De 1984 à 2805: Le futur au cinéma

Posté par vincy, le 27 octobre 2019

blade runner the road the island 2019La science-fiction fascine. Mais elle se précipite parfois un peu trop vite. Depuis 2001, imaginé en 1968 par Stanley Kubrick, on sait que le futur au cinéma est souvent à côté de la plaque. Et cela se confirme avec quelques films qui imaginaient les années 2010.

En 2012, le monde n'était pas peuplé de zombies et l'humanité ravagée par un virus comme dans Je suis une légende. Ce n'était pas non plus la vision apocalyptique que nous suggérait Mad Max 3. En 2013, Los Angeles n'était pas un lieu d'affrontement entre terroristes et dealers comme dans Scanner Darkly. Que dire de 2015: Back to the Future II s'est complètement planté: le skateboard à suspension magnétique n'existe toujours pas, pas plus que les affiches sous forme d'hologrammes 3D au cinéma ou les chaussures moulant parfaitement le pieds (il faudra juste attendre quelques années). Et puisque Terminator boucle la boucle cette semaine, rappelons-lui  que le deuxième volet se déroulait en 1997 avec une apocalypse nucléaire en jeu et que le quatrième, Terminator Renaissance, avait prédit en 2018, la menace d'une annihilation de l'humanité après une guerre avec les robots. (Souvenons-nous que le premier Terminator prenait moins de risque en se passant en 2029, même si on a du mal à croire que, d'ici 10 ans, il y ait des machines aussi évoluées).

Selon le cinéma, en 2019, on aurait du voir trois types de mondes. Aucun des trois n'est survenu.

La route (John Hillcoat, 2009). Sur une terre post-apocalyptique, ravagée par un cataclysme dont l'origine est inconnue, les animaux et les plantes disparaissent, tandis que quelques humains survivent. Dans ce paysage de cendres où règnent le froid et la faim, le plus grand danger est le cannibalisme. Un homme et son jeune fils veulent rejoindre la mer en direction du Sud. Mais sur ces routes désolées où la barbarie a repris ses droits, il faut trouver un espoir de survie.

The Island (Michael Bay, 2005). Lincoln Six-Echo et sa camarade Jordan Two-Delta font partie des centaines de Produits d'une immense colonie souterraine où la vie est étroitement surveillée et régie par des codes très stricts. Le seul espoir d'échapper à cet univers stérile est d'être sélectionné pour un transfert sur "l'Île". A en croire les dirigeants de la colonie, l'Île serait le dernier territoire à avoir échappé à la catastrophe écologique qui ravagea notre planète quelques années auparavant et en rendit l'atmosphère à jamais irrespirable...

Blade Runner (Ridley Scott, 1982). L'histoire se déroule en novembre 2019, à Los Angeles. La quasi-totalité de la faune a disparu. La population est encouragée à émigrer vers les colonies situées sur d'autres planètes. Les animaux sont artificiels et il existe également des androïdes, des robots à l'apparence humaine appelés « réplicants », fabriqués par la seule Tyrell Corporation. Ceux-ci sont plus ou moins considérés comme des esclaves modernes, qui sont utilisés pour les travaux pénibles ou dangereux, dans les forces armées ou comme objets de plaisir. Ils sont créés à partir de l'ADN humain mais ne sont ni des clones, ni des robots. Après une révolte sanglante et inexpliquée des réplicants dans une colonie martienne, ils sont interdits sur Terre. Mais les androïdes les plus modernes sont difficiles à distinguer des humains.


Il reste quelques films qui ne prennent pas de risque. Alien (2122), Avatar (2154), Matrix (2199), Le Cinquième élément (2263), Star Trek (2387° ou encore Wall-E (2805) peuvent se tromper: on ne sera pas là pour le voir. Si ça se trouve la terre de Wall-E sera déjà au programme à la fin du siècle. Et pour l'instant aucune technologie actuelle ne permet des voyages intersidéraux.

