Cannes 2017: « Carne y Arena », ovni en réalité virtuelle sur la Croisette

Posté par vincy, le 14 avril 2017

Annoncé hier dans le cadre des événements du 70e anniversaire du Festival de Cannes, Carne Y Arena (Virtually Present, Physically invisible), le nouveau film d'Alejandro G. Inarritu est le premier film en réalité virtuelle en sélection officielle du Festival. Le film sera ensuite présenté à la nouvelle Fondazione Prada de Milan à partir de juin avant de faire un tour de musées dans le monde l'année prochaine.

Le dossier de presse indique qu'il s'agit d'une exploration de la condition humaine, des migrants et des réfugies, une installation conceptuelle en réalité virtuelle et une occupation inédite d'un vaste espace visuel original.

Historiquement, c'est de facto le tout premier programme de réalité virtuelle présenté en Sélection officielle du Festival. Le fait qu'il soit signé par un réalisateur oscarisé (deux Oscars du meilleur réalisateur, un Oscar du meilleur film, un Oscar du meilleur scénario original) et également primé à Cannes (prix de la mise en scène pour Babel, Grand prix de la semaine de la critique pour Amores Perros) légitime en soi ce choix. D'autant que la photographie est assurée par le triple-oscarisé Emmanuel Lubezki (et indirectement palmé grâce à son travail avec Terrence Malik pour The Tree of Life ­L’Arbre de vie).

La condition humaine

Produite et financée par Legendary Entertainment et la Fondazione Prada, cette installation en réalité virtuelle est à la fois expérimentale et visuelle. "À partir de faits bien réels, les lignes qui semblent habituellement séparer le sujet observé de son observateur se trouvent ici brouillées quand chacun est invité à se déplacer à l’intérieur d’un vaste espace, en suivant des réfugiés et en en vivant intensément une partie de leur périple" explique le dossier. Ce qui n'éclaire pas vraiment et attise la curiosité. On sait juste que le film utilise la technologie virtuelle "pour créer un espace infini de narrations multiples peuplé de personnages réels."

Cela ne dure que six minutes trente. Même s'il a fallu quatre ans pour le faire. Cet "ovni" cinématographique est cependant (avant tout?) politique dans le contexte actuel (on le rappelle: le POTUS Donald Trump souhaite construire un mur entre les Etats-Unis et le Mexique). "J’ai eu la chance de rencontrer et d’interviewer de nombreux réfugiés arrivant du Mexique et d’Amérique centrale. Ce qu’ils me racontaient de leur vie continuait à m’obséder, je leur ai donc proposé de collaborer à mon projet", confie le cinéaste. "Je souhaitais pouvoir utiliser la réalité virtuelle pour explorer la condition humaine tout en m’affranchissant de la dictature du cadre ­à l’intérieur duquel on ne peut être que simple observateur ­ pour prendre possession de la totalité de l’espace dans lequel je propose au visiteur de vivre l’expérience réelle des migrants, en marchant avec eux, en pénétrant sous leur peau et au plus profond de leur cœur" précise-t-il.

Transition et transformation

Selon Germano Celant, responsable des Arts et des Sciences au sein de la Fondazione Prada, "C’est une véritable révolution dans la façon de communiquer : quand, au cinéma, voir se transforme en ressentir, l’engagement physique est total. Il s’agit bien là d’une transition, d’un passage de l’écran au regard de l’homme dont tous les sens se trouvent alors sollicités."

Fusion des identités, dualité entre organique et artificiel, rapport vision/expérience: les éléments de langage n'aident pas forcément à comprendre ce projet qui sera, à coup sûr, pris d'assaut par les journalistes durant le Festival. Un espace sera dédié et Thierry Frémaux a promis que la presse serait un public privilégié pour vivre cette expérience.

Peu importe si le résultat apparaît comme un gadget aux yeux des critiques: le Festival de Cannes ne voulait pas manquer le train. L'an dernier, Michel Reilhac avait présenté "Viens!" à Sundance. Venise a annoncé il y a quelques semaines que la VR aurait sa compétition, en plus d'avoir déjà installé l'an dernier un atelier permettant de financer des projets (lire notre article du 29 mars. Les salles de cinéma commencent à s'en équiper (notamment MK2 et la Géode à Paris). Après la révolution numérique, le retour de la 3D, l'émergence de la 4D, le cinéma continue d'avancer pour rendre le spectacle encore plus immersif. A défaut de nouveau langage, il s'aventure là où la technologie l'emmène: vers un horizon mystérieux, où l'Homme, curieux, tâte le terrain, avec un casque.

