La Favorite repart avec 8 prix aux European Film Awards 2019

Posté par redaction, le 8 décembre 2019

La 32e cérémonie des European Film Awards, samedi 7 décembre à Berlin a couronné La Favorite de Yorgos Lanthimos, qui est reparti avec huit prix dont ceux du meilleur film et du meilleur réalisateur.

Les EFA ont remercié Agnieszka Holland qui achevait son mandat de six ans à la présidence, fait une standing ovation au cinéaste ukrainien récemment libéré par la Russie Oleg Sentsov, et annoncé la création d’un fond pour aider les cinéastes mis en danger à cause de leur art. Claire Denis a remis un prix à Juliette Binoche pour sa contribution au cinéma mondial. Le cinéaste allemand Werner Herzog a reçu lui aussi un prix pour l'ensemble de son œuvre. Son discours, vivement applaudi, a été un plaidoyer pour l'Europe.

Si La Favorite a raflé une grande partie des distinctions, dont celle de la meilleure actrice pour Olivia Colman, oscarisée en février dernier, et celle de la comédie européenne de l'année, le cinéma français s'en est plutôt bien tiré, avec un prix de la découverte européenne pour Les Misérables et deux prix pour Portrait de la jeune fille en feu. Le cinéma espagnol a été couronné par quatre prix au total, dont ceux du meilleur acteur pour Antonio Banderas, prix d'interprétation à Cannes, et du meilleur film d'animation. Si La Favorite permet au festival de Venise de truster 8 trophées, le Festival de Cannes fait presque jeu égal avec 7 prix.

Film européen 2019: La Favorite de Yórgos Lánthimos
Documentaire européen 2019: Pour Sama de Waad al-Kateab et Edward Watts
Réalisateur européen 2019: Yórgos Lanthimos pour La Favorite
Actrice européenne 2019: Olivia Colman dans La Favorite
Acteur européen 2019: Antonio Banderas dans Douleur et gloire
Scénariste européen 2019: Céline Sciamma pour Portrait de la jeune fille en feu
Comédie européenne 2019: La Favorite de Yórgos Lánthimos
Découverte européenne 2019: Les Misérables de Ladj Ly
Film d'animation européen 2019: Buñuel après L'âge d'or de Salvador Simó
Court métrage européen 2019: Cadoul de Craciun de Bogdan Muresanu
Prix du public: Cold War de Pawel Pawlikowski
Prix European University Film Award : Portrait de la jeune fille en feu de Céline Sciamma
Prix de la série européenne : Babylon Berlin

Le 19 novembre, La Favorite avait aussi récolté le prix de la meilleure photographie (Robbie Ryan), le prix du meilleur montage (Yorgos Mavropsaridis), le prix des meilleurs costumes (Sandy Powell) et le prix des meilleurs coiffure-maquillage (Nadia Stacey).
Antxon Gomes a été récompensé du prix des meilleurs décors pour Douleur et Gloire de Pedro Almodovar.
John Gürtler est a reçu le prix de la meilleure musique pour Benni (SystemSprenger) de Nora Fingscheidt
Le prix du meilleur son a été décerné à Eduardo Esquide, Nacho Royo-Villanova & Laurent Chassaigne pour Companeros, d' Alvaro Brechner. Enfin, le prix des meilleurs effets visuels est revenu à Martin Ziebell, Sebastian Kaltmeyer, Néha Hirve, Jesper Brodersen & Torgeir Busch pour leur film About Endlessness de Roy Andersson.

Berlin 2017: « On Body and Soul » remporte quatre prix dont l’Ours d’or

Posté par vincy, le 18 février 2017

Si l'Ours d'or a échappé à Aki Kaurismäki, qui hérite quand même du prix de la mise en scène, le palmarès de cette 67e Berlinale révèle que les favoris sont tous présents au tableau d'honneur, couronnant toute une palette de cinémas venant d'Asie, d'Amérique latine, d'Afrique ou d'Europe. Il y a peu d'impairs (nos pronostics, dans le désordre hiérarchique certes) étaient assez justes, hormis cet étrange prix Alfred Bauer à un film qui n'ouvre pas tant de perspectives et l'absence de Colo de Teresa Villaverde (qui elle aurait éventuellement mérité le prix Alfred Bauer).

