Takeshi Kitano quitte sa société de production

Posté par vincy, le 14 mars 2018

L'acteur, humoriste, producteur, réalisateur et écrivain Takeshi Kitano quittera Office Kitano, la société qu'il a co-fondé, à la fin du mois de mars. Il affirme vouloir retrouver son indépendance. C'est le président d'Office Kitano, Masayuki Mori, qui a révélé l'information dans la presse japonaise. "Beat Kitano" lancerait sa propre structure.

Office Kitano, créée par Takeshi Kitano et Masayuki Mori en 1988, est à la fois une société de production et une agence de talents, qui a représenté des dizaines d'humoristes et de comédiens, surnommés "L'armée de Kitano".

Masayuki Mori affirme ainsi que Takeshi Kitano "abandonne les fardeaux qu'il a portés durant trente ans, y compris toute son "armée", afin d'avoir plus de temps personnel".

Office Kitano voit ainsi partir sa star dont elle a produit tous les films depuis 1991. En décidant de lâcher l'affaire, le réalisateur et l'acteur Kitano, âgé de 71 ans, rend l'avenir de la société incertain. Selon les médias japonais, de nombreux artistes devraient quitter Office Kitano suite à cette décision.

Office Kitano est né de la nécessité de gérer les émissions télévisée de Takeshi Kitano et d’une bande d’amis acteurs. Trois ans plus tard, Office Kitano devient une société de production avec A Scene at the Sea, le troisième long métrage de Takeshi Kitano. Office Kitano produit (et distribue au Japon) d'autres films japonais et étrangers, en commençant avec Ikinai de Hiroshi Shimizu (1998). Shôzô Ichiyama, Jia Zhangke (Au delà des montagnes, A touch of sin), Abolfazl Jalili, Atsushi Funahashi, Takashi Miike, Dankan, Makoto Shinozaki, sont tous des auteurs de la maison. L'entreprise a également lancé en 2000 FILMEX, un festival de cinéma dédié aux productions indépendantes.

Avec Hana-bi de Takeshi Kitano, Office Kitano a été couronnée par un Lion d'or à Venise en 1997. Plusieurs de ses films ont été en Sélection officielle à Cannes. Récemment, la société a produit Traces of Sin de Kei Ishikawa, présenté à Venise en 2016, et le dernier Kitano en date, Outrage Coda, troisième volet de sa saga Outrage, sélectionné à Venise en 2017. Deux films sont actuellement en production: Lovers on borders, une coproduction avec le Portugal, réalisé par Atsushi Funahashi et Ash is purest white, le prochain Jia Zhangke, prévu pour 2019.

Quant au réalisateur Takeshi Kitano, il a récemment évoqué l'idée de faire une comédie romantique, inspirée de son premier roman, paru au Japon l'an dernier.

L’acteur japonais Ren Osugi est mort (1951-2018)

Posté par vincy, le 22 février 2018

L'acteur japonais Ren Osugi est mort le 21 février 2018 à l'âge de 66 ans d'une attaque cardiaque. Figure récurrente du cinéma de Takeshi Kitano, il avait été de plusieurs de ses films comme les beaux Kids Return et Hana-bi, mais aussi dans Sonatine, mélodie mortelle, Aniki mon frère, Dolls, Glory to the Filmmaker, Achille et la tortue, Takeshis, Getting Any? et Outrage coda ( l'an dernier). Il avait été nommé comme meilleur second-rôle aux Awards of Japanese Academy pour Hana-bi. Le Festival de Yokohama lui avait décerné un prix du meilleur second-rôle pour l'ensemble de ses films de la saison 1997-1998.

Ren Osugi a aussi tourné régulièrement avec Takashi Miike (Ley Lines, Audition, Dead or Alive 2, MPD Psycho, Zebraman) et Kiyoshi Kurosawa (Cure, Licence to live, Charisma, Loft). Second-rôle à la filmographie impressionnante, on l'a aussi vu chez des cinéastes connus comme Yoichi Sai (Inu Hashiru), Hirokazu Kore-eda (Maborosi), Masayuki Suo (Shall we dance?), Sabu (Monday, Blessing bell, Ten no Chasuke), Yoji Yamada (Le Samouraï du crépuscule)...

