Cannes 2014 : rencontre avec Ioanis Nuguet, réalisateur de Spartacus et Cassandra

Posté par MpM, le 22 mai 2014

Spartacus et CassandraPrésenté dans le cadre de l'ACID, Spartacus et Cassandra de Ioanis Nuguet est un documentaire mêlant images prises sur le vif et voix-off très écrites qui viennent donner un contrepoint à ce qui se passe à l'écran.

On y découvre deux adolescents de la communauté rom, Spartacus et Cassandra, qui vivent sous le chapiteau d'un cirque à Saint-Denis. Ils ont été pris en charge par Camille, une très jeune femme qui se bat pour leur offrir un avenir. Le film suit à la fois leur parcours concret (chez le juge, auprès de leurs parents, à l'école...) et leur évolution plus psychologique (entre leur refus de quitter leurs parents et leur désir d'une nouvelle vie à la fin du film).

Ioanis Nuguet, dont c'est le premier long métrage, travaillait sur un projet de long métrage de fiction situé dans la communauté rom lorsqu'il a rencontré les deux protagonistes de son film. Immédiatement, il a eu envie de les filmer.

Ecran Noir : Comment s'est fait la rencontre avec Spartacus et Cassandra et comment est née l'idée du film ?
Ioanis Nuguet : J'ai passé beaucoup de temps sur les terrains roms de Saint-Denis. Pour moi c'était un terrain d'apprentissage. On s'est croisé quelques fois sur ce terrain avec Spartacus et Cassandra. Là un concours de circonstances a fait qu'il y a eu plein d'expulsions en même temps et qu'ils sont arrivés sur le terrain où j'étais déjà et où je filmais des trucs. La rencontre s'est faite là, avec Camille, aussi, qui avait l'idée, et qui l'a fait, d'apporter son chapiteau au milieu d'un bidonville. COmme pour les protéger et avoir un peu une présence particulière. Au départ je voulais faire une fiction à partir de leur vie. Tout de suite il a été question de film, et pour moi c'était évident qu'ils allaient jouer dedans. Et au même moment, j'ai rencontré ce producteur, Samuel XXX qui lui est arrivé sur le terrain au même moment avec l'idée de faire un film à travers des enfants roms. Toutes ces circonstances ont fait qu'un film était évident et rapide. C'est un documentaire qui reprend toute la grammaire du cinéma mais rien n'est fictionnalisé. On avait un peu de temps pour mettre en place les séquences mais c'est ce qui se passe réellement. Tout est filmé au moment où ça se passe, sur une période d'an et quelques mois.

EN : Le film est ancré dans la réalité, et en même temps les pensées des personnages apparaissent en voix-off...
IN : Pendant le tournage, moi j'avais des carnets et je notais. Très tôt, j'avais pensé à leur voix, à cette intériorité. Pour moi, les voix, c'est vraiment de la métaphysique, on a un truc qui va au-delà de ce qui nous est montré. Chaque jour je leur demandais comment ils avaient ressenti les choses. Ils étaient en train d'apprendre à écrire des vers, de la poésie, on les voit faire du rap dans le film. Du coup moi je leur demandais d'écrire sur leur journée, les situations, ce qu'ils avaient pensé. Et aussi, au montage, on a rajouté pas mal de voix sur des séquences. Là, pareil, je leur demandais. Ils ont produit plein de choses. Et après on montait, on enregistrait, on triait ensemble et on faisait des essais jusqu'à arriver à quelque chose qui nous satisfasse. C'était vraiment eux qui écrivaient.

EN : Quelle était l'idée derrière cette démarche ?
IN : C'était une démarche plus formelle. Il y avait l'idée d'ajouter de la distance et surtout de ne pas se coller à ce qui arrive. Au début du film, c'est assez réaliste. On est dans des situations assez oppressantes. Je l'ai cadré en plans très serrés. Au fur et à mesure qu'ils découvrent d'autres perspectives, ça s'élargit. Du coup il y a un sentiment que je trouvais un peu oppressant, donc tout à coup la voix c'était aussi redonner une ouverture au monde. La voix c'est tout ce qui questionne sur "qu'est-ce queje fais ici ?", qui questionne le sens et qui n'est pas uniquement dans l'événement, dans l'accident, dans l'urgence. Au fur et à mesure ces voix prennent de plus en plus d'ampleur jusqu'à constituer une narration à part entière, parallèle, quasiment.

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Vesoul 2014 : rencontre avec Brillante Mendoza

Posté par MpM, le 28 février 2014

Brillante Mendoza, chef de file du cinéma philippin contemporain, est régulièrement sélectionné dans les grands festivals internationaux depuis le milieu des années 2000 :  Le Masseur à Locarno en 2005, John John à Cannes et Tirador à Toronto en 2007,  Serbis à  Cannes en 2008, Lola en 2009 à Venise, Kinatay à Cannes en 2009 (avec un prestigieux prix de la mise en scène en prime), Captive en 2012 à Berlin, etc.

C’est donc fort logiquement que le festival international des Cinémas d’Asie de Vesoul lui a décerné son Cyclo d'honneur 2014, et lui a proposé de présider le jury international de sa 20e édition, qui proposait justement un regard sur le cinéma philippin.

Disponible et d’une grande simplicité, le cinéaste en a profité pour présenter une rétrospective de son travail, participer à une table ronde sur le cinéma de son pays, et aller à la rencontre des festivaliers. L’occasion de l’écouter parler avec énormément de précision de son travail minutieux de mise en scène, et de lui demander de décortiquer pour Ecran Noir sa méthode de travail habituelle :

La plupart de mes films sont basés sur des histoires vraies. J’essaye d’adapter ces histoires de la manière dont j’aimerais les voir dans la réalité.