Ce qui nous fait douter de la plausibilité d'Interstellar (2070) ou d'Ad Astra ("dans un futur proche"). Et ne parlons pas de Seul sur Mars (2035) et Total Recall (2048) alors qu'on n'a que Curiosity pour faire des selfies sur la planète Mars. Et bien sûr, on a tout autant de mal à croire aux péripéties de Blade Runner 2049.

En revanche, Her, qui se passe en 2025, n'est plus très loin de la réalité. Tout comme Minority Report (2054) et sa société de surveillance (pardon vigilance), ses journaux sur papiers numériques, sa reconnaissance faciale ou ses voitures autonomes. Il est même possible que les technologies de ces deux films soient dans notre quotidien avant l'époque de leur récit.

On sera moins dupe avec les innovations de Gemini Man ou de Looper (2044-2074) qui font coexister le héros avec leur clone ou l'homme qu'il va devenir. Idem pour Source code, dans une époque relativement contemporaine avec une technique de physique quantique et de réalité parallèle.

Reste I, Robot. Le film est censé se dérouler en 2035. Dans 16 ans donc. Le cadre urbain est réaliste. Des robots sont intégrés à notre vie quotidienne mais un incident révèle que ces machines peuvent prendre le pouvoir sur terre. On n'en est certainement pas là. Mais les humanoïdes imaginés sont assez frappant de ressemblance avec ceux que divers laboratoires fabriquent aujourd'hui, dans le même but: assister l'humanité dans ses routines.

On peut malgré tout s'inquiéter. Dès le XIXe siècle Jules Verne avait pressenti qu'on irait sous les mers et sur la lune. Orwell, en 1949, imaginait pour 1984 un monde totalitaire, sans liberté d'expression n’existe plus, où nos pensées  sont minutieusement surveillées, le tout avec un slogan terrifiant: Big Brother is watching you. 35 ans plus tard, on s'en approche. Ce n'est parfois qu'une question de génération, mais la science-fiction a parfois préfiguré la réalité.

Le futur n'est pas si loin, finalement. Même s'il nous appartient encore (un peu).

La Tour Eiffel aura son biopic en 2021

Posté par vincy, le 26 octobre 2019

Cette année, on célèbre les 130 ans de la Tour Eiffel. Une dame de fer adorée par le cinéma. Chaque film américain qui se déroule à Paris en profite pour faire sa pub. De James Bond (Dangereusement vôtre) à Drôle de frimousse en passant par Gigi et La grande course autour du monde.

Mais cette fois-ci la Tour Eiffel sera le sujet du film Eiffel, biopic sur son architecte. Le tournage a débuté le 22 août. Et le monument a été partiellement reconstitué dans les environs de Paris au Plessis-Pâté, sur la Base 217, studio en plein air au sud de Paris. C'est notamment là qu'a été tourné L'Empereur de Paris. Le lieu, géré par TSF, est amené à devenir un studio à part entière pour des courts, clips, séries et longs métrages. Le reste du film a été tourné à Arpajon.

Réalisé par Martin Bourboulon (Papa ou maman), ce film sera dans les salles en 2021 et racontera la construction de la Tour à partir de 1887. Le tournage est terminé depuis quelques jours. Le scénario, coécrit par Caroline Bongrand, l'écrivaine Tatiana de Rosnay et Thomas Bidegain, retrace toute la conceptualisation et la fabrication de cet édifice pour l'exposition universelle de 1889 à Paris.

Romain Duris incarne Gustave Eiffel. Emma Mackey (vue dans la série Sex Education) sera sa muse Adrienne Bourgès. On retrouvera également Pierre Deladonchamps dans le rôle de Antoine Restac, journaliste et ami de l'architecte.

Le Festival Lumière 2019 fait le plein de spectateurs

Posté par vincy, le 25 octobre 2019

En neuf jours, le Festival Lumière a projeté 182 films durant 449 séances. La fréquentation est en hausse avec 200000 spectateurs et participants, selon les organisateurs. Les salles étaient en effet régulièrement remplies. Lumière affiche une augmentation de près de 10% de ses entrées en salles, soit un taux de remplissage moyen pas loin des 90%.