Sa carrière de près de 45 ans, aussi bien sur le petit que le grand écran, l'a mené à jouer les yakusas, les pères de famille comme les chauffeurs de taxi ou les gérants d'hôtel. Très populaire dans l'archipel nippon, il avait cette capacité de passer en un instant du rire au drame, de l'idiot à l'autoritaire, de l'amoureux au mélancolique.

Super Mario « switche » vers le cinéma

Posté par vincy, le 3 février 2018

A 32 ans et des poussières Super Mario, icône mondiale aussi populaire que Mickey, va devenir un héros de film d'animation. Nintendo a annoncé le projet qui sera produit en collaboration avec Illumination Entertainment (Moi moche et méchant).

"Les gens m'avaient dit que faire un jeu et faire un film étaient deux choses similaires, mais c'est complètement différent", a expliqué Shigeru Miyamoto, le créateur du pombier moustachu le plus célèbre du monde, lors d'une conférence de presse à Tokyo.

"L'un est interactif et l'autre est une expérience passive", a poursuivi le créateur, qui a lui-même déjà réalisé un court métrage (Kirby 3D) et une série télévisée (Pikmin).

Cela fait deux ans que les deux entreprises de l'entertainment discutent du projet. Le scénario est en cours d'écriture. Le film sera co-financé par Nintendo et Universal Pictures. La sortie n'est pas prévue avant 2020.

Une volonté d'en faire une star multi-supports

Super Mario traverse les époques et les technologiques: de la gameboy à la console en passant par la Wii, le voici héros de la Switch avec Super Mario Odyssey. Mais Nintendo a conscience que la diversification est nécessaire pour faire durer ses personnages. Longtemps réfractaire aux applications mobiles, la société japonaise a finalement franchi le pas.

Nintendo a aussi lancé récemment des applications pour mobiles après avoir été longtemps réticent à franchir le pas. Ce sera le cas avec Mario Kart Tour, qui devrait être prête dans les prochains mois. La diversification vers l'animation vise de la même façon à promouvoir davantage ses personnages vedettes et attirer de nouveaux joueurs.

Super Mario été adapté en film en 1993, Super Mario Bros avec Bob Hoskins (Mario), John Leguizamo (Luigi) et Dennis Hooper (Roi Koopa). Il avait coûté 42 millions de dollars et n'avait rapporté que 21 millions de dollars.  Il y a également eu plusieurs séries animées avec les personnages du jeu.

J.J. Abrams veut adapter le film d’animation japonais Your name

Posté par vincy, le 29 septembre 2017

Paramount Pictures et la société de prod de J.J. Abrams Bad Robot ont acquis les droits pour adapter le film animé japonais Your Name. Dans la veine de Ghost in the Shell, et dans l'attente d'un Akira qui se laisse désirer, le film serait une version en prises de vues réelles du film-phénomène de Makoto Shinkai.

Your Name a rapporté 355M$ dans le monde, dont 5M$ sur le territoire nord-américain. Il est le 4e film le plus vu au Japon, après Le voyage de Chihiro, Titanic et La Reine des neiges. C'est aussi le film japonais le plus vu en Chine. En France, le film a attiré 250000 spectateurs.

Le scénario de cette version américaine sera écrite par Eric Heisserer, nommé à l'Oscar en février pour Premier contact. Aucune date de production n'a encore été mentionné.Enregistrer

Venise 2017 : John Woo revient au polar avec Manhunt

Posté par kristofy, le 9 septembre 2017

Le maestro du polar Hongkongais John Woo est de retour avec Manhunt présenté en première mondiale à Venise. D’ailleurs le montage a été terminé juste un peu avant le festival. Est-ce que John Woo va nous éblouir de nouveau avec sa maestria de gunfights et de cascades ? Pour les scènes d’action, on se retrouve en terrain connu. Cette chasse à l’homme nous renvoie aux standards du genre plusieurs dizaines d’années en arrière. L’ensemble est plaisant, mais pas époustouflant.

On adore justement John Woo pour son sens de l’esbroufe des années 80 à Hong-Kong (Les Larmes d'un héros, Le Syndicat du crime, The killer, Une balle dans la tête…) qu’il a su régénérer ensuite aux Etats-Unis (Broken Arrow, Volte-face, Mission impossible 2…) avant de retourner en Chine pour des films d’époque en costumes (Les Trois Royaumes, Le Règne des assassins, Crossing…). Le souhait de beaucoup était de revoir John Woo aux commandes d’un polar comme il en faisait avant (un projet de remake de The Killer est dans l’air), ce vœu est exaucé maintenant avec Manhunt. On aurait aimé qu'il soit satisfaisant.

