2016, 2e meilleure année pour la fréquentation des salles en 50 ans

Posté par vincy, le 30 décembre 2016

La courbe de la fréquentation des salles est repartie à la hausse selon les premières estimations de la FNCF (Fédération nationale des cinémas français). En 2016, 213 millions de spectateurs ont été au cinéma, soit une hausse de 3,6%.
Il s'agit du deuxième meilleur résultat depuis 1966 pour l'exploitation hexagonale, derrière les 217 millions de spectateurs en 2011 (Intouchables). La France conforte ainsi sa place de leader européen, et se classe parmi les 5 grands marchés mondiaux avec les Etats-Unis, la Chine, l'Inde et le Japon.

Cette année fut pourtant bien spécifique: aucun film n'a dépassé les 5 millions de spectateurs. Pas de locomotive. C'est une première pour une année avec plus de 200 millions de spectateurs. C'est aussi une année record pour le nombre de nouveautés sorties en salles avec plus de 700 films inédits. Cette surprogrammation pose évidemment des problèmes, accentuant la concentration des spectateurs sur deux ou trois films les meilleures semaines et rejetant une dizaine de films au bout de une ou deux semaines d'exploitation.

La domination américaine

Parmi la cinquantaine de films millionnaires, trois films dépassent les 4 millions de spectateurs: deux Disney (Zootopie, Vaiana) et une comédie française (Les Tuche 2). 9 autres films ont séduit plus de 3 millions de spectateurs: The Revenant, Deadpool, Comme des bêtes, Le livre de la jungle, L'âge de glace: les lois de l'univers, Le monde de Dory, Les animaux fantastiques, Camping 3 et Rogue One: A Star Wars Story.
On constate facilement que sur ces douze succès, 5 sont des films d'animation. Remakes ou reboots ou sequels ou spin-off menacent les histoires originales parmi les succès de l'année avec 23 titres dans le Top 50.
On ne compte qu'un drame, que deux films français (deux suites de comédies), cinq sont distribués par Disney. Logiquement, Disney est leader des distributeurs en France avec près de 15% de parts de marché, devant la Fox (14%), Warner Bros, Pathé et Universal.

Environ 55% des spectateurs ont été voir un film américain, 34% un film français (avec 16 films millionnaires) et 11% un film d'une autre nationalité (Bridget Jones Baby et Juste la fin du monde en tête).

Bilan 2016 : le cinéma de genre en mutation

Posté par kristofy, le 28 décembre 2016

C’était quoi le cinéma de genre en 2016 ?

Depuis quelques années, en fait depuis Paranormal Activity en 2007, les films qui ont pour unique promesse de faire sursauter le spectateur avec des apparitions fantômes dans le noir ou des possessions démoniaques se suivent et se ressemblent presque tous. Cette année il y a eu par exemple Conjuring 2: le cas Enfield (29 juin), Dans le noir (24 août), Ouija : les origines (2 novembre), Don’t Breathe, la maison des ténèbres (5 octobre), et même un remake du légendaire Blair Witch (21 septembre). A noter d’ailleurs que deux films français qui, à leur manière, ont marqué le cinéma de genre tricolore ont eu leur remake en langue anglaise, Martyrs et A l’intérieur (mais aucun des deux n'est sorti en salles).

Et en France ? Il y a eu cinq films notables en 2016 qui, bien que très différents les uns des autres, ont été intéressants pour le ‘genre’. Julien Séri est enfin de retour avec Night Fare (13 janvier) et son mystérieux chauffeur de taxi, suivi de Julien Leclercq avec ses Braqueurs (4 mai). Jean-François Richet s’est retrouvé de nouveau aux commandes d’un film américain (10 ans après le remake de Assaut sur le central 13) avec Blood father (31 août) et signe par la même occasion le retour en grâce de Mel Gibson lors d’une séance de minuit au Festival de Cannes.

