indigne d’une sélection. Ou de la lente décomposition artistique de Wim Wenders, présent régulièrement en compétition en souvenir d’une Palme (Paris, Texas) déjà bien lointaine.

De ces grands noms, le festival a besoin. Sans eux, le prestige de la manifestation prendrait un sérieux coup dans l’aile. Mais Cannes ne peut pas se contenter de suivre obstinément toujours les mêmes, et doit battre en brèche l’idée reçue consistant à proclamer qu’ils font les meilleurs films. Un argument hautement contestable utilisé paresseusement afin de pas se risquer à proposer des auteurs neufs qui ne croulent pas encore sous les honneurs ronflants.

Et puis il faut bien avouer que cette obsession des "habitués" qui ont la "carte" finit par conduire à des aberrations. Souvenons-nous de l'affaire Arnaud Desplechin en 2015 : son film Trois souvenirs de ma jeunesse n'est pas retenu en compétition mais a les honneurs de la Quinzaine, dont il fait l'ouverture. Scandale, selon certains, qui prétendent qu'il s'agit là de son meilleur film, et donc d'une grave "faute" de la part du Festival. Les mêmes râlent sur la présence de cinéastes non "habitués" (dont les films sont jugés mauvais avant même d'être vus). Et on peut supposer sans tellement de mauvaise foi que cette année-là, la sélection de Desplechin en compétition, si elle avait eu lieu, n'aurait pas manqué d'être raillée (par les mêmes ou par d'autres) sur l'air de "toujours les mêmes". Thierry Frémaux doit alors prendre modèle sur Schrödinger et son chat, en tentant l'expérience de cinéastes qui sont en même temps sélectionnés et  laissés de côté. On invite tous les râleurs à se plier à l'exercice.

Quoi qu'il en soit, un grand cinéaste, s’il n’est plus à la hauteur, s'il n'apporte rien de nouveau à son propre travail, ou tout simplement s'il a été trop vu, doit céder sa place, même provisoirement. Car Cannes est censé refléter le meilleur du cinéma mondial. De temps à autre, des réalisateurs font une entrée fracassante, à l’instar d’un Lazslo Némès avec Le Fils de Saul ou de Maren Ade et son jubilatoire Toni Erdmann, salués et appréciés de manière générale. Enfin un peu de nouveauté, se dit-on alors avec une certaine satisfaction. Jusqu'à ce qu'ils deviennent eux-aussi des habitués... ?!

Antoine Jullien de Mon Cinématographe et de l'émission Flashback sur Séance radio

PS : Notons cette année que les vœux de notre rédacteur invité Antoine Jullien, écrits juste avant l'annonce de la sélection 2017, ont été comme exaucés. Certes 14 des 18 cinéastes invités ont déjà concouru pour la Palme d'or, Michael Haneke l'a même reçu deux fois pour ses deux derniers films et d'autres ont été primés directement ou pour leurs interprètes (Fatih Akin, Michel Hazanavicius, Todd Haynes, Andrey Zvyagintsev).

Pourtant, on peut noter que plusieurs ne sont en lice que pour la deuxième fois (Sofia Coppola, Yorgos Lanthimos, Lynne Ramsay...) ou la troisième (François Ozon, Jacques Doillon en 1979 et 1984, Andrey Zvyagintsev, Sergey Loznitsa, Kornél Mundruczó...) sans avoir cette étiquette d'habitués de "premier plan" portée par Haneke, Hong Sangsoo et Naomi Kawase cette année.

Pour être complets pour certains d'entre eux, il faudrait citer l'intégralité de leur parcours cannois. Bong Joon-ho est passé par la Quinzaine des Réalisateurs, tout comme les frères Safdie, Kornel Mandruczo a vu tous ses films présentés sur la Croisette, recevant par exemple le prix Un Certain Regard pour White God... Reste néanmoins que la sélection 2017 est l'une des prometteuses sur le papier depuis des lustres et devrait surprendre jusqu'aux festivaliers les plus basés. On le souhaite en tout cas. On le sent...

Pascal Le Duff (critique-film.fr) et Marie-Pauline Mollaret (Ecran Noir)