60 salles de cinéma de la Métropole de Lyon participaient à la manifestation dédiée au cinéma de patrimoine. Par ailleurs, 5700 personnes ont été accréditées, dont 3000 jeunes (+20%) et 1350 professionnels: cela inclue les 500 accrédités au  Marché International du Film Classique et les 450 journalistes.

Un marché dynamique

Confirmant ainsi sa place parmi les festivals de premier plan, Lumière peut aussi compter sur un marché du films de patrimoine dynamique. L'an dernier 3093 films de plus de dix ans sont sortis en salles, attirant 4,1 millions d'entrées et récoltant 15,5 millions d'euros de recettes selon le CNC.  En SVàD, un quart du catalogue de cinéma de Netflix est représenté par les "vieux" films (43% chez Amazon Prime et 73,5% chez FilmoTV). Et la part dans la vidéo physique est en croissance, alors que les ventes vidéo baissent.

Cette 11e édition du festival était aussi la 7e du Marché mondial du film classique et la 1ere du Salon du DVD.

Des films sans images (mais avec du son)

Posté par vincy, le 25 octobre 2019

Cinésonore. France Culture et le MK2 Bibliothèque ont proposé le 4 juillet dernier une expérience inédite: "l’écoute d’une œuvre en son spatialisé (le son enveloppe l’auditeur grâce à un mixage spécifique) dans une salle de cinéma". L'écran, lui, est éteint. "C’est dans la pénombre et l’intimité de notre crâne que l’on découvre Le Brasier Shelley, un film sonore de Ludovic Chavarot et Céline Ters, auquel Gaspard Ulliel, Marianne Faithfull, Warren Ellis et Lola Peploe ont notamment prêté leur voix" expliquaient les organisateurs.

"Le son immersif, c’est un son qui enveloppe l’auditeur grâce à un mixage spécifique et une diffusion en 7.1 – une expérience d'écoute avec 8 sources de diffusion. Un nouveau format très immersif aux effets surprenants sur l’auditeur," comme le résume Frédéric Changenet, ingénieur du son qui a travaillé, sur France Culture. Le spectateur se crée ses propres images, mentalement.

Ce n'était pas vraiment une première puisque la Fiac Hors les Murs en 2015, avait déjà lancé cette forme de "projection". Il s'agissait alors de deux films fantômes réalisés  à partir des scénarios non concrétisés de Bertrand Bonello: Madeleine d’entre les morts et La Mort de Laurie Markovitch. Depuis, une trentaine d’œuvres de ce genre ont été diffusées à la maison de la Radio. Mais en juillet, c'était la première fois que ce cinésonore investissait une salle de cinéma. Sur le site dédié de Radio France (hyperradio pour le son spatialisé), on peut aussi écouter Vent clair d'après Andreï Tarkovski

L'expérience immersive intéresse aussi la chaîne TCM. La chaîne de Warner Media, qui fête ses 20 ans en France, a annoncé il y a quelques semaines une création originale audio, un western baptisé Morts à l'aveugle, pour janvier 2020.  Ce western audio d'une heure sera un podcast décrit comme "un film à ressentir et écouter qui met en scène un thriller dans un monde western". Il sera découpé en épisodes pour les plateformes de podcasts et les réseaux sociaux. Un écran noir pour une sieste blanche...

Le son redevient tendance. Podcasts, livres audio, feuilletons et fictions radiophoniques comme au temps d'Orson Welles. Alors pourquoi pas du cinéma...

Jonathan Glazer annonce son retour

Posté par vincy, le 24 octobre 2019

Jonathan Glazer, le réalisateur de Sexy Beast, Birth et Under the Skin, a annoncé que son prochain film était lancé en pré-production. Deadline a révélé que le studio américain A24, le britannique Film4, Access Entertainment, James Wilson (You Were Never Really Here) et Ewa Puszczy?ska (Cold War) allaient faire équipe sur ce projet.