Cependant le genre français aura été beaucoup mieux conjugué au féminin, avec deux réalisatrices. Contrairement à leurs homologues masculins très influencés par des références américaines qu’ils reproduisent (comme ceux précédemment cités), celles-ci ont mis en images un univers bien à elles. Il y eu Evolution (16 mars) de Lucile Hadzihalilovic (qu’on attendait depuis 10 ans après Innocence) avec un petit succès d’estime et des récompenses aux festivals de San Sebastian et de Gérardmer. Mais le véritable évènement du genre a été découvert à Cannes puis récompensé dans divers festivals (Sitges, Toronto, Strasbourg, PIFFF…) et dont la sortie a été reculée au 15 mars 2017 (en parallèle avec une sortie aux Etats-Unis) : il s'agit de Grave de Julia Ducournau.

Aussi surprenant que cela paraisse le Festival de Cannes a mis en avant cette année ce genre peu habitué au glamour : Grave (à La Semaine de la Critique), Dog Eat Dog de Paul Schrader (Quinzaine des Réalisateurs), The Transfiguration de Michael O'Shea (Un Certain Regard), The Neon Demon de Nicolas Winding Refn (en compétition), The Strangers de Na Hong-jin (hors-compétition) et Dernier train pour Busan de Yeon Sang-ho (séance de minuit).

Dans les salles de cinéma, pourtant, c'est plutôt la désaffection, à quelques exceptions près. Le spectre était pourtant varié : Midnight Special de Jeff Nichols (16 mars), 10 Cloverfield Lane (16 mars), Hardcore Henry (13 avril), Green Room de Jeremy Saulnier (27 avril), American Hero (8 juin), The Witch (15 juin), American Nightmare 3: Élections (20 juillet), The Wave (27 juillet), Dernier train pour Busan (17 août), Premier Contact de Denis Villeneuve (7 décembre), soit des extra-terrestres, des montres, des tueurs immortels, des dons surnaturels, une catastrophe naturelle, de la sorcellerie, des zombies et la fin de l'humanité.

Finalement, ce que l'on retient c'est bien le renouvellement du genre. Reprendre les vieilles recettes et les refaire non pas seulement au goût du jour, avec les moyens actuels, mais bien avec un point de vue singulier, une envie de surprendre, une volonté de donner au "genre" une profondeur avec plusieurs niveaux de lecture ou d'en faire une expérience physique et cérébrale, repoussant les limites du supportables ou explorant les limbes de nos cauchemars.

Cependant certains des meilleurs films seront restés eux invisibles, à l'exception de quelques projections dans certains festivals. Comme nous le disions récemment : « Les films fantastiques, avec des zombies, des vampires, d'horreur etc... ne manquent pas dans la production mondiale. Régulièrement les productions hollywoodiennes arrivent dans les salles. Ceux là parviennent à dépasser les 300000 entrées (voir atteindre les 700000 spectateurs comme American Nightmare 3 ou 1,5 million de spectateurs comme Conjuring 2. Pour les autres, c'est plus compliqué. Malgré leur excellente réputation et leur carton dans leur pays, les films coréens, espagnols ou japonais ont du mal à s'exporter. Et ne parlons pas du cinéma français qui prend des pincettes à produire des films de ce genre et qui quittent rapidement l'affiche une fois sorti. Quand ils ont été distribués. Qu'on aime ou pas ce genre de films, il s'agit quand même d'une diversité qu'il faudrait mieux défendre, mieux préserver. Il a peut être mauvais genre mais c'est du cinéma. Il n'y a pas de raison qu'il soit un passager clandestin dans les salles ou un apatride squattant les ordinateurs, souvent en téléchargement illégal, ou la vidéo à la demande. »

Mon film de l’année : Aquarius, œuvre libertaire et anti-libérale

Posté par vincy, le 26 décembre 2016

Parmi la quinzaine de films marquants cette année, c'est Aquarius, la fresque intime et politique de Kleber Mendonça Filho, qui me vient immédiatement à l'esprit. Sans doute parce qu'il allie parfaitement deux états d'esprit qui ne son pas dans l'air du temps. Un personnage principal, Clara, magnifié par une Sonia Braga impériale qu'on avait perdu depuis plusieurs années, revendiquant sa liberté de penser, de vivre, affirmant à la fois sa place conquise en tant que femme, assumant pleinement son indépendance, se désolant du conservatisme ambiant, et constatant que ses victoires du passé (sur le racisme, le sexisme, les droits fondamentaux) sont plus vulnérables qu'elle ne le croyait. Et puis il y a sa lutte, sa résistance même, contre un ordre établi, corrompu et cupide, déshumanisé et cynique. La destruction de son immeuble n'est pas qu'un symbole dans ce conflit. C'est un avertissement.