La diversité était là. Mais finalement c'est On Body and Soul, film hongrois de la cinéaste Ildiko Enyedi qui l'a emporté après avoir glané le prix du jury écuménique, le prix de la critique internationale et le prix du jury des lecteurs du Berliner Morgenpost. Un grand chelem en quelque sorte pour ce film sensible qui a fait l'unanimité. Rappelons que la réalisatrice avait remporté la Caméra d'or en 1989 à Cannes pour Mon XXe siècle (Az én XX. szazadom).

Ours d'or du meilleur film: On Body and Soul, de Ildiko Enyedi
Grand prix du jury: Félicité d'Alain Gomis
Ours d'argent de la mise en scène: Aki Kaurismäki pour L'autre côté de l'espoir
Ours d'argent de la meilleure actrice: Kim Minhee dans On the beach at night alone de Hong SangSoo
Ours d'argent du meilleur acteur: Georg Friedrich dans Helle Nächte de Thomas Arslan
Ours d'argent du meilleur scénario: Una mujer fantastica de Sebastian Lelio et Gonzalo Maza
Prix Alfred-Bauer (récompensant un film ouvrant de nouvelles perspectives): Spoor d'Agnieszka Holland
Ours d'argent de la meilleure contribution artistique: Dana Bunescu pour le montage d'Ana, mon amour

Meilleur documentaire:
Istiyad Ashbah (Ghost Hunting) de Raed Andoni

Meilleur premier film:
Estiu 1993 (Summer 1993) de Carla Simon

Ours d'or d'honneur: Milena Canonero
Berlinale Kamera: Nansun Shi, Geoffrey Rush, Samir Farid

Ours d'or du meilleur court métrage:
Cidade Pequena (Small Town) de Diego Costa Amarante
Ours d'argent du meilleur court métrage:
Ensueno en la pradera d'Esteban Arrangoiz Julien

Berlinale Shorts - Audi Short Film Awards:
Street of Death de Karam Ghossein et Jin Zhi Xia Mao (Anchorage Prohibited) de Chiang Wei Liang

Panorama (prix du public)
- Meilleur film: Insyriated de Philippe Van Leeuw (2e place: Karera ga Honki de Amu toki wa (Close-Knit) de Naoko Ogigami, 3e place: 1945 de Ferenc Török)
- Meilleur documentaire: I Am Not Your Negro de Raoul Peck (2e place: Chavela de Catherine Gund et Daresha Kyi ; 3e place: Istiyad Ashbah (Ghost Hunting) de Raed Andoni)

Prix du jury écuménique
- Compétition : On Body and Soul de Ildiko Enyedi
Mention spéciale: Una mujer fantástica de Sebastian Lelio
- Panorama: Tahqiq fel djenna de Merzak Allouache
Mention spéciale: I Am Not Your Negro de Raoul Peck
- Forum: Maman Colonelle de Dieudo Hamadi
Mention spéciale: El mar la mar de Joshua Bonnetta and J.P. Sniadecki

Prix de la FIPRESCI
- Compétition : On Body and Soul de Ildikó Enyedi
- Panorama: Pendular de Julia Murat
- Forum: Shu'our akbar min el hob de Mary Jirmanus Saba

Prix CICAE du cinéma art et essai
- Panorama: Centaur de Aktan Arym Kubat
- Forum: Newton d'Amit V Masurkar

Label Europa Cinema
Insyriated de Philippe Van Leeuw

Prix Caligari
El mar la mar de Joshua Bonnetta et J.P. Sniadecki

Prix Amnesty International
La libertad del diablo d'Everardo González

Prix du jury des lecteurs du Berliner Morgenpost
On Body and Soul de Ildiko Enyedi

