Harvey Weinstein : anatomie d’une sale affaire

Posté par wyzman, le 17 octobre 2017


C'est le scandale qui agite Hollywood (et donc la planète entière) depuis près de deux semaines. L'autrefois intouchable producteur Harvey Weinstein est accusé de harcèlement et d'agression sexuels. Comme nous, les médias américains sont d'avis que cette affaire est synonyme de clap de fin pour le nabab, co-fondateur de Miramax et de The Weinstein Company - avant un retour.

La magie d'Hollywood et des avocats surpayés aidant, le producteur de Pulp Fiction, Sin City ou encore Happiness Therapy pourrait en effet réatterrir sur ses pattes sans même passer par la case prison. Mais tout cela sera pour un autre épisode, tout aussi tumultueux.

Pour l'instant, concentrons-nous sur l'un des plus grands scandales qui ait jamais touché l'industrie du cinéma (ce n'est pas le premier).

Les victimes

Le 5 octobre dernier, Jodi Kantor et Megan Twohey publient un article dans le New York Times dans lequel elles accusent Harvey Weinstein de faits de harcèlement sexuel sur des actrices. L'article est porté par les témoignages d'Ashley Judd et Rose McGowan, ainsi que par les commentaires de victimes dont l'identité n'est pas révélée. Quelques jours plus tard, The New Yorker donne le coup de grâce au producteur : Lucia Evans, Asia Argento, Rose McGowan, Lysette Anthony et une cinquième femme (dont l'identité n'est pas révélée) l'accusent de viol.

Plus les jours passent, plus The New York Times, The New Yorker et même The Guardian dévoilent des témoignages de femmes qui ont eu le malheur de croiser la route d'un Harvey Weinstein en rut, avec ou sans peignoir. Parmi ces femmes, on trouve ainsi les actrices Rosanna Arquette, Kate Beckinsale, Emma de Caunes, Cara Delevingne, Judith Godrèche, Romola Garai, Heather Graham, Claire Forlani, Eva Green, Jessica Hynes, Florence Darel, Mira Sorvino, Ashley Judd, Angelina Jolie, Minka Kelly, Gwyneth Paltrow, Sarah Polley, Mia Kirshner, Léa Seydoux. Et la liste ne s'arrête pas là ! Asia Argento s'est ouverte au public en racontant son triste passé de femme violée, harcelée et abusée.

Ceux qui l'avaient dit

Les récents articles des médias cités plus haut l'attestent tous : le petit monde hollywoodien était au courant des pratiques de Harvey Weinstein. Mais entre ceux qui l'ont aidé à payer, soudoyer, faire taire ses victimes, ceux qui avaient peur de lui et ceux qui assurent n'avoir eu vent que de "rumeurs", il est possible de comprendre comment un tel monstre a pu récidiver sur plusieurs décennies. Courtney Love avait déjà laissé entendre que le comportement d'Harvey Weinstein laissait à désirer avec les jeunes actrices dès 2005. Des blagues irrévérencieuses, notamment celle de Seth McFarlane lors de la cérémonie des Oscars 2013 trouvent aujourd'hui un drôle d'écho, sans oublier le personnage de Harvey Weingard dans Entourage, décrit comme agressif, harceleur et vulgaire.

Dans 30 Rock, le personnage de Jenna Maroney (Jane Krakowski) balance quand même: "Oh arrête, je n’ai peur de personne dans le show-business. J’ai refusé des rapports sexuels avec Harvey Weinstein à trois occasions différentes… sur cinq."

Cependant, Gwyneth Paltrow assure s'être confiée à Brad Pitt, son petit ami de l'époque qui aurait exigé de Harvey Weinstein qu'il ne touche plus l'actrice. Par la suite, le producteur aurait demandé à Paltrow de ne plus jamais évoquer le sujet avec qui que ce soit. De son côté, Angelina Jolie aurait été harcelée pendant la promotion de La Carte du cœur. Le film était distribué par Miramax et Harvey Weinstein l'aurait approchée dangereusement dans une chambre d'hôtel. Résultat : l'actrice a fait de son mieux pour ne plus croiser sa route et aurait "prévenu les autres d'en faire de même".

Au micro de la BBC, la partenaire de Bob Weinstein, Kathy DeClesis, a reconnu que ce que faisait Harvey "n'était pas un secret pour le cercle fermé". Quand le prédateur n'agressait pas ses employées, il faisait appel à elles pour qu'elles organisent des rendez-vous dans des chambres d'hôtel avec de jeunes actrices. De temps à autre, les employées l'accompagnaient comme l'assure Léa Seydoux, avant de disparaître et de laisser les actrices livrées à elle-même.

Autrefois employée par TWC, Lauren O'Connor aurait envoyé une note à ses cadres pour décrire ce que les femmes devaient supporter au sein de l'entreprise, elle y compris. Tout cela après avoir découvert que sa collègue Emily Nestor avait été contrainte de masser Harvey Weinstein. Et Harvey Weinstein avait jusque-là de si grandes connexions qu'il se murmure même qu'une chaîne comme NBC a préféré fermer les yeux sur les accusations portées par plus d'une trentaine de femmes.

Au cours de l'émission "Hardtalk" de BBC World, la grande amie de Harvey Weinstein, Jane Fonda a avoué avoir eu vent des accusations de harcèlement sexuel l'an dernier mais ne pas l'avoir dénoncé pour ne pas avoir à révéler l'identité de celles qui l'accusaient. "J'aurais dû être plus courageuse et je pense qu'à partir de maintenant je le serai quand j'entendrai de telles histoires", a-t-elle déclaré.