Ironiquement, l'histoire du film a croisé l'histoire du Brésil cette année avec un "coup d'état" institutionnel et une succession de démissions et de poursuites judiciaires dans le système politique, tous bords confondus. La crise évoquée dans Aquarius n'est qu'une infime représentation des symptômes qui gangrènent le développement du pays. D'ailleurs le pouvoir en place a fait pression pour qu'Aquarius ne représente pas le Brésil aux Oscars. Ces ultra-libéraux n'ont pas supporté la contestation des artistes et l'opposition des équipes du film (jusque sur les marches de Cannes) à leur hold-up sur la présidence et le gouvernement.

Mais ce qui épate avec cette épopée d'une veuve pleine de vigueur contre des promoteurs véreux est ailleurs: dans des séquences hors-limites, dans ce récit ample et multi-dimensionnel, dans cette incarnation chaleureuse d'une famille éclatée. Tel un feuilleton, d'une folle intelligence, on suit le temps qui passe, les rebondissements de cette sale affaire, entre le calme et les tempêtes, le sexe cru et le carpe diem. Mais si les répliques sont franches, si les nus sont frontaux, tout est contourné avec une mise en scène qui maîtrise parfaitement ses limites, n'allant jamais trop loin dans la critique, la satire, le mélo, le drame ou la dénonciation manichéenne. Car au bout de cette bataille, il y a la volonté de croire qu'on peut changer les choses, qu'on peut refuser le fatalisme. Le film est aussi riche dans sa complexité que son personnage est radieux dans l'adversité.

Evidemment, ce ne sera pas forcément le cas, et c'est là toute la beauté de l'immoralité. Après tout Aquarius fait l'éloge du désir, du souvenir, de la conscience, de la transmission. Mais c'est aussi un manifeste qui rappelle les points faibles de cette liberté tant aspirée dans un monde profondément chaotique où la loi du plus fort est aussi celle du plus riche, où l'ignorant, l'inconscient et l'aveugle sont soumis aux règles dictées par les puissants. Et malgré le propos sombre, l'œuvre demeure lumineuse de bout en bout. Pourtant, cet immeuble Aquarius est une utopie qu'on détruit. Mais tant qu'il y aura des Clara pour se tenir debout, danser et baiser comme elle en a envie, alors tout n'est sans doute pas perdu.

Mes autres coups de cœur : Mademoiselle et Carol pour leur esthétisme hypnotisant et le soufre immoral de leurs liaisons dangereuses, Ma vie de Courgette et Quand on a 17 ans car dans les deux cas Céline Sciamma prouve qu'elle traduit les émotions et sentiments de la jeunesse avec une justesse impressionnante, Diamant noir parce qu'il s'agit assurément du meilleur film noir de l'année, genre snobé par le cinéma francophone, Mekong Stories et L'ornithologue pour leurs audaces narratives où spiritualité, sexualité et nature s'entrelacent merveilleusement et Manchester by the Sea car il s'agit de loin du plus beau drame familial de l'année, aussi sobre et pudique que ténu et tragique.

Mon film de l’année : Peace to us in our dreams de Sharunas Bartas, humanisme à l’état brut

Posté par MpM, le 25 décembre 2016

Pour qui tient Sharunas Bartas pour une sorte de chaman aux pouvoirs quasi mystiques, Peace to us in our dreams ne peut pas être un film comme les autres. Parce que chaque nouvelle production du cinéaste lituanien est un événement, bien sûr, qui fut d'ailleurs accompagné d'une rétrospective au Centre Pompidou. Mais aussi parce que dès le titre, c’est déjà un programme, presque une promesse. La certitude d’assister à un moment de cinéma tout en participant à une expérience profondément universelle.

