Saint-Jean-de-Luz 2015, gazon bénit pour les jeunes cinéastes

Posté par vincy, le 6 octobre 2015

Pour la 2e édition du nouveau festival international du film de Saint-Jean-de-Luz (6-10 octobre), c'est Josiane Balasko qui préside le jury. La réalisatrice, scénariste et actrice (qui aura peut-être un jour un César d'honneur pour avoir été l'une des rares femmes à signer des succès au box office français) est entourée d'Olivier Marchal, Manu Payet, Claude Perron, Julia Piaton, du compositeur Alexi Rault, et du producteur Gilles Sacuto.

Le programme comporte plusieurs avant-premières nationales, à commencer par le film d'ouverture, Taulardes, d'Audrey Estrougon avec Sophie Marceau, Marie Denarnaud et Anne Le Ny.

La clôture sera assurée par le film de Christian Carion, En mai fais ce qu'il te plaît, avec August Dhiel, Olivier Gourmet et Mathilde Seigner.

Hors-compétition, le FIF présentera Le nouveau de Rudi Roeberg, récemment récompensé à San Sebastian et qui pourrait être le succès surprise de la fin d'année et Comment c'est loin de et avec Orelsan.

En compétition, la cité basque accueillera 10 films.

A peine j'ouvre les yeux de Leila Bouzid (France) - Label Europa Cinémas à Venise 2015

Béliers de Grimu Hakonarson (Islande) - Prix Un certain regard à Cannes 2015

Je suis un soldat de Laurent Larivière (France) - présenté à Un certain regard à Cannes 2015

Je vous souhaite d'être follement aimée d'Ounie Lecomt (France)

La terre et l'ombre de César Augusto Acevedo (Colombie) - Caméra d'or au Festival de Cannes 2015

Les anarchistes d'Elie Wajeman (France) - présenté à la Semaine de la Critique à Cannes 2015

Les cowboys de Thomas Bidegain (France) - présenté à la Quinzaine des réalisateurs à Cannes 2015, Prix Michel d'Ornano à Deauville 2015

Les ogres de Léa Fehner (France)

Nahid d'Ida Panahandeh (Iran) - Prix de l'avenir Un certain regard à Cannes 2015

Un otoño sin Berlin de Lara Izagirre (Espagne) - présenté au Festival de San Sebastian 2015

Dinard 2015 : retour sur la compétition

Posté par MpM, le 5 octobre 2015

Palmarès dinard 2015

Le palmarès du 26e festival de Dinard a braqué un peu artificiellement toute la lumière sur A couple in a Hole de Tom Geens, lauréat des prix du public et de la mise en scène ainsi que du Hitchcock d'or, plus haute distinction décernée par le grand jury. Pourtant, dans une compétition plutôt homogène, les cinq autres films en lice auraient tout aussi bien pu retenir l'attention des jurés, tant chacun avait une proposition thématique ou formelle à défendre. Retour sur cette compétition éclectique et dense.

Visiblement mieux produit que les autres, Kill your friends de Owen Harris raconte sans fausse note le parcours de Steven, directeur artistique dans une maison de disques, qui cherche à obtenir la promotion de ses rêves.

Cynique, exalté et surtout follement drôle, le film (adapté du roman de John Niven) bénéficie d'une mise en scène stylisée et chic qui rend le spectateur complice du personnage principal, et témoin de ses turpitudes aussi délirantes qu'immorales.

Cerise sur le space cake, Nicholas Hoult campe avec gourmandise ce personnage d'arriviste torturé et désabusé prêt à tuer père et mère pour réussir. Probablement ce qu'on a vu de plus abouti dans la compétition, à découvrir en salles le 2 décembre.

departureDans un autre registre, Departure d'Andrew Steggall est une chronique adolescente subtilement portée par le personnage central, un jeune Britannique fantasque et romantique (merveilleusement incarné par Alex Lawther, un nom à retenir) qui passe quelques jours en France pour aider sa mère à vider leur maison de vacances. La relation qu'il tisse avec un jeune Français plus brut de décoffrage est pleine de charme et d'humour.

Malheureusement, le film bascule dans sa 2e partie vers le drame inutile, et flirte presque avec le vaudeville. Sans parler de la fin qui, elle, frise le ridicule. Comme dans plusieurs films de la compétition cette année, le scénario de Departure manque de cohésion et reste inabouti, créant une grande déception tant il était maîtrisé dans sa première heure.

couple in a holeMême problème pour Couple in a hole qui propose des très beaux moments de cinéma avant de se perdre dans des poncifs sur le deuil et la culpabilité.

