100 Suffragettes à Hollywood

Posté par vincy, le 21 novembre 2015

Les femmes ne sont pas assez présentes à Hollywood. Peu de réalisatrices ont pris les commandes d'un blockbuster ou sont engagées sur leur seul nom, contrairement à leurs confrères masculins. Et on ne parle pas de l'inégalité salariale. Les studios se justifient avec mauvaise foi en expliquant qu'il n'y a pas assez de "talents" féminins sur le marché. La 20th Century Fox, Sony, Paramount et Weinstein Company n'ont pas distribué un seul film réalisé par une femme cette année. Et sur les vingt plus gros succès de l'année, seulement deux ont une réalisatrice à leur générique (Pitch Perfect 2, Cinquante nuances de Grey). Depuis 1980, seulement trois femmes ont été nommées à l'Oscar du meilleur réalisateur!

Le magazine Vulture a donc décidé de lister 100 réalisatrices, parmi lesquelles des françaises, que les producteurs devraient engager pour donner un nouveau souffle à leurs films. Cette liste a l'avantage de brasser des talents internationaux et divers, reconnus par des prix dans des festivals, repérés grâce à des séries TV admirées (le petit écran leur offre souvent une meilleure place) ou même ayant connu des jolis succès au box office.

Andrea Arnold, Elizabeth Banks (Pitch Perfect 2), Susanne Bier, Kathryn Bigelow (évidemment, seule réalisatrice oscarisée de l'Histoire!), Jane Campion (seule réalisatrice ayant reçu une Palme d'or à Cannes), Niki Caro, Gurinder Chadha, Isabel Coixet, Gia Coppola, Sofia Coppola (Lion d'or à Venise), Ava DuVernay, Valerie Faris (Little Miss Sunshine), Jodie Foster (qu'on ne présente plus), Catherine Hardwicke (le premier Twilight), Agnieszka Holland, Nicole Holofcener, Angelina Jolie, Miranda July, Mimi Leder, Julia Leigh, Phyllida Lloyd, Nancy Meyers, Mira Nair, Kimberly Peirce, Sarah Polley, Lynne Ramsay, Kelly Reichardt, Patricia Rozema, Lone Scherfig, Lynn Shelton, Barbra Streisand, Sam Taylor-Johnson (Cinquante nuances de Grey), Julie Taymor : la liste est longue, riche et passionnante.

Côté françaises, Vulture a repéré Julie Delpy, Claire Denis, Anne Fontaine, Mia Hansen-Love, Marjane Satrapi et Alice Winocour.

Edito: Sexe, fric et coup de gueule

Posté par redaction, le 15 octobre 2015

Dans un mois sort le film Les Suffragettes, avec Carey Mulligan, Brendan Gleeson, Ben Whishaw et Meryl Streep. Le film narre le combat féministe pour réclamer le droit de vote des femmes, il y a un siècle en Angleterre. Un combat violent, où des femmes ont bravé le conservatisme anglais, les convenances sociétales et la pensée conformiste. Bref, la domination masculine. Ce droit de vote "pour tou(te)s" s'est progressivement imposé dans tous les pays. Même l'Arabie Saoudite y réfléchit.

Pourtant l'égalité des sexes reste toujours une cause contemporaine. Jennifer Lawrence, l'actrice la mieux payée d'Hollywood, a eu raison de pousser un coup de gueule cette semaine. On peut ironiser sur le fait qu'elle parle de l'inégalité salariale d'acteurs/actrices payé(e)s avec des chèques à 7 ou 8 chiffres mais elle frappe juste quand elle dit: "Quand j'ai découvert à quel point j'étais moins payée que les heureux détenteurs d'un pénis, je n'étais pas en colère contre Sony. J'étais en colère contre moi-même. J'ai échoué en tant que négociatrice parce que j'ai baissé les bras trop tôt." On se souvient que Meryl Streep avait applaudit longuement Patricia Arquette aux Oscars en février qui disait peu ou prou la même chose. Les actrices vont sans doute ouvrir la voie à un combat qui ne concerne pas qu'Hollywood ou même le cinéma (la situation est identique en France). Qu'Hillary Clinton fasse de l'égalité salariale entre hommes et femmes l'une de ses promesses de campagne montre que c'est bien là la prochaine grande cause féministe.