Un avocat d’une grande firme pharmaceutique est accusé à tort d’un crime qu’il n’a pas commis, il est poursuivi à la fois par des tueurs et par un flic. Il va devoir évité d’être tué, protéger une femme qui veut se venger, convaincre le flic qu’il est innocent, et bien entendu contrer les projets de… (tadaaa : une grande firme pharmaceutique). Le scénario de ce genre de polar est connu d’avance (c’est toujours l’ex-employeur). C’est d’ailleurs un remake du Manhunt japonais de 1976 avec l’acteur Ken Takakura, auquel John Woo rend ainsi hommage : "la première fois que je l’ai vu dans des films ça m’a marqué, c’était des histoires de gangsters ou d’évasion de prison. Il avait beaucoup de charisme. Je me suis inspiré de son image pour la personnage de Chow Yun-fat dans Le syndicat du crime et The killer, avec par exemple un long manteau."

La séquence d’introduction où le héros croise par hasard deux tueuses nous met dans l’ambiance avec une fusillade en règle. De plus c’est la première fois chez John Woo que les ‘méchants’ sont des 'méchantes'. Ensuite le scénario est conduit de façon à faire se suivre les scènes d’action attendues : course dans le métro, poursuite en scooter de mer, assaillants sur des motos lors d’un mariage, fusillade dans une maison où le héros est menotté au flic, combat rapproché dans un laboratoire, et bien entendu, OUI!, un envol de colombes ! C'est sa signature.

On y pend certes plaisir mais les autres scènes qui font progresser l’histoire sont laborieuses. Les faiblesses de Manhunt sont d’abord liées à son mode de fabrication, tout se passe au Japon mais c’est une co-production avec un casting panasiatique : l’actrice Qi Wei est chinoise, Ha Ji-won est coréenne, Okammoto Tao est japonaise (auparavant vue dans des films de super-héros américains), Angeles Woo, la fille du réalisateur est aussi présente. Dans les deux rôles principaux masculins le flic est le japonais Masaharu Fukuyama (vu dans les films de Hirokazu Kore-eda mais peu crédible ici, il est surtout un chanteur populaire dans son pays), et le héros fugitif est le chinois Zhang Hanyu (déjà héros pour Tsui Hark et Dante Lam). Cette variété de talents (pour que le film soit le plus exportable possible) est une belle réunion, mais l’ensemble est très inégal ou mal dirigé (avec des moments presque parodiques). Surtout, dans certaines situations, les dialogues sont en japonais ou en mandarin et dans d’autres en anglais sans aucune logique (et les répliques anglaises sont risibles), ce qui provoque des rires involontaires.

John Woo est de retour avec une carte de visite de ce qu’il sait bien faire, espérons que cela lui permettra de nous offrir ensuite un film d’un tout autre calibre.

Les reprises de l’été: Le Destin de Madame Yuki de Kenji Mizogushi

Posté par vincy, le 19 juillet 2017

Ce qu'il faut savoir: Kenji Mizogushi (1898-1956) est l'un des plus grands cinéastes asiatiques de sa génération. A la sortie du film Le Destin de Madame Yuki, adaptation d'un roman de Seiichi Funabashi, il n'a pas encore connu la notoriété internationale acquise avec ses multiples sélections et prix au Festival de Venise entre 1952 et 1956 et sa place en compétition à Cannes en 1954 avec Les amants crucifiés. Cinéaste prolifique (il tournait parfois deux à trois films par an). Films sans Frontières le ressort au cinéma le 19 juillet en version restaurée.

Le pitch: Unique rejeton d'une maison noble, Madame Yuki a épousé un homme égoïste et vil qui non seulement la bat mais la trompe ouvertement. Masaya, son ami de longue date, est épris d'elle. Mais, respectueuse des traditions, Madame Yuki n'ose rendre à son mari la monnaie de sa pièce. Elle commence à envisager le divorce lorsque son mari l'offense cruellement...