Si on aime très fort la première partie du film, presque mutique et en fusion totale avec la nature, la surenchère dans le drame lacrymal transforme peu à peu l'appréciation en agacement, voire en incompréhension.

A noter malgré tout que jury et public se sont retrouvés sur le film, qui réunit proposition esthétique presque radicale et émotions universelles.

Just JimAutre exemple de scénario qui perd le fil, Just Jim (première réalisation du jeune acteur Craig Roberts) raconte le quotidien morne de Jim, ado complexé qui est le paria de son lycée. Lorsqu'il rencontre Dean, un mystérieux Américain décidé à le rendre cool, tout semble devoir aller mieux... en apparence.

Souvent drôle et décalé, proposant quelques jolies idées de mise en scène, le film ne tient pourtant pas totalement ses promesses. Il échoue notamment à aller jusqu'au bout de son sujet, pas assez audacieux pour oser un finale plus radical.

The visitorsQuant à The violators d'Helen Walsch, il s'agit du seul film de la compétition qui mette en scène une jeune fille.  Shelly, une adolescente déscolarisée de 15 ans, essaye d'assurer un foyer stable et aimant à son jeune frère qui a été abandonné par sa mère. D'une grande beauté, elle fait la convoitise de tous les hommes du voisinage, dont certains sont prêts à tout pour l'ajouter à leurs tableaux de chasse...

Magnifiquement incarnée par la sublime Lauren McQueenil, cette héroïne ne manque ni de force, ni de volonté, et se défend avec beaucoup d’intelligence contre les prédateurs qui l'entourent. Elle porte et sa famille et le film sur ses épaules, sans pathos ni clichés. On ne peut hélas pas en dire autant du film lui-même qui souffre d'incohérences de scénario et de quelques grosses ficelles désolantes qui en font un objet assez inégal.

A noter qu'American hero de Nick love était lui aussi en course pour le Hitchcock d'or, mais présenté dans une version non définitive. De ce fait, il nous a été interdit d'en parler avant avril 2016.

Nous en profiterons donc pour mentionner à la place ce qui était probablement le meilleur film à Dinard cette année, mais qui figurait hors compétition,The survivalist de Stephen Fingleton. Ce premier long métrage perpétuellement sur le fil, qui flirte à la fois avec ultra-réalisme et fantastique onirique, se déroule dans une période terrible de famine et de pillages. Un homme survit au milieu des bois en cultivant une petite parcelle de terre, et en se protégeant de toute intrusion extérieure. Un jour, deux femmes affamées et épuisées débarquent chez lui et lui demandent de l'aide. Une oeuvre forte, violente et intense qui décortique le mécanisme fragile des rapports humains et propose une version minimaliste et épurée du film de survie post-apocalyptique. Un long métrage envoûtant qui n'a pas (encore) de distributeur, à l'image de quatre des six films en compétition, mais qu'il serait impossible de ne pas découvrir prochainement en France.

Dinard 2015 : une conversation entre Hanif Kureishi et Roger Michell

Posté par kristofy, le 4 octobre 2015

Le 26e Festival du Film Britannique de Dinard a rendu hommage à un maestro de l’écriture dont les histoires ont été transposées dans quantité de films britanniques : Hanif Kureishi.

Le scénariste et romancier est connu notamment pour les scénarios des films de Stephen Frears (My beautiful laundrette, Sammy et Rosie s’envoient en l’air), Patrice Chéreau (Intimité, Ours d'or à Berlin) et Michel Blanc (Mauvaise Passse) et surtout plusieurs films réalisés par Roger Michell : Le Bouddha de banlieue (feuilleton de 4 épisodes), The mother, Venus, Weekend à Paris.

Pour l’occasio,n Roger Michell (Coup de foudre à Nothing Hill, Dérapages incontrôlés...) était donc lui aussi présent à Dinard où il a fait découvrir ses deux dernières réalisations (pour la télévision) The Lost Honour of Christopher Jefferies et Birthday, alors qu'il prépare son prochain film de cinéma My cousin Rachel.

Dans le cadre de cet hommage, une discussion a eu lieu en public entre Hanif Kureishi et Roger Michell, dont voici quelques extraits choisis.