Prix des lecteurs du Tagesspiegel
Maman Colonelle de Dieudo Hamadi

Generation Kplus
- Crystal Bear du meilleur film: Piata lo' (Little Harbour) d'Iveta Grofova
- Mention spéciale: Amelie rennt (Mountain Miracle – An Unexpected Friendship) de Tobias Wiemann
- Crystal Bear du meilleur court métrage: Promise de Xie Tian
- Mention spéciale: Hedgehog's Home d'Eva Cvijanovic
- Grand Prix Generation Kplus du meilleur film (ex-aequo): Becoming Who I Was de Chang-Yong Moon et Jin Jeon ; Estiu 1993 (Summer 1993) de Carla Simon
- Prix spécial du jury Generation Kplus pour le meilleur court: Aaba (Grandfather) de Amar Kaushik

Compass Perspektive Award : Die Beste aller Welten d'Adrian Goiginger

Berlin 2017 : Combats au féminin

Posté par MpM, le 12 février 2017

Cette 67e Berlinale fait décidément la part belle aux femmes. Après l'histoire d'une mère courage congolaise dans Félicité d'Alain Gomis hier, la compétition réservait aujourd'hui deux autres portraits de femmes singulières, toutes deux en lutte pour leurs idées. D'un côté celui d'une vieille dame originale obsédée par la protection animale dans Spoor d'Agnieszka Holland, et de l'autre une jeune femme rejetée par la famille de son compagnon après la mort de celui-ci dans Una mujer fantastica de Sebastian Lelio.

Spoor

Agnieszka Holland met en effet en scène une femme d'âge mûr, extrêmement dynamique, qui ne supporte pas l'idée de la souffrance animale. Malheureusement entourée de chasseurs dans une région où la chasse est clairement l'occupation préférée des habitants, elle ne cesse d'alerter les autorités sur les exactions des uns et des autres. Le film croise plusieurs intrigues qui sont l'occasion d'observer la vie quotidienne dans cette région isolée de Pologne, et de dessiner quelques jolis portraits de personnages décalés. Hormis l'héroïne, qui ne veut être appelée que par son nom de famille, et croit dur comme fer à l'astrologie, on croise ainsi un ingénieur minimaliste qui refuse de posséder plus de 80 objets, un vieil homme qui cache un lourd secret, une jeune fille qui se bat pour obtenir la garde de son frère placé en orphelinat...

Le style est pompier, le scénario manque de subtilité, et le ton oscille entre la fable écologique ironique et la farce grand-guignolesque, mais il faut reconnaître à la réalisatrice l'audace d'y aller à fond en faisant de son agaçante héroïne une véritable Don Quichotte au féminin, qui fustige à la fois la religion et le machisme et ne cesse de n'en faire qu'à sa tête. En tant que spectateur, on a l'impression d'un film en forme de montagnes russes et qui ne fait jamais dans la nuance.

Le personnage, toutefois, marque par sa fausse candeur et sa vraie capacité de nuisance. Cette vieille dame un peu folle qui préfère ses chiens aux hommes, et pleure à l'idée de l'holocauste subi quotidiennement par les insectes, est un esprit libre et entier comme on en voit peu souvent au cinéma. Ne s’embarrassant ni de réalisme, ni de mesure, la réalisatrice évite soigneusement les pièges d'un cinéma trop balisé, quitte à en faire des tonnes. Cinématographiquement, c'est trop boursouflé pour être pleinement satisfaisant. Mais humainement, on a tous envie de rejoindre la communauté de doux-dingues que cette héroïne hors normes parvient à fédérer autour d'elle.

Una mujer fantastica (attention, spoiler)

Sebastian Lelio, lui, avait fait sensation a Berlin en 2013 avec Gloria, déjà un beau portrait de femme. Ce rôle d'une quasi soixantenaire  qui cherche à donner un nouvel élan à sa vie avait d'ailleurs valu un prix d’interprétation (mérité) à la comédienne Paulina Garcia. L'histoire pourrait bien se répéter cette année avec Una mujer fantastica qui offre un rôle particulièrement fort à la merveilleuse actrice Daniela Vega. On peut avoir des réserves sur le travail du cinéaste chilien, pas toujours subtil dans la démonstration: impossible toutefois de ne pas lui reconnaître un véritable talent dans la direction d'acteur.

