70 ans, 70 textes, 70 instantanés comme autant de fragments épars, sans chronologie mais pas au hasard, pour fêter les noces de platine des cinéphiles du monde entier avec le Festival de Cannes. En partenariat avec le site Critique-Film, nous lançons le compte à rebours : pendant les 70 jours précédant la 70e édition, nous nous replongeons quotidiennement dans ses 69 premières années.
Aujourd'hui, J-56. Et pour retrouver la totalité de la série, c'est par là.
La Semaine de la Critique vient d'annoncer le nom du président de son jury 2017 : Kleber Mendonça Filho. Avec ses courts-métrages et son premier long, Les Bruits de Recife, il s'est rapidement imposé comme l'un des cinéastes les plus vibrants du cinéma contemporain, filmant magnifiquement son pays, avec une profondeur politique et sociale forte et un attachement à des personnages féminins qui résistent aux vicissitudes du monde qui les entoure et s'ancrent dans les lieux dans lesquels elles évoluent. Un ressenti conforté par son deuxième long-métrage, Aquarius, avec Sonia Braga, l'une des plus grandes actrices de l'Histoire du cinéma brésilien, qui trouvait là l'un de ses plus beaux rôles.
Le film est hélas reparti bredouille de la compétition officielle mais le cinéaste a de grandes chances d'être le premier à succéder à son compatriote Anselmo Duarte qui est, jusqu'à présent, le seul brésilien titulaire d'une Palme d'or avec La Parole donnée en 1962. Trois ans plus tôt, Orfeu Negro, très brésilien dans son «essence» artistique, recevait les mêmes honneurs, mais cette adaptation du mythe d'Orphée est l'oeuvre d'un cinéaste français (Marcel Camus) qui représentait la France.
L'an dernier encore, le documentaire Cinema Novo d'Eryk Rocha, dédié à ce mouvement révolutionnaire brésilien, fut présenté à Cannes Classics, recevant du jury de l'Oeil d'or le trophée du meilleur documentaire présentés lors du festival. Profitons de cette invitation à Kleber Mendonça Filho pour évoquer en premier lieu une année marquante pour le cinéma brésilien à Cannes : 2012 lorsque le Brésil fut honoré en tant que « pays invité » par la direction du festival.
Cinq générations réunies le temps d'une édition
Toutes les générations furent réunies, au moins virtuellement, durant les douze journées de cette 65e édition. Le vétéran de l'édition était l'un des plus grands et des plus vénérables représentants de ce cinéma : Nelson Pereira Dos Santos, né en 1928. Il était le co-réalisateur (avec Dora Jobim) d'un documentaire sur un autre grand nom du pays : The Music According to Antonio Carlos Jobim. La musique et les chansons de l'auteur des chansons Garota de Ipanema (alias The Girl from Ipanema) ou Desafinado et autres succès de la Bossa Nova s'enchaînaient dans un montage enlevé et brillant, avec des versions venues de tous pays dont la France (représentée par Lio et Henri Salvador!), les Etats-Unis avec Sarah Vaughan, Judy Garland, Ella Fitzgerald, Frank Sinatra, Sammy Davis Jr, Gerry Mulligan, Errol Garner ou Oscar Peterson mais bien sur du Brésil, avec Chico Buarque, Vinicius de Moraes (auteur de la pièce qui a inspiré Orfeu Negro, déjà mis en musique par Jobim) ou Carlinhos Brown. Aucune lassitude dans ce pot pourri, malgré la répétition des thèmes en de multiples versions, de la plus magique à la plus ringarde.
Évidemment, il ne s'agit pas de l'oeuvre la plus marquante de Nelson Pereira dos Santos qui a commencé à tourner au milieu des années 50 et avait déjà réalisé un autre documentaire, biographique, sur Jobim : A Luz do Tom. Il a participé à la compétition officielle à quatre reprises, avec notamment Sécheresses (Vidas Secas) en 1963, un chef d'oeuvre sur la misère dans les campagnes, inspiré par le néo-réalisme italien ou L'Aliéniste en 1970, satire politique dans laquelle tous les habitants d'une ville de bord de mer finissent par se retrouver dans un asile. Dans un entretien à l'AFP en 2012, Nelson Pereira dos Santos, déclarait : «Il est important que le cinéma aujourd'hui soit pluriel, à la différence de l'époque du Cinema Novo quand il y avait une polarisation thématique parce que nous devions combattre la dictature et montrer la réalité d'un Brésil que la censure voulait cacher».
La présentation de ce documentaire musical avait eu lieu en sa présence mais aussi en celle de ses compatriotes Karim Aïnouz (né en 1966, membre du jury Cinéfondation et courts-métrages) reconnu pour ses portraits de marginaux courageux, dont Madame Satã (Un Certain regard, 2002) et Carlos Diegues. Né en 1940, il est l'un des derniers grands noms du Cinema Novo encore en activité, présent à trois reprises en compétition officielle, notamment avec Quilombo en 1984. Il était présent cette année-là en tant que président du jury de la Caméra d'or mais aussi pour accompagner son film Xixa da Silva (1976) à Cannes Classics, section de patrimoine où l'on retrouvait aussi le documentaire Cabra Marcado para Morrer d'Eduardo Coutinho. Lire le reste de cet article »