Cannes 70 : 2012, l’année du Brésil

Posté par cannes70, le 23 mars 2017

70 ans, 70 textes, 70 instantanés comme autant de fragments épars, sans chronologie mais pas au hasard, pour fêter les noces de platine des cinéphiles du monde entier avec le Festival de Cannes. En partenariat avec le site Critique-Film, nous lançons le compte à rebours : pendant les 70 jours précédant la 70e édition, nous nous replongeons quotidiennement dans ses 69 premières années.

Aujourd'hui, J-56. Et pour retrouver la totalité de la série, c'est par .


La Semaine de la Critique vient d'annoncer le nom du président de son jury 2017 : Kleber Mendonça Filho. Avec ses courts-métrages et son premier long, Les Bruits de Recife, il s'est rapidement imposé comme l'un des cinéastes les plus vibrants du cinéma contemporain, filmant magnifiquement son pays, avec une profondeur politique et sociale forte et un attachement à des personnages féminins qui résistent aux vicissitudes du monde qui les entoure et s'ancrent dans les lieux dans lesquels elles évoluent. Un ressenti conforté par son deuxième long-métrage, Aquarius, avec Sonia Braga, l'une des plus grandes actrices de l'Histoire du cinéma brésilien, qui trouvait là l'un de ses plus beaux rôles.

Le film est hélas reparti bredouille de la compétition officielle mais le cinéaste a de grandes chances d'être le premier à succéder à son compatriote Anselmo Duarte qui est, jusqu'à présent, le seul brésilien titulaire d'une Palme d'or avec La Parole donnée en 1962. Trois ans plus tôt, Orfeu Negro, très brésilien dans son «essence» artistique, recevait les mêmes honneurs, mais cette adaptation du mythe d'Orphée est l'oeuvre d'un cinéaste français (Marcel Camus) qui représentait la France.

L'an dernier encore, le documentaire Cinema Novo d'Eryk Rocha, dédié à ce mouvement révolutionnaire brésilien, fut présenté à Cannes Classics, recevant du jury de l'Oeil d'or le trophée du meilleur documentaire présentés lors du festival. Profitons de cette invitation à Kleber Mendonça Filho pour évoquer en premier lieu une année marquante pour le cinéma brésilien à Cannes : 2012 lorsque le Brésil fut honoré en tant que « pays invité » par la direction du festival.

Cinq générations réunies le temps d'une édition

Toutes les générations furent réunies, au moins virtuellement, durant les douze journées de cette 65e édition. Le vétéran de l'édition était l'un des plus grands et des plus vénérables représentants de ce cinéma : Nelson Pereira Dos Santos, né en 1928. Il était le co-réalisateur (avec Dora Jobim) d'un documentaire sur un autre grand nom du pays : The Music According to Antonio Carlos Jobim. La musique et les chansons de l'auteur des chansons Garota de Ipanema (alias The Girl from Ipanema) ou Desafinado et autres succès de la Bossa Nova s'enchaînaient dans un montage enlevé et brillant, avec des versions venues de tous pays dont la France (représentée par Lio et Henri Salvador!), les Etats-Unis avec Sarah Vaughan, Judy Garland, Ella Fitzgerald, Frank Sinatra, Sammy Davis Jr, Gerry Mulligan, Errol Garner ou Oscar Peterson mais bien sur du Brésil, avec Chico Buarque, Vinicius de Moraes (auteur de la pièce qui a inspiré Orfeu Negro, déjà mis en musique par Jobim) ou Carlinhos Brown. Aucune lassitude dans ce pot pourri, malgré la répétition des thèmes en de multiples versions, de la plus magique à la plus ringarde.