Ici, il raconte l'histoire de Marina, une jeune chanteuse qui vient de perdre son compagnon. La famille de celui-ci entend la tenir à distance des funérailles et supprimer au plus vite tout ce qui avait pu les relier. C'est d'autant plus violent que Marina est une jeune femme transsexuelle, perpétuellement renvoyée à cette condition. Ses interlocuteurs alternent les questions malsaines (ah, la fameuse obsession du mâle hétérosexuel sur l'avancement de "l'opération" !) et les réflexions glauques (l'ex-femme de son compagnon la traitant carrément de "chimère" - on vous épargne les insultes). La transphobie est ici terriblement palpable et banale, d'une facilité déconcertante, puisqu'elle s'adresse à un individu considéré comme fantomatique et sans consistance, puisque sans étiquette.

Marina, pourtant, se bat pour obtenir ce qui lui semble son droit le plus élémentaire : avoir la possibilité de dire adieu au défunt et d'entamer son travail de deuil. Sebastian Lelio la filme symboliquement en train de marcher contre le vent, rien ne pouvant la faire dévier de sa trajectoire, et c'est l'impression que donne le personnage tout au long du film. Marina n'a rien d'une victime, et si elle est émouvante, c'est par sa capacité à ne pas baisser les bras. Une force de caractère qui passe par la persévérance et l'affirmation de soi plutôt que par la violence ou les cris. Car Marina ne supplie pas et ne demande pas de faveur. Elle réclame simplement le droit élémentaire d'être traitée comme n'importe quel être humain. Malgré ses maladresses et ses facilités de scénario, Una mujer fantastica est ainsi un film indispensable qui fait acte de pédagogie tout en racontant l'histoire éminemment universelle d'un combat pour le droit à l'égalité.

Ainsi, après seulement trois jours de compétition, c'est déjà une évidence : à Berlin, cette année encore, les femmes, quelles qu'elles soient et d'où qu'elles viennent, semblent bien décidées à prendre la main. Y compris sur le palmarès ?

Berlin 2017: déjà 10 films de la compétition révélés

Posté par vincy, le 15 décembre 2016

La 67e Berlinale (9-19 février) a commencé la révélation de ses sélections avec 10 films en compétition, parmi lesquels les nouveaux films de Teresa Villaverde, Alain Gomis, Sally Potter, Agnieszka Holland et Aki Kaursimäki. A cela s'ajoutent trois films hors compétition. Le jury est présidé cette année par Paul Verhoeven.

Competition

  • A teströl és a lélekröl (On Body and Soul) de Ildiko Enyedi (Hongrie), avec Géza Morcsányi, Alexandra Borbély, Zoltán Schneider
  • Ana, mon amour de C?lin Peter Netzer (Roumanie), avec Mircea Postelnicu, Diana Cavallioti, Carmen T?nase, Adrian Titieni, Vlad Ivanov
  • Beuys de  Andres Veiel (Allemagne), documentaire
  • Colo de Teresa Villaverde (Portugal), avec João Pedro Vaz, Alice Albergaria Borges, Beatriz Batarda, Clara Jost
  • The Dinner d'Oren Moverman (USA), avec Richard Gere, Laura Linney, Steve Coogan, Rebecca Hall, Chloë Sevigny
  • Félicité de Alain Gomis (France), avec Véro Tshanda Beya, Gaetan Claudia, Papi Mpaka
  • The Party de Sally Potter (Royaume Uni), avec Patricia Clarkson, Bruno Ganz, Cherry Jones, Emily Mortimer, Cillian Murphy, Kristin Scott Thomas, Timothy Spall
  • Pokot (Spoor) de Agnieszka Holland (Pologne), avec Agnieszka Mandat, Wiktor Zborowski, Miroslav Krobot, Jakub Giersza?, Patricia Volny, Borys Szyc
  • Toivon tuolla puolen (The Other Side of Hope) de Aki Kaurismäki (Finlande), avec Sakari Kuosmanen, Sherwan Haji (photo)
  • Una Mujer Fantástica de Sebastián Lelio (Chili), avec Daniela Vega, Francisco Reyes, Luis Gnecco, Aline Küppenheim, Amparo Noguera