Oscars 2016: Spotlight, DiCaprio et Mad Max sacrés par Hollywood

Posté par vincy, le 29 février 2016

Toutes les nominations et le live en direct sur notre compte twitter.

Palmarès très équilibré cette année aux Oscars, avec trois gagnants très différents. Spotlight a remporté le titre de meilleur film, amplement mérité, dans une course très ouverte. Avec deux Oscars, le film a su déjouer les pronostics et démontre une fois de plus qu'on peut faire un cinéma populaire et intelligent, même si le box office n'est pas phénoménal.  Et finalement quoi de mieux pour cette 88e cérémonie très très engagée politiquement, et menée brillament par Chris Rock que de couronner un film lui-même très politique?!

Mad Max Fury Road a triomphé par le nombre et fait une importante razzia dans les catégories techniques avec six Oscars. Le festival de Cannes, qui l'avait présenté en avant-première mondiale, a aussi pu compter sur trois autres prix prestigieux: Le fils de Saul (film en langue étrangère), Vice-Versa (animation) qui fait gagner un 8e Oscar à Pixar et un 10e au groupe Disney dans cette catégorie et Amy comme meilleur documentaire. Pour Le Fils de Saul, c'était la 9e fois que la Hongrie était nommée dans cette catégorie. Le cinéma hongrois n'avait remporté l'Oscar qu'une seule fois, en 1981, avec Mephisto de István Szabó.

Les Oscars ont pour l'instant récompensé de nombreux professionnels non américains, de la danoise Alicia Vikander aux britannique Mark Rylance et Sam Smith (qui fait une fois de plus gagner l'Oscar de la meilleure chanson à James Bond). Sans oublier la pakistanaise Sharmeen Obaid-Chinoy, le chilien Gabriel Osorio Vargas (c'est seulement le 2e Oscar pour ce pays) et bien sur le mexicain Emmanuel Lubezki qui rentre dans l'histoire avec un troisième Oscar consécutif dans sa catégorie (directeur de la photographie) après ceux de Gravity et Birdman. Pour l'italien et la légende de la musique de film Ennio Morricone, la sixième nomination aura été la bonne (même s'il avait déjà reçu un Oscar d'honneur en 2007).

Evidemment on retient surtout le deuxième Oscar consécutif du réalisateur mexicain Alejandro G. Innaritu, un an après Birdman. C'est le troisième cinéaste à réussir cet exploit après Joseph L. Mankiewicz (1948-1949) et John Ford (1940-1941). Il offre surtout l'Oscar tant attendu pour l'un des plus acteurs de ces 20 dernières années: Leonardo DiCaprio. Il l'a enfin eu. C'était le couronnement attendu autant pour la cérémonie que pour la star. Avec trois Oscars "historiques", The Revenant n'aura pas tout perdu.

Film: Spotlight de Tom McCarthy
Réalisateur: Alejandro G. Inarritu (The Revenant)
Acteur: Leonardo DiCaprio ( The Revenant)
Actrice: Brie Larson (Room)
Second-rôle masculin: Mark Rylance (Le Pont des Espions)
Second-rôle féminin: Alicia Vikander (The Danish Girl)
Film d'animation (long métrage): Vice-Versa (Inside Out)
Film documentaire (long métrage): Amy d'Asif Kapadia & James Gay-Rees
Film en langue étrangère: Le fils de Saul de Laszlo Nemes
Court métrage: Stutterer de Benjamin Cleary
Film d'animation (court): Bear Story de Gabriel Osorio Vargas (Chili)
Film documentaire (court): A Girl in the River: The Price of Forgiveness de Sharmeen Obaid-Chinoy
Scénario original: Tom McCarthy & Josh Singer (Spotlight)
Scénario (adaptation): Adam McKay & Charles Randolph, d'après sur le livre The Big Short: Inside the Doomsday Machine de Michael Lewis (The Big Short)
Musique: Ennio Morricone (Les 8 Salopards)
Chanson: Writing's On The Wall (007 Spectre) de Sam Smith et James Napier
Image: Emmanuel Lubezki (The Revenant)
Montage: Margaret Sixel (Mad Max: Fury Road)
Décors: Colin Gibson & Lisa Thompson (Mad Max: Fury Road)
Costumes: Jenny Beavan (Mad Max: Fury Road)
Maquillages et coiffures: Lesley Vanderwalt, Elka Wardega & Damian Martin (Mad Max: Fury Road)
Montage son: Mark Mangini & David White (Mad Max: Fury Road)
Mixage son: Chris Jenkins, Gregg Rudloff & Ben Osmo (Mad Max: Fury Road)
Effets visuels: Andrew Whitehurst, Paul Norris, Mark Ardington & Sara Bennett (Ex Machina)