Les conséquences pour la société

The Weinstein Company a beau employer 180 personnes, ce ne sera pas le cas encore longtemps. En effet, si Robert "Bob" Weinstein assurait le week-end dernier qu'il souhaitait sauver la société, cela passera nécessairement par de nouveaux investisseurs (via le fonds d'investissement Colony Capital, en négociations depuis hier pour acquérir une grande partie du capital, et donc du catalogue, de la société), un changement de nom, une restructuration et donc des licenciements. Déjà Hachette Books US a fermé jeudi dernier la filiale Weinstein Books. Une fois n'est pas coutume, le scandale sexuel entourant un seul homme pourrait mener à la perte de leur emploi pour des dizaines d'autres.

Si les films produits et distribués par The Weinstein Company et Miramax ont récolté plus de 300 nominations aux Oscars, cette page de l'histoire devra bientôt être tournée. A l'origine prévu pour une sortie le 24 novembre prochain, The Current War pourrait être décalé à 2018 afin d'éviter de faire un bide au box-office. Le film est en effet un drame historique avec Benedict Cumberbatch, Michael Shannon, Nicholas Hoult, Katherine Waterston et Tom Holland dont l'exploitation collait parfaitement à l'Awards season mais qui est malheureusement distribué par TWC.

Les réactions

Depuis les révélations du New York Times et du New Yorker, plus personne ne tient en place. Les 54 membres du conseil de direction de l'Académie des Oscars ont ainsi exclu Harvey Weinstein. Cette décision aurait d'ailleurs été votée "bien au-delà de la majorité requise des deux tiers" précise le communiqué de presse.

Et parce que les langues se sont largement déliées ces derniers jours, politiques et organisateurs de festivals prennent petit à petit conscience de l'ampleur du scandale. Le Président de la République, Emmanuel Macron, a annoncé qu'il souhaitait retirer la Légion d'honneur à Weinstein, une décision saluée (en français) par Rose McGowan.  Et pendant que Deauville efface le nom de Harvey Weinstein des Planches, le Festival de Cannes, par les voix de Pierre Lescure et Thierry Fremeaux dénoncent "un comportement impardonnable qui ne peut susciter qu'une condamnation". Dans Quotidien (TMC), hier soir, les producteurs Marc Missionnier et Charles Gillibert, ont appelé à cessé ces pratiques et encouragé la libération de la parole.

Quentin Tarantino, qui lui doit beaucoup, a été obligé de prendre ses distances: "Ces dernières semaines, j'ai été abasourdi et j'ai eu le cœur brisé par les révélations faites sur mon ami de 25 ans, Harvey Weinstein. J'ai besoin de quelque jours de plus pour gérer ma peine, mes émotions, ma colère et mes souvenirs, et ensuite, je prendrai publiquement la parole."

Du du côté des réseaux sociaux, la fermeture temporaire du compte Twitter de Rose McGowan a suscité la colère des internautes. Certaines femmes ont décidé de boycotter la plateforme, rappelant au passage que le compte de Donald Trump est toujours opérationnel et qu'il menace quotidiennement de déclencher une guerre nucléaire. D'autres femmes (et quelques hommes) ont décidé de donner de la voix en lançant #BalanceTonPorc, un hashtag sous lequel ils racontent leurs expériences de harcèlement sexuel.

Aux Etats-Unis c'est l'actrice de Charmed Alyssa Milano qui s'est emparée du réseau social à l'oiseau bleu pour #MeToo, le pendant anglophone de #BalanceTonPorc. Le hashtag a d'ores et déjà été relayé par les actrices Debra Messing (Will & Grace), Anna Paquin (True Blood), Pauley Perrette (NCIS), Rosario Dawson (Daredevil), Evan Rachel Wood (Westworld) ou encore Gabrielle Union (Being Mary Jane).

C'est un feuilleton qui n'est pas terminé. Mais une chose est certaine: dans le marché sans foi ni loi hollywoodien, machine à broyer par excellence, l'industrie a décidé de se réguler et de jouer la transparence. La sale affaire pourrait amener d'autres cas. Les hommes et des femmes de pouvoir, qui ont harcelé actrices, acteurs, mannequins, employé(e)s, peuvent désormais craindre pour leur avenir. Le patron d'Amazon Studios, Roy Price, accusé de harcèlement en fin de semaine dernière, a d'ailleurs été évincé.

Game Over?

Une pétition pour soutenir le cinéaste Mohammad Rasoulof

Posté par vincy, le 16 octobre 2017

Le cinéaste iranien Mohammad Rasoulof, Prix Un Certain Regard Cannes 2017 pour son film Un homme intègre (sortie en salles le 6 décembre chez ARP Sélection), a été privé de sa liberté de circuler et de travailler comme nous vous en informions le 20 septembre dernier.

Une pétition a été lancée pour qu'il puisse à nouveau s'exprimer et circuler librement. Le distributeur français du film ARP Sélection a lancé cette pétition, qui cumule déjà 1860 signatures en quelques jours.

Rappelons que son passeport a été confisqué dès son arrivée à l’aéroport de Téhéran le 16 septembre dernier. Il a ensuite été soumis à un long interrogatoire par les Renseignements des Gardiens de la Révolution. "Les interrogatoires se poursuivront dans les semaines à venir. Deux chefs d’accusation lourds de conséquences pèsent contre lui, assortis de six années d’emprisonnement" signale le texte.

Lumière 2017 : La première séance avec La mort aux trousses

Posté par Morgane, le 15 octobre 2017

Le mois d’octobre est arrivé sur Lyon et avec lui son désormais traditionnel (neuvième édition déjà!) Festival Lumièret qui remettra son Prix Lumière cette année au grand Wong Kar-wai.