Hanif Kureishi : On s’est connu au théâtre, j’avais environ 18 ans, j’étais auteur et Roger était directeur d’une troupe, je découvrais ce milieu.

Roger Michell : Le théâtre du Royal Court était important, depuis la fin des années 50, on y trouvait déjà le théâtre moderne comme celui de Samuel Beckett. Cet endroit est désormais dans notre ADN, on essayait de comprendre un peu la vie et le monde autour.

Hanif Kureishi : J’écrivais des essais, des articles, des choses sérieuses. Aussi un peu de pornographie pour des magazines à lire d’une main, en tant qu’écrivain ce genre était un moyen de gagner un peu d’argent !

Roger Michell :  Je n’ai pas lu ça, j’ai envie ;-) Plus sérieusement il avait écrit 4 pièces avant son premier roman Le Bouddha de banlieue, la première histoire sur laquelle on a travaillé ensemble pour en faire un film [en fait une série de 4 épisodes pour BBC]. Le décor est d’ailleurs ce milieu du théâtre avec un héros qui essaye d’avoir du succès dans les années 70. On vient donc de voir ici Weekend à Paris, je ne l’avais pas revu depuis deux ans et c’était d’ailleurs ici à Dinard en clôture, le revoir m’a fait me souvenir de la joie de le faire avec Hanif.

Hanif Kureishi : Je me souviens d’un week-end ensemble a Paris dans un hôtel pas terrible avec escalier  et vue sur un mur, on s’était un peu disputé comme le vieux couple du film !

Roger Michell : On a fait ce que la plupart des gens anglais font à Paris et ça s’est retrouvé dans le film, avec comme structure 48 heures d’un couple en voyage a Paris. On s’est  aussi inspiré de quelques petites choses en rapport avec nos différents mariages à l’un et à l’autre.

Hanif Kureishi : Souvent, au cinéma, les héros sont des personnages jeunes, mais la vie continue après 60 ans. D’ailleurs dans notre film Venus il y a un Peter O’Toole vieux qui salive devant une jeune fille de 20 ans, ça raconte beaucoup de choses. Il y a 2 catégories de gens qui vont au cinéma : les jeunes comme nos enfants qui vont voir des gros films en soirée, et les grands-parents qui y vont en après-midi. On voulait une histoire douce-amère de tendresse avec cette génération peu représentée.

Roger Michell : Weekend à Paris est un peu mon hommage à Godard comme par exemple son Bande a part, Godard était assez sérieux et académique comme réalisateur mais aussi joueur. The last honour of Christophe Jefferies, qu’on présente aussi à Dinard, est l’histoire d’un enseignant accusé de meurtre, et ce type d’homme m’avait d’ailleurs fait découvrir Week-end de Godard il y a longtemps. Pour notre film Weekend à Paris on a mis 7 ans d’échanges et de discussions pour le mettre sur pied. Cette notion de temps d’écriture est un aspect a prendre en compte dans le processus de création de film. On avait une idée de casting pour le duo à l’origine et finalement c’est un autre casting dans le film : en faisant évoluer l’histoire on a aussi fait évoluer notre choix vers d’autres acteurs. Nous aimons raconter de belles histoires avec des gens ordinaires qui peuvent parler à tous.

Lors de la cérémonie de clôture de ce Festival du Film Britannique de Dinard, l'écrivain et scénariste Hanif Kureishi a reçu un Hitchcock d'honneur.

Dinard 2015: le jury et le public plébiscitent « Couple in a Hole »

Posté par vincy, le 3 octobre 2015

Le deuxième long métrage du belge londonien Tom Geens, Couple in a Hole, a reçu les faveurs du jury du 26e Festival du film britannique de Dinard, présidé par Jean Rochefort, avec le Hitchcock d'or du meilleur film et le Hitchcock du meilleur scénario, ainsi que celles des festivaliers avec le Hitchcock du Public.

Le film, déjà présenté aux festivals de Toronto et Zurich, est l'histoire de deux Britanniques (Paul Higgins, Katie Dickie) qui vivent comme des bêtes sauvages dans un trou creusé à même le sol d’une forêt. Moins d’un an auparavant, ils ont tout perdu dans un terrible incendie. En état de choc depuis le drame, le couple se terre, en rupture totale avec la société… Mais un couple de français (Jérôme Kircher, Corinne Masiero) cherche à les aider.