Il s'agira d'un drame sur la Shoah, qui se tournera en Pologne l'an prochain.

Jonathan Glazer, 54 ans, n'a rien tourné depuis Under the Skin en 2013. Pas même un vidéo-clip, genre qui a fait sa réputation (Radiohead, Massive Attack, Jamiroquai, Blur). Après Birth, il avait mis neuf ans pour sortir Under the Skin, en compétition à Venise. Cette fois-ci, il s'attaque à un roman de Martin Amis, La zone d'intérêt (publié en 2015 en France). Le livre est raconté par trois personnes dans le camp polonais d'Auschwitz, en 1942: l'horreur innommable côtoie la banalité journalière. Angelus Thomsen, le neveu du secrétaire d'Hitler, qui tente de conquérir la belle Hannah Doll, le mari de celle-ci, le commandant Paul Doll, ridicule personnage moqué de tous, et enfin, Smulz, Juif nommé chef des Sonderkommandos et obligé d'aider au massacre.

L'adaptation devrait être très libre selon les confidences du cinéaste dans un podcast il y a quelques semaines. Il a raconté qu'il se souvenait, enfant, avoir regardé des images de la Seconde Guerre mondiale et avoir été choqué par certaines d'entre elles: "Je me souviens d'avoir été captivé par le visage des passants, des spectateurs, des complices. Des Allemands ordinaires". Il poursuit: "J'ai commencé à me demander comment il serait possible de rester là et de regarder ça. Certains visages appréciaient réellement ce spectacle , cette sorte de cirque."

Même si, pour lui, toutes ces histoires sont hélas transposables actuellement, Auschwitz ne sera pas un décor ,ni un contexte. Le camp sera essentiel à l'intrigue.

Une campagne de financement participatif pour donner vie au roman graphique du cinéaste Rosto

Posté par MpM, le 23 octobre 2019

L'univers du cinéaste néerlandais Rosto, qui nous a quittés en mars dernier, était peuplé de créatures à la fois humaines et monstrueuses hantant des récits en forme de cauchemars éveillés, à l'ambiance singulière et hypnotique. Ses courts métrages forment une oeuvre cohérente et incontournable, dans laquelle la musique de son groupe Thee Wreckers et son roman graphique en ligne Mind my gap (lui-même adapté dans la trilogie qui réunit Beheaded, (The Rise and Fall of the Legendary) Anglobilly Feverson et Jona/Tomberry) jouent un rôle prépondérant. Il avait d'ailleurs eu les honneurs des plus grands festivals, de Cannes (Grand Prix Canal+ à la Semaine de la Critique en 2005 pour Jona/Tomberry) à Ottawa (Grand prix pour Lovely Bones en 2013).

Au moment de sa mort, il travaillait sur un projet central dans son travail : la création d'une version physique de son roman graphique, qu'il souhaitait également adapter en long métrage. L'objet devait être accompagné des chansons de son groupe.

Autour de minuit, société de production et de distribution spécialisée dans l'animation, et fidèle compagnon de route de l'artiste dont il a produit les quatre derniers films (Le Monstre de Nix, Lonely Bones, Splintertime, Reruns) et distribue tous les autres, a décidé de reprendre le flambeau afin de mener le projet à terme.

Rosto avait terminé la maquette des 210 pages du roman graphique ainsi que l’enregistrement et le mixage des 30 morceaux du double album Songs From My Gap. Il s'agit donc d'en finaliser les éléments graphiques et d'en superviser l'édition, ainsi que de créer les différents objets qui les accompagneront comme le DVD/Blu-Ray de sa Tétralogie, un vinyle 33 tours collector (So far, so evil) ou encore un Flipbook inédit, qui sont tous proposés comme contreparties dans le cadre de la campagne participative.