Comme de coutume, l’ouverture s’est déroulée à la Halle Tony Garnier et, comme de coutume, la salle était pleine à craquer. Les Lyonnais et autres aficionados du Festival étaient une fois encore au rendez-vous.

Mais il n’y a pas que chez les spectateurs qu’on retrouve des cinéphiles patentés. Parmi les réalisateurs/ices, acteurs/rices, certain(e)s sont fidèles au Festival. On a donc eu le plaisir de retrouver Tonie Marshall, Marina Foïs, Pierre Richard, Jerry Schatzberg, Marisa Parades, Vincent Lindon et d'autres encore… on s’attendait presque à voir débouler le tonitruant Quentin Tarantino, mais cette année il nous a fait faux-bond! D’autres ont foulé le tapis rouge de la Halle pour la première fois comme Catherine Frot, Robin Campillo, Gérard Jugnot, Tilda Swinton, Alfonso Cuaron, Guillermo Del Toro, Michael Mann… Et puis bien sûr, Eddy Mitchell qui est entré au son du Boogie Woogie, en invité spécial de cette cérémonie d’ouverture.

Rochefort dans toutes les têtes

Thierry Frémaux a pris le micro. La cérémonie a commencé, reprenant peu ou prou le même déroulement que les années précédentes. Certains s’en lassent peut-être mais elle a pour moi ce petit goût des bonnes choses que l’on connait déjà mais que l’on a si grand plaisir à retrouver. Ce sont donc enchaînés les applaudissements à Max Lefrancq Lumière, petit-fils de Louis Lumière, la diffusion de la compilation des films projetés cette année, et ils sont encore bien nombreux, l’hommage à Jerry Lewis et à Jean Rochefort décédés récemment - Bertrand Tavernier a rendu hommage à son interprète de L'horloger de Saint-Paul en ces mots : « Acteur génial et homme d’une qualité exceptionnelle » -, la diffusion des désormais classiques films des frères Krémos réalisés par les frères Lumière, puis la fameuse déclaration d’ouverture du festival par les stars sur scène et par les spectateurs dans la salle.

Une dernière séance

Pour conclure, Eddy Mitchell est monté sur scène, entouré de Thierry Frémaux et Bertrand Tavernier, et a joué les prêcheurs. Véritable bible du cinéma et de ses anecdotes, Mister Eddy a été révélé au cinéma par Coup de Torchon du même Tavernier. Ce dernier a pris la parole : « Pour jouer un imbécile (personnage de Nono), seul quelqu’un de très intelligent pouvait le faire! » Eddy Mitchell, connu principalement comme chanteur, a aussi eu une véritable carrière au cinéma, de Coup de Torchon à Les Petits Princes en passant par Le bonheur est dans le pré, Cuisine américaine, I love you, À mort l’arbitre! etc. Le cinéma selon Eddy Mitchell, « il est tombé dedans petit. A la sortie de l’école, mon père venait me chercher et si je n’avais pas de devoir, on allait au ciné! ».

Puis toute la salle a entonné un karaoké sur La Dernière séance avant de laisser place à Hitchcock sur l’écran. Car cette année c’est La mort aux trousses qui a été projeté. Un vrai bonheur de retrouver Cary Grant et son humour en toutes circonstances face à la sublime Eva Marie Saint dans ce thriller spectaculaire qui compte au moins deux scènes d'anthologie du 7e art: la poursuite dans le champ de maïs et le final sur le Mont Rushmore.

Voilà, la neuvième édition du Festival Lumière est lancée et le rideau sur l’écran est tombé. Mais il va se lever à de très nombreuses reprises dans les salles obscures de Lyon et du Grand Lyon et ce jusqu’à dimanche 22 octobre. Projections, Ciné-concerts, Master-class, Rencontres, Dédicaces… la semaine promet d’être belle et riche cinématographiquement!

Un Airbnb pour se croire chez Wes Anderson

Posté par vincy, le 14 octobre 2017

Sur la route de Montréal à Toronto, il y a la (méconnue) presqu'île du Prince Edouard, un peu perdue au bord du Lac Ontario. Là, à Picton, Dayna a imaginé une maison à louer avec un décor qui sera familier aux fans de Wes Anderson. "J'ai toujours voulu être Tenenbaum. Chaque pièce de cette maison est inspirée d'un film du répertoire du réalisateur Wes Anderson, certaines plus subtilement que d'autres" explique la propriétaire.

Dans cette vieille résidence centenaire, on reconnaîtra ainsi l'univers du cinéaste: tableaux, objets, lits, meubles, livres, ... toute la décoration vous rappelle Moonrise Kingdom (beaucoup), La Vie aquatique, La Famille Tenenbaum, Fantastic Mr. Fox et A bord du Darjeeling Limited.

Toutes les infos et plus de photos sur la page Airbnb de Mr. Anderson's House.

Notons sinon que le prochain film du réalisateur, le film d’animation Isle of Dogs, avec les voix américaines de F. Murray Abraham, Bryan Cranston, Greta Gerwig, Jeff Goldblum, Akira Ito, Scarlett Johansson, Harvey Keitel, Bill Murray, Kunichi Nomura, Edward Norton, Yoko Ono, Liev Schreiber, Tilda Swinton et Akira Takayama, sera sur les écrans le 11 avril 2018. Il s'agit de l’histoire d’un enfant au Japon qui part à la recherche de son chien.