Par exemple, si je pars de l’histoire de personnes en particulier, et si je vois les personnages en eux, j’essaye de les mettre dans le film, de transcrire leur vie dans le film. Ce n’est pas aussi simple que ce dont ça a l’air quand on regarde le film. Sur grand écran, tout simple improvisé, tout semble être exactement comme on le voit dans la réalité.

Mais pour obtenir ce résultat, et le rendre réaliste, comme un documentaire, cela demande beaucoup de travail et de patience. Il faut s’appuyer sur différents éléments de réalisation, comme le son, la direction artistique, la mise en scène, le montage, et même la musique. Même si on tourne en temps réel, il faut d’une certaine manière tout recréer lorsque l’on réunit tous les éléments.

Brillante MendozaComment procède-t-on concrètement ? Dès le casting : on mélange des acteurs professionnels avec des amateurs. Je les laisse improviser beaucoup. Je ne leur donne pas le scénario, même si j’en ai un. Je passe beaucoup de temps à faire des recherches, et j’écris avec une équipe de scénaristes, mais on ne montre pas notre travail aux acteurs. Je leur donne juste les situations et je les laisse improviser. Je ne leur dis pas où sera placée la caméra pour ne pas les bloquer.

Et pour ce qui est de la musique : je n’en utilise pas beaucoup. Si le film se suffit à lui-même, il n’y a pas besoin de musique.  Je pense que la musique sert à mettre les scènes en valeur. Mais s’il n’y en a pas besoin, s’il n’y a rien à mettre en valeur parce que ça sonne déjà tellement vrai, j’essaye d’adapter le son et l’environnement. Mais j’utilise la musique comme un son naturel de l’environnement.

Même chose avec la direction Brillante Mendozaartistique : je veux que tout semble le plus vrai possible. Je n’aime pas que les acteurs portent des vêtements qui ne sont pas habituellement portés par les gens ordinaires. Parce que la plupart de mes personnages sont des gens ordinaires. Ensuite, cela dépend. Si le personnage a vraiment besoin de porter du maquillage, alors je fais maquiller les acteurs.

Quoi d’autre… Ah oui, même dans le montage, j’essaye d’aller à l’encontre des règles. Normalement, quand on sort d’une école de cinéma, on apprend à suivre une série de règles de montage. Par exemple, si je filme votre visage, ensuite il faut montrer l’envers et filmer mon visage. Moi, je me contente de suivre mon instinct. De réfléchir à ce qui est nécessaire et à ce qui ne l’est pas.

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Photos : Brigitte Arradi

Vendôme 2013 : rencontre avec les réalisateurs en compétition

Posté par MpM, le 9 décembre 2013

vendôme 2013L'édition 2013 du Festival de Vendôme a débuté avec la présentation des 22 films de la compétition nationale, qui mêlent courts et moyens métrages, fictions et documentaires, animation et prises de vue réelles.

A l'issue des projections, les réalisateurs présents ainsi que des membres des équipes techniques ont assisté à une rencontre ouverte au public.

L'occasion de parler de certains films ayant particulièrement marqué les esprits, comme le très fort thriller social Avant que de tout perdre de Xavier Legrand, qui aborde la thème de la violence conjugale, ou plus largement de cinéma et de secrets de fabrication. Florilège des échanges.

Avant que de tout perdre

"C'est un sujet [la violence conjugale] qui, en tant que citoyen, me pose beaucoup de questions et me révolte un peu. La société a du mal à appréhender le problème pour le faire reculer. Une femme meurt tous les trois jours sous les coups de son compagnon. C'est un sujet difficile à aborder au cinéma. Je voulais parler de la violence dans la famille car le foyer est l'endroit où l'on devrait être en sécurité, alors que c'est l'endroit où l'on est paradoxalement le plus en danger. Je voulais aussi questionner la place des enfants quand il y en a. " (Xavier Legrand, réalisateur d'Avant que de tout perdre)

Quel avenir commercial pour le court métrage ?

"J'ai eu la chance qu'il y ait un buzz sur le film. Il a même bénéficié d'une sortie en salles à Paris au mois de mars. Ensuite il a circulé, il était diffusé après ou avant un long. Canal + le diffuse. Mais sinon, à part les festivals... C'est le support court métrage qui pose problème au niveau commercial. Je ne sais pas quel est l'avenir du court métrage. Ce serait à un producteur de répondre." (Xavier Legrand, réalisateur d'Avant que de tout perdre)

"Le mieux, c'est d'être sélectionné dans de nombreux festivals. Et puis il y a la diffusion en salles qui revient un peu, surtout sur Paris." (Aurélien Deseez, producteur de Dahus de Joao Nicolau).

"Je ne dis pas que tout est formidable, mais quand même, un court métrage diffusé sur France 2, même à 1h du matin, ça fait quand même 3000000 spectateurs. Ce n'est pas rien." (Christophe Loizillon, réalisateur de Petit matin)

Pourquoi faire court ?