Pourquoi il faut le voir? Le film n'a jamais été montré en salles depuis plus de 30 ans et est inédit en vidéo. Œuvre méconnue du cinéaste, Le Destin de Madame Yuki est l'un de ces portraits de femmes magnifiques, sur fond de mélodrame, piégées par leur condition sociale et leurs aspirations amoureuses. Ici, Mizogushi s'intéresse à deux classes différentes: l'aristocratie d'avant-guerre et la bourgeoisie cupide et arriviste née de la reconstruction nippone. La femme souffre ainsi de cette déchéance inéluctable et d'un mari vulgaire et infidèle. En quête d'émancipation, elle va vouloir faire fructifier son seul bien en héritage, en transformant sa maison de campagne, symbole de son passé, en auberge. Mais éperdument soumise et incapable de se défaire de son mari, elle se fera spolier par lui. Ce qui est passionnant dans ce film pudique, magnifique et distant est cependant ailleurs: le réalisateur nous interroge sur la liaison entre amour et désir charnel. Le démon intérieur qui brûle en elle l'empêche finalement de s'affranchir tant elle est dépendante sexuellement. Ainsi, son mari la répugne mais il est le seul à la satisfaire sexuellement, tandis que son amant, raffiné et cultivé, est impuissant. Yuki ne peut qu'être désillusionnée et constater sa lâcheté. Habituellement poignants, les films du cinéastes abordent la passion avec une forme de mélancolie, tout en nous mettant au centre d'un duel où le féminin et le masculin s'opposent. Clairement, le cinéaste avait à cœur de sublimer le monde féminin, imaginatif, contemplateur et doux. Cela s'illustre parfaitement avec les mouvements de caméra majestueux et fluides. Chez Mizogushi, il y a toujours une maîtrise du récit, des fulgurances poétiques, et une sensibilité à fleur de peau. Comme le dit Martin Scorsese: "Mizoguchi est l'un des plus grands maîtres à avoir travaillé sur le medium qu'est le cinéma; je le place juste après Renoir, Murnau et Ford."

Le saviez-vous? Mizogushi n'aimait pas son film, l'estomant trop mélodramatique et presque trop beau. Pourtant, le plan-séquence funèbre où Yuki dans la brume matinale s'éloigne jusqu'à disparaître près d'un lac est splendide et figure parmi les plus belles scènes du 7e art. Ce lac, le Lac Biwa, métaphore du vague à l'âme et de la perte de soi, est une immense étendue d'eau au centre du Japon, entre les Alpes et Kyoto. On le retrouve notamment dans un autre film de Mizogushi, Les contes de la lune vague après la pluie (1953). Notons aussi que l'actrice incarnant Yuki, Michiyo Kogure, a aussi joué pour Akira Kurosawa, Yasujiro Ozu, Mikio Naruse et Tomotaka Tasaka. Le destin de Madame Yuki a été sa première collaboration avec Mizogushi. Ils ont tourné 4 films ensemble, dont le dernier film du cinéaste, La rue de la honte.

Edito: Netflix, le réveil de la force

Posté par redaction, le 8 juin 2017

Il est évident que Netflix transforme le paysage cinématographique. On peut se désoler de voir que de grands cinéastes et de bons films ne soient jamais diffusés en salles. Mais après tout, cela fait longtemps que la télévision a attiré les Scorsese, Spielberg et autres Soderbergh pour produire/réaliser des séries. Et n'oublions pas le pionnier, Hitchcock. A Cannes, le débat a envahit la Croisette, au point, parfois, d'en oublier la qualité des films sélectionnés.

Est-ce si révolutionnaire que de vouloir produire des films exclusifs pour fidéliser ses abonnés et en attirer de nouveaux? HBO l'a déjà fait. Canal +, de par sa convention avec l'Etat, s'arroge le droit d'être la première fenêtre de diffusion après le passage en salles et en location vidéo. C'est de bonne guerre. Ce qui choquerait avec Netflix, c'est l'impossibilité de voir Okja, War Machine ou The Meyerowitz Stories au cinéma.  Bizarrement, on ne se pose pas la question pour toutes les séries B qui débarquent directement en vidéo à la demande (e-cinéma, c'est plus chic), sans passer par la case salles. Ces films en e-cinéma ont le droit à des projections presse. Netflix fera sans doute de même prochainement, afin d'accentuer la visibilité de ses productions "starisées".

Le débat autour de la diffusion n'est pas que français et l'intérêt pour Netflix n'est pas réservé qu'aux professionnels américains.