Évidemment, il ne s'agit pas de l'oeuvre la plus marquante de Nelson Pereira dos Santos qui a commencé à tourner au milieu des années 50 et avait déjà réalisé un autre documentaire, biographique, sur Jobim : A Luz do Tom. Il a participé à la compétition officielle à quatre reprises, avec notamment Sécheresses (Vidas Secas) en 1963, un chef d'oeuvre sur la misère dans les campagnes, inspiré par le néo-réalisme italien ou L'Aliéniste en 1970, satire politique dans laquelle tous les habitants d'une ville de bord de mer finissent par se retrouver dans un asile. Dans un entretien à l'AFP en 2012, Nelson Pereira dos Santos, déclarait : «Il est important que le cinéma aujourd'hui soit pluriel, à la différence de l'époque du Cinema Novo quand il y avait une polarisation thématique parce que nous devions combattre la dictature et montrer la réalité d'un Brésil que la censure voulait cacher».

La présentation de ce documentaire musical avait eu lieu en sa présence mais aussi en celle de ses compatriotes Karim Aïnouz (né en 1966, membre du jury Cinéfondation et courts-métrages) reconnu pour ses portraits de marginaux courageux, dont Madame Satã (Un Certain regard, 2002) et Carlos Diegues. Né en 1940, il est l'un des derniers grands noms du Cinema Novo encore en activité, présent à trois reprises en compétition officielle, notamment avec Quilombo en 1984. Il était présent cette année-là en tant que président du jury de la Caméra d'or mais aussi pour accompagner son film Xixa da Silva (1976) à Cannes Classics, section de patrimoine où l'on retrouvait aussi le documentaire Cabra Marcado para Morrer d'Eduardo Coutinho. Lire le reste de cet article »

Edito: Le cinéma n’est pas mort, vive le cinéma!

Posté par redaction, le 23 mars 2017

Il n'y a aucune raison d'être désespéré. Malgré les smartphones, malgré les séries, malgré le prix du billet de cinéma, le film en salles rapporte encore beaucoup d'argent. Et attire les masses. Rien qu'hier, La Belle et la bête a séduit près de 270000 français et Sage femme a conquis plus de 60000 spectateurs. Pour la 18e édition du Printemps du cinéma, ce sont 2,78 millions de cinéphiles qui sont entrés dans une salle en trois jours, soit 13% de plus que l'an dernier.

Et au niveau mondial, c'est un record qui a été enregistré en 2016 avec un box office global estimé à 38,6 milliards de dollars (sur 164000 salles répertoriées), et ce, malgré une stagnation des recettes en Chine. En Amérique du nord, la fréquentation est stable et les recettes sont en légère hausse grâce aux spectateurs cinévores (11% de la population des Etats-Unis et du Canada sont des spectateurs fréquents et ils représentent 48% des tickets vendus). La bonne nouvelle est que le cinéma américain a réussi à inverser la tendance du vieillissement des spectateurs. Les jeunes, et notamment cette fameuse génération des "millenials" qui aime tant les jeux vidéos et Youtube, ne s'empêche pas d'aller voir un bon gros film pop-corn, avec une moyenne de 6,5 films par an (en légère hausse). En fait les cinémas américains voient plutôt moins de quadras et de retraités. Peut-être une question d'offre?

Mais attention: les recettes sont en baisse en Europe, au Moyen-Orient, en Afrique et surtout en chute en Amérique latine. La hausse du box office international (71% des recettes globales) provient essentiellement de la zone Asie/Pacifique.

On peut quand même être soulagé de voir que le grand écran reste un loisir populaire et en vogue. Il a des atouts: des salles toujours plus modernes et confortables, des abonnements permettant de réduire le prix du billet tout en fidélisant le spectateur, des fauteuils et du son qui s'adaptent très bien à des films à sensation. Cependant, c'est bien la diversité des films qui reste la condition indispensable pour conserver ce pouvoir d'attraction, et s'adresser à tous les publics. Et si en France, cette variété est plutôt bien assurée grâce à une production dynamique (mais peut-être pas assez exigeante), il s'installe une disparité sérieuse et inquiétante, dans tous les pays, y compris l'Hexagone, entre les grosses productions et les films du milieu pour ne pas parler des premiers films et des petits budgets, quand il s'agit de marketing et de distribution.