"Le format 30 minutes, pour raconter ce jour où le personnage principal a décidé de quitter son mari violent, était le meilleur moyen de capter cette urgence. Ce qui se passe après, c'est un autre long métrage. De même que le mécanisme psychologique qui l'amène à partir." (Xavier Legrand, réalisateur d'Avant que de tout perdre)

Costumes

"C'est un poste qui n'est pas souvent bien traité en court métrage. Souvent on fait avec la garde-robe des comédiens... Mais dans le long aussi, ça arrive ! Après il faut quand même créer le personne, donc il faut s'adapter. Avec Xavier [Legrand, réalisteur d'Avant que de tout perdre], ça a été une très belle rencontre. Il était très exigeant, il savait ce qu'il voulait pour le film. On a dû travailler vite et bien tout de suite parce qu'il n'y avait pas un gros budget. Mais on a eu beaucoup de chance car on a eu l'autorisation d'utiliser l'uniforme de Leclerc pour les scènes dans le magasin." (Laurence Forgues-Lockhart, costumière d'Avant que de tout perdre)

Du plan séquence

"J'ai du mal à épuiser le travail sur le plan séquence. C'est quelque chose qui me fascine, entre la fiction et le documentaire. Le cinéma, c'est quand même filmer du temps, donc il y a une sorte d'évidence du plan séquence. Cela permet un mystère qui se dévoile chez la personne qu'on filme. Il y a une sorte de lâcher prise. Un comédien essaye toujours de contrôler les choses. D'habitude, ils sont filmés 30 secondes, 1 minute. Mais quand la séquence dure 6 ou 7 minutes, au bout d'un moment, ils ne se contrôlent plus. Il y a aussi l'envie de s'amuser avec le cinéma. Plus c'est compliqué, plus l'équipe de cinéma aime ça. Un travelling qui commence sur une mobylette au milieu de la rue et se termine à l'intérieur d'une maison 6 minutes plus tard, tout le monde adore. Mais il faut qu'il y ait du sens au bout, bien sûr." (Christophe Loizillon, réalisateur de Petit matin, film de 34 minutes réalisé en six plans séquences).

Papier découpé

"C'est un truc très instinctif ! Concrètement, c'est vraiment un pantin dessiné que l'on anime image par image. J'avais envie de quelque chose à mi-chemin entre les marionnettes et le dessin." (Pierre Luc Granjon, réalisateur de La grosse bête)

Monsieur Lapin

"Ce n'est pas un film à thèse ou à sujet. Le but était de raconter un état. De faire un film flottant, avec un personnage absolument passif. Il n'agit pas sur le monde, ce sont les autres qui agissent sur lui. Il suit toujours les autres. Le monde lui paraît étrange et je voulais que l'on ressente cette étrangeté. Par exemple, les gens le prennent pour quelqu'un d'autre. Cela crée un trouble, surtout si c'est insistant, et surtout lorsqu'on est en pleine quête identitaire comme le personnage." (Pascal Servo, réalisateur de Monsieur lapin)

Arras 2013 : retour en vidéo sur le jour 5 du festival avec Jérôme Salle, réalisateur de Zulu

Posté par MpM, le 14 novembre 2013

Invités : Jérôme Salle, Stan Collet et Caryl Férey pour Zulu.

Merci à l'équipe du quotidien vidéo du Arras Film Festival.
Propos des invités recueillis par Marie-Pauline Mollaret et Jovani Vasseur.

Arras 2013 : rencontre avec Valérie Donzelli et Michel Vuillermoz pour Les grandes ondes

Posté par MpM, le 12 novembre 2013

Valérie Donzelli et Michel VuillermozLionel Baier signe avec Les grandes ondes une comédie réjouissante et fantaisiste sur deux journalistes envoyés en reportage au Portugal en avril 1974. Bien sûr, tout les oppose : elle se veut libérée et féministe militante, lui est un baroudeur impénitent, vieux-jeu et un peu macho. Accompagnés d'un technicien et d'un jeune interprète portugais, ils vont pourtant sillonner ensemble le pays à la recherche d'une bonne histoire à raconter.

Avec énormément de précision et de justesse, Lionel Baier joue sur les situations décalées (voire improbables, comme cela est très joliment dit dans le film, après une incroyable séquence de danse dans la pure veine de West side story) et les répliques choc, sans grand souci de réalisme, mais avec beaucoup d'inventivité.

En attendant sa sortie en salles le 12 février prochain, rencontre avec Valérie Donzelli et Michel Vuillermoz, brillants interprètes du film, qu'ils sont venus présenter en avant-première à Arras.

Ecran Noir : Comment s'est faite la rencontre avec Lionel Baier ?

Valérie Donzelli : La rencontre s'est faite de façon très simple. Je l'ai connu par Pauline Gaillard, ma monteuse, qui est aussi la monteuse de Lionel. J'ai découvert Lionel à travers ses films. Et puis un jour il m'a dit j'ai écrit un film, j'aimerais que tu joues ce rôle-là. J'ai lu le scénario, j'ai trouvé ça hyper drôle. J'ai adoré le personnage et comme c'était Lionel et qu'il allait réaliser ce film,je ne pouvais pas refuser. Parce que je sais que c'est un grand metteur en scène.

Michel Vuillermoz : Je pense qu'il a rencontré différents acteurs et puis voilà son choix final s'est porté sur moi. J'ai lu le scénario, j'étais emballé. On s'est rencontré, j'ai été séduit par Lionel. Il m'a passé ses précédents films que je n'avais pas vus. Je les ai vus et je les ai adorés. Je me suis senti bien dans son univers. Je savais que c'était Valérie qui jouait le rôle féminin. Ca a marché parce que j'avais très envie de le faire.

EN : Qu'est-ce qui vous a séduit particulièrement dans le personnage ?

MV : Mais tout ! Vous savez, on accepte un film pour plein de raisons. C'est un ensemble : le scénario que je trouvais très original, en même temps drôle, émouvant. Le fait que ce soit Lionel qui le réalise avec lequel je me sentais bien. Je sentais un réalisateur, une intelligence, un regard. Voir ses films avant : je me suis dit "ce gars a vraiment un truc à raconter, a à voir avec le cinéma". Le fait que ce soit Valérie aussi. Voilà, tout ça fait que j'ai eu envie de le faire. C'est rarement juste sur un scénario. Ce n'est pas suffisant pour prendre une décision. Il peut y avoir des scénarios formidables, mais c'est aussi avec qui, qui va le réaliser. En tout cas, pour moi.