Pour se replonger dans l'expérience exceptionnelle de Mind my gap, (re)découvrir l'oeuvre unique du réalisateur, ou tout simplement contribuer à sa mémoire bien vivante, vous êtes ainsi invités à participer au financement participatif en cours sur le site KissKissBankBank jusqu'à la fin du mois de novembre.

Fernando Meirelles : des papes au climat

Posté par vincy, le 22 octobre 2019

Au festival du film de Mumbai, en inde, le réalisateur brésilien Fernando Meirelles présentait son nouveau film, The Two Popes, avec Anthony Hopkins et Jonathan Pryce, respectivement les papes Benoît XVI et François. Le film sera diffusé sur Netflix le 20 décembre après avoir tourné dans les festivals de Telluride, Toronto, Busan, Londres et Chicago.

Et c'est toujours avec Netflix que le cinéaste fera affaire pour son prochain film. Il s'agira d'un drame autour des changements et bouleversements du climat. Lors de sa masterclasse en Inde, le réalisateur a expliqué: "les gens n'aiment pas lire ou parler de ce sujet, parce que c'est un peu effrayant. Le défi est de faire un film regardable et qui engage le public." Certaines scènes seront d'ailleurs tournées en Inde.

L'environnement est d'ailleurs au cœur de su documentaire de Jared P. Scott, qu'il vient de produire avec le musicien malien Inna Modja, The Great Green Wall, présenté à Venise.

Fernando Meirelles, nommé à l'Oscar du meilleur réalisateur pour La cité de Dieu en 2004, et primé à Venise pour The Constant Gardener en 2005, n'avait réalisé aucun long-métrage pour le cinéma depuis 360 en 2011.

[Lumière 2019] Bong Joon-ho, son cinéma et son « tempérament bizarre »

Posté par Morgane, le 21 octobre 2019

Après avoir reçu la Palme d'Or au dernier Festival de Cannes avec Parasite (qui a attiré 20000 spectateurs depuis sa sortie rien qu'au cinéma Comoedia de Lyon, soit un record hors-Paris), Bong Joon-ho a été l'un des invités d'honneur de cette édition du Festival Lumière. C'est l'occasion de découvrir toute sa filmographie - dont le splendide Memories of Murder, rattrapé par l'actualité le mois dernier - ainsi que les films coréens qu'il nous propose via sa carte blanche.

Et en ce jour pluvieux, rien de mieux que d'aller écouter ce grand monsieur du 7e art, souvent drôle, toujours humble, et même assez modeste. Pour cette masterclass à la Comédie Odéon mister Bong Joon-ho est accompagné de sa traductrice (qui fait ici un excellent travail!), de Didier Allouche et de Bertrand Tavernier qui a tenu à être présent pour "dire publiquement son amour à Bong Joon-ho, car les hommages posthumes c'est pas si bien que ça."

Les screen quotas
"Ce système des screen quota mettait en place le nombre de jours où les cinémas devaient montrer des films coréens. Mais cela a posé des problèmes lors des accords de libre-échange avec les États-Unis. A la fin des années 90, quand je préparais Barking dog, il y avait des mouvements pour protéger ces quotas. Mais aujourd'hui les screen quotas ont disparu et pourtant le cinéma coréen a réussi à trouver sa place. En Corée du sud, je dirai que c'est du 50-50 entre le cinéma national et le cinéma américain."

Et Bertrand Tavernier d'ajouter "qu'aujourd'hui tout film gagne à être coréen!"