Edito : le cinéma d’animation à la fête

Posté par MpM, le 12 octobre 2017

Alors que la fête du cinéma d'animation bat son plein jusqu'à la fin du mois, avec de très nombreux événements, ateliers et projections à travers le monde, l'animation est aussi à la fête dans les sorties hebdomadaires ! Après Téhéran Tabou d'Ali Soozandeh, Dans la forêt enchantée de Oukybouky de Rasmus A. Sivertsen et Capitaine Superslip de David Soren mercredi dernier, arrivent sur les écrans cette semaine La passion Van Gogh de Dorota Kobiela et Hugh Welchman, le programme Quel Cirque ! distribué par Malavida, LEGO Ninjago : Le Film de Charlie Bean, Paul Fisher et Bob Logan et Un conte peut en cacher un autre de Jakob Schuh, Jan Lachauer et Bin-Han To.

En attendant le magnifique programme Le vent dans les roseaux d'Arnaud Demuynck, Nicolas Liguori et Rémi Durin le 18 octobre, ainsi que Zombillénium d'Arthur de Pins et Alexis Ducord (18/10), Le Monde secret des Emojis de Tony Leondis (18/10), Opération casse-noisettes 2 de Cal Brunker (25/10), Wallace & Gromit : Cœurs à modeler de Nick Park (08/11), L'étoile de Noël de Timothy Reckart (15/11), Ernest et Célestine en hiver de Julien Chheng et Jean-Christophe Roger (22/11), Les Moomins attendent Noël de Jakub Wro?ski et Ira Carpelan (29/11), Paddington 2 de Paul King (06/12), Drôles de petites bêtes d'Arnaud Bouron et Antoon Krings (13/12) ou encore Ferdinand de Carlos Saldanha (20/12).

Si une grosse majorité de ces sorties sont destinées au jeune public, les cinéphiles de tous âges trouvent désormais chaque semaine leur bonheur animé grâce à une large variété de styles, de genres et d'histoires. L'animation dite "adulte" se porte bien, de même que le cinéma "de patrimoine" qui revit peu à peu sur grand écran. Pour couronner cette belle effervescence du cinéma d'animation, la première cérémonie des European Animation Awards se tiendra à Lille le 8 décembre prochain. Y seront remis une vingtaine d' « Émile » (le nom du prix, en hommage à la fois à Émile Reynaud et Émile Cohl, deux pionniers de l’image animée) à des courts et longs métrages d'animation européens. Une première étape pour que l'animation cesse enfin d'être la cousine un peu pestiférée de la grande famille du cinéma.

Quel cirque ! Un programme d’animation enchanteur et insolite

Posté par MpM, le 11 octobre 2017

Ce n'est pas encore Noël, et pourtant Malavida nous gâte au-delà du raisonnable cette semaine avec Quel cirque !, un programme enchanteur de trois courts métrages réunis autour du thème du cirque, et issus de la grande école d'animation tchèque de la seconde moitié du XXe siècle.

Formant un ensemble cohérent, les trois films sont véritablement à destination de tous les publics, à partir de trois ans, et tellement captivants, voire émouvants, que des spectateurs adultes peuvent y aller sans hésiter, même s'ils n'ont pas d'enfants à accompagner.

Le premier film, Le petit parapluie, est réalisé par Bretislav Pojar en 1957. Cet animateur tchèque collaborateur de Jirí Trnka est connu pour sa virtuosité technique. Il a été récompensé à plusieurs reprises à Cannes (prix du film de marionnettes pour Un verre de trop en 1953, grand prix du court métrage pour Balablok en 1973 et prix du jury animation - court métrage pour Boom en 1979). Le petit parapluie, également sélectionné à Cannes en 1957, met en scène un personnage connu du grand public tchèque, Ole ferme l’œil, conçu par Trnka pour ses illustrations des Contes d’Andersen. Il est ici détourné de sa fonction première (aider les enfants à s'endormir) pour se transformer en une sorte de Monsieur Loyal facétieux et tout-puissant qui donne vie aux jouets de la maison et leur intime de se livrer à des numéros de cirque.

On est évidemment frappé par la poésie et la délicatesse de l'animation, notamment lorsque le personnage crée un Pierrot fait de bulles aériennes qui s’anime soudain, ou que des dragons de papier deviennent de terribles fauves à dompter. C'est ainsi tout un monde onirique qui apparaît ainsi sous nos yeux, le temps d'une unique représentation, magnifié par le travail de précision de Pojar, qui anime les marionnettes devant la caméra à l'aide d’une tringle, d’une gaine, d’une tige ou de fils en nylon translucides (l'un d'entre eux apparaît fugacement dans une scène) et combine ce premier plan avec une animation à plat et des ombres en arrière-plan.

Deux cœurs en piste de Zdenek Ostrcil est à la fois le film le plus récent du programme (1983), et le seul à ne pas être réalisé en volume. Le cinéaste, qui fut un proche collaborateur à la fois de Karel Zeman et de Hermina Tyrlova, choisit ici une animation image par image, en plans fixes, qui joue sur les échelles de plans pour donner un sentiment de dynamisme à l'action.

Très découpé, utilisant le montage alterné et les plans de coupe, le film raconte avec humour et légèreté une histoire d'amour contrariée entre l'acrobate et le clown du cirque. Plein de gags visuels, tournant en ridicule le "méchant" du récit, un monsieur Loyal fantoche à souhait, c'est clairement le film le plus comique du programme, ode à irrévérence, à la liberté d'esprit et à l'insouciance.

Enfin, Monsieur Prokouk acrobate de Karel Zeman et Zdenek Rozkopal reprend un personnage créé par Zeman en 1946 pour une série de films éducatifs dans lesquels il « découvre » qu’il est bon de modérer sa consommation d’alcool, de recycler ou de faire des économies. Il est donc surprenant, et par avance réjouissant pour le public, de le retrouver en acrobate dans un cirque itinérant. D'autant que Monsieur Propouk s'avère tout à fait à son aise dans cet univers où il présente un numéro époustouflant de patinage en duo avec un lion...