Oscars 2015: L’envol de Birdman (et autres faits marquants)

Posté par wyzman, le 23 février 2015

inarritu birdman oscars 2014
Tous les gagnants de la 87e cérémonie des Oscars
Oscars 2015: Un slip blanc, une carte verte, et beaucoup de grandes causes…

Avec 4 statuettes, dont meilleur film, meilleur réalisateur et meilleur scénario, Birdman a remporté la mère des batailles dans la saison des prix aux Etats-Unis. Le film, qui avait fait l'ouverture du Festival de Venise (où il avait été oublié du palmarès) sort mercredi en France. Un (faux) plan séquence autour d'un comédien qui s'est fait oublier après avoir incarné un super-héros dans une franchise hollywoodienne et cherche à monter une pièce adapté d'une nouvelle de Raymond Carver aura suffit à séduire les votants, qui ont finalement balayé l'autre favori, et l'autre tour de force, Boyhood de Richard Linklater, qui s'en va bredouille (hormis un Oscar du meilleur second-rôle féminin pour Patrica Arquette).
Surtout, pour la deuxième année consécutive, c'est un cinéaste mexicain qui repart avec l'Oscar du meilleur réalisateur. Alejandro Gonzalez Inarritu succède à Alfonso Cuaron. Les deux audacieux ont aussi permis à leur chef opérateur commun, Emmanuel Lubezki, de gagner deux fois de suite la statuette de la meilleure image.

Ex-aequo, The Grand Budapest Hotel a également reçu 4 Oscars, tous techniques. On note le premier Oscar en 8 nominations pour le composteur français Alexandre Desplat, qui rejoint ainsi Francis Lai, Maurice Jarre, Gabriel Yared, Ludovic Bource, George Delerue et Michel Legrand dans le panthéon des musiciens français oscarisés. Juste derrière, Whiplash, avec 3 Oscars dont celui du meilleur second-rôle masculin pour J.K. Simmons, complète le podium et surtout le meilleur montage que tout Hollywood voyait décerner à Boyhood.

jk simmons patricia arquette julianne moore eddie redmayneLe palmarès de ces 87e Oscars n'a délivré aucune surprise réelle en étant conforme aux prévisions de ces dernières semaines. Les quatre acteurs récompensés étaient tous favoris. On pouvait éventuellement imaginer une bataille dans la catégorie acteur mais Eddie Redmayne a triomphé, logiquement, sur Michael Keaton. C'est évidemment l'Oscar de la meilleure actrice, pour Julianne Moore dans Still Alice, qui a fait sensation. La comédienne a reçu une standing ovation. Après 4 nominations infructueuses, elle gagne enfin le prix le plus convoité du cinéma aux Etats-Unis. Elle réussit ainsi le rare grand chelem de la meilleure actrice: Oscar-Golden Globe-Venise-Berlin-Cannes (elle a reçu un prix d'interprétation l'an dernier au Festival de Cannes pour Maps to the Stars).

Disney a fait un doublé dans l'animation avec le court (Feast) et le long métrage (Les nouveaux héros). Dans cette dernière catégorie créée en 2002, c'est son neuvième Oscar. C'est sans doute la seule vraie surprise du palmarès, tant Dragons 2 semblait le vainqueur prévisible.

Enfin, c'est Ida qui a remporté l'Oscar du meilleur film en langue étrangère, donnant au cinéma polonais son premier Oscar, après 9 nominations infructueuses.

Au total, 13 longs métrages peuvent faire la fête, même si seulement 3 ont gagné plusieurs statuettes. Côté studios, là aussi, seulement trois ont reçu plus d'un prix: Walt Disney (2), Sony Pictures Classics (3) et surtout Fox Searchlight (8) qui profite des victoires de Birdman et Grand Budapest Hotel.