On espère juste qu'elle sera moins sanglante que pour les Suffragettes...

Enfin en DVD : Con la pata quebrada, où comment le cinéma retranscrit à l’écran la place de la femme dans la société

Posté par MpM, le 5 mai 2015

Sorti en juin 2014, Con la pata quebrada est un film de montage racontant l'histoire de l’Espagne, et surtout la manière dont on y considère les femmes depuis le premier tiers du XXe siècle, à travers le cinéma espagnol de la période. En 180 extraits, le réalisateur Diego Galan dévoile ainsi une société machiste, conformiste et violente qui entend confiner la femme à un rôle purement domestique et décoratif.

Après une jolie carrière en festivals (Sélection Cannes Classics, Prix Platino du meilleur documentaire, Prix cineHorizontes...) et en salles, le film est désormais disponible en DVD, avec notamment parmi les bonus un entretien avec le réalisateur et un dossier pédagogique destiné au jeune public.

A l'heure où l'on parle beaucoup de la place de la femme dans le cinéma (devant ou derrière la caméra, au scénario ou au maquillage, à la tête de blockbusters ou de films à petit budget, etc.), il est bon de rappeler que le traitement des personnages féminins à l'écran fait déjà beaucoup pour la défense (ou non) de l'égalité des sexes. Con la pata quebrada propose ainsi une plongée fascinante dans un cinéma qui transpire le sexisme et l'indifférence, voire l'hostilité envers les combats égalitaires. Il invite naturellement à se pencher sur le cinéma français, américain, asiatique, etc. contemporain, et à en tirer les conclusions qui s'imposent.

Meryl Streep s’engage pour les femmes scénaristes de plus de 40 ans

Posté par MpM, le 22 avril 2015

meryl streepL'actrice Meryl Streep a annoncé lors du Festival de Tribeca qu'elle allait participer à la création d'un laboratoire visant à accompagner les femmes scénaristes âgées de plus de 40 ans en collaboration avec l’association New York Women in Film and Television et l’IRIS, un collectif de femmes cinéastes. Le but du programme est d'améliorer les opportunités professionnelles pour ces scénaristes qui rencontrent plus de difficultés que les autres.

Pour sa première session, ce "laboratoire des auteurs" (Writers Lab) accueillera huit lauréates qui auront la chance de travailler notamment avec la scénariste et réalisatrice Gina Prince-Bythewood (Beyond the lights), la productrice Caroline Kaplan (Boyhood) et la scénariste Kirsten Smith (La revanche d'une blonde).

Meryl Streep, qui soutient depuis longtemps l'association New York Women in Film and Television, aurait financé une très grande partie du projet qui lui tient particulièrement à cœur. Il est vrai que s'il est difficile pour une femme de percer en tant que scénariste, la difficulté s'accroît avec l'âge. Or, généralement, les programmes d'aide ont plutôt tendance à s'adresser aux plus jeunes. Une injustice désormais réparée !

On a hâte de découvrir les films écrits par les premières participantes à ce laboratoire innovant, avant de voir des initiatives similaires fleurir en France. En 2014, un état des lieux accablant révélait en effet que dans le cinéma français, seulement 27% des scénaristes sont des femmes. Aucune précision sur l'âge n'était toutefois mentionnée.

Les femmes au coeur du partenariat entre la multinationale du luxe Kering et le Festival de Cannes

Posté par vincy, le 1 avril 2015

Kering et le Festival de Cannes vont lancer le programme Women in Motion. Dans un communiqué du groupe Kering (Puma, Balenciaga, Saint Laurent, Gucci...) daté du 30 mars, le partenariat de cinq ans, révélé après l'arrivée de Pierre Lescure il y a quelques mois, se concrétise. Clairement, il s'agit d'une réponse à la critique lancinante sur le peu de place fait aux femmes dans les sélections du festival.

Deux axes ont été choisis:

A l’occasion du 68ème Festival International du Film de Cannes, Kering et le Festival de Cannes inaugureront la première édition du programme Women in Motion, destiné à mettre en valeur la contribution des femmes au 7ème art.