Dès la séquence d'ouverture, une parade d'embarcations toutes plus décalées les unes que les autres, on pénètre dans un monde insolite et humoristique qui mêle les prouesses visuelles à une très grande fantaisie. Les situations cocasses se succèdent, et détournent les attentes du spectateur : le lion danse avec la tête de son partenaire dans la gueule, il mange avec un couteau et une fourchette, le clown jongle avec un piano... La fin délivre malgré tout un message éducatif (afin de rester fidèle au personnage) qui passe d'autant mieux qu'il est distillé avec une bonne dose de second degré, à l'image du film lui-même. L'animation est évidemment remarquable, si fluide et naturelle qu'elle laisse totalement la place aux clins d’œil visuels et aux facéties du scénario.

C'est déjà une chance énorme que de pouvoir (re)découvrir ces chefs d'oeuvre de l'animation tchèque sur grand écran, mais en plus, un très beau dossier pédagogique permet de travailler sur les différents niveaux de lecture des films avec les plus jeunes, leur présentant à la fois des jeux et des informations pour mieux comprendre le principe du cinéma d'animation et, par extension, apprendre à lire et analyser l'image animée. Une occasion incontournable d'initier les jeunes cinéphiles au langage cinématographique tout en découvrant la féerie enchantée d'un monde du cirque, magnifié et même réinventé avec une fantaisie qui n'a rien perdu de son acuité.

Helen Mirren, Luke Evans, Cillian Murphy au casting du prochain Luc Besson

Posté par wyzman, le 10 octobre 2017

Luc Besson repart au combat. Après l'échec mondial de Valerian (224M$ amassés pour un budget de production estimé à 177M$), le scénariste, réalisateur et producteur de Lucy vient de dévoiler quel serait son prochain projet. Et une chose est sûre, il compte bien se rabibocher avec les critiques américaines. Pour son prochain film d'action intitulé Anna, le fondateur d'EuropaCorp a décidé de faire appel à la crème de la crème, soit l'actrice oscarisée pour son rôle dans The Queen Helen Mirren, la star de La Belle et la Bête Luke Evans et le favori de Christopher Nolan Cillian Murphy. Ils seront épaulés par Sasha Luss, la mannequin russe déjà aperçue dans Valerian.

Comme le rapporte très justement Variety, le tournage d'Anna devrait débuter le mois prochain et EuropaCorp en assurera la production. Quant à la distribution, pour ce qui est des Etats-Unis, c'est Summit Entertainment qui s'en occupera. L'an dernier, la société s'est occupée d'Insaisissables 2 et de Divergente 3. Enthousiasmé par ce nouveau projet, Jason Constantine, le directeur des qacquisitions de Lionsgate, la maison-mère de Summit Entertainment a déjà déclaré : "Luc [Besson] est un réalisateur visionnaire avec qui nous sommes fiers de poursuivre notre collaboration de longue date."

Assassiné par la presse américaine au moment de la sortie de Valerian, Luc Besson a la pression. S'il veut qu'EuropaCorp se remette sur pied, Anna doit être un carton. En effet, malgré ses 3,9 millions d'entrées en France, l'échec de son dernier film a sensiblement fragilisé l'équilibre financier de sa société de production. Comme le rappelait Capital le mois dernier, le blockbuster est loin d'avoir atteint son point de rentabilité. Aucune date de sortie concernant Anna n'a été communiquée pour le moment.

92 candidats pour l’Oscar du meilleur film en langue étrangère

Posté par vincy, le 6 octobre 2017

92 partants pour seulement 5 finalistes. Les Oscars ont reçu un nombre record de candidatures pour la catégorie de l'Oscar du meilleur film en langue étrangère. C'est sept de plus que l'an dernier.

En attendant la shortlist de décembre puis les nommés définitifs le 23 janvier (les Oscars, eux, seront remis le 4 mars 2018), on notera quelques anecdotes: la langue espagnole est dominante avec 14 films (contre 8 où l'on parle français); deux films sont sans dialogues (le tunisien et l'ukrainien) ; 5 films étaient en compétition à Cannes (4 d'entre eux étaient au palmarès) et il y a aussi le Teddy Award de Berlin comme le film franco-libanais L'insulte primé à Venise ; Haïti, le Honduras, le Laos, le Mozambique, le Sénégal et la Syrie proposent un film pour la première fois ; enfin on soulignera l'entrée du Cambordge avec un film produit par Rithy Panh dont la réalisatrice n'est autre qu'Angelina Jolie.

Les 92 pays candidats (en rouge les films en français, en souligné les films coproduits par la France):