Le mal de vivre des personnages, leurs doutes et leurs interrogations, leurs lâchetés et leurs faiblesses, aussi, en font donc pour moi le film le plus marquant de l’année 2016, celui qui hante longuement le spectateur, et l’oblige même à y revenir encore, et encore, dans l’espoir d’y trouver à chaque fois quelque chose de plus. Pas de réponses, non, mais ce sentiment unique de ne pas être seul. Voilà sans doute la plus grande force du cinéma de Sharunas Bartas en général, et de son dernier long métrage en particulier : nous relier au reste de l’Humanité par le biais d’une immense fraternité non pas formelle, mais essentielle, voire originelle.

Le film prouve ainsi que l’incommunicabilité bien réelle qui est au cœur du récit, et qui empêche les Hommes de se comprendre et d’être véritablement ensemble, peut être dépassée par le langage visuel et sensoriel du cinéma. Grâce à Peace to us in our dreams, à cet art si fragile et si ténu, exigeant aussi, on s’est tout simplement senti moins seuls cette année.

Deux autres types de films ont profondément marqué cette année 2016 par ailleurs si brutale et douloureuse : les récits de lutte et de résistance, qui rappellent qu’aucun combat n’est perdu d’avance, et les œuvres plus formelles, qui explorent toutes les ressources du langage cinématographique, quitte à s’abstraire parfois de récit et de narration au profit d’une expérience esthétique plus expérimentale.

Sélection subjective par ordre alphabétique :

Aquarius de Kleber Mendonça Filho : la lutte d’une femme seule et digne contre des promoteurs véreux. Quel meilleur symbole de résistance à la fois dans un Brésil en proie à un coup d’état institutionnel et plus généralement dans un monde où les plus forts écrasent systématiquement les plus faibles ?

The Assassin de Hou Hisao-Hsien : un vrai faux film d’arts martiaux qui expérimente une narration en creux, faite d'ellipses et d'esquisses. Comme une allégorie de film qui confine au sublime.

Fuoccamare de Gianfranco Rosi : un documentaire sur l’île de Lampedusa qui met toute l'intelligence, la force de conviction et la magie du cinéma au service de la sensibilisation au sort des réfugiés. Bouleversant, oui, mais surtout brillant et nécessaire.

Mademoiselle de Park Chan-wook : une kaléidoscopique histoire d’arnaque et de trahison dans la Corée des années 30, teintée d’érotisme et de cruauté. D’une beauté plastique à couper le souffle, et d’une perversité joyeusement rafraîchissante.

Merci patron de François Ruffin : la démonstration jubilatoire que, parfois, il est possible de retourner les règles du capitalisme le plus violent contre ceux qui les ont inventées. Un documentaire faussement potache qui redonne confiance dans l’action militante, qu’elle soit individuelle ou plus collective.

Pour finir, deux œuvres découvertes en festival mais pas encore sorties sur les écrans français : Grave de Julia Ducournau (Semaine de la Critique 2016), film de genre aux différents niveaux de lecture qui oscille brillamment entre ironie et angoisse, humour noir et clins d'œil au cinéma gore ; et Crosscurrent de Yang Chao (Berlin 2016), une errance hallucinée et métaphysique le long du fleuve Yangtze, à la beauté fulgurante et à la poésie violemment mélancolique. Preuves que, quoi qu’il arrive en 2017, il reste de belles choses à découvrir.

Mon film de l’année : Dernier train pour Busan, un roller-coaster de plaisir

Posté par kristofy, le 24 décembre 2016

Séance de minuit dans le Palais du Festival de Cannes : excitation qui monte, quelques sursauts de peur, quelques rires de relâchement, et enthousiasme débordant. Largement supérieur aux productions venues d'Hollywood, aussi bien dans sa narration que dans ses effets visuels, Dernier train pour Busan peut se prévaloir du terme blockbuster dans le meilleur sens du terme : rafraichissant et jouissif, incroyable et formidable, bref extraordinaire. Et si c’était un des meilleurs films de l’année ?

En cette fin d’année 2016 beaucoup de films très différents les uns des autres ont été des belles surprises. Mais il reste alors, toujours, la persistance du souvenir de ce plaisir ressenti devant Dernier train pour Busan !