1. Durant tout le Festival de Cannes, les Talks Women in Motion débattront de la place des femmes dans le cinéma autour d’une personnalité qui viendra partager son point de vue. Cette série d’échanges traitera de la question du statut des femmes à celle de leur représentation au sein de la profession et à l’écran, ou encore des spécificités de leur point de vue narratif ou de leur regard derrière la caméra. Ces Talks Women in Motion, ouverts aux professionnels du cinéma et à la presse, seront organisés le matin.

2. Dès 2016, Kering et le Festival de Cannes remettront deux prix Women in Motion: l’un récompensant une contribution significative à la cause des femmes dans le cinéma, l’autre une jeune cinéaste de talent. Le premier prix Women in Motion récompensera la contribution d’une personnalité emblématique du cinéma incarnant les valeurs d’ouverture et de diversité promues par Women in Motion. Le premier lauréat sélectionnera à son tour une jeune femme cinéaste qui se verra remettre un prix Women in Motion du jeune talent féminin, venant soutenir l’un de ses projets.

Pour célébrer la création des Prix Women in Motion, un Prix d’Honneur exceptionnel sera décerné cette année. Il sera remis lors d’un « Dîner de la Présidence » du Festival de Cannes organisé le 17 mai 2015 par Pierre Lescure, Thierry Frémaux, et François-Henri Pinault.

François-Henri Pinault, Président-Directeur général du groupe Kering (et époux de Salma Hayek), précise que : «Le programme Women in Motion vise non seulement à mettre à l’honneur le talent des femmes du cinéma, mais aussi à souligner l’intérêt que leurs œuvres représentent pour les spectateurs. Leur donner plus de visibilité est essentiel quand on songe à l’impact que les films ont sur nos modes de pensée et, finalement, sur nos comportements de tous les jours. C’est précisément dans cet état d’esprit d’ouverture et d’enrichissement culturel que nous avons créé le programme Women in Motion ».

Thierry Frémaux, Délégué général du Festival International du Film de Cannes, ajoute que cette « partie intégrante du programme officiel du Festival de Cannes donnera une place supplémentaire aux femmes talentueuses du 7ème art et à leur regard sur le cinéma. Les Talks Women in Motion, dont je me réjouis de figurer parmi les premiers participants, seront également une occasion unique pour la profession de faire progresser la réflexion sur l’évolution nécessaire de la représentation des femmes et de leurs récits au sein de l’industrie du cinéma ».

Pierre Lescure, Président du Festival International du Film de Cannes, explique que le Festival va franchir « une nouvelle étape (...). Nous posons des jalons pour le cinéma de demain, un cinéma enrichi par une plus grande variété des points de vue et par la diversité des films ».

Kering et le cinéma, ce n'est pas un mariage arrangé. Par le biais de sa Fondation d’entreprise ou par l’intermédiaire de ses marques, est engagé pour la promotion et le développement du cinéma depuis plus de dix ans, en finançant des films, restaurant des œuvres, produisant des documentaires ou en soutenant des réalisateurs et des longs-métrages comme Fleur du Désert de Sherry Hormann (2009), Home de Yann-Arthus Bertrand (2009), Brave Miss World de Cécila Peck (2013), La Glace et le Ciel de Luc Jacquet (2015). Elle est associée dans Cinémaphore, la société de production commune de Julie Gayet et Charles Gillibert (lire notre actualité du 13 janvier 2014). Kering est également partenaire de l’Ecole de la Cité, qui fait partie de La Cité du Cinéma de Luc Besson. Enfin, elle sponsorise des institutions et festivals de cinéma de premier plan, tels que le Tribeca Film Institute (New York), Britdoc (Londres), le Los Angeles County Museum of Art (LACMA) ou encore le Festival Lumière (Lyon), dont Thierry Frémaux est le directeur général.

Femmes scénaristes : un état des lieux accablant

Posté par MpM, le 6 mai 2014

femmesAprès les différentes polémiques sur le peu de réalisatrices en compétition au Festival de Cannes ces dernières années (2 en 2014, 1 en 2013, aucune en 2012), une étude récente dénonce la faible part de femmes scénaristes dans le cinéma français.