Même si la fin laisse perplexe, Couple in a Hole est une allégorie de la dépression nerveuse post-traumatique chez un couple. Tragique et naturaliste, le film est une immersion dans le psyché d'un homme et d'une femme endeuillés qui préfèrent se couper du monde plutôt que d'affronter la réalité.

Le jury a décidé de donner deux mentions spéciales à Departure d'Andrew Stegall. l'une pour le film, l'autre pour les trois acteurs principaux, Juliet Stevenson, Alex Lawther et le jeune français Phénix Brossard, qu'on reverra bientôt dans Chocolat avec Omar Sy.

Il y a deux points communs entre ces deux films: ils ont été tournés dans la région Midi-Pyrénées et la nature est un personnage à part entière. Et aucun de ces films n'a de distributeur en France.

Le Hitchcock du meilleur court-métrage est décerné à After the End de Sam Southward. Récompensant un film ayant déjà un distributeur, le Coup de coeur de la Règle du jeu est revenu à 45 Years, d'Andrew Haigh, film de clôture du festival projeté juste après la cérémonie du palmarès. Le film avait déjà été primé à Berlin pour ses deux acteurs, Tom Courtenay et Charlotte Rampling.

Enfin le Hitchcock d'honneur récompense l'écrivain et scénariste Hanif Kureishi, qui faisait sa Masterclass cet après-midi en compagnie de Roger Michell.

A Hollywood et en France, la diversité c’est maintenant ?

Posté par wyzman, le 3 octobre 2015

La diversité. Voilà plusieurs années qu'à Hollywood, c'est le seul mot qu'il convient d'avoir à la bouche pour évoquer les personnages, les acteurs, les scénaristes, les réalisateurs, les producteurs. Bref, toute la chaîne de commandement du septième art ! Qu'il s'agisse de genre, d'orientation sexuelle, de religion ou d'environnement social, l'audiovisuel américain fait son possible pour mettre en avant ses minorités. Et si aujourd'hui le mot nous intéresse plus que jamais, c'est parce ses "effets" se font (enfin) sentir. Si vous suivez l'actualité du box office américain, il ne vous aura pas échappé que durant 5 semaines consécutives, ce sont des films portés par des acteurs de couleur qui en ont pris la tête. Il y a d'abord eu Straight Outta Compton, le biopic basé sur l'histoire du groupe de hip-hop N.W.A. Puis est venu War Room, un drame marital et religieux au succès inespéré. Et une semaine plus tard, c'est le thriller The Perfect Guy qui faisait des merveilles. Comme le fait The Wrap, nous nous demandons si l'intérêt soudain des spectateurs pour ces films va attirer l'attention des grandes pontes d'Hollywood.

Car, qu'on se le dise, cette succession de films comportant une majorité d'acteurs noirs est un cas rare, si ce n'est unique. Va-t-elle se reproduire ? Personne ne peut le prédire. On a déjà débattu de la question de savoir s'il y a trop de noirs à l'écran. Mais en attendant, ce phénomène peut être mis en parallèle avec le succès d'une série telle qu'Empire. Parce que cette dernière compte essentiellement des acteurs noirs (Terrence Howard, Taraji P. Henson, Gabourey Sidibe, etc.), il n'est pas étonnant de voir que les Afro-Américains y soient très réceptifs. Les audiences le prouvent, les taux sur les 18-49 ans (la cible préférée des annonceurs) l'attestent. Malheureusement, il ne faut pas nous emballer. Si la sauce prend aux Etats-Unis, ce n'est malheureusement pas le cas ailleurs.

Dans un pays comme le Royaume-Uni qui ne connaît pourtant pas la barrière de la langue, ils étaient à peine plus de 500.000 curieux à regarder le season premiere. Plus encore, et alors que le DVD de la saison 1 devrait sortir en France le 12 novembre, on ne peut que s'inquiéter de la VF que le Groupe M6 tentera au moment de diffuser la série. Nos oreilles vont saigner - et pas qu'un peu ! L'Amérique semble de plus en plus fière de ses minorités (cf. notre article sur les derniers Emmy Awards) mais préfère les projets portés par des stars déjà bien établies - et supposément bankables. On pense ainsi à Vin Diesel (saga Fast & Furious) chez les Latino-Américains et Denzel Washington (The Equalizer) et Will Smith (saga Men In Black) pour les Afro-Américains. Quant aux Asiatiques, si le nombre d'acteurs engagés est de plus en plus important, aucun d'entre eux n'est à même de faire décoller un blockbuster. Ils restent des seconds-rôles même s'il s'agit de stars en Chine, à Hong Kong ou en Corée du sud. Pour le moment en tout cas.