Imaginez un zombie dans un train et très vite il y en aura plusieurs dizaines à l’intérieur. Mais à l’extérieur c’est encore pire avec des milliers de zombies à chaque gare ! Ce dernier train en direction de Busan apparaît d’abord comme un futur tombeau mortuaire où chaque passager risque de succomber et de se transformer, mais il pourrait être aussi le dernier moyen pour se protéger et fuir. Cette double dimension du train à la fois piège et refuge est une des meilleures idées du film. Sa grande réussite est de ne s’être pas limité au concept ‘des zombies dans un train’ et d’aller plus loin avec, d’une part, une galerie d’individus reflet de la société coréenne et des différents caractères humains et, d’autre part, des différentes séquences d’action inventives et spectaculaires.

Dernier train pour Busan est beaucoup plus qu’un film à sensations fortes, il est devenu le plus gros succès coréen de l’année 2016 (et 11ème plus gros succès local historique) : un évènement qui a incité Gaumont à en acheter les droits pour un remake aux Etats-Unis. Quitte à vouloir transposer un film à succès dans une version américanisée, il vaudrait mieux éviter d’acheter les droits d’un chef-d’œuvre par un maestro de la mise en scène qu’aucune autre équipe ne pourrait refaire : pour Old Boy de Park Chan-wook, il a fallu dix ans pour sortir le pâle remake Old Boy par Spike Lee, qui a été un échec. Tout comme Old Boy ou The Raid & The Raid 2: Berandal, ce Dernier train pour Busan est le genre de film dont il est impossible de faire un remake... Ne serait-ce que dans les nouveaux titres venus de Corée du Sud, ceux, disons, plus ‘adaptables’, il faudrait mieux s’intéresser aux droits de remake de The exclusive: beat the devil's tatoo de Roh Deok, ou The Tunnel de Kim Seong-hoon ou de The Veteran de Ryoo Seung-wan (3ème plus gros succès de Corée). A noter d’ailleurs que l’époque n’est plus vraiment aux remakes: les gros studios américains eux capitalisent sur le marché chinois, et Warner Bros a ouvert une structure en Corée du Sud pour y coproduire The Age of Shadows de Kim Jee-woon…

Ceux qui aiment le cinéma prendront le train : Dernier train pour Busan est maintenant disponible en blu-ray/dvd/VàD (avec en bonus le film d’animation Seoul Station, complémentaire) depuis mi-décembre.

Mes autres coups de cœur : Les 8 salopards de Quentin Tarantino, le film d’animation Le garçon et la bête de Mamoru Hosada, 45 years de Andrew Haigh avec Charlotte Rampling et Tom Courtenay, 10 Cloverfield Lane avec Mary Elizabeth Winstead, et Mademoiselle de Park Chan-Wook. Soit un huis-clos sous la neige où chacun joue ses tirades comme au théâtre, une relation de maître et disciple entre un petit garçon perdu et une bête qui se retrouve au Japon, trois jours dramatiques dans la vie d’un couple ensemble depuis 45 ans en Angleterre, un petit bijou de tension et de paranoïa en étant enfermé et isolé de l’extérieur, un récit sophistiqué d’arnaque et d’érotisme en Corée du Sud…

Mon film de l’année : Sing Street, une leçon de vie

Posté par cynthia, le 23 décembre 2016

Quand un film nous plaît, c'est super, mais lorsqu'un film nous touche, c'est encore mieux! La première fois que j'ai entendu parler de Sing Street (nommé aux prochains Golden Globes) c'était durant mon séjour en Irlande. "It's a masterpiece...a film with joy!" entendait-on. Cet enthousiasme (on ne peut plus communicatif) ne m'a pas poussé à le voir à ce moment-là et je pense savoir pourquoi. Si je l'avais découvert durant ce séjour, je ne serai jamais revenu en France retrouver mes proches et mon train-train quotidien. Car Sing Street est le genre de film qu'il faudrait faire chaque année. Sans morale ou message, il peut vous changer afin de révéler votre vrai "vous"!