Camille Haddouf, chercheuse en économie à l'Université de Paris I et la scénariste Isabelle Wolgust dressent en effet un état des lieux accablant de la situation des femmes auteurs (scénaristes et réalisateurs qui écrivent eux-même leurs scénarios) sur la période 2003-2012.

Sur les 887 scénaristes comptabilités, seulement 27% sont des femmes, un chiffre qui tombe à 22% pour les réalisateurs écrivants. Aucune femme scénariste dont l'activité principale est l'écriture de scénario n'aurait par ailleurs écrit sans partenaire masculin pendant la décennie.

A noter également que plus le budget des films augmentent, plus la part de scénaristes de sexe féminin diminue : parmi les scénaristes, 20% écrivent des films à petit budget (moins d'un million d'euros) contre 7% pour des films de plus de 15 millions tandis que parmi les réalisatrices écrivantes, 18% écrivent des films dont le budget est inférieur à 1 million d'euros et seulement 3% des films dont le budget dépasse 15 millions.

Seul point positif, les choses évoluent doucement mais sûrement puisqu'entre le début et la fin de l'étude, la part des femmes scénaristes est passée de 15% à 34%. Celles des réalisatrices écrivantes s'élève désormais à 25% contre 17% en 2003.

La Guilde française des scénaristes met en garde contre ce "plafond de verre"qui étouffe la création dans le cinéma français et rappelle que depuis la création des César en 1976, 16 femmes ont reçu celui du meilleur scénario original ou adaptation mais l'ont toujours reçu avec au moins un homme, à l'exception de Coline Serreau (à deux reprises pour Trois hommes et un couffin en 1986 et La crise en 1993) et de Tonie Marshall pour Venus Beauté (Institut) en 2000.

Seule une réalisatrice a remporté le César du meilleur réalisateur (Tonie Marshall pour Venus Beauté (Institut)), et quatre le César du meilleur film (Coline Serreau pour Trois hommes et un couffin en 1986, Tonie Marshall pour Venus Beauté (Institut), Agnès Jaoui pour Le goût des autres en 2001, Pascale Ferran pour Lady Chatterley en 2007).

Mais si les chiffres viennent confirmer ce que l'on savait déjà, les propositions et solutions ne se bousculent pas au portillon, notamment pour informer et éduquer dès le plus jeune âge les scénaristes de demain, mobiliser les professionnels ou encore sensibiliser au problème le corps enseignant et les écoles de cinéma. En attendant, le combat pour faire évoluer les mentalités s'avère plus crucial que jamais. Où l'on reparle des stéréotypes de genre, alors qu'écrire ne nécessite pourtant aucune caractéristique physique particulière.

L’industrie cinématographique se demande toujours où sont les femmes

Posté par MpM, le 1 avril 2014

femmesLa question de la place des femmes dans l'industrie cinématographique semble revenir sur le devant de la scène avec la même régularité (et la même constance sournoise) que les allergies saisonnières. En mai 2012 déjà, l'absence de femmes dans les sélections cannoises faisait grincer les dents. En mai 2013, alors que des critiques virulentes s'étaient élevées face à la sélection d'une seule réalisatrice (Valéria Bruni-Tedeschi) en compétition officielle cannoise, la ministre de la Culture et de la Communication Aurélie Filippetti avait commandé une étude sur le sujet au Centre national du cinéma.

A quelques semaines de l'annonce de la sélection du Festival de Cannes 2014,  les premières conclusions de l'enquête viennent de sortir. Sans surprise, on apprend qu'en 2012, seulement 23% des réalisateurs de longs métrages de cinéma français étaient des femmes et que moins d'un quart des films agréés cette année-là ont été réalisés par des femmes.

Des chiffres à mettre en perspective d'une part avec ceux d'il y a seulement quelques années (18,4% de réalisatrices en 2008) et d'autre part avec ceux d'autres pays européens (18,4% à l'échelle européenne, 11,4% au Royaume Uni), pour mieux en appréhender la portée. Car si la situation française est franchement déséquilibrée, elle semble s'améliorer sensiblement au fil des ans et pouvoir, à terme, tendre vers une plus grande égalité entre réalisateurs et réalisatrices. Par ailleurs, en comparaison avec le cinéma européen dans sa globalité (et par extension le cinéma mondial), la France aurait plutôt tendance à montrer l'exemple.