Berlinale Special

  • La Reina de España (The Queen of Spain) de Fernando Trueba (Espagne), avec Penélope Cruz, Antonio Resines, Chino Darín, Cary Elwes, Mandy Patinkin, Neus Asensi, Ana Belén
  • Le jeune Karl Marx (The Young Karl Marx) de Raoul Peck (France), avec August Diehl, Stefan Konarske, Vicky Krieps, Hannah Steele, Olivier Gourmet
  • Últimos días en La Habana (Last Days in Havana) de Fernando Pérez (Cuba), avec Jorge Martínez, Patricio Wood, Gabriela Ramos

La dernière charge d’Andrzej Wajda (1926-2016)

Posté par vincy, le 10 octobre 2016

Le réalisateur polonais Andrzej Wajda est mort dimanche 9 octobre dans la soirée à Varsovie à l'âge de 90 ans des suites d'une insuffisance pulmonaire. Oscar pour l'ensemble de sa carrière en 2000, Ours d'or d'honneur en 2006 et Ours d'argent pour sa contribution au cinéma en 1996 à Berlin, Palme d'or en 1981 pour L'homme de fer et prix spécial du jury en 1957 pour Ils aimaient la vie à Cannes, Lion d'or d'honneur en 1998 à Venise, César d'honneur en 1982 et César du meilleur réalisateur pour Danton en 1983, Prix Louis Delluc pour Danton en 1982 et BAFTA du meilleur film étranger pour Danton en 1984, le cinéaste était l'une des grandes figures du cinéma européen de la seconde moitié du XXe siècle.

Il a accompagné l'histoire de la Pologne depuis l'après guerre jusqu'en 2014.  Né le 6 mars 1926 à Suwalki , Andrzej Wajda a d'abord voulu être, comme son père, militaire de carrière. Sans succès. Son pays est alors envahi par l'Allemagne nazie. Il commence alors des cours de peinture, et, après un passage à l'Académie des Beaux-Arts de Cracovie, il intègre la célèbre école de cinéma à Lodz.

Figure de proue de l'Ecole de cinéma de Lodz

Sa filmographie, prolifique, suivra la respiration de la Pologne. Après la guerre, il réalise quelques courts métrages avant de filmer son premier long en 1955, Une fille a parlé (Génération), qui suit des jeunes de Varsovie pendant l'Occupation nazie. Avec Ils aimaient la vie (Kanal), œuvre sur l'insurrection de Varsovie, il signe son premier film reconnu dans un grand Festival international, tandis que Jerzy Kawalerowicz et Roman Polanski émergent en parallèle.

L'expérience douloureuse de la guerre et la résistance contre les nazis croisent ainsi l'héroïsme et le romantisme polonais. Il aime les révolutionnaires, les résistants, les combats qui bousculent l'Histoire. Wajda devient très rapidement un grand nom du cinéma. Mais avant tout, contrairement à Polanski, lui décide de rester dans son pays. Hormis trois films dans les années 1980, il préfère accompagner l'évolution d'une Pologne déchirée ou explorer son passé mouvementé. Wajda c'était la mémoire vivante de l’histoire de la Pologne, dans ce qu'elle a de meilleur et dans ce qu'elle a vécu de pire. Lui même résistant contre les Nazis quand il était adolescent, il en a fait un film sublime, Cendres et diamant (Popiól i diament, 1958, photo). La seconde guerre mondiale est encore présente dans La dernière charge (Lotna, 1959), Samson (1961) ou Landscape after Battle sur les Camps de concentration (1970). Il remonte le temps avec Cendres (Popioly, 1965) avec les guerres napoléoniennes.