EN : Valérie, de votre côté, vous construisez un personnage de féministe survoltée auquel vous semblez prendre beaucoup de plaisir...

VD : Mais oui, quand j'ai lu le scénario de Lionel, j'ai su qu'il n'y avait personne d'autre que moi qui pouvait jouer ce rôle. J'ai énormément de plaisir à faire ce rôle. Mais je dois dire que je suis quelqu'un d'assez spontané. Ca peut partir dans le décor. Mais je me suis vraiment beaucoup amusée. Observer Lionel travailler c'est passionnant, surtout quand on fait soi-même des films. Il communique avec ses acteurs, il les rassure mais sans être pesant, il est tout le temps en train de nous expliquer ce qui se passe, il donne des directions d'acteur qui sont ultra justes, toujours des petites choses, il a à chaque fois des tas d'idées... c'est un grand metteur en scène. Et puis après j'ai le même goût du cinéma que lui. Pour tout vous dire, j'avais l'impression que j'aurais pu écrire un personnage comme celui de Julie dans le film. C'était hyper plaisant pour moi parce que je n'avais pas la charge de le mettre en scène. Quand on joue dans ses films, moi j'adore ça, mais la chose qui est dure c'est qu'on n'a pas le metteur en scène pour nous porter justement. Et là c'était hyper confortable. Et puis faire un film c'est tellement de responsabilité. Quand on est acteur, c'est agréable d'avoir juste le plaisir de jouer, de ne pas se préoccuper de la responsabilité du film. C'était réjouissant, c'était vraiment chouette.

EN : Le film est une comédie très rythmée, très précise. Est-ce que vous aviez des références particulières en tête pour obtenir ce résultat en tant qu'acteurs ?

VD : Moi ma référence, pour la comédie française, c'est Rappeneau. Donc j'ai vu tous les films de Rappeneau. Quand j'étais petite, je les connaissais par cœur, je refaisais Catherine Deneuve, Adjani... Et d'ailleurs, dans le film de Lionel, je trouve que cela n'a pas rien à voir. Il y a un truc un peu équivalent : comédie intelligente, grand public, et en même temps hyper bien réglée comme du papier à musique. Et c'est vrai que Le sauvage, l'espèce de chieuse jouée par Catherine Deneuve, qui parle très vite et tout ça, inconsciemment, c'est mon référent... même si je ne suis pas du tout Catherine Deneuve, bien entendu. Ce sont des personnages qui m'ont marqué enfant. Et puis dans le côté pas réaliste. Quand je joue je ne cherche pas à être dans un ultra-réalisme. En plus le film de Lionel ne s'y prêtait pas du tout. On est dans un langage qui est propre à Lionel et au film.

MV : Moi pas particulièrement un film... Plutôt des univers. Des personnages des frères Coen, des Jeff Bridges, des mecs un peu fatigués, enfin, qui se la racontent un peu, qui ne sont pas loin d'une certaine mythomanie, on ne sait jamais si ce qu'ils racontent est vrai. Qui se la jouent un peu macho. Des personnages qui sont en fuite d'eux-mêmes. Ou des personnages de western. Mon personnage aimerait bien monter à cheval, avoir un colt, il pourrait faire croire qu'il a fait ça. C'est un peu le côté "lonesome cowboy". C'est plus cette imagerie-là. Et puis après, une biographie de Kapuscinski, un grand journaliste polonais, que m'a passée Lionel, et qui était vachement intéressante.

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Crédit photo Jovani Vasseur pour le blog du Arras Film festival

Arras 2013 : rencontre avec Luc Jacquet pour Il était une forêt

Posté par MpM, le 11 novembre 2013

luc jacquetLuc Jacquet (La marche de l'empereur, Le renard et l'enfant) revient avec Il était une forêt (en salles ce mercredi 13 novembre), un projet en apparence encore plus fou que ses précédents : filmer la naissance et la vie d'une forêt tropicale.

Le résultat est à la hauteur de l'ambition, avec un film d'une grande beauté visuelle qui livre de fascinants secrets sur ces merveilleux microcosmes tout en militant ouvertement pour leur sauvegarde.

Ecran Noir : Pouvez-vous nous parler de Francis Hallé, que l'on voit dans le film, et qui est à l'origine d'Il était une forêt ?

Luc Jacquet : Francis Hallé est effectivement venu me trouver un jour en disant : "voilà, ça fait 20 ans que j'aimerais faire un film sur les forêts tropicales. J'ai passé ma vie à les étudier et aujourd'hui je les vois disparaître. Je sais que dans dix ans il n'y aura plus de forêts primaires tropicales sur terre. Je voudrais que tu m'aides à faire un grand film, un peu comme Louis Malle l'avait fait avec Cousteau". A l'époque, c'était le monde sous-marin, et là en l'occurrence c'est ce monde des forêts qu'on croit connaître mais qu'on ne connait pas du tout.

EN : Pourtant les sollicitations n'ont pas dû manquer...

LJ : J'ai effectivement été très sollicité après La marche de l'empereur par de nombreux scientifique et sur des sujets très vastes. Je crois que Francis Hallé est arrivé à un moment où j'étais prêt pour ça. J'avais fondé mon association Wild touch [association qui a pour but de rapprocher l’homme de la nature par le langage sensible des images, des mots et des sons], j'étais vraiment dans ce désir de faire quelque chose. Je crois qu'aujourd'hui notre responsabilité est de faire en sorte que ce monde reste vivable et c'est toute l'ambition de ce film et de l'association Wild touch en général, c'est-à-dire faire le pari que l'émotion et l'image peuvent être facteur de changement aujourd'hui sur la planète.