L'image des forces de l'ordre
Dans The Host et Memories of murder, les forces de l'ordre ne sont pas à leur avantage. "Oui, ce sont des policiers des années 80 qui travaillaient pendant la dictature militaire. Mais c'est assez réaliste." Le tueur de Memories of murder a d'ailleurs été arrêté il y a un peu moins d'un mois. Bertrand Tavernier demande alors si ça change son rapport au film. "C'était une affaire non classée qui restait entourée de mystères. Le film est sorti en 2003 sur ce fait qui s'est déroulé dans les années 80. Lorsque le tueur a été arrêté, j'avais des sentiments très troubles, complexes. Maintenant les spectateurs verront la scène finale différemment je pense. Mais j'aimerais garder le film tel qu'il est. Ce serait comme une sorte d'archive de l'époque. Concernant l'image du criminel, pendant l'écriture du scénario, j'avais l'impression de devenir fou. J'avais rencontré des policiers, des proches des victimes, des journalistes, mais celui que je voulais rencontrer c'était le meurtrier et je ne pouvais que l'imaginer. Je me suis donc inspiré et appuyé sur certains films pour cela."

Parti-pris visuels très forts
Bertrand Tavernier: "Vous devez avoir rudement confiance en vous pour tenir ces parti-pris (dans Memories of murder notamment) ou alors vous êtes extrêmement audacieux!"

"Merci pour le compliment mais je crois que c'est dû à mon tempérament bizarre. J'ai un comportement qui part dans tous les sens. Quand on regarde les archives des années 80, c'est une vraie comédie noire. Bien sûr les crimes sont terribles, mais quand on prend de la distance et qu'on regarde les policiers, on a de suite l'image d'une comédie noire. Ils veulent absolument capturer ce criminel, mais n'y arrivent pas. Ils en deviennent complètement fous. Ils vont même jusqu'à consulter un chaman. C'est donc à la fois drôle, car ils sont gauches, mais aussi triste car ils sont réellement désespérés. L'horreur, le désespoir et la comédie étaient déjà assemblés."

Chaque film contre le précédent
" Vous avez vu juste. Quand j'écris le scénario, ce n'est pas intentionnel. Pourtant quand je prends un peu de recul; je réalise que j'écris en effet que chaque film est en réaction avec le précédent."

Clivages sociaux
"Je n'ai pas forcément de message politique ou social. Mon obsession c'est l'intérêt que je porte aux gens qui m'entourent. Quand on creuse et qu'on parle d'une société, on parle de toutes façons de la Société et de l'Histoire. Et surtout en Corée où il est impossible de dissocier la Société de l'Individu." Le cas particulier de The Host est très intéressant. Sans forcément vouloir passer de message force est de constater que les membres de la famille sont méprisés car de classe populaire. "Les personnages principaux dirigent un petit snack et font partie du peuple. Ils se demandent s'ils peuvent vraiment être protégés par le pouvoir. C'est à partir de là donc qu'on a à la fois une comédie et des éléments dramatiques."

Cellule familiale
Pourquoi une telle importance de la cellule familiale? "En effet, pourquoi? Je ne m'en rendais pas forcément compte. Mais ce sont toutes des familles qui ont des failles (dans Mother la mère est seule avec son fils, dans The Host la mère n'est plus là). Finalement c'est la première fois dans Parasite que je montre des familles traditionnelles avec un père, une mère et leurs enfants."

Dans tout succès réside une part de mystère
Comment expliquer le triomphe "global" de Parasite? "Pour être honnête, lors de la production, on espérait juste pouvoir rentrer dans nos frais car on trouvait l'histoire bizarre et on était donc assez inquiet. Je n'étais pas du tout sur de moi. Alors c'est moi qui vous retourne la question, comment expliquez-vous ce succès?"

[Lumière 2019] Francis Ford Coppola reçoit avec émotion le Prix Lumière

Posté par Morgane, le 20 octobre 2019

Comme chaque année depuis dix ans, la salle du Palais des Congrès se gonfle de monde, tous venus venus assister à la Remise du Prix Lumière. Après Jane Fonda, Wong Kar-wai, Catherine Deneuve, Martin Scorsese, Pedro Almodovar, Quentin Tarantino, Ken Loach, Gérard Depardieu, Miles Forman et Clint Eastwood, c’est donc à Francis Ford Coppola qu’est attribué le Prix de cette nouvelle édition du Festival Lumière.