Quid de la France ? Si le cinéma tend à aborder la diversité avec une décomplexion parfois simulée (souvenez -vous de Qu'est-ce qu'on a fait au bon Dieu?), le public français n'est pas si réceptif que ça aux œuvres "destinées aux noirs". Samba n'a attiré "que" 3,1 millions de curieux en salles, ce qui semble dérisoire face aux 19,4 millions d'entrées d'Intouchables… En deux semaines, Straight Outta Compton n'a réalisé que 360 000 entrées. Quand How to Get Away with Murder, le thriller produit par Shonda Rhimes et porté par Viola Davis, a attiré 3,3 millions de curieux lors de son lancement, ils n'étaient plus que 399 000 devant le dénouement ! Quant aux œuvres françaises, si elles comptent indéniablement des acteurs de couleur, ce ne sont pas eux qui font décoller les audiences. A titre d'exemple, la série Nos chers voisins ne compte qu'un seul acteur récurrent de couleur (Issa Doumbia). Idem pour Scènes de ménages (Loup-Denis Elion).

Du côté du cinéma français, à l'exception d'Omar Sy, d'une génération déjà bien passée (Roschdy Zem, Sami Bouajilah, Pascal Legitimus) et d'autres humoristes bien identifiables (Jamel Debbouze, Elie Semoun, Gad Elmaleh), ce n'est vraiment pas United Colors of Benetton. Combien de fois une Firmine Richard ou un Isaak de Bankolé se sont plaints d'avoir peu de rôles à jouer... Dans les pays anglo-saxons on est capable de faire jouer Marius des Misérables par un "black". En France, la Comédie Française est désespérément "white". Vous l'aurez compris, en termes de diversité, les Etats-Unis ont un léger coup d'avance et, comparativement, la France semble toujours très blanche... Et plus le temps passe, plus il devient difficile de trouver une explication crédible !

Dinard 2015: quand les couples s’isolent du monde…

Posté par vincy, le 2 octobre 2015

Deux films présentés hier au 26e Festival du film britannique de Dinard abordaient une thématique similaire, avec un traitement radicalement opposé. Couple in a Hole de Tom Geens et Hide and Seek de Joanna Coates ont en commun l'histoire de couples qui se mettent en retrait du monde.

couple in a hole

Tom Geens a tourné son film essentiellement en France pour une histoire tragique et sacrificielle où un couple écossais vit dans un trou, en pleine forêt, se nourrissant de plantes, de lapins chassés ou de vers grouillants. Couple in a Hole nous enferme dans cette nature protectrice, bienfaitrice mais aussi périlleuse: l'homme est parfois contraint de revenir dans le monde moderne (pour acheter des médicaments), la femme reste "enterrée" dans cette caverne puante et primitive. Cet isolement sert d'allégorie à une dépression psychologique suite à un traumatisme violent. Ici, le couple ne cherche plus à être en contact avec les autres, ne veut plus être connecté, et pense se suffire à lui-même en revenant à l'état primal. Ils s'aiment, partagent la même douleur, et cela leur suffit. Comme s'il était impensable de survivre à un deuil autrement qu'en s'enfermant dans une souffrance irrationnelle... Couple in a Hole, c'est un couple qui se désagrège parce qu'il n'envisage plus de vivre comme avant, après la tragédie qui les a frappés.