Inégalités et clichés

Ce qui n'empêche nullement les remises en question, surtout au vu du reste de l'étude : femmes majoritairement présentes dans les métiers du cinéma traditionnellement considérés comme féminins (coiffeur-maquilleur à 76,6%, costumier-habilleur à 87,2% et  scriptes à 98,1%), films moins chers (devis moyen de 3,45 millions d'euros contre 5,66 pour les longs métrages réalisés par des hommes), rémunérations inférieures à celles des hommes (31,5% de moins pour une réalisatrice et rémunération horaire moyenne inférieure de 35,8%), etc.

Il paraît indéniable que le temps n'est désormais plus au constat, mais bien à l'action, en commençant par une évolution des mentalités. Dans une société où il n'est pas évident pour tout le monde de lutter contre les stéréotypes de genre, faire comprendre aux futurs professionnels qu'une femme peut être machiniste ou opératrice de prise de son ne semble pas complétement gagné, mais on part de si loin (4,3% de femmes machinistes, 3,1% d'électriciens...) que toute tentative est bonne à prendre.

De nombreux points restent par ailleurs à étudier pour comprendre la meilleure stratégie à adopter : l'enquête du CNC relève par exemple que le métier le plus mixte du cinéma est celui d'assistant réalisateur, avec 49,2% d'hommes et 50,8% de femmes. Mais quel pourcentage de chaque sexe passe lui-même à la réalisation et au bout de combien d'années ? Par ailleurs, si les budgets de films réalisés par des femmes sont inférieurs à ceux des films réalisés par des hommes, est-ce parce qu'elles parviennent moins facilement à les compléter, ou parce qu'elles travaillent sur des projets d'emblée moins coûteux ? Enfin, au-delà du pourcentage symbolique de femmes cinéastes, il serait intéressant de savoir quel pourcentage des femmes désirant tenter l'aventure y parviennent au final, et de le comparer à celui des hommes réalisateurs.

Des jurys au féminin à Cannes

En attendant, on est impatient de découvrir la sélection cannoise qui, quelle qu'elle soit, ne manquera pas de relancer le débat. Pour le moment, les femmes réalisatrices semblent devoir y être à l'honneur avec Jane Campion présidente du jury officiel, Noémie Lvovsky et Daniela Thomas dans le jury de la Cinéfondation et Andrea Arnold présidente du jury Nespresso de la Semaine de la Critique.

A suivre, donc. Mais une chose est d'ores et déjà certaine : il faut arrêter de blâmer le faible nombre de femmes réalisatrices pour justifier leur absence en compétition officielle. Même en prenant des hypothèses basses, il y a plus de 5% de films réalisés par des femmes de par le monde (ce qui correspondrait au 1 sur 20 de l'an passé). De plus, il serait  intéressant de considérer la sélection cannoise dans sa globalité avant de crier au scandale. En 2013, Valeria Bruni-Tedeschi était un peu l'arbre qui cachait la forêt (certes modestes) des 15 autres réalisatrices de longs métrages sélectionnées, toutes sections confondues.

Grand angle – Con la pata quebrada : grandeur et décadence de la femme espagnole

Posté par MpM, le 12 juillet 2013

Présenté dans la section Cannes Classic du Festival de Cannes 2013, puis dans le cadre du 6e festival Différent ! , Con la pata quebrada de Diego Galan est un film de montage qui interroge la place de la femme dans la société et le cinéma espagnols des années 30 à nos jours.

con la pata quebradaA l’origine, il y a un dicton espagnol plutôt imagé : "La mujer casada y honesta, con la pata quebrada y en casa", littéralement : "Femme mariée et honnête a la jambe cassée et reste au foyer." Une vision de la "place" de la femme qui dépasse, de loin, le gentillet "retourne à tes fourneaux" de la langue française.