EN : Pour vous, le cinéma va donc de pair avec un engagement ?

LJ : Je crois que traditionnellement, le cinéma est par nature politique et par nature une forme d'engagement. Ca a été aussi des formes de propagande très fortes. Le cinéma, avant d'être un outil commercial, a d'abord été un média, une forme d'expression pour des gens qui avaient quelque chose à dire. Je crois qu'aujourd'hui, le cinéma est parfaitement adapté parce qu'il est grand médiateur d'émotions et d'impressions. Le cinéma est vraiment adapté pour parler de la conservation de la nature aujourd'hui. Je crois qu'en cela, on est tout à fait dans la droite ligne de l'histoire du cinéma tout simplement.

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Arras 2013 : 3 questions à Sébastien Betbeder pour 2 automnes, 3 hivers

Posté par MpM, le 10 novembre 2013

2 automnes 3 hiversAvant sa sortie en salles le 25 décembre prochain, 2 automnes, 3 hivers de Sébastien Betbeder poursuit sa tournée des festivals. Le film, qui est passé notamment par Cannes, Paris et Londres, est présenté cette semaine à Arras dans la sélection "découvertes européennes".

Jolie découverte en effet que ce film extrêmement singulier qui mêle, souvent dans une même séquence, voix-off, monologues face caméra et commentaires a posteriori sur l'action. Une liberté de ton surprenante et ultra-vitaminée qui fonctionne à plein régime, entre auto-dérision et mélancolie douce amère.

L'intrigue suit plusieurs personnages d'une trentaine d'années au cours de trois années qui bouleversent un peu leurs existences. Il y est question d'amour et d'amitié, mais aussi de musique, de cinéma et d'art en général. Rencontre avec le réalisateur et scénariste, Sébastien Betbeder (photo de gauche, en compagnie de son acteur Bastien Bouillon).

Ecran Noir : Le film est extrêmement référencé. On y parle de Bresson et de Munch, d'Eugene Green et de Judd Appatow...

Sébastien Betbeder : Je tenais à montrer des gens de ma génération, qui ont fait des choix de vie très particuliers, et pour qui la culture est très importante, déterminante, et fait partie prenante de la vie au quotidien. C'est quelque chose que l'on voit très très peu en tout cas dans le cinéma français. Je dis tout le temps cette phrase mais c'est vrai car dans le cinéma américain c'est beaucoup plus assumé. Je trouve ça dommage et triste. A partir du moment où j'avais décidé de monter des gens qui m'étaient proches et qui me ressemblaient, comme mes amis qui vont beaucoup au cinéma et au théâtre, j'aurais trouvé ridicule que cela ne soit pas dans mon film. J'aurais trouvé ça insincère. Et je trouve que souvent dans le cinéma français il y a cette habitude de mettre les références sous le tapis comme si tout venait par le saint esprit, de manière automatique.

EN : Justement, au grand jeu des références, ce sont les vôtres que l'on voit dans le film ?

SB : Je voulais rendre hommage à des auteurs, à des films qui m'ont marqué. Après, ce ne sont pas forcément les films qui m'ont marqué le plus. Judd Appatow, c'est un auteur que j'aime beaucoup, mais ce n'est pas une référence. J'avais besoin qu'il ait sa place dans le film. Durant l'époque dont traite 2 automnes, 3 hivers, Judd Appatow a été un auteur important. Eugene Green aussi, différemment. C'est quelqu'un que je connais personnellement, avec qui j'ai eu des discussions sur le cinéma assez inédites et précieuses, qui ont été très importantes dans la prise de risque que représente le monologue face caméra dans mon film. Après, Alain Tanner, la Salamandre, je l'ai vu très très jeune, j'en avais gardé un souvenir assez diffus. Je l'ai revu quand j'écrivais 2 automnes, 3 hivers, et c'était assez fou comme ça rentrait en écho avec des questions que je me posais par rapport au monde réel, à l'autobiographie même si je n'aime pas beaucoup ce terme, à un film personnel et à ce qu'est l'idée de la fiction. Toutes ces références, c'est plus de la nourriture en fait. Il y a aussi quelque chose que j'aime bien dans le film, c'est quand Benjamin parle de la Salamandre, qui est dans son top 10 et qu'il a découvert grâce à Katia. Et qu'il dise ça, pour moi, ça dit beaucoup plus sur sa personnalité que s'il avait développé des arguments beaucoup plus psychologiques. Rien que de dire ça, pour moi, ça dit énormément. C'est comme dans mes relations amicales. C'est très important pour moi ce qu'écoutent les gens, ce qu'ils aiment.

EN : Dans votre film précédent, Les nuits avec Théodore, il y avait déjà beaucoup de voix-off. Or c'est toujours un peu particulier, l'utilisation de la voix-off dans un film. Pour vous, qu'est-ce que cela apporte, qu'est-ce que cela ajoute ?

SB : C'est marrant parce que de plus en plus je me pose la question à l'envers. C'est-à-dire que j'écris beaucoup et de manière très littéraire, et je trouve que la méthode est intéressante, d'utiliser ce mode de récit qui utilise ce registre de la voix-off, et après, de creuser pour faire advenir des scènes de jeu. J'ai de plus en plus besoin de ce support. Tout à l'heure on parlait de références et de gens qui osaient, eh bien je vais citer un auteur français qui ose beaucoup, en tout cas dans ce travail sur la forme et de l'utilisation de la voix-off en particulier, c'est Alain Resnais. Il a dit dans une interview qu'il dressait des portraits de ses personnages de leur naissance au moment de leur apparition dans le film, même s'il n'écrit jamais ses scénarios. Je comprends totalement ça. Moi j'ai besoin d'écrire beaucoup, pour en dire moins, mais pour que cela soit présent malgré tout. Je pense que c'est présent dans la façon dont je vais filmer mes personnages. Pour moi, la voix-off, c'est une espèce de fondement qui existe de manière multipliée par rapport à ce qui existera dans le film et Les nuits avec Théodore avait été écrit un peu comme ça aussi. En fait, c'est la question de creuser, de garder l'essentiel.