Une Palme d'or qui le sauve

Il puise même dans le patrimoine littéraire polonais avec Le bois de bouleaux (Brzezina, 1970), Les Noces (Wesele, 1972), La Terre de la grande promesse (Ziemia obiecana, 1974), Pan Tadeusz, quand Napoléon traversait le Niemen (1999), La Vengeance (2002). Il adapte aussi Joseph Conrad avec La ligne d'ombre (1976) et l'auteur polonais contemporain Tadeusz Konwicki avec Chronique des événements amoureux (1986). Car Wajda aimait aussi le romanesque et s'essayait à d'autres genres, de la fresque historique à la comédie romantique en passant par le mélo et le musical (Les innocents charmeurs en 1960, La croisade maudite en 1968, Tout est à vendre, Polowanie na muchy en 1969, Les demoiselles de Wilko en 1979, Le chef d'orchestre en 1980, avec l'immense John Gieguld).

Le grand virage s'opère en 1977 avec un premier film réellement ancré dans son époque, L'Homme de marbre, critique de la Pologne communiste. Le titre en lui-même évoque une statue déchue d'un prolétariat opprimé. Trois ans plus tard plus tard, il signe une suite avec L'Homme de fer (photo), racontant pratiquement en temps réel l'épopée de Solidarité, le premier syndicat libre du monde communiste, emmené par un certain Lech Walesa, qui deviendra président de la Pologne quelques années plus tard. Le film emporte la Palme d'or.

"Le jour de la Palme a été très important dans ma vie, bien sûr. Mais j'étais conscient que ce prix n'était pas uniquement pour moi. C'était aussi un prix pour le syndicat Solidarité", avait-t-il expliqué. C'est aussi cette Palme d'or qui le sauve de la prison alors que de nombreux amis du cinéaste sont incarcérés lors du coup de force du général Wojciech Jaruzelski contre Solidarnosc en décembre 1981.

Exils artistiques

C'est aussi à cause de son opposition au régime de Jaruzelski qu'il décide de réaliser des films à l'étranger, avec la participation d'Agnieszka Holland à chacun de ces scénarios: Danton (1983) avec Gérard Depardieu, Un amour en Allemagne (1986) avec Hanna Schygulla, ou Les Possédés (1988) avec Isabelle Huppert, coécrit avec Jean-Claude Carrère d'après le classique Dostoïevski. Il reviendra à l'auteur russe dans un téléfilm en 1992, Crime et châtiment et dans un long métrage, Nastazja (d'après un chapitre de L'idiot) en 1994.

Après la chute du communisme en 1989, Andrzej Wajda revient à l'Histoire avec notamment la seconde guerre mondiale et les Juifs dans Korczak (1990), le patriotisme polonais dans L'Anneau de crin (1993) ou le ghetto de Varsovie dans La Semaine Sainte (1995), coécrit avec Jerzy Andrzejewski .

Andrzej Wajda a aussi mis en scène une quarantaine de pièces de théâtre. Par ailleurs, ce grand passionné de la culture japonaise a créé en 1994 à Cracovie un centre de civilisation japonaise, Manggha. Et en 2002, il avait lancé sa propre école de cinéma et d'écriture de scénarios.

De son cinéma, on retiendra une intensité jamais démentie, des séquences parfois baroques ou tourbillonnantes, des transes flamboyantes avec des acteurs en sueur, des héros insolents tandis qu'il n'a jamais été frontalement dissident. Finalement, Wajda luttait contre l'amnésie, aimait profondément les martyrs et son cinéma transposait les destins avec des grands angles, des images fortes visuellement, comme un peintre (les Beaux-Arts, ça marque) jetait son sujet dans un grand tableau rempli de multiples détails.