Les Critiques de Los Angeles plébiscitent (eux aussi) Boyhood

Posté par vincy, le 8 décembre 2014

Pour une fois, les critiques de Los Angeles sont d'accord avec leurs rivaux de New York (voir le palmarès du NYFCC). Boyhood est le meilleur film de l'année et Richard Linklater le meilleur réalisateur. Boyhood a triomphé à New York. L'Association des Critiques de Los Angeles l'a également sacré (avec en bonus le prix de la meilleure actrice pour Patricia Arquette et le prix du meilleur montage). Une razzia. Notons qu'Arquette avait été honorée par les confrères new yorkais mais dans la catégorie second-rôle féminin.

Autant dire que Boyhood est d'ores et déjà le grand favori de la saison des prix. Mais là encore, il y a du chemin avant les Oscars. Depuis 2000, un seul film (The Hurt Locker/Démineurs) a réalisé le doublé. Toujours depuis 2000, les critiques de L.A. et de NY n'ont choisi le même film qu'à quatre reprises.

Le perdant c'est évidemment Wes Anderson avec The Grand Budapest Hotel. Deux prix (scénario et décor) mais finaliste trois fois (film, réalisateur, montage). Anderson avait là aussi été primé à New York la semaine dernière pour son scénario.

Pour le reste, les critiques angelinos ont réservé quelques surprises: Ida, le drame polonais de Pawel Pawlikowski, l'emporte sur la Palme d'or Winter Sleep, mais s'octroie en plus le prix du meilleur second-rôle féminin. Ida avait aussi été gagnant à New York. Idem côté documentaire: le même choix pour Citzenfour.

Tom Hardy est récompensé pour son rôle / one-man show dans Locke, devant le favori Michael Keaton dans Birdman, qui ne repart qu'avec le prix de la meilleure image. C'est d'ailleurs le quatrième prix des critiques de L.A. pour le directeur de la photographie Emmanuel Lubezki, et le deuxième consécutif après Gravity l'an dernier. Birdman a aussi échoué pour le prix du meilleur second-rôle masculin puisque Edward Norton s'est fait supplanté par J.K. Simmons (Whiplash), déjà récipiendaire du même prix à NY.

Dernière surprise: le film d'Isao Takahata a mis K.O. les Lego côté animation.

Que faut-il en déduire? La course aux Oscars est très ouverte. Même si on voit se profiler, déjà, quelques films indépendants favoris (Boyhood, Birdman, The Grand Budapest Hotel) et quelques stars incontournables (Patricia Arquette, Michael Keaton, Julianne Moore, Jessica Chastain, J.K. Simmons, Edward Norton) pour les Oscars. Feront-ils le poids face aux films des studios (The Imitation Game, Invincible)? Pour les Oscars, on devra attendre le 15 janvier.

Le palmarès intégral:

Meilleur film: Boyhood ; finaliste: The Grand Budapest Hotel

Meilleur réalisateur: Richard Linklater (Boyhood) ; finaliste: Wes Anderson (The Grand Budapest Hotel)

Meilleur acteur: Tom Hardy (Locke) ; finaliste: Michael Keaton (Birdman)

Meilleure actrice: Patricia Arquette (Boyhood) ; finaliste: Julianne Moore (Still Alice)

Meilleure second-rôle masculin: J.K. Simmons (Whiplash) ; finaliste: Edward Norton (Birdman)

Meilleur second-rôle féminin: Agata Kulesza (Ida) ; finaliste: Rene Russo (Night Call)

Meilleur scénario: Wes Anderson (The Grand Budapest Hotel) ; finaliste: Alejandro Gonzalez Inarritu, Nicolas Giacobone, Alexander Dinelaris et Armando Bo (Birdman)

Meilleur film en langue étrangère: Ida ; finaliste: Winter Sleep

Meilleur documentaire: Citizenfour ; finaliste: Life Itself

Meilleur film d'animation: Le conte de la Princesse Kaguya ; finaliste: The Lego Movie

Meilleure image: Emmanuel Lubezki (Birdman) ; finaliste: Dick Pope (Mr. Turner)

Meilleurs décors: Adam Stockhausen (The Grand Budapest Hotel) ; finaliste: Ondrej Nekvasil (Snowpiercer)

Meilleure musique de film (ex-aequo): Jonny Greenwood (Inherent Vice) ; Mica Lev (Under the Skin)

Meilleur montage: Sandra Adair (Boyhood) ; finaliste: Barney Pilling (The Grand Budapest Hotel)

Prix nouvelle génération: Ava DuVernay (Selma)

Prix Douglas Edwards (film ou vidéo indépendant ou expérimental): Walter Reuben (The David Whiting Story)

Prix pour l'ensemble de sa carrière: Gena Rowlands

Mention spéciale: Leonard Maltin (critique)