Ainsi, hier, Naomi Kawase s'est dite prête à travailler avec Netflix: "Si une firme comme Netflix ou toute autre société de production étrangère a des moyens pour travailler avec une réalisatrice qui a acquis une réputation internationale, ce peut être une façon pour moi d'exprimer librement ce que je veux", ajoutant qu'elle ne regretterait pas "une telle occasion" qui est, selon elle "plutôt comme un défi à relever". Pour les auteurs, les plateformes de SVàD sont une véritable aubaine alors que le marché art et essai se contracte en nombre de spectateurs dans le monde entier et que les financements sont de plus en plus difficiles à trouver pour des scénarios originaux.

La réalisatrice japonaise a commencé à réfléchir à cette possibilité quand son confrère sud-coréen Bong Joon-ho, dont Okja, en compétition à Cannes et financé par Netflix (50M$), s'est réjoui de la liberté créative qu'il a eu. "Il dit que Netflix lui donne tout l'argent dont il a besoin et n'intervient pas", explique Kawase, rappelant que le cinéma d'auteur japonais est plus que fragile et focalisé sur les productions populaires, souvent adaptées de mangas, romans ou séries TV. Hirokazu Kore-eda ne dit pas autre chose: "Plus de réalisateurs vont à l'avenir vouloir travailler avec Netflix ou Amazon. S'il reste comme il est, tout le secteur va couler." Plutôt que de constater le déclin du cinéma d'auteur japonais, les cinéastes se tournent vers l'étranger pour financer leurs œuvres.

De l'autre coté de la mer du Japon, le cinéma est florissant en Corée du sud. Il sait se protéger, se financer, s'exporter. En Corée du sud (mais aussi aux Etats-Unis et au Royaume Uni), Okja bénéficie même d'une exception: le droit d'être sorti en salles. Mais, comme pour la France, les professionnels ont décidé de se rebeller contre Netflix, producteur et diffuseur du film. Une grande chaîne sud-coréenne de salles de cinéma, CGV, premier réseau du pays avec 1000 écrans, a annoncé qu'elle ne diffuserait pas ce film très attendu si Netflix le mettait en ligne simultanément sur sa plateforme. Il y a deux ans, la suite de Tigre et Dragon avait suscité la même réaction de la part des circuits américains, qui avaient boycotté le film.

Le problème Netflix est ailleurs

Dans l'histoire, ce sont les spectateurs qui sont pris en otage: soit ils ne peuvent pas voir le film en salles, soit ils sont contraints de s'abonner à la plateforme. Cela peut faire le beau jeu des pirates. Toujours est-il qu'il va falloir rapidement revoir la chronologie des médias. Après tout, en tant que producteur, Netflix a le droit de choisir sa stratégie de distribution, quitte à exclure définitivement la salle de cinéma dans un premier temps (le cinéma serait alors une sorte de deuxième fenêtre, après le streaming exclusif). Pour le cinéphile comme le cinéaste, le "produit" reste un film de cinéma. Qu'on le voit chez soi, en salle, dans un festival ou à bord d'un avion, ça ne change pas grand chose, hormis la sensation, le plaisir que l'on peut éprouver selon le lieu (sous la couette, avec un public, avec les artistes, ou pour combler l'ennui).

Mais avant de se focaliser sur ce combat multi-supports (que les médias ont depuis longtemps intégré), peut-être faut-il mieux se concentrer sur le vrai problème qu'induit la force des plateformes de type Netflix. Il serait beaucoup plus judicieux d'obliger ces géants américains à payer leurs impôts dans le pays où ils sont diffusés, en fonction du chiffre d'affaires dégagé par leurs abonnements locaux. Car ce n'est pas tant le modèle économique d'un Netflix qui pose problème (en effet, s'ils investissent dans des films, on ne peut être que ravis). Mais c'est bien le contournement des règles fiscales et la distorsion de concurrence par rapport aux producteurs-diffuseurs nationaux qui pénaliseront à terme l'industrie cinématographique de pays comme la France, la Corée du sud ou l'Argentine, dont les éco-systèmes ont permis depuis des années de résister à l'hégémonie culturelle américaine.

Ce n'est pas simplement défendre notre exception culturelle que de réclamer des droits et des devoirs à un géant transnational au-dessus des Lois, mais il s'agit bien de protéger notre modèle culturel, qui passe par une solidarité fiscale. Canal + a l'obligation de financer des productions françaises. Pour toucher des aides du CNC, il faut être installé en France. Il n'y a aucune raison que Netflix profite du marché français sans contreparties bénéficiant à tout le secteur.

Cannes 2017: Qui est Masatoshi Nagase ?