Il m'a fallu attendre Deauville pour que je sois troublée et conquise (même si c'est à Dinard qu'il a raflé tous les prix). Cosmo, un jeune Irlandais passionné de musique vit entre ses parents dépressifs et perpétuellement en conflit, un frère qui a raté sa vie et une école religieuse bien trop stricte pour son esprit libre. Dès les premières minutes du film, je me sens dans mon élément (Sing Street pourrait être ma biographie). Après tout qui ne le serait pas? Qui n'a jamais rêvé de quitter sa famille dépressive et son quotidien terne et sans intérêt pour enfin vivre ses fantasmes inavoués d'artiste désenchanté?

Sing Street est un cri qui vient du cœur, un souhait d'enfant bercé par une musique enivrante qui donne envie de bouger ses hancges, autant sur la piste que dans sa vie. Chaque scène est jouissive même la plus mélancolique (cette mère qui, comme le personnage de Ben Stiller dans le film La vie rêvée de Walter Mitty, préfère rêver sa vie sur son perron plutôt que de changer sa réalité), chaque scène est criante de vérité: avez-vous suffisamment de courage pour poursuivre vos envies, vos désirs comme les personnages de Cosmo et Raphina (la belle et prometteuse Lucy Boynton que j'ai pu interviewer sur les planches normandes) ou allez-vous passer à côté d'eux comme le personnage de Brendan (le rôle le plus puissant de ce film)?

Oser et s'affirmer. On ne sort pas de Sing Street indemne. Je, tu, elle, il, nous, vous, en sort chamboulé à tout jamais. Après avoir vu le film de John Carney, on a envie de déplacer des montagnes, de faire des choses incroyables, de dire "merde" à notre entourage toxique, de faire un doigt d'honneur à notre banquier, de courir jusqu'à ce restaurant où travaille ce type trop mignon et de lui dire qu'il nous plaît avant de l'embrasser à pleine bouche, de quitter son job et de devenir acteur même si on n'a pas le talent de Meryl Streep, de faire le grand saut...d'oser vivre!

L'autre thématique du film qui frappe le cœur est bien celle de l'affirmation. Durant tout le film, Cosmo change de style constamment (nous faisant voyager à travers les vêtements qui ont fait les années 80) au grand désarroi du directeur de son école, un prêtre extrémiste taré qui pourrait fortement faire penser à votre oncle chiant qui pourrit le dîner de Noël avec ses idées d'un autre temps. Par cette affirmation, le message véhiculé est que chacun peut être ce qu'il veut être, p******! Vous voulez porter le voile, un mini short rose ou des talons aiguilles alors que vous vous appelez Bernard... Ne nous cachons plus, soyons nous-mêmes et OSONS!

Sing Street aurait pu s'appeler Sing Life (chante la vie), car John Carney nous apprend à vivre en 106 minutes de bonheur avec son chef-d'oeuvre irlandais et musical. Ne reste plus qu'à nous, pauvres mortels conditionnés par la société, notre entourage et notre peur du laisser aller, à faire le GRAND pas!

Mes autres coups de cœur: Eddie, The Eagle de Dexter Fletcher, Brooklyn de John Crowley, Deadpool de Tim Miller, Imperium de Daniel Ragussis et The Neon Demon de Nicolas Winding Refn.

Mon film de l’année : Juste la fin du monde, magnifique huis-clos

Posté par wyzman, le 22 décembre 2016

Grand prix du Jury au dernier Festival de Cannes, Juste la fin du monde aurait pu être une adaptation quelconque de la pièce de Jean-Luc Lagarce. Mais c'était sans compter le talent de Xavier Dolan. Après l'encensé Mommy et avant l'américain The Death and Life of John F. Donovan, Juste la fin du monde se pose là, en oeuvre complexe de 95 minutes doté d'un casting de rêve. Eh oui, ce n'est pas tout le monde qui peut se permettre de faire jouer Nathalie Baye, Vincent Cassel, Gaspard Ulliel, Léa Seydoux et Marion Cotillard ensemble.

Mais au-delà de sa distribution, Juste la fin du monde demeure un film à mon sens brillant sur la complexité des rapports familiaux. Louis est le fils cadet, il rentre après des années d'absence pour annoncer sa mort à venir. De quoi va-t-il mourir ? Va-t-il réussir à le dire à ses proches ? Pourquoi est-il parti ? Avait-il besoin de revenir ? Tant de questions que le film pose et auxquelles les protagonistes tentent de répondre… parfois avec beaucoup de mal.