hide and seek

A l'inverse, avec le plus enthousiasmant Hide and Seek (Cache-cache), Joanna Coates opte pour l'utopie et la liberté. Avec son scénariste et acteur Daniel Metz, ils ont imaginé le couple dans différentes variations. Deux hommes, deux femmes, quatre possibilités (au minimum). Désireux de se couper de la société et de ses conformismes, d'un système et des contraintes qui en découlent, les quatre jeunes gens se réfugient dans une maison de campagne pour une durée indéterminée. Ils vivent en communauté, sans médias, avec pour rares occupations des jeux et des créations artistiques. Du vin, de l'art et du sexe, voilà la vie idéale selon le film. Le sexe, il y en a. Tout le monde couche avec tout le monde, par deux le plus souvent. Il n'y a plus de genre, plus d'orientation. Homo, hétéro peu importe, et c'est sans doute là le pari le plus audacieux et le plus intéressant du film, qui jamais ne revient sur le chemin des conventions ou de la morale. La chair est un accès au paradis. Il s'agit de se libérer (s'émanciper) en désirant, aimant l'autre sans préjugés. Ni couple, ni trouple, ni simple échangisme orgiaque: c'est un quatuor harmonieux qui va se construire, pour l'éternité. Les couples, ici, coupés du réel, s'épanouissent en partageant l'essentiel. Cet hédonisme, idéaliste, nous interpelle: et si l'amour était infini, à condition de se dépasser et de larguer notre éducation comme notre passé?

A travers ces deux films, le cinéma anglais, dans un registre dramatique ou dans un genre plus poétique, mais tous les deux naturalistes, transgresse quelques tabous et nous interroge sur notre capacité à dépasser nos limites, pour le pire ou pour le meilleur.

Cinespana 2015 : cinq bonnes raisons de ne pas louper la 20e édition

Posté par MpM, le 2 octobre 2015

Cinespana 2015

Il y a deux sortes de gens : ceux qui ont déjà assisté au festival Cinespana et rêvent donc d'y retourner cette année, et ceux qui n'ont jamais pu s'y rendre, et prient pour que cette année soit la bonne. Dans les deux cas, les bonnes raisons ne manquent pas d'aller soutenir le plus grand festival européen de cinéma espagnol hors Espagne qui commence ce soir à Toulouse. Pour achever de convaincre les indécis retardataires, cinq raisons forcément subjectives de faire le déplacement d'ici la clôture samedi prochain.

Soirée anniversaire en compagnie de Marisa Paredes

A Toulouse, on ne fait pas les choses à moitié. Pour sa 20e édition, le festival Cinespana a tout simplement demandé à l'actrice Marisa Paredes de venir souffler les bougies. Elle sera ainsi présente pour une soirée exceptionnelle composée d'une rencontre avec le public et de la projection de l'une de ses nombreuses collaborations avec Pedro Almodovar, La fleur de mon secret. Une soirée avec Marisa, ça vaut tous les gâteaux d'anniversaire, non ?

Projection en plein air de Femmes au bord de la crise de nerfs de Pedro Almodóvar

Pour la première fois, Cinespana organise une projection en plein air, ouverte à tous, dans le cadre prestigieux du donjon du Capitole. Un bonheur n'arrivant jamais seul, c'est carrément le film culte de Pedro Almodovar, Femmes au bord de la crise de nerfs, qui bénéficiera de cette séance exceptionnelle. Inratable.

Soutien au cinéma espagnol

Le cinéma espagnol est l'un des plus dynamiques d'Europe, et en même temps l'un des plus menacés par la diminution des subventions qui a suivi la crise en Europe. Aller à Cinespana, c'est donc s'engager en faveur d'une cinématographie fragile, souvent indépendante, qui doit se battre pour exister. Militer en se faisant plaisir, quoi de mieux ?

Deux films d'ouverture pour le prix d'un

Pour lancer cette 20e édition, ce n'est pas un film qui aura les honneurs de l'ouverture, mais deux ! Au choix, les festivaliers pourront ainsi découvrir la comédie Murieron por encima de sus posibilidades de Isaki Lacuesta ou le documentaire Paco de Lucía, légende du flamenco de Curro Sánchez Varela. Le luxe.

Instantané de la production cinématographique ibérique

Cinespana, c'est des longs et des courts métrages, des fictions et des documentaires, un panorama de films récents et un focus sur des inédits issus de la veine la plus indépendante du cinéma espagnol... en bref, un instantané de la production ibérique contemporaine dans toute sa diversité. L'occasion rêvée de découvrir des cinéastes émergents, d'avoir des nouvelles des artistes confirmés, et surtout de connaître avant tout le monde les tendances, les grands noms et les petites pépites de demain ! Indispensable pour les simples cinéphiles comme pour les professionnels.