Arras 2013 : trois questions à Solveig Anspach pour Lulu femme nue

Posté par MpM, le 9 novembre 2013

lulu femme nue - Arras 2013Le nouveau film de Solveig Anspach, Lulu femme nue, est l'adaptation d'une bande dessinée d'Etienne Davodeau qui raconte comment, après avoir raté un entretien d'embauche, une femme décide de ne pas rentrer chez elle.

Présenté en avant-première au Arras Film Festival avant sa sortie le 22 janvier prochain, le film met en scène avec bonheur une poignée de comédiens en état de grâce : Karin Viard en femme étouffée qui retrouve le goût de vivre, Bouli Lanners en amoureux transi, Claude Gensac en vieille dame ultra féministe, Corinne Masiero en tenancière de bar irascible...

Rencontre avec la réalisatrice et coscénariste de ce portrait émouvant et bourré de charme d'une femme qui retrouve peu à peu sa place dans le monde.

Ecran Noir : D'où est venue l'idée d'adapter la bande dessinée d'Etienne Davodeau ?

Solveig Anspach : L'idée est venue d'une productrice qui s'appelle Caroline Roussel qui adorait cette bande dessinée et qui me l'a envoyé en disant : mon rêve, ce serait que tu l'adaptes, que Lulu soit jouée par Karin Viard et Charles par Bouli Lanners. J'ai lu et je l'ai fait lire à Jean-Luc Gaget qui est mon complice et on s'est dit qu'on pouvait faire quelque chose avec ça. C'est une belle histoire mais il y avait pas mal de travail car une bande dessinée, ce n'est pas un film. Et après, le truc rigolo, c'est qu'il y a eu une sorte de rendez-vous chez Gallimard, car c'est Gallimard qui édite le livre. J'y suis allée avec Jean-Luc Gaget et Caroline Roussel ( la productrice) et on ne savait pas trop à quoi allait ressembler ce rendez-vous.

On arrive dans une grande pièce avec une grande table ovale avec pas mal de monde autour, et tout au bout en face de moi, il y avait Etienne Davodeau et son éditeur. En gros, c'était : "allez-y, on vous écoute". J'avais un peu l'impression de passer un grand oral, il fallait que je défende le morceau. J'ai dit ce que j'aimais, ce que j'aimais moins, ce que je changerais. Et au cours de la conversation, j'ai appris qu'il y avait un ou d'autres réalisateurs qui allaient faire le même exercice que moi, et qu'ils allaient en choisir un. Je me suis dit : "il faut absolument que j'ai une idée de génie, que je retienne leur attention". Et donc j'ai dit "je ne sais pas qui sont les autres, mais moi j'ai un atout énorme sur eux. Moi, je sais tricoter, et pas eux, j'en suis sûre." Ils ne voyaient pas bien le rapport avec le schmilblick... Donc j'ai enchaîné : "vous allez aller au festival d'Angoulême et il fait froid là-bas. Moi je viens d'Islande et on tricote avec de la bonne laine. SI vous me choisissez, je vous promets de vous tricoter des écharpes de la longueur de l'écriture du scénario". Ca a détendu l'atmosphère ! Après je leur ai donné le DVD de Back Soon, il y a eu des mails et des échanges, et finalement Etienne a dit : "si vous nous tricotez aussi des moufles et des bonnets, c'est bon". Mais bon, là, j'ai dit "il ne faut pas exagérer quand même"...

EN : Ce qui est étonnant, c'est qu'on retrouve dans le film des thématiques de votre précédent, Queen of Montreuil, notamment l'idée des familles qu'on se construit et la figure d'une femme qui ne sait pas trop quoi faire de sa vie. C'était déjà présent dans la BD, ou est-ce venu au moment de l'adaptation ?

SA : Je crois que c'était là, même si au bout d'un moment on s'est dit qu'on allait essayer d'oublier la bande dessinée. Mais je trouve que les familles qu'on se construit, c'est une chance énorme dans la vie. On peut aimer nos vraies familles, mais les gens qu'on choisit pour faire la route ensemble, c'est peut-être ça l'important dans la vie.

EN :  La bande dessinée semble le lieu de tous les possibles. Donc adapter une bande dessinée au cinéma, qu'est-ce que cela permet de différent ?

SA : Au départ je me suis dit : "ouah, ça va être simple". Il y a des images, il y a des lieux. En plus Etienne Davodeau fait beaucoup de photos, il dessine des lieux réels. Il y avait donc une énorme matière. Mais après ce n'est pas du tout la même chose. Raconter un récit avec du cinéma ça ne ressemble pas au récit d'une BD. Quand les comédiens incarnent les personnages, il y a plein plein de choses qu'on a écrites dont on n'a plus besoin. Alors du coup au moment du montage, quand on réécrit vachement le film, il y a eu un moment où je me suis dit "j'ai envie d'enlever les scènes que j'aime un tout petit peu moins et de voir ce qui se passe". On l'a fait et on s'est rendu compte que ça crée des ellipses où le spectateur peut, lui,  imaginer et inventer des choses, imaginer le hors champ en fait. Et c'est là que le film a commencé à vraiment prendre. Et ça, c'est très différent d'une bande dessinée.

EN : Dans quelle mesure êtes-vous restée fidèle à l'histoire originale ?