Pas aussi apprécié que Mommy, Juste la fin du monde condense tout ce que Xavier Dolan sait parfaitement mettre en scène. Des actrices remarquables, une bande originale pop et nostalgique, des choix de cadrage qui surprennent, des répliques prenantes et des personnages plus torturés les uns que les autres. Voilà sans doute pourquoi l'incommunicabilité se retrouve ici magnifiée. Xavier Dolan grandit, il prend des risques. Sur certaines scènes cela paye, avec d'autres pas vraiment. Mais il essaye, et cela efface tous les petits défauts que certains qualifieront de "paresse".

Rempli de cris et de douleur, Juste la fin du monde reflète parfaitement certaines bulles familiales. On aime ses proches mais on ne peut plus les voir. Et lorsqu'on les retrouve, on attend patiemment l'événement qui fera tout chavirer. Mélo familial certes, Juste la fin du monde est avant tout un très beau film qui irrite par les vérités qu'il balance à la figure.

Mes autres coups de cœur : Divines (pour ses deux actrices principales), Demolition (pour la remarquable performance de Jake Gyllenhaal), Spotlight (pour son intensité), Steve Jobs (pour son scénario absolument ahurissant) et La Saison des femmes (pour l'engagement de sa réalisatrice).

L’instant Zappette: Les séries dont il fallait parler en 2016

Posté par wyzman, le 20 décembre 2016

Comme l'an dernier, nous nous sommes penchés sur toutes les séries qui ont animé nos soirées pendant ces 12 derniers mois. Et encore une fois, il y a eu de très belles surprises. Entre les séries qui ont connu leur première saison et celles sur le retour, le choix est assez varié. Néanmoins et comme vous pourrez facilement le voir, les shows de HBO et Netflix trustent ce classement. Parti pris ? Certainement pas. Mais en 2016, les deux géants continuent de délivrer des programmes d'une qualité ahurissante. Pour info, les 16 séries qui ont fait 2016 ont été rangées par ordre alphabétique.

Game of Thrones - saison 6 (HBO). Après la folle saison 5, nous pensions que la série de David Benioff et D. B. Weiss ne pourraient plus nous surprendre. Nous avions clairement tort. Entre une Daenerys toujours plus puissante, la vengeance de Sansa, les manigances de Cersei, le périple d'Arya et la résurrection de Jon Snow, ces 10 épisodes avaient de quoi nous mettre dans tous nos états. A la clé, un record d'audience (8,89M d'accros) pour un final absolument magistral.

Insecure - saison 1 (HBO). Après l'annulation de Looking et l'annonce de la fin à venir de Girls, nous nous demandions quelle dramédie allait pouvoir nous faire rire et pleurer en même temps. Certains évoqueront Divorce, mais de vous à moi, la série ne mérite pas la moitié de sa hype. Et cela parce qu'Insecure, diffusée juste après, s'avère bien meilleure. Centrée sur les péripéties de deux jeunes femmes noires, les 8 épisodes d'Insecure ont enfin permis à Issa Rae de crever le petit écran. Il était temps.

Marseille - saison 1 (Netflix). Non, ceci n'est pas une blague. Peut-être une légère provoc. La première production française du service de streaming a longtemps été moquée mais lorsque vient le moment de revenir sur toutes les séries qui ont marqué l'année, impossible de passer outre Marseille. Lutte de pouvoir entre un maire et son dauphin, Marseille nous a tous fait rire tant certains plans, certaines répliques, certaines scènes et certains acteurs sont ridicules. Mais malgré ça, le bad buzz a permis son renouvellement.

Pitch - saison 1 (NBC). A l'heure où nous écrivons ces lignes, la série de Dan Fogelman et Rick Singer n'a pas été renouvelée… ou annulée ! Il y a donc de l'espoir. Centrée sur la première femme à intégrer une équipe de baseball de Major League, Pitch vaut le détour pour le regard qu'elle porte sur le racisme et le sexisme bien ancrés dans le milieu sportif. Fraîche et divertissante, Pitch est la preuve que l'on peut mêler drama et sport sans se perdre. Un bel exploit !