Les invités sont nombreux. Coppola est accompagné de sa femme Eleanor (réalisatrice de Au cœur des ténèbres: l’Apocalypse d’un metteur en scène et Paris can wait) et de son fils Roman. Les hommages se succèdent. Jeanne Cherhal au piano chante le thème du Parrain de Nino Rota dont les paroles françaises sont de Boris Bergman. Quelques films des frères Lumière sont projetés. Il y a aussi l'inévitable retour en images sur les 10 ans du festival, sur cette édition en particulier et sur Coppola célébré! John Osborn chante l’aria de l’Arlesienne. Sofia, qui est en ce moment à Tokyo, et ses deux filles, ont envoyé une vidéo de félicitations, tout comme James Gray qui évoque son amour et son admiration pour le Maestro.

Bong Joon-ho marqué par Apocalypse Now
Puis c’est à Bong Joon-ho, Palme d'or cette année pour Parasite, de prendre la parole. "C’est un honneur. Je suis un peu en train de trembler. Francis Ford Coppola a fait des films extraordinaires et a changé l’histoire du cinéma. Je ne vais pas m'étaler là-dessus car ça prendrait des heures. Quand Apocalypse Now est sorti en 1979 je n’ai pas pu le voir car il était censuré en Corée. C’est en 1988 qu’il est enfin sorti sur les écrans en Corée. J’étais à l’université et je suis allé le voir le premier jour de sa sortie. Ça a été un choc incroyable, indescriptible! Ensuite j'ai vu le documentaire. On y voyait Coppola aux Philippines, torse nu car il faisait très chaud. Et face caméra il demandait: "Qu'est-ce que le cinéma?" et il disait qu'un enfant de 9 ans, si il veut réaliser un film, il le peut. Ça m'a donné du courage." Après ça, il s'est inscrit au ciné-club de son Université et a réalisé un premier court-métrage. Autre anecdote en lien avec Coppola. "Pour m'entraîner je me suis mis à faire des storyboards de films existants et je l'ai fait avec Le Parrain, une scène de crime. Je suis quelqu'un de non violent mais quand je vois un crime je ne sais pas pourquoi mais ça m'excite. Et aujourd'hui j'ai Coppola en face de moi et je suis tout tremblant. Je suis vraiment très honoré!"

Nathalie Baye et l'expérience cannoise
C'est ensuite Nathalie Baye qui monte sur scène. Elle et le Maestro se sont rencontrés à Cannes lorsque ce dernier était président du jury et elle membre du jury. C'était en 1996. Elle parle de son amour pour le cinéma de Coppola qui parle à tous. Un cinéma indémodable. "A Cannes c'était un président formidable, d'une grande écoute et bienveillant. Il a un humour fou" Et Nathalie Baye de raconter que sur la Croisette cette année-là, un spectateur en bas des marches avait confondu Coppola avec Carlos." Quand je leur ai expliqué qui était Carlos, Francis et Eleanor ont beaucoup ri!"

Tavernier et son sublime hommage
Eleanor et son fils Roman montent sur scène accompagnés de Bertrand Tavernier. C'est à ce dernier que revient l'éloge final. Comme à son habitude Tavernier, Président de l'institut Lumière, délivre un hommage d'une grande beauté, digne de la Bible du Cinéma qu'il est! Tavernier sait manier sa plume. "Je crois qu'on a eu une bonne idée quand on a créé ce festival!".  Tavernier a rencontré Coppola à deux reprises. En 1963 lors d'une soirée chez Roger Corman. Coppola venait de réaliser Dementia et Corman ne tarissait pas d'éloges sur lui.