Candidat à l'Oscar en 2017

Après quelques téléfilms et documentaires, ainsi qu'une comédie transposée d'une pièce de théâtre, Zemsta en 2002, où Roman Polanski tient l'un des rôles principaux, il revient par la grande porte en 2007 avec Katyn (photo). En rétablissant la véritable version des faits, il y raconte l'histoire tragique de son propre père, Jakub Wajda, qui fut l'un des 22500 officiers polonais massacrés par les Soviétiques en 1940, notamment à Katyn. Mais Wajda reste ouvert à toutes formes de récit, comme en témoigne Tatarak, où une femme d'un certain âge, malheureuse dans son couple, retrouve une jeunesse en fréquentant un beau jeune homme (2009). Il retrouve Lech Walesa pour un biopic, L'homme du peuple (2013). Enfin, son dernier film, Powidoki (Après-image, 2016, le film doit sortir en janvier 2017 en Pologne), a a été présenté en avant-première il y a quelques semaines aux Festivals de Venise et de Toronto et a été choisi comme candidat polonais à l'Oscar du meilleur film en langue étrangère. Le film suit les dernières années de la vie du peintre avant-gardiste, Wladyslaw Strzeminski, qui s'est battu contre l'idée dogmatique de l'art que voulait imposer Staline. Très critique à l'égard du pouvoir ultra-conservateur actuellement à la tête de la Pologne, les critiques y ont vu une métaphore critique à l'égard du régime de son pays. Wajda a toujours été à la fois une conscience morale et un cinéaste qui réveillait les Mémoires.

Lors de la rétrospective qui lui était consacrée à la cinémathèque française, le dossier de présentation rappelait: "Rares sont les cinéastes en effet qui se vouent si fidèlement à l’histoire et à la culture de leur pays. Il le fit, lui, avec une détermination jamais démentie. Avec vocation, pourrait-on dire, au risque que cela le desserve sur le plan international. Plus polonais que Bergman était suédois, Fellini italien, Buñuel espagnol ou Welles américain, Wajda a parfois pâti du caractère national de ses films. Il le dit fièrement : « Mes films sont polonais, faits par un Polonais, pour un public polonais »."

Cannes 2015 : Hommage à Roger Deakins, chef op des frères Coen, de Denis Villeneuve et de Sam Mendès

Posté par kristofy, le 23 mai 2015

Pour sa 3e édition, le Prix Pierre Angénieux Excellens in Cinematography, remis hier au Festival de Cannes, a rendu hommage à un directeur de la photographie. Après Philippe Rousselot et Vilmos Zsigmondn c'est le britannique Roger Deakins, directeur de la photographie de Barton Fink la Palme d'or des frères Coen, qui a été honoré. Cette année, Deakins est en compétition en tant que directeur de la photographie de Sicario, réalisé par Denis Villeneuve.

12 fois nommé à l'Oscar, Commandeur de l’Ordre de l’Empire Britannique en reconnaissance de son travail depuis ses débuts en 1975, Deakins a été directeur de la photographie de films comme 1984 de Michael Radford, Les évadés de Frank Darabont, La dernière marche de Tim Robbins, Kundun de Martin Scorsese, Un homme d’exception de Ron Howard, Le village de M. Night Shyamalan, Jarhead et Les noces rebelles de Sam Mendès, L'Assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford de Andrew Dominik, Dans la vallée d'Elah de Paul Haggis, Rango de Gore Verbinski, Invincible de Angelina Jolie, et de 11 films de Joel et Ethan Coen. Les images du James Bond Skyfall n c’est aussi lui.

Pour cet hommage à Cannes plusieurs invités qui ont travaillé avec lui se sont succédés sur scène pour évoquer une anecdote sur le chef opérateur:  Irène Jacob, Dennis Villeneuve, Jake Gyllenhaal, Frances McDormand, les frères Coen. Un montage d’extraits de ses films a été montré durant la cérémonie prouvant que Roger A. Deakins a su créé un style visuel, très léché, presque perfectionniste, de nombreux films que l'on a tous vus, avec une manière sans pareil de capter les ombres d'un visage et de magnifier n'importe quel paysage.