Stranger Things - saison 1 (Netflix). La série de Matt et Ross Duffer est objectivement l'une des plus belles choses que l'on ait vues cette année. En mêlant science-fiction, surnaturel, horreur, mystère et drame historique, Stranger Things est bourrée de clins d’œil (volontaires ou pas) aux univers de Steven Spielberg, Stanley Kubrick, John Carpenter et Stephen King. Pour rappel, la saison 1 raconte comment, dans l'Indiana de 1983, trois jeunes préadolescents tentaient de retrouver leur ami porté disparu à l'aide d'une jeune fille aux capacités très étonnantes.

The Crown - saison 1 (Netflix). Annoncée comme "le Downton Abbey de Netflix", The Crown est bien plus que ça. Alors oui, la série lorgne forcément du côté du programme d'ITV pour la dimension historique (on y suit les premières année du règne d'Elizabeth II) mais The Crown dresse également le portrait des mœurs et des manigances politiques méconnues du public. Classe et intense, la série est portée par un duo d'acteurs brillants (Claire Foy et John Lithgow).

The People v. O.J. Simpson : American Crime Story - saison 1 (FX). Après des années à faire dans le superficiel (Popular, Nip/Tuck, Glee, Scream Queens), Ryan Murphy se lance dans la production de l'une des meilleures séries de l'année. Créée par Scott Alexander et Larry Karaszewski, les 10 premiers épisodes d'American Crime Story traitent du procès ultramédiatisé d'Orenthal James Simpson, star du football américain accusée du double homicide de son ex-femme Nicole Simpson et de son compagnon. Le casting est si impressionnant (Cuba Gooding Jr., Sarah Paulson, Courtney B. Vance, John Travolta, Sterling K. Brown) qu'il est en train de tout rafler dans les cérémonies de remises de prix.

The Walking Dead - saison 7 (AMC). Bien que peu fan du programme, le retour de TWD (pour les intimes) a tout de même été l'un des grands moments de cette année. Grâce à un teasing franchement éreintant, la production a fait du personnage de Negan le sauveur de la série. Malheureusement, il l'a surtout achevée. Son massacre dans le season premiere était si violent et déstabilisant qu'entre le début et la fin de la première partie, ce sont pas moins de 6,45 millions de fans qui ont déserté la série en première diffusion. Comme quoi, même outre-Atlantique, la violence gratuite a ses limites.

This Is Us - saison 1 (NBC). Véritable pépite de cette année, l'autre série de Dan Fogelman aurait pu être un drame familial comme un autre. Kate et Kevin vont avoir des triplés. Malheureusement, l'un des bébés meurt lors de l'accouchement. Coup de théâtre, ils décident d'adopter Randall, un petit nourrisson noir abandonné le même jour. This Is Us évoque sans détour la difficulté d'être parent (thème récurrent cette année dans le cinéma US), d'être adopté, d'être noir, d'être obèse, d'être pris pour un moins que rien. Et chaque semaine, le programme délivre son lot de séquences émouvantes. On vous le dit, une pépite !

Westworld - saison 1 (HBO). A un moment où la chaîne câblée a dû faire avec les échecs de True Detective saison 2 et Vinyl, les annulations de Looking et Togetherness et les fins à venir de Game of Thrones, The Leftovers et Girls, nous pourrions facilement dire que Westworld a sauvé tout le monde. Centrée sur un parc d'attractions futuriste où des androïdes constamment reprogrammés réalisent les moindres fantasmes des visiteurs, la série de Lisa Joy et Jonathan Nolan est d'une complexité certaine mais dispose d'une réalisation impeccable. Trop froide pour certains, Westworld a le mérite de prouver à ceux qui en douteraient encore que la télévision est un espace d'expérimentation incroyable !

Bien évidemment, ce ne sont pas les seules séries qui ont marqué 2016. Il convient de mentionner les nouveautés Atlanta et The Girlfriend Experience, les deuxièmes saisons d'Outlander et Mr. Robot et les troisièmes saisons de Black Mirror et You're the Worst.