Partant de ce constat, Diego Galan, critique de cinéma, écrivain, réalisateur, mais aussi ancien directeur du festival de San Sebastian, a eu la facétieuse idée de raconter une histoire de l’Espagne, et de la manière dont on y considère les femmes depuis le premier tiers du XXe siècle, en se basant uniquement sur des extraits de 180 films espagnols.

Si l’on considère qu’un film est toujours, quelle que soit l’histoire qu’il raconte, le reflet de l’époque à laquelle il est tourné, quoi de plus passionnant que se pencher sur la cinématographie d’un pays et d’y trouver des échos de son évolution et de sa mentalité ? Diego Galan réalise ainsi un travail de montage minutieux et pertinent qui brosse chronologiquement et thématiquement le portrait de la femme espagnole telle qu’elle fut fantasmée au cours des quatre-vingt dernières années.

A quoi sert la femme ? A rien

con la pata quebradaSans surprise, il s’agit d’une femme rangée, modeste et docile dont l’existence est tout entière consacrée au bien-être de son mari et de ses enfants. Un des extraits du préambule donne immédiatement le ton : en 1957, El batallon de la sombras de Manuel Mur Oti présente un homme bien habillé qui déclame nonchalamment face caméra : "A quoi sert la femme ? A rien. Absolument à rien. Elle coud nos boutons, cuisine, nous déclare absents quand un créancier se présente. Bon, il faut bien se distraire. Ah, elle nous met au monde. Tout à fait ! Tout comme elle nous met des cravates importables." Un cynisme volontairement provocateur, qui en dit long sur le regard porté par l’Espagne franquiste sur sa composante féminine. Car ce sont bien la guerre civile et la victoire de Franco qui vont changer la donne pour la femme espagnole.

Au début des années 30, au moment de la 2e République, les femmes avaient accédé à un vrai statut social en obtenant le droit de vote et celui de travailler sans l’autorisation de leurs époux, tandis que le divorce et même l’avortement (dans certaines régions) étaient légalisés. Les films de l’époque montrent des ouvrières joyeuses et épanouies qui trouvent le bonheur dans leur travail. En même temps, les prémices de la libération sexuelle permettent des scènes relativement osées, comme dans Nuestro culpable de Fernando Mignoni (1937), où des femmes de toutes conditions font des avances explicites à un homme emprisonné. C’est l’avènement de la femme moderne.

Morale irréprochable et mariage en ligne de mire

con la pata quebradaMais après la victoire de Franco, un formidable retour de bâton frappe les femmes qui sont "libérées" du travail et renvoyées manu militari dans leurs foyers. Le cinéma s’en fait l’écho à travers des personnages de patriotes entièrement dévouées à leur pays, des héroïnes incarnant la femme espagnole idéale, catholique, modeste, et à la morale irréprochable. Pour elles, le mariage est le seul destin logique. Dans El arte de casarse (un titre qui ne s’invente pas) de Jorge Feliu (1966), la blonde héroïne veut ainsi se marier "avec n’importe qui", à condition "qu’on [l']aime un peu".

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Festroia 2013 : femmes, violence et stéréotypes

Posté par MpM, le 20 juin 2013

festroiaParmi les thèmes abordés par les films en compétition lors de cette 29e édition de Festroia, la violence faite aux femmes semble avoir été le plus récurrent. Une violence physique, souvent associée à des sévices sexuels, et émanant dans la plupart des cas du cadre familial.

Dans 90 minutes de la Norvégienne Eva Sørhaug, trois histoires distinctes mettent en scène un personnage féminin aux prises avec une forme particulière de violence conjugale.

La première (dont on ne verra pas le visage) est empoisonnée par son mari, par ailleurs prévenant et attentionné. La deuxième est assassinée par son ex-mari qui ne supporte pas d’avoir été remplacé par un autre homme. La troisième est battue et violée par son compagnon hystérique. Dans ce volet, la réalisatrice choisit de montrer frontalement les sévices (coups, humiliation, viol) dans des scènes par ailleurs à la photographie ultra-soignée et au découpage sophistiqué.