SA : Il y a beaucoup de choses qu'on a inventées. Par exemple, toute la partie avec Claude Gensac, on a beaucoup inventé. Dans la BD, Lulu retourne auprès de son mari. J'avais dit à Etienne que c'était assez difficile pour moi d'envisager ça. Et puis il y a aussi beaucoup de gens qui parlent de Lulu off et ça je n'en avais pas envie. Je souhaitais qu'on soit avec elle. Plein d'autres choses. Lulu n'arrivait pas à convaincre Virginie de quitter le bar. Et au bout d'un moment, on s'est dit avec Jean-Luc Gaget qu'il fallait que Lulu parte avec une victoire. Il y a beaucoup de choses qui ont changé, mais l'esprit des personnages est là.

L’instant Court : Léo, réalisé par Estelle Dumas

Posté par kristofy, le 22 octobre 2013

LeoComme à Ecran Noir on aime vous faire partager nos découvertes, alors après l’actrice Léa Seydoux devant les caméras de Jean-Paul Goude, Wes Anderson et Roman Coppola, voici l’instant Court n° 118.

Parmi les nombreux nouveaux films sortis sur les écrans la semaine du 16 octobre, le monde de l'enfance et les relations parents/enfants sont particulièrement imagés, notamment avec  L'Extravagant voyage du jeune et prodigieux T.S. Spivet et Au bonheur des ogres... Mais ailleurs, tout n'est pas si rose.

Tout commence par une scène du quotidien, banale. Mais quelque chose ne tourne pas rond…

Voici donc le court-métrage Léo, avec Françoise Cadol et Roméo Périsson, réalisé par Estelle Dumas :

Estelle DumasEcran Noir : Une particularité de Léo, c’est son extrême concision. Comment est arrivée cette idée ?
Estelle Dumas : C’est une longue histoire, que je vais essayer de faire courte. J’étais dans un cours d’écriture de scénario, et à la troisième session la prof nous a parlé du conflit interne et du conflit externe chez des personnages. Elle nous a demandé de s’isoler avec un papier et un crayon pour écrire une séquence avec au moins deux personnages sinon plus en conflit externe dont un avec un conflit interne qui devient le héros. L’histoire qui est devenue ensuite ce court Léo est arrivée de manière très naturelle en partant d’un souvenir de ma maman, pas pauvre comme celle du film, qui voulait que je mange. Donc un conflit entre une mère et son enfant, et pour le conflit interne j’ai travaillé sur la mère. C’est venu très vite, en une trentaine de minutes. C’est devenu mon premier scénario que j’ai toujours gardé dans le cœur et dans le ventre pendant environ deux ans. Alors je me suis dit : "il faut que je le réalise".

EN : C’est ton premier court-métrage, tu t’es préparée avec un storyboard ?
ED : Il y a eu un storyboard, mais pas dessiné : j’ai fait un storyboard filmé en vidéo. Comme c’était mon premier film, j’avais des complexes comme ne pas être à la hauteur de mes techniciens. J’ai fait venir mon chef-opérateur et mon premier assistant et les comédiens sur le lieu du tournage, et avec un petit caméscope tout simple j’ai tourné le court-métrage de la manière dont je voulais le tourner, comme un modèle de ce que ça devrait être. Plutôt que des dessins, le storyboard était ce qui avait été filmé avec ce petit caméscope, pour dire je veux ça cadré comme ça avec les comédiens qui bougent comme ça. Mon scénario faisait quatre pages, et chaque ligne était hyper-visuelle dans ma tête. Je savais ce que je voulais, mais je n’avais pas tous les termes techniques pour l’expliquer à mes techniciens qui sont de haut niveau : mon premier assistant Frédéric Louf est réalisateur de longs métrages (J'aime regarder les filles) et mon chef-opérateur Georgi Lazarevski a eu une palme d’or (pour Entre les murs de Laurent Cantet), donc il ne fallait pas que je me plante. Ce storyboard vidéo a été ma façon de m’exprimer non pas par la parole mais par l’image.

EN : Qu’est-ce qui a été le plus facile ou le plus difficile durant le tournage ?
ED : Je suis une débutante, mais tout a été plutôt facile. J’ai monté mon équipe de 25 personnes en dix jours, je passais un coup de téléphone puis un autre et on ne m’a jamais dit non, ça a été rapide. Je me suis autoproduit, je savais combien je voulais mettre dans le film et le budget n’a pas été dépassé. Je m’attendais à ce que le plus difficile soit de diriger les comédiens, mais je m’y attendais donc ce n’était pas une surprise non plus. J’ai vu plusieurs personnes pour le petit garçon et pour sa maman, c’est un peu une question irrationnelle, le choix ,mais j’ai eu la chance d’avoir deux comédiens exigeants. La direction d’acteur a été peut-être la chose la moins évidente.

EN : Qu’est ce que tu ferais différemment ?
ED : Rien. Il y a plein de gens quand ils revoient leurs films qui se disent qu’ils feraient telle ou telle chose autrement, mais pas moi. Je ne dis pas que c’est un chef d’œuvre, j’y trouve des défauts mais je les aime aussi, et surtout j’aime mon film. J’entends des gens qui disent qu’ils ne comprennent pas bien ou que ce n’est pas assez long dans les critiques négatives mais moi je ne veux rien changer. J’ai voulu que ce film soit très court, j’avais plein de choses à dire mais je voulais être concise dans l’écriture et la réalisation, alors que dans la vie je suis une grande bavarde.