Afghanistan: A Letter To The President de Roya Sadat
Afrique du SudLes initiés (Inxeba) de John Trengove
Albanie : Daybreak de Gentian Koçi
AlgérieLa route d’Istanbul de Rachid Bouchareb
AllemagneIn the Fade de Fatih Akin
ArgentineZama de Lucrecia Martel
ArménieYeva de Anahit Abad
AustralieThe Space between de Ruth Borgobello
AutricheHappy End de Michael Haneke
AzerbaijanPomegranate Orchard d’Ilgard Najaf
BelgiqueLe fidèle de Michaël R. Roskam
BengladeshThe Cage (Khacha) d’Akram Khan
BolivieDark Skull de Kiro Russo
Bosnie-HerzégovineMen Don’t Cry d’Alen Drljevic
BrésilBingo – The King of the Mornings (Bingo : O Rei das Manhãs) de Daniel Rezende
BulgarieGlory de Kristina Grozeva et Petar Valchanov
CambodgeFirst They Killed My Father : A Daughter of Cambodia Remembers d'Angelina Jolie
CanadaHochelaga, terre des âmes de François Girard
ChiliUne femme fantastique de Sebastián Lelio
ChineWolf Warrior 2 de Wu Jing
ColombieGuilty Men (Pariente) d’Ivan D. Gaona
Costa Rica :The Sound of Things d’Ariel Escalante
Corée du sudA Taxi Driver de Jang Hun
CroatieQuit Staring at My Plate de Hana Juši?
DanemarkYou Disappear de Peter Schønau Fog
EgypteSheikh Jackson d’Amr Salama
EquateurAlba d’Ana Cristina Barragán
EspagneEté 93 de Carla Simon
EstonieNovember d’Andrus Kivirahk
FinlandeTom of Finland de Dome Karukoski
France120 battements par minute de Robin Campillo
Géorgie :  Scary Mother d'Ana Urushadze
Grèce : Amerika Square de Yannis Sakaridis
HaïtiAyiti mon amour de Guetty Felin
HondurasMorazán de Hispano Durón
HongkongMad World de Wong Chun
HongrieCorps et âme (On body and soul) d’Ildikó Enyedi
Inde : Newton d’Amit V Masurkar
Indonésie :Turah de Wicaksono Wisnu Legowo
Irak : Reseba - The Dark Wind de Hussein Hassan
IrlandeSong of Granite de Pat Collins
IranBreath de Narges Abyar
IslandeUnder the Tree de Hafsteinn Gunnar Sigurdsson
IsraëlFoxtrot de Samuel Maos
Italie : A Ciambra de Jonas Carpignano
Japon :  Her Love Boils Bathwater de Ryota Nakano
KazakhstanThe Road to Mother d'Akan Satayev
KenyaKati Kati de Mbithi Masya
KirghizstanCentaur (Kentavr) d’Aktan Arym Kubat
KosovoUnwanted d’Edon Rizvanolli
LaosDearest Sister de Mattie Do
LettonieThe Chronicles of Melanie de Viestur Kairish
Liban : L'insulte de Ziad Doueiri
Lituanie : Frost de Sharunas Bartas
LuxembourgBarrage de Laura Schroeder
MarocRazzia de Nabil Ayouch
MexiqueTempestad de Tatiana Huezo
Mongolie The Children of Genghis de Zolbayar Dorj
MozambiqueThe Train of Salt and Sugar de Licinio Azevedo
NépalWhite Sun (Seto Surya) de Deepak Rauniyar
NorvègeThelma de Joachim Trier
Nouvelle-ZélandeOne Thousand Ropes de Tusi Tamasese
PakistanSaawan de Farhan Alam
PalestineWajib d’Annemarie Jacir
PanamaBeyond Brotherhood d’Arianne Benedetti
ParaguayLos Buscadores de Juan Carlos Maneglia et Tana Schembori
Pays-BasLayla M. de Mijke de Jong
PérouRosa Chumbe de Jonatan Relayze
PhilippinesBirdshot de Mikhail Red
Pologne Spoor d’Agnieszka Holland
PortugalSaint-Georges de Marco Martins
République dominicaineWoodpeckers de José María Cabral
République TchèqueIce Mother de Bohdan Slama
RoumanieFixeur d’Adrian Sitaru
Royaume-UniMy Pure Land de Sarmad Masud
RussieFaute d’amour d’Andreï Zvyaguintsev
Sénégal: Félicité de Alain Gomis
Serbie : Requiem for Mrs J de Bojan Vuleti?
SingapourPop Aye de Kirsten Tan
Slovaquie The Line de Peter Bebjak
SlovénieMiner d'Hanna A. W. Slak
SuèdeThe Square de Ruben Östlund
SuisseL’ordre divin de Petra Volpe
SyrieLittle Gandhi de Sam Kadi
Taïwan Small Talk de Hui-Chen Huang
ThailandeBy the Time it Gets Dark d’Anocha Suwichakornpong
TunisieThe Last of Us d’Ala Eddine Slim
TurquieAyla: The Daughter of War de Can Ulkay
UkraineBlack Level de Valentyn Vasyanovych
UruguayAnother Story of the World de Guillermo Casanova
Venezuela : El Inca d'Ignacio Castillo Cottin
ViêtnamFather and Son de Luong Dinh Dung

Retour sur le 10e Paris international animation Film Festival

Posté par MpM, le 4 octobre 2017

La 10e édition du Paris international animation Film Festival (PIAFF) s'est achevée mardi 26 septembre avec la proclamation du Palmarès. C'est Impossible figures and other stories II de Marta Pajek qui a remporté le grand Prix décerné par le jury. Il s'agit d'un film au graphisme très épuré (trait noir, rares touches de couleur) qui suit une jeune femme dans son appartement aux dimensions labyrinthiques.

On ne sait si elle s'y perd, ou choisir d'y déambuler au hasard, se laissant surprendre par les rencontres et les découvertes. Un film étrange et saisissant qui tend au spectateur un miroir pour qu'il puisse sonder à son tour les méandres de son labyrinthe intime. Un très beau choix de la part du jury qui va avec ce film vers un cinéma peu narratif et très elliptique.

Le palmarès

Figurent également au palmarès Vilaine Fille d'Ayce Kartal (Prix du jury), délicat récit à la première personne d'une petite fille ayant subi une agression ; Locus d'Anita Kwiatkowska-Naqvi, curieux Prix du scénario pour une œuvre à la beauté indéniable, réalisée avec des figurines translucides presque déchirantes, mais qui demeure assez absconse ; Min Borda de Niki Lindroth von Bahr (Prix de la mise en scène), comédie musicale existentielle dans laquelle des animaux chantent la solitude, l'absurdité du monde et le fardeau qui pèse sur leurs épaules (découvertà la Quinzaine des réalisateurs et couronné à Annecy) et Morning cowboy de Fernando Pomares (Prix d'interprétation ex-æquo avec Alphonse s'égare de Catherine Buffat et Jean-Luc Greco) qui raconte la révolte d'un homme qui décide de renouer avec ses rêves d'enfance.