Dinard 2015 : le cinéma anglais sort de ses frontières

Posté par kristofy, le 1 octobre 2015

La 26ème édition du Festival du film britannique de Dinard fait venir autour de la plage de l'Ecluse le meilleur du cinéma d’outre-Manche, et souvent le plus inédit. Sur les 46 films présentés en compétition et hors compétition, 9 seulement disposent d'un distributeur en France. Dinard se veut plus que jamais être le lieu où le cinéma britannique est montré pour être découvert, et partagé. Certains des films ayant déjà gagné le Hitchcock d’or ont été nombreux à être plébiscités par le public une fois sortis en salles : The Full Monty de Peter Catan, Billy Elliot de Stephen Daldry, Bloody Sunday de Paul Greengrass, Boy A de John Crowley, Tyranosaur de Paddy Considine, Le Géant égoïste de Clio Bernard…, soit autant d’histoires avec une identité typiquement british.

Cette année la sélection montre un glissement vers un dépassement des frontières, avec des films qui, en majorité, nous racontent des histoires tournées vers l’ailleurs où filmées par un regard extérieur. Hussam Hindi, le directeur artistique, en avait fait la remarque : « ce qui frappe c’est le nombre de films tournés en dehors des frontières du Royaume-Uni (American Hero, Couple in a hole, Departure…) ou qui évoquent l’ailleurs, l’éloignement, le voyage. Des films réalisés par des étrangers (The Lobster par le grec Yorgos Lanthimos, Up & down par le français Pascal Chaumeil) ou qui font appel à des acteurs non-britanniques (Denis Ménochet dans Norfolk, Jérome Kircher dans Couple in a Hole) sont aussi au programme. »

Le festival sera rythmé aussi par un hommage au scénariste Hanif Kureishi et à l’acteur Tom Hollander.

© vincy thomas ecran noir

La composition du jury qui a pour président monsieur petites-blagues Jean Rochefort, habitué des lieux de cette côte d’émeraude, montre aussi une bonne parité français-britanniques : Emma de Caunes (la fille de l'animateur viré de Canal + dixit Rochefort), Mélanie Doutey, Alexandra Lamy (celle dont l'ex-mari a vu sa carrière s'effondrer avec la fin du cinéma muet dixit encore Rochefort), Bernard Lecoq, Pierre Salvadori, le producteur Bertrand Faivre, et Amara Karan, la productrice Helena Mackenzie, Natalie Dormer et Noah Taylor. Le hasard fait que ces deux derniers ont déjà été au générique de la série "Game of Thrones", tout comme l’actrice Kate Dickie présente pour découvrir pour la première fois en même temps que le public le film qu’elle accompagne Couple in a Hole… d’ailleurs en grande partie tourné en France. Virginie Efira, finalement, n'a pas pu rejoindre le jury comme initialement prévu mais l'actrice belge devrait passer le week-end à Dinard.

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26e édition du Festival du film britannique de Dinard
du 30 au 04 octobre 2015
Infos et programmation sur le site de la manifestation Mot-dièse pour les réseaux sociaux: #DinardFilm2015

Edmond, un portrait de Baudoin: la sensation que procure le dessin

Posté par vincy, le 30 septembre 2015

Edmond Baudoin est un personnage pittoresque. Le dessinateur a commencé sa carrière dans la bande dessinée très tardivement, à la fin de sa trentaine, au début des années 80. Il n'a commencé à peindre qu'à 65 ans... Auteur d'une cinquantaine d'albums, dont deux primés au Festival de la BD à Angoulême, il a travaillé avec des auteurs comme J.M.G LeClézio, Fred Vargas, Tahar Ben Jelloin mais aussi des personnalités comme L'Abbé Pierre et Cédric Villani.

C'est avant tout l'un des plus grands dessinateurs contemporains. Il dessine debout. Parfois dessiner c'est juste un pinceau humide, sans peinture, qu'il glisse sur le bitume. Laetitia Carton a suivit le temps d'un été ce vieil homme qui parait toujours jeune. Son émerveillement permanent est sans doute ce secret de jouvence.

Le documentaire est un portrait, d'où son titre. Un portrait intime, d'où le prénom. Baudoin est public. Edmond est un transmetteur : il enseigne, il partage, il a ses enfants et petits enfants... Mais Edmond, un portrait de Baudoin esquisse aussi sa méthode de travail, sa vision du monde, ses complexes et ses doutes, son goût du récit et ses questionnements existentiels. Il y a une poésie humaniste qui se dégage du film et reflète cet homme curieux et humble.