La deuxième fois c'était à Paris un dimanche soir dans un restaurant où Coppola dinait en famille. "Je n'appelle pas ça connaitre et pourtant j'ai l'impression de vous connaitre, mais c'est à travers vos films. J'étais impressionné, je le suis encore plus ce soir. Il est dur d'évoquer son admiration en public et j'ai peur d'admirer mal." Certains films moins connus ont beaucoup touché Tavernier. "Les gens de la pluie. Je crois que je vous ai aimé dès ce film", qui rappelle-t-il est un film matrice, fondateur. Il revient sur d'autres films comme Jardins de pierre, Conversation secrète, Le Parrain et sa sublime première phrase "je crois en l'Amérique, l'Amérique a fait ma fortune", Outsiders "plus modeste mais qui me touche encore plus" et d'autres encore. "Quant à Apocalypse Now j'étais sonné et je savais que ce film allait faire partie de ma vie!"

"Oui Francis, j'ai aimé admirer vos films!"

Coppola touché
Pour finir la soirée c'est donc à Francis Ford Coppola de prendre la parole. "Je n'étais pas préparé à ça. Je n'étais pas préparé à toutes les choses extraordinaires dites sur moi. Je suis très touché par les mots de Bertrand, mon contemporain, ainsi que par ceux de Bong Joon-ho." "Je me suis revu, enfant, assis au bord du trottoir pendant qu'un défilé passait. Je voulais juste en faire partie. Et ce soir, vous m'avez permis de ressentir ce que je veux le plus au monde, le sentiment de faire partie d'un groupe, et je vous remercie pour ça" a confié le maître devant une Halle Garnier bourrée à craquer. Et Coppola finit ainsi: "Il y a trois choses qui manquent cruellement dans le monde et que j'ai ressenti ici: convivialité, enthousiasme et célébration."

Mon Premier Festival souffle ses 15 bougies avec Léa Drucker et Michel Hazanavicius

Posté par MpM, le 19 octobre 2019

Avec l'arrivée des vacances de la Toussaint, c'est le retour de l'un de nos festivals préférés, celui qui s'adresse aux spectateurs qui ont probablement le plus besoin d'être pris par la main et accompagnés dans l'univers et l'histoire du cinéma, les enfants à partir de 18 mois. Pour sa 15e édition, qui se tient du 23 au 29 octobre, Mon Premier Festival poursuit en effet le travail d'initiation du regard, de partage et de transmission qui en ont fait l'un des rendez-vous incontournables de l'automne.

Cette année, l'accent sera mis sur les liens privilégiés entre littérature et 7e art, à travers une quarantaine de films dont Zazie dans le métro, Croc-Blanc, Jean de la Lune, Le Tombeau des lucioles ou encore La Jeune fille sans mains, mais aussi sur le cinéma d'animation russe (avec notamment le travail des cinéastes Garri Bardine et Youri Norstein mais aussi le splendide Tout en haut du monde de Rémi Chayé).

Parmi les autres temps forts du festival figurent également un focus sur Michel Hazanavicius, invité d'honneur, qui viendra présenter certains de ses films comme The Artist, des films cultes (La Belle et le clochard, Qui veut la peau de Roger Rabbit, OSS 117 : Le Caire, nid d'espions), des ciné-concertsdes rencontres autour des métiers du cinéma, de nombreux ateliers, et les coups de coeur de la marraine de l'édition, Léa Drucker, qui a choisi de montrer La Belle et la bête, Cendrillon et La Petite Taupe.

Pour ce qui est des avant-premières, elles proposent de découvrir avant leur sortie des films attendus comme Le Voyage du prince (le nouveau film de Jean-François Laguionie, en salle le 4 décembre), Marche avec les loups de Jean-Michel Bertrand (15 janvier) ou encore L'extraordinaire voyage de Marona d'Anca Damian (8 janvier), mais aussi des rééditions, telles que Le monde animé de Grimault (6 novembre) et Le Chien, le général et les oiseaux de Francis Nielsen (6 novembre).

Une fois encore, les vacances de la Toussaint s'annoncent comme les meilleures de l'année !

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Mon premier festival 2019
Du 23 au 29 octobre
Informations et réservations sur le site de la manifestation