On y retrouve aussi Orogenesis de Boris Labbe (Prix du meilleur son), indescriptible succession de plans en noir et blanc qui simulent la formation des montagnes sur la croûte terrestre, en une reconstitution presque aride d'un passé qui nous bouleverse par la seule force de ses images et enfin (Fool time) job de Gilles Cuvelier, fable clinique et désespérée sur un homme contraint d'accepter un travail terrifiant pour nourrir sa famille, mise en scène avec une précision et un sens de l'ellipse aussi admirables que glaçants.

Les temps forts

Cette 10e édition proposait en plus de la compétition professionnelle et films d'étudiants de nombreux temps forts permettant au public d'avoir un large aperçu de la production actuelle (films de commande, films du monde, films envisagés mais non retenus compétition, rencontres avec des auteurs comme Claude Barras ou Arthur de Pins, carte blanche au studio Train Train...).

Une très belle séance consacrée au cinéma de patrimoine, conçue par Jean-Baptiste Garnero du CNC, a également permis de découvrir l'œuvre primordiale et atypique de Peter Foldès, cet animateur d'origine tchèque installé en France, à qui l'on doit notamment le saisissant La faim mais aussi des œuvres plus légères comme des publicités pour Bahlsen et la Samaritaine, et même le générique de Stade 2. Un animateur qui fait date dans l'histoire de l'animation française comme mondiale notamment parce qu'il a décloisonné tous les genres et essaimé dans l'inconscient collectif. Ce fut également un pionnier de l'informatique, qui a très vite détecté ce que les nouvelles technologies pouvaient apporter à l'animation.

La compétition professionnelle


Moment phare du Festival, la compétition professionnelle a littéralement estomaqué par sa qualité et son audace. C'est vraiment le meilleur de l'animation mondiale qui a été rassemblé par le sélectionneur Alexis Hunot à travers 25 films qui mêlaient les genres et les techniques avec un sens très aigu du dosage. L'animation y était entendue ici au sens le plus noble du terme, sans concessions à son image tarte à la crème de genre léger, voire enfantin, qui privilégie la forme au fond. On a donc vu des films engagés, existentiels, profondément ancrés dans leur époque, parfois intimes, qui livrent du monde une vision en demi-teinte, entre désespoir et ironie, dénonciation et prise de conscience.

On a déjà cité le très fort (Fool time) job de Gilles Cuvelier, sur les extrémités auxquelles sont amenées certaines personnes pour survivre, ainsi que Min Börda de Niki kindroth von Bahr, sur l'extrême moderne solitude, mais on pourrait également parler de Airport de Michaela Müller qui montre comment les aéroports sont devenus des lieux anxiogènes de contrôle et de sécurité, où tout semble pouvoir déraper à tout moment ; Le curry de poisson d'Abhishek Verma sur un coming out tout en retenue entre un père et son fils ou encore Buddy Joe de Julien David qui donne la parole à son beau-père atteint de la maladie de Parkinson en chassant toute velléité de dramatisation lacrymale.

Un cinéma plus expérimental, plus formaliste aussi, était également présent. On pense notamment à l'hypnotique Orogenesis de Boris Labbé, ou au déconcertant Miller Fisher de Falyaz Jafri qui joue lui-aussi sur un cinéma purement sensoriel avec des plans répétés dont on ne peut détacher le regard. L'explication du film (il s'agit de l'expérience visuelle, physique et existentielle distordue de la maladie auto-immune du même nom, dont souffre le réalisateur)) importe au fond moins que l'impression saisissante que ces images opèrent sur celui qui les regarde. Casino de Steven Woloshen propose également un travail très visuel où des formes presque abstraites (qui évoquent la passion du jeu du père du réalisateur) bougent en adéquation avec une musique de jazz entraînante.

Nos chouchous


Enfin, parmi ces 25 films, trois nous ont plus particulièrement marqués. Il y a tout d'abord Diamenteurs de Chloé Mazlo (Oscar du meilleur court métrage en 2015 avec Les petits cailloux), une oeuvre hybride captivante qui utilise un matériau intime pour raconter un conte apparemment anodin aux accents pourtant universels. La réalisatrice travaille l'intime depuis ses premiers courts métrages et c'est, chez elle, une constante quasiment aussi forte que son travail d'animation mêlant stop Motion et prise de vue réelle.

Sa famille est donc presque naturellement la matière principale du film, que ce soit à travers des images d'archives familiales, via la voix de son père, qui est le narrateur, ou avec ses propres apparitions (et celles de ses frère et sœur) à l'écran. Mais elle le fait paradoxalement au service d'une narration qui n'a plus rien à voir avec l'histoire de sa famille puisqu'il s'agit de raconter le processus qui transforme un diamant brut en une pierre calibrée et polie prête à être montée en bijou. C'est petit à petit, dans le décalage entre les images et la voix-off, qu'apparaît le vrai sujet du film : le formatage tout aussi brutal que l'on fait subir à l'être humain dès la naissance.

Dans un style très différent, Toutes les poupées ne pleurent pas de Frédérick Tremblay (Prix du jury de la critique) laisse le spectateur dans un état de sidération difficilement descriptible. On est à la fois ébahi par l'expressivité des marionnettes qui sont au cœur du récit, frappé par l'intelligence de la mise en abîme (le film montre dans une grande épure, en prise de son direct, et sans musique, le tournage d'un film en stop-motion par un couple - également de marionnettes - qui ne se croise jamais) et émerveillé par la précision de la mise en scène à la fois au niveau du film dans le film (choix des plans, mouvements minuscules pour animer les marionnettes, magie de la succession de plans fixes qui recrée une histoire) et dans le récit lui-même qui effectue le même travail avec une force dramatique décuplée.