Cinélatino 2017 : focus sur une jeunesse délaissée

Posté par Morgane, le 23 mars 2017

Jesus de Fernando Guzzoni (long-métrage en compétition), film chilien de 2016 et Gasolina (long-métrage du focus consacré à Julio Hernandez Cordon), film guatémaltèque de 2008, sont séparés par plusieurs frontières et plusieurs années mais se rejoignent néanmoins sur le thème abordé : celui d'une jeunesse paumée, abandonnée.

Dans le film Gasolina, le réalisateur suit ses trois personnages à la façon d'un road movie. Les trois adolescents vivent dans une banlieue résidentielle de Guatemala. Leur quotidien semble s'articuler autour de virées nocturnes sans but qu'ils effectuent dans la voiture de Gerardo. Dans une sorte d'errance crépusculaire, ils cherchent un peu d'essence en vidangeant des voitures et quelques centaines de pesos pour partir voir la mer. Ils déambulent dans cette ville qui n'y ressemble pas, passant de maison en maison, se brouillant puis se rabibochant, sans but plus précis que d'atteindre un jour la plage. Le spectateur se laisse prendre au jeu dans cette douce torpeur aux côtés de ces trois ados le plus souvent têtes à claques qui cherchent les embrouilles mais qui s'avèrent finalement très attachants. Jusqu'au moment où l'irréversible se produit... Ce premier long métrage de Juan Hernandez Cordon est très maîtrisé jusqu'à la surprise finale qui semble prendre de cours le spectateur tout comme les protagonistes.

L'irréversible se produit également dans le film de Fernando Guzzoni à la différence près que dans Gasolina l'irréversible sonne la fin du film alors que dans Jesus cet acte est le tournant du film. Jesus est un jeune adolescent de 15 ans qui vit seul avec son père à Santiago du Chili. Il passe ses nuits avec ses quatre potes entre drogue et alcool. Dans Gasolina, les adolescents paraissaient juste vouloir tromper l'ennui et passer le temps. Ici, la jeunesse semble désillusionnée, n'ayant rien à perdre et cherchant à repousser ses limites tout en se cherchant elle-même. Mais le groupe d'ados dérape une nuit dans un parc et c'est là que tout bascule pour Jesus. On suivait une errance et on suit désormais une repentance ou tout du moins une prise de conscience.

Le réalisateur est parti d'un fait réel qui l'avait choqué, c'est pourquoi "les scènes de violence sont réalistes et cruelles" nous dit-il. Certaines scènes sont en effet très violentes, à la limite du supportable pour le spectateur, et leur réalisme en accentue bien évidemment la violence. "Un jeune homosexuel avait été agressé dans un parc et de suite les médias avaient annoncé que c'était l'oeuvre de néonazis. J'ai donc fait des recherches sur les assassins. L'un d'eux était un imitateur de Michael Jackson et était bisexuel. Un autre appartenait à une tribu urbaine du monde oriental. Seulement l'un d'entre eux avait déjà commis un vol. La presse a simplifié ce crime avec une réflexion binaire de type méchants/gentils. Ces jeunes avaient la même origine sociale, les mêmes lieux de vie et de rencontre et c'était donc finalement un crime fratricide, et c'est cela que j'ai voulu montrer."

Un film dur devant lequel on a parfois envie de fermer les yeux. Il prend aux tripes et dérange jusque dans son dénouement final. On en ressort pris entre deux pensées, l'envie de trouver des excuses à cette jeunesse laissée pour compte face à ce crime tout à fait inexcusable. La violence de ce qu'on appelle très injustement un fait divers et qui devrait être exceptionnel au lieu d'être aussi banal.