De son village qu'il a beaucoup dessiné à sa vie qu'il a souvent raconté, les cases de ses albums se mélangent aux images réelles, formant un écho troublant où la magie du dessin cherche à retranscrire ce que l'artiste a vu. Mais cela ne suffit pas à percer le mystère de la création. L'homme a beau être nu au milieu d'un paysage de montagne sublime, il reste ce voile sur le motif et le talent qui le poussent à dessiner. Alors il reste l'inspiration, la mémoire et les émotions vécues. Le coup de pinceau gracieux, la précision du trait tentent de s'approcher d'une vérité qu'il déforme en la magnifiant en 2D.

2D comme Danse et dessin. Car Edmond est toujours en mouvement. Le geste est omniprésent. Il danse en boîte, il imagine un haïku sur l'espace public pour une chorégraphie dont le pinceau serait le guide, il danse sur ses pages blanches. C'est là sans doute que le film étonne le plus. Il nous happe dans un ballet inattendu.

Mais un film, un livre, une danse ou un dessin ne remplace pas ce que voit l'oeil, ce que ressent le corps. C'est toute la limite, qui semble l'écraser: arriver à la sensation. La restituer par l'art. Mission impossible qui nous rendent imparfaits... Simples mortels face à des orages effrayants ou des montagnes impériales.

StudioCanal prend 30% de Mars films

Posté par vincy, le 29 septembre 2015

Nombreux sont ceux qui se focalisent sur les polémiques et les déboires de la chaîne Canal +, mais son actionnaire le groupe Vivendi est aussi très actif dans ses autres secteurs, et notamment le cinéma.

Vivendi a annoncé aujourd'hui qu'il allait prendre 30% de Mars films, producteur et distributeur, désormais filiale de StudioCanal, l'un des rares groupes transnationaux avec Pathé (présents dans plusieurs territoires). Le patron de Mars, Stéphane Célérier devient président de StudioCanal. La présidence de StudioCanal est assurée par Didier Lupfer, qui occupait déjà le poste de directeur cinéma du groupe Canal +.

Mars avait déjà été un label de Canal + avant de prendre son indépendance. C'est donc un retour en arrière. Ancienne filiale de distribution de BAC Films, Mars Films avait été acquise à 80% par Studiocanal en 2000, puis avait retrouvé son autonomie en 2002. StudioCanal possède un catalogue de 5000 titres, et dispose de filiales en France, au Royaume-Uni, en Allemagne ainsi qu'en Australie et en Nouvelle-Zélande.

Dans son communiqué, Vivendi affirme: "au-delà des accords récemment conclus avec le cinéma français, Vivendi, avec Canal+, entend accroître son engagement afin de notamment favoriser l’éclosion de nouveaux talents. Le Groupe Canal+ financera et mettra en place un projet d’ateliers d’écriture dans le but de faire émerger de nouvelles formes de narration et de nouveaux auteurs."

Le Groupe Vivendi/Canal+ investit 800M€ par an dans le cinéma.

Avec Mars films, StudioCanal va surtout devenir une major en France. Si on prend l'année 2015, StudioCanal a sorti 12 films depuis le début de l'année et pèse 3,56% des entrées (10e). Avec Mars films, c'est un total de 25 films (soit plus que n'importe quel distributeur) et une part de marché de 11,93%, soit la 2e place derrière Universal Pictures International France. Mars a distribué cette année Le dernier loup, Un moment d'égarement, Un homme idéal et Une nouvelle amie, tous à plus de 500000 entrées. Le distributeur prépare les sorties de Maryland (demain), Un homme irrationnel (Woody Allen), Lolo (Julie Delpy et Dany Boon). StudioCanal s'apprête à sortir L'étudiante et Monsieur Henri, Mon roi, Avril et le monde truqué et Legend.

Mais le catalogue de Mars est surtout riche de films populaires comme Fahrenheit 9/11, Billy Elliot, Brigdet Jones, Million Dollar Baby, Welcome, Prête-moi ta main, L'auberge espagnole, Les poupées russes, Polisse, Des Hommes et des dieux, 12 Years a Slave, Potiche, et La famille Bélier.

La question est désormais de savoir si le secteur de la distribution en France va commencer une vague de concentration alors que de nombreux distributeurs sont de plus en plus fragiles. Seuls 20 d'entre eux ont dépassé le million de tickets vendus depuis le début de l'année et le Big 5 concentre à lui tout seul 54% des entrées.