Posté par vincy, le 23 mai 2017

Il y a un an, Masatoshi Nagase arrivait dans l'un des derniers plans de Paterson, de Jim Jarmusch, comme par surprise. Il jouait le touriste japonais, consolant Adam Driver de la perte de ses poèmes. Ils sont assis sur un banc, devisent sur la vie, la poésie. L'une des plus belles et des plus drôles séquences de l'année. Masatochi Nagase, 51 ans, est un acteur japonais a priori discret. Dix ans après avoir commencé à tourner, les Oscars japonais le voyaient encore comme un "espoir". C'est Jim Jarmusch qui l' a vraiment révélé. En 1989. Il apparaît dans Mystery Train, déjà en sélection à Cannes, dans le premier segment, "Far From Yokohama". Un ado japonais, en couple, qui fait un pèlerinage à Memphis, sur les pas d'Elvis. Clope en bouche, visage grimé par du rouge à lèvre, il est même sur le poster de ce film culte.

Deux ans plus tard, il est consacré avec deux "Oscars" japonais (second-rôle masculin et espoir) pour trois films My sons (Musuko) de Yôji Yamada (récompensé comme meilleur film de l'année au passage dans son pays), Mo no shigoto de Takumi Kimizuka et Asian Beat: I Love Nippon de Daisuke Tengan. A partir de là, après une première décennie calme, les rôles vont s'enchaîner. Autumn Moon de Clara Law reçoit d'ailleurs le Léopard d'or à Locarno. Sa jeunesse, son physique avenant mais pas quelconque, son élégance innée qui s'amuse avec des coupes de cheveux hérissés ou désordonnés, son tempérament punk (il était chanteur rock du groupe MACH 1.67) et son talent indéniable le conduisent à jouer dans des films aussi différents que le mélo Original Sin de Takashi Ishii, le thriller The Most Terrible Time in my life de Kaizô Hayashi, l'étrange et décalé Cold Fever de l'islandais Fridrik Thor Fridriksson, le polar The Stairway to the Distant Past de Kaizô Hayashi...

Il continue ainsi ses voyages singuliers, passant de Hal Hartley (Flirt, 1995) à Yoji Yamada (Gakko II, 1996, 12 fois nommé aux Oscars nippons), de Macoto Tezuka (Hakutchi, l'idiote, 1999) à Isao Yukisada (Tojiru hi, 2000). Comédie ou fresque historique, films indépendants ou grosses séries B, second rôle ou personnage principal, Masatoshi Nagase n'a aucun fil conducteur. Il est juste prolifique. Certains de ses films font le voyage jusqu'en Europe, dans les festivals de San Sebastian, Turin, Thessalonique, ... Mais les années 2000 semblent quand même plus compliquées pour lui: il vieillit, les projets sont moins bons, il accepte beaucoup de films de genre, adaptations de manga ou productions pour teenagers. Ce qui ne l'empêche pas de faire de la photo (le temps qui passe, des portraits, des paysages) et d'être ainsi exposé dans les grandes villes asiatiques. Il y a bien quelques exceptions, comme des fulgurances qui rayonnent sur sa filmo.

Ainsi, Yoji Yamada, toujours, lui permet de revenir au devant de la scène avec La servante et le samouraï (2004), en compétition à Berlin. Pour la première fois, il est nommé comme meilleur acteur aux Oscars japonais. En 2007, Funuke Show Some Love, You Losers!, chronique familiale endeuillée de Daihachi Yoshida est à la Semaine de la Critique. Il remporte aussi le prix du meilleur second rôle masculin au Festival de Yokohama.

C'est l'approche de la cinquantaine qui lui offre de quoi rebondir. En 2014, dans un film taïwanais, Kano, prix de la critique et prix du public aux Golden Horse Awards (et pour lui une nomination comme meilleur acteur). L'an dernier, il était à l'affiche du diptyque Rokuyon de Takahisa Zeze , plusieurs fois nommés aux Oscars japonais, et de Happiness du réalisateur SABU.

Mais c'est en 2015 qu'il s'est rappelé à nous avec Les délices de Tokyo de Naomi Kawase. Le voici fabriquant de beignets de haricots rouges dans le premier film "mainstream" de la cinéaste japonaise. Sélectionné à Un certain regard à Cannes, le film lui permet surtout d'obtenir le prix du meilleur acteur au Festival de Yokohama. Et c'est avec Kawase qu'il arrive en Cannes en compétition cette année. Dans Radiance (Hikari), il apparaît vulnérable et égaré, dans une histoire qui confronte un homme qui passe à côté de la vie à force de l'observer et une jeune femme qui sait profiter du présent. De Jarmusch à Kawase, il semble aimer ces hommes en perdition, où l'absolu leur fait perdre l'esprit... Enfin dans la lumière, Masatoshi Nagase?