5 raisons de ne pas aller voir Going to Brazil

Posté par redaction, le 23 mars 2017

Going to Brazil est un film signé Patrick mille, en salles depuis hier. A la vue du film, ona préféré ne pas perdre trop de temps. Le pitch est digne, comme souvent ces derniers temps, d'un article de magazine féminin, mixé avec le concept désormais très recherché du Very Bad Trip: "La folle aventure de trois copines invitées au mariage de leur meilleure amie au Brésil (hello Babysitting 2, non mais franchement on a combien d'amis qui ont les moyens de faire leur mariage au Brésil?!, ndlr). À peine arrivées à Rio, elles tuent accidentellement un jeune homme trop insistant (oh le méchant autochtone! Le harcèlement mérite-t-il une peine capitale?!, ndlr). Dès lors, tout s'emballe...!"

Bon déjà dans le dossier de presse, on avait un peu peur. Le comédien - cinéaste Patrick Mille, qu'on aime plutôt bien, se justifiait à coup de clichés: "Je voulais tourner à l’étranger, et je suis fou de Rio et du Brésil, qui me fascine depuis que je suis petit. J’aime les Brésiliens, leur musique, leur cinéma, leur Histoire, bien sûr leur football donc je suis allé trouver Dimitri Rassam, et je lui ai dit : c’est une comédie avec des filles, il leur arrive des bricoles , et c’est au Brésil. C’est comme ça que j’ai vendu mon film". Petite pensée aux scénaristes qui triment pour vendre leur belle histoire au fin fond du Cotentin.

Il choisit donc un casting sexy, plus jeune que dans la première version du script. Vanessa Guide, Alison Wheeler, Margot Bancilhon et Philippine Stindel ont l'avantage d'être très jolies, drôles, et pas chères.

Cependant, comme on vous l'a promis, on a décidé de vous dire pourquoi ce film ne mérite guère qu'on s'y attarde. On peut toujours y voir du énième degré dans certains gags ou certaines séquences: l'ensemble laisse un arrière-goût désagréable pour les 5 raisons suivantes.

1. Cette manie de mal jouer sur les clichés. Les Brésiliens aiment la chirurgie et l'Amérique du Sud est connue pour ses histoires de corruption. Le film ne va pas plus loin que ça et joue avec des stéréotypes datés en espérant que ça va rendre le scénario un peu plus crédible. Sauf qu'au final, on se dit que ça se passe certes au Brésil mais que l'histoire aurait pu être transposée n'importe où ailleurs, tant qu'il y a une plage, des jeunes gens beaux et riches et de la corruption !

2. Les personnes principaux sont des femmes mais c'est sexiste et misogyne. Le film explique que : 1) si tu te fais larguer, c'est forcément de ta faute (si tu es une femme) ; 2) pour être épanouie, il faut que tu baises et donc que tu sois baisée par un mec (le sexe lesbien n'étant apparemment pas une option) ; 3) les Françaises sont des cochonnes donc on peut tout faire avec elles, elles seront toujours partantes — même dans le cas d'un viol ; 4) si un mec te largue c'est sans doute parce que tu baisais mal ; 5) en cas de grossesse, ton corps est avant tout un réceptacle qui n'est plus tien mais appartient au père de l'enfant (surtout s'il est riche).

3. C'est souvent raciste. Oh ce racisme est légèrement et bien dissimulé. Mais nous n'avons pas manqué les multiples blagues raciales qui ne sont pas forcément drôles et les rares filles de couleur dans le film sont réduites à des rôles de pseudo militaires qui sont aussi des esclaves sexuelles.

4. La scène musicale est mal introduite, mal jouée et mal mise en scène. La bande de filles arrive dans une maison pleine de monde et leur hôte se lance dans un grand numéro de transformisme qui amène à une scène pro-partouze. Et comme si ça ne suffisait pas, le playback de la scène est absolument dégueulasse !

5. Il y a un mauvais traitement des corps. Les femmes sont nues pour signifier du désir sexuel, la nécessité de se reproduire ou d'arriver à la jouissance (du côté de l'homme) alors que les rares hommes nus le sont juste pour évoquer une forme d'état naturel, de retour à un mode de vie simple.