On est face à du grand art de l'animation, mais aussi devant une oeuvre solide, qui suggère et propose plusieurs niveaux de lecture sans jamais rien asséner, et fait naître de ses êtres pourtant inanimés des fulgurances existentielles déchirantes.

Enfin, Alphonse s'égare de Catherine Buffat et Jean-Luc Greco (prix d'interprétation ex-aequo) est un récit en apparence plus classique d'une initiation adolescente dans laquelle tout déraille. Le film crée un décalage systématique (avec  notamment la voix volontairement très nasillarde du personnage, mais aussi les situations et les dialogues) qui rend tout à la fois drôle et un peu tragique. On est dans ce moment symbolique de la fin de l'adolescence et du passage à l'âge adulte où tout s'emballe, parce que tout semble tout à coup possible et à portée de mains, mais sans pathos, sans psychologie de comptoir. Et c'est vrai que le film se moque allègrement de lui-même et de ses congénères teen-movies,  tout en rendant son (anti) héros terriblement attachant.

Pour son anniversaire, le PIAFF s'est ainsi offert une édition exemplaire et enthousiasmante, qui fera vraisemblablement date dans son histoire. De quoi galvaniser l'équipe organisatrice qui devra justement faire face, dès l'année prochaine, à de nouveaux défis, et notamment au départ de son directeur artistique.

Dinard 2017 : retour sur la compétition courts métrages

Posté par MpM, le 2 octobre 2017

Pour la 2e année consécutive, le Festival de Dinard proposait une compétition de courts métrages constituée de douze films datant des deux dernières années. Le jury présidé par Phil Davis et composé de la productrice française Manon Ardisson, la journaliste française Stéphanie Chermont et l’acteur britannique Michael Smiley, a décerné deux récompenses : une mention à The party de Andrea Harkin (drame sur le conflit irlandais mettant en scène des règlements de comptes sanglants entre une milice protestante et des adolescents catholiques) et le Grand Prix à We love Moses de Dionne Edwards (drame intime autour de l'homosexualité raconté à la première personne par une jeune adolescente). Le public, lui, à plébiscité The driving seat de Phil Lowe, comédie sur un couple d'âge mûr qui tente de pimenter sa vie sexuelle en faisant l'amour dans sa voiture.

Leurs choix vont dans le sens de la sélection elle-même, qui privilégiait majoritairement une forme de cinéma classique, narratif et consensuel, donnant du court métrage une vision assez balisée et traditionnelle : histoire courte reposant sur une idée ou un sujet, tenant souvent uniquement par ses dialogues, et ménageant une forme de chute finale. Face à ces propositions, le jury est allé dans la direction la plus logique, privilégiant un cinéma de bonne facture, pas franchement subtil, mais au sujet facilement identifiable et à l'impact émotionnel indéniable sur le spectateur.

Le reste de la sélection proposait notamment un court métrage maladroit sur les expulsions locatives à Londres (The nest de Jamie Jones), une comédie sympathique sur le sexisme bon teint de la première moitié du XXe siècle (Domestic policy d'Alicia MacDonald), un drame complaisant sur le veuvage et la difficulté de faire la paix avec son passé (Edith de Christian Cooke), une blague programmatique sur le décalage entre le discours d'experts et leur comportement (Bad advice de Matthew Lee) ou encore une allégorie un peu simpliste autour de la parentalité (Homegrown de Quentin Haberham). Des œuvres inégales qui ne brillent pas plus par leurs qualités cinématographiques que par leur finesse d'écriture.

On peut malgré tout distinguer Ghosted de Neville Pierce, sorte de comédie romantique hantée dans laquelle une jeune veuve (Alice Lowe) est importunée par le spectre de son mari (infidèle, en plus) lors de chacun de ses rendez-vous amoureux. Les dialogues loufoques et la construction assez rythmée font oublier l'aspect légèrement répétitif des situations, et surtout font pardonner une fin que l'on voit venir de loin.

Se détachent également deux films singuliers qui apportent à la sélection une autre forme de cinéma : White riot : London de Rubika Shah est un documentaire sur les affrontements liés aux questions d'immigration et de racisme qui ébranlèrent la Grande Bretagne à la fin des années 70. Avec des images d'archives et des témoignages actuels, il retrace la naissance d'un mouvement punk réuni autour du fanzine Temporary Hoarding qui relayait les informations tues par les autres médias, et dresse le parallèle avec la société actuelle.

Le principal reproche que l'on puisse faire au film est d'être trop court, ce qui tombe bien, car la réalisatrice a décidé de traiter le même sujet dans son premier long métrage.

Dans une veine plus expérimentale, mais tout aussi passionnante, Dear Marianne de Mark Jenkin est une succession de cartes postales en super 8 enregistrées par un voyageur originaire de Cornouailles qui cherche des points communs entre sa terre natale et les comtés irlandais de Wexford, Waterford et Cork qu'il traverse. Très simple et assez hypnotique, le film a à la fois une grande puissance d'évocation et une tonalité éminemment poétique. Quelque chose entre la magie de la découverte et la nostalgie des lieux de son enfance.

Et si tout cela reste forcément très subjectif, c'est sans hésiter le film que l'on retiendra de cette sélection en demi-teinte, dont on voit bien qu'elle se cherche encore,  essayant pour le moment de privilégier la pédagogie (amener le grand public au court métrage) au détriment d'une certaine audace de programmation.