Le vagabond du cinéma nippon Seijun Suzuki est mort (1923-2017)

Posté par vincy, le 24 février 2017

Le réalisateur japonais Seijun Suzuki , connu pour ses films aux studios Nikkats, notamment pour son film La marque du tueur (1967) est mort à Tokyo le 13 février dernier à l'âge de 93 ans.

Cinéaste culte, il avait réalisé une quarantaine de séries B entre 1956 et 1968, qui lui ont permis d'être admiré par des confrères aussi divers que Jim Jarmusch (Ghost Dog s'est inspiré de La marque du tueur), Quentin Tarantino ou Wong Kar-wai (qui lui emprunta le th§me musical d'un de ses films pour la bande originale de In the mood for love).

Né le 24 mai 1923, il a fait ses premières armes dans la marine durant la seconde guerre mondiale, développant en lui un goût pour démontrer la violence comme un sujet aussi grotesque qu'absurde. Juste après la guerre, il devient assistant-réalisateur. En 1954, il est engagé par les studios Nikkatsu, se mettant à l'écart de la Nouvelle vague japonaise (tout en étant parfois assez proche du cinéma de Godard, nul n'est prophète en son pays). Le studio lui offrait de confortables revenus et ce choix matériel a dicté son cinéma tandis que ses collègues brillaient dans les festivals internationaux.

"Je n'avais jamais rêvé de devenir réalisateur. Je souhaitais seulement devenir un homme d'affaires. [...] J'ai fini par échouer à l'examen pour devenir étudiant en commerce. Au même moment, il y avait un examen pour devenir assistant réalisateur à la Shochiku. Je l'ai tenté, et j'ai réussi. C'était le début de ma carrière dans le cinéma, et c'était quelque peu par accident" a-t-il expliqué dans un grand entretien pour le livre Outlaw masters of Japanese film en 2005.

Ses deux films les plus cultes ont conduit à sa perte

Il réalise son premier long en 1956 (À la santé du port: La victoire est à nous). Durant douze ans, il réalise des films à bas coûts, tournés rapidement, mais stylistiquement originaux pour séduire un public jeune. Mais son style très personnel, mélange de film noir et d'humour absurde, de surréalisme et d'expérimental, déconcertait. Trop iconoclaste pour le studio, il était sous pression. C'est alors qu'il réalise ses deux plus grands films, Le vagabond de Tokyo, film de yakuzas assez pop pour ne pas dire kitsch, et La marque du tueur, à l'esthétique noir et blanc sensuelle. Mais la patron de la Nikkatsu trouvait ces deux films invendables et le vira en 1968.

Dès lors le calvaire commence: le réalisateur sera interdit de tourner au Japon pendant 10 ans. Il devra intenter un procès contre son ancien employeur. Cette longue absence l'a conduit à devenir publicitaire et écrivain. Le procès achevé, il s'est remis au cinéma, avec une plus grande liberté. Mélodie Tzigane fut élu meilleur film japonais de l'année en 1981 aux Japanese Academy awards, et il remporta également le titre du meilleur réalisateur.

Sombrant dans l'oubli, avec des œuvres mal diffusées, il aurait pu déchoir complètement. Mais c'était sans compter le travail acharné de certains programmateurs et l'influence qu'il a eu sur de nombreux cinéastes... Son sens de la satire, sa critique sociale, son goût pour une violence presque comique, ses couleurs franches et son sens de l'action rappellent d'ailleurs quelques séquences de Tarantino. Si il a peu tourné depuis son retour derrière la caméra (10 films en 30 ans), il a réussi à filmer une comédie musicale, Princess Raccoon, en 2005 (son ultime film), présentée au Festival de Cannes en séance spéciale.

Bilan 2016: Grosse fatigue du cinéma français à l’export

Posté par vincy, le 15 janvier 2017

Ce fut une très belle année pour la fréquentation des salles en France. A l'inverse, 2016 a été désastreuse pour le cinéma français dans le monde. Seulement 34 millions de spectateurs sont venus voir des films français à l'étranger (soit 230 millions d'euros de recettes, et donc une chute de 62% des revenus). On est très loin des 111 millions d'entrées à l'international en 2015 ou des 120 millions en 2014, deux années où le nombre d'entrées à l'étranger était supérieur à celui des spectateurs en France pour des films français.