Des séquences quasi insoutenables qui décortiquent de manière implacable le mécanisme de maltraitance, dans lequel la victime est accusée d’être responsable de ce qui lui arrive et où le bourreau trouve une justification "punitive" à ses actes. Un point commun avec Halima’s path d’Arsen Anton Ostojic (Croatie), qui se déroule dans la Yougoslavie de la fin des années 70, et dans lequel un père (musulman) bat sa fille, coupable d’avoir entretenu une relation amoureuse avec un chrétien. Au nom de la sacro-sainte tradition du patriarcat, il se sent autorisé à la punir, voire à la tuer, sans que personne n’ait son mot à dire. Pourtant, plus tard dans le film, c’est elle qui aura besoin d’être pardonnée (pour avoir épousé un homme d’une autre religion), et non lui. La jeune femme est ainsi cantonnée par le scénario à son rôle de victime "volontaire",  ayant mérité ce qui lui est arrivé, et finissant par reconnaître ses "erreurs".

Trois autres films présentés en compétition 8 ballabordent également la violence exercée sur des femmes par leurs compagnons. Circles de Srdan Golubovic (Serbie), où une jeune femme d’origine serbe, battue par son mari, tente de recommencer sa vie à zéro. 8 ball d’Aku Louhimies (Finlande) dans lequel un dealer se déchaîne contre sa petite amie qui a osé s’élever contre lui. The girl and death de Jos Stelling (Pays Bas) qui présente la figure traditionnelle du protecteur jaloux n’hésitant pas à "corriger" sa maîtresse lorsqu’elle tombe amoureuse d’un autre.

L'amour comme sentiment de propriété

Il est frappant de constater que souvent, ces personnages masculins prétendent aimer celles qu’ils maltraitent. Un "amour" qui, chez eux, va de pair avec un fort sentiment de propriété. Comme si ces femmes aimées étaient des objets qu’on possède et traite à sa guise. Même chose d’ailleurs pour les personnages certes non violents, mais tout aussi possessifs de Brasserie romantique de Joel Vanhoebrouck (Belgique) et Halima’s path d’Arsen Anton Ostojic qui reviennent après une longue absence et attendent de leur petite amie qu’elle soit toujours disponible et prête à les suivre en un instant.

La plupart des réalisateurs portent un regard pessimiste sur ces relations amoureuses conflictuelles dans lesquelles les femmes sont toujours les victimes, prises au piège inextricable du chantage affectif et de la manipulation. Pour elles, il n’y a guère de moyens d’échapper à ce qui présenté comme leur destin : soit elles se soumettent en silence, soit elles sont condamnées à la fuite et l’errance. Plusieurs films insistent en effet sur le fait que leurs bourreaux (miraculeusement tout puissants) pourront les retrouver n’importe où.

viva belarusLa vraie libération de cette emprise malsaine ne peut alors venir que du recours à la violence. Ce renversement des rôles, qui transforme les victimes en bourreaux, les condamne (en un sens) à devenir exactement comme ceux qu’elles combattent. Ultime victoire de ces individus ne connaissant que la brutalité comme langage, et surtout curieuse manière de diviser la société entre victimes et bourreaux, sans troisième voie possible. Surtout lorsque l’on compare aux personnages masculins eux aussi confrontés à des actes de violence, et qui s’en sortent généralement par l’intelligence et la ruse, comme dans Viva Belarus! de Krzysztof Lukaszewicz (un jeune Biélorusse maltraité durant son service militaire ouvre un blog engagé pour critiquer le système) ou The girls and death de Jos Stelling (le jeune médecin prend sa revanche en jouant aux cartes).

Stéréotypes à gogo

Mais curieusement, force est de constater que dans les films de cette sélection, les personnages masculins sont très rarement présentés comme des victimes. Le rôle, surtout dans le cas de violence gratuite, est spécialement dévolu aux femmes, qui n’existent presque que dans cette optique. Et lorsque ce n’est pas le cas, les personnages véhiculent tous les stéréotypes traditionnels liés aux femmes : sujet de conversation qui unit les hommes (Into the white du Norvégien Petter Naess), bigotes crédules (The passion of Michel Angelo d’Esteban Larrain, Chili), épouse à reconquérir (Road north de Mika Kaurismaki, Finlande)…

Même le personnage de "femme forte" est une forme de stéréotype décliné avec plus ou moins de succès à travers le personnage d’Halima, mère courage yougoslave et seule protectrice de sa nièce (Halima’s path) ou celui d’Alice, dans Tango libre de Frédéric Fonteyne (Belgique), qui s’épanouit joyeusement dans un trio amoureux atypique. Même la restauratrice sûre d’elle de Brasserie romantique passe son temps à se sacrifier pour les autres, qu’il s’agisse de son frère ou de sa nièce.

Au final, seuls trois personnages alabama monroe féminins de la sélection semblent échapper aux stéréotypes traditionnels. Mieux écrits, plus développés, ils donnent enfin une image subtile de personnages qui, au lieu d’être des femmes, sont tout simplement des êtres humains, avec leur propre sensibilité et personnalité, et surtout qui ne se définissent pas uniquement par leur rapport à un homme (femme de, mère de). L’héroïne de Broken circle breakdown de Felix van Groeningen (Belgique) travaille dans le monde du tatouage et chante dans un groupe de bluegrass. Elle n’est pas dépendante de son compagnon (qu’elle refuse d’épouser) et sait reprendre sa liberté quand elle le souhaite.

Même chose avec la jeune journaliste engagée de Viva Belarus!, qui est sans cesse dans l’action, prête à se battre pour ses idées, et surtout à prendre des risques. Elle ne suit pas un homme qui serait son mentor, mais au contraire tente de convaincre son petit ami de la nécessité de militer.

baby bluesEnfin, la jeune fille haute en couleur de Baby blues (Kasia Roslaniec, Pologne) prend sa propre vie en mains. Elle est certes irresponsable et égoïste, mais elle poursuit son rêve (travailler dans la mode) et ne se laisse dicter aucun choix.

Sa personnalité multiple et créative se reflète dans ses tenues vestimentaires, originales et décalées. C’est une vraie adolescente d’aujourd’hui, bourrée de contradictions et de failles, qui surprend sans cesse le spectateur.

Des personnages enfin capables de rivaliser avec leurs homologues masculins pour dresser le portrait, tantôt émouvant, tantôt édifiant, d’êtres humains aux prises avec la vie. Preuve qu’il est possible, et surtout profitable, de s’extraire des éternels clichés sur ce qu’une femme est censée être pour se concentrer sur des personnalités et des destins particuliers.

L’instant Court : Oser – Changer, réalisé par John Doe

Posté par kristofy, le 8 mars 2013

Comme à Ecran Noir on aime vous faire partager nos découvertes, alors après le clip The Stars (are out tonight) avec David Bowie et Tilda Swinton, voici l’instant Court n° 103.

Vendredi 8 mars : Journée des droits des femmes. Les sujets à aborder sont nombreux comme par exemple les violences domestiques, thème pour lequel ont été produits différents courts-métrages de sensibilisation avec Keira Knightley filmée par Joe Wright ou encore Clotilde Coureau filmée par Olivier Dahan.

L'indispensable émancipation féminine dans le monde est également à l'affiche sur grand écran avec le magnifique Wadjda de Haifaa Al Mansour, portrait sensible et juste d'une jeune Saoudienne bien dans ses baskets, mais aussi avec l'inégal Syngué sabour - Pierre de Patience d'Atiq Rahimi, qui met en scène une femme afghane dépassant ses peurs pour reprendre le contrôle de sa vie.

La nécessité de faire face à ses peurs pour gagner plus de confiance en soi a justement été mise en scène de façon très parlante dans un film court muet. On y voit des femmes dans diverses situations qui reculent devant des peurs intimidantes, alors qu’il faudrait juste prendre un peu d’élan pour aller de l’avant… Il s’agit d’une publicité dont le slogan "Oser - Changer" montre l’importance pour une femme de s’affirmer, voir de s’imposer. Eh oui : en 2013, on en est encore là...

Voici donc le spot Dare-Change réalisé par John Doe en 2006, et conçu par une agence de publicité au Pérou pour la marque Saga Fallabella.

Crédit photo : image modifiée, d’après un extrait du film Dare-Change