Le phénomène est global, touchant tous les genres et tous les pays. Du jamais vu depuis plus de dix ans. En effet, c'est la première fois que l'on passe sous le cap des 50 millions d'entrées depuis 2007.

Il faut dire que 2016 a souffert de l'absence d'une comédie porteuse comme Intouchables ou de productions anglophones d'Europacorp comme Taken ou Le Transporteur (2017 devrait ainsi être largement meilleure grâce à Valérian de Luc Besson). Mais ceci n'explique pas tout.

Car en 2016, les films en langue française n'ont séduit que 22 millions de spectateurs dans le monde: c'est une chute de 52% par rapport à 2015. Par voie de conséquence, Unifrance, qui publie les chiffres, constate que "Les 5 plus grands succès français de l’année 2016 ne représentent que 28,3% des entrées globales du cinéma français dans les salles étrangères, contre 70,5% en 2015. Autre conséquence notable, les films en langue française réalisent 22 millions d’entrées en 2016, soit près de 64% des entrées totales sur la période, une proportion record depuis plus de 15 ans, bien supérieure à la moyenne de 43,6% constatée sur les 10 dernières années."

On s'interroge cependant: sans Le Petit Prince, déjà un beau carton en 2015, qu'est-ce-que ça aurait été? "Après une année 2015 exceptionnelle à plus de 15 millions d’entrées, [il] continue de rayonner hors de nos frontières pour sa 2e année d’exploitation. Avec plus de 3 millions de spectateurs supplémentaires rassemblés sur une quarantaine de territoires, il devient le plus grand succès de l’année 2016 pour une production franc?aise et le film d’animation le plus vu à l’international."

Derrière Le Petit Prince et ses 92M€ de recettes cumulées, on retrouve un modeste succès d'EuropaCorp, Oppression de Farren Blackburn (1,8 million d'entrées, dont près de la moitié en Amérique du nord), puis Le goût des merveilles d'Éric Besnard (900000, essentiellement en Allemagne où il fait deux fois mieux qu'en France), Les nouvelles aventures d'Aladin d'Arthur Benzaquen (800000, dont les trois quarts en Chine), Un homme à la hauteur de Laurent Tirard (700000, qui a bien fonctionné en Pologne et en Russie), Les saisons de Jacques Perrin et Jacques Cluzaud (700000 grâce au Japon), Mustang de Deniz Gamze Ergüven (700000), L'étudiante et Monsieur Henri d'Ivan Calbérac (600000), Chocolat de Roschdy Zem (600000) et Elle de Paul Verhoeven (500000), qui n'a largement pas terminé sa carrière internationale. Médecin de campagne, 11e, approche des 500000 entrées et des films comme Les innocentes et L'avenir ont dépassé les 400000 entrées. En revanche, de Radin! avec Dany Boon aux Visiteurs 3 en passant par L'odyssée et Cézanne et moi, les flops ont été nombreux, ne réalisant pas les scores attendus dans des marchés captifs (Belgique et Suisse pour les comédies, Royaume Uni et USA pour les biopics).

Unifrance constate aussi le retour du leadership de l'Europe occidentale comme marché principal, repassant devant l'Amérique du nord, de très loin. Aux Etats-Unis et au Canada anglophone (-61%), seuls Elle et Les innocentes ont dépassé le million de dollars de recettes. Mais ce territoire reste le plus important pour l'export français.
L'Asie s'affiche aussi en baisse, notamment en Chine où le recul est de 93%! Les Saisons a été le film le plus vu au Japon, 2e marché de la zone, avec 421 000 entrées.
En Espagne, ça chute de 46%, en Allemagne (où la fréquentation globale est en fort recul), de 30%, en Italie (2e marché après les USA, sauvé grâce au Petit Prince), de 15% et en Belgique et Luxembourg de 13%, pour ne prendre que les cinq plus gros marchés.
Au Québec on enregistre 676 000 entrées pour le cinéma français (11% de parts de marché), grâce notamment aux 86 000 entrées du Petit Prince, mais aussi aux très jolis scores de Demain et de La Vache, qui viennent compléter le podium.