EN : Et depuis Léo ?
ED : Le film tourne encore dans les festivals, il a eu un prix d’interprétation pour la comédienne l’année dernière au festival de Pontault-Combault. Il a été sélectionné au festival de Clermont-Ferrand et dans plein d’autres festivals comme Vaulx-en-Velin, Grenoble, Vannes… Pendant ce temps, j’écris un long-métrage qui s’appelle pour l’instant Séance Spéciale, qui est l’histoire d’une jeune femme qui part faire de l’humanitaire en ex-Yougoslavie pendant la guerre. Le projet est déjà bien avancé, mais il y aura peut-être un court métrage entre-temps.

Retour sur Dinard 2013 : rencontre avec Jodie Whittaker, Charlie Cox et Anthony Wilcox pour Hello Carter

Posté par kristofy, le 9 octobre 2013

Le dernier Festival britannique de Dinard et son jury présidé par Eric Cantona ont décerné le Hitchcock d’or au film The Selfish Giant, attendu en salles le 18 décembre prochain. Parmi les autres films en compétition, il y avait notamment Hello Carter, un premier long-métrage réalisé par Anthony Wilcox avec Charlie Cox et Jodie Whittaker. Cette dernière était déjà présente à Dinard l’année dernière pour le film Good Vibrations, qui d’ailleurs avait eu le prix du scénario.

Jodie Whittaker est une actrice éclectique que l’on a remarquée dans différents types de projet, aussi bien au cinéma qu'à la télévision. La plupart des films dans lesquels elle apparaît restent pour le moment inédits en France, à l'image de Venus (avec Peter O'Toole et Vanessa Redgrave), Good (avec Viggo Mortensen) et Ashes (avec Ray Winstone et Jim Sturgess), et à l'exception d' Attack the block. Elle continue également de tourner dans des courts-métrages (encore deux l'année dernière), comme Two Minutes (à revoir ici).

C'est actuellement le BFI London Film Festival (jusqu'au 20 octobre). Ce festival compte différentes sélections et différents jurys dont les membres sont entre autres Lone Scherfig, Cillian Murphy, Miranda Richardson , Emilia Fox, Jim Broadbent (dont le film Week-end à Paris était en avant-première à Dinard) ou encore Saoirse Ronan (dans How I live now aussi découvert à Dinard). Un prix honorifique sera également remis à Sir Christopher Lee.

Parmi les films présentés, Hello Carter dont Ecran Noir a rencontré l’équipe venue à Dinard :

hello carterEcran Noir : Anthony, pourquoi avoir choisi Jodie Whittaker et Charlie Cox pour Hello Carter ?
Jodie Whittaker : On va faire semblant de ne pas écouter ;-)
Anthony Wilcox : Ce sont deux acteurs dont j’admire beaucoup le travail. J’ai connu Jodie bien avant Charlie. Il y a plusieurs années, j’ai réalisé un court-métrage avec Jodie qui s’appelait déjà Hello Carter, le même titre, qui a ensuite inspiré ce film dans lequel évidement elle devait être. Pour le rôle masculin, j’ai rencontré Charlie par le biais d’un directeur de casting, et la première fois qu’on s’est vu c’était par internet avec Skype car à ce moment-là il travaillait à New-York. C’était un peu étrange comme première rencontre par écran interposé. C’était d’ailleurs le moment idéal pour nous car Charlie après deux années à New-York (ndr : acteur dans la série Boardwalk Empire) voulait revenir à Londres pour de nouveaux projets et il était disponible.

Ecran Noir : Et vous deux, Jodie et Charlie, comment Anthony vous a convaincu de participer à ce film ?
Jodie Whittaker : On avait donc déjà fait ce court-métrage, alors c’était une décision facile de dire oui. J’avais beaucoup apprécié le tournage du court, signer pour le long métrage, je savais que ça allait être une bonne expérience.
Charlie Cox : J’ai reçu le scénario par mon agent, et j’ai trouvé que c’était une histoire charmante et légère et fraîche. Le script était assez original et unique et c’est le genre d’histoire qui ne peut être réalisée que par la personne qui l’a écrite : comme ça a été le cas avec Anthony, alors ça a été sans hésitation. J’étais ravi d’avoir cette proposition.

Ecran Noir : Le film est en équilibre hello carter entre ‘action’ et ‘romance’, est-ce que c’est quelque chose de voulu dès le début où préfériez-vous un aspect plutôt que l’autre ?
Anthony Wilcox : C’est en fait la chose la plus difficile, ne pas avoir trop d’action sans être trop dans la love-story. A la fois durant l’écriture et durant le tournage, je voulais cet équilibre. Dès l’écriture je voulais faire monter progressivement l’histoire d’amour au fur et à mesure des péripéties, comme ils se retrouvent plusieurs fois ensemble par la force des évènements, ils ne pouvaient que finir ensemble et se séduire. On se rend compte que chaque personnage a des raisons différentes qui les font rester ensemble au fur et à mesure de la nuit, et ces raisons changent peu à peu de manière subtile vers une attirance mutuelle.
Jodie Whittaker : On a souvent tendance à me voir comme une fille fragile ou maltraitée ou sur le point de se mettre à pleurer, et là c’était différent. C’était intéressant de passer outre tout ça et les dialogues jouent sur différents niveaux. C’était intéressant de jouer dans un film comme ça qui est un peu multi-genres.
Charlie Cox : Mon sentiment est qu’à travers toute l’histoire on voit l’évolution du personnage qui passe par différents stades. Il subit la vie qui passe sans la vivre et enfin il va pouvoir agir pour que sa vie soit plus belle. Au début c’est quelqu’un d'un peu passif et avec cette soirée très bizarre où il va se passer plein de choses mouvementées, il va devenir plutôt actif et prendre sa vie en main. D’une manière étrange ces moments où il est pris dans l’action vont lui révéler qu’il peut ouvrir son cœur à quelqu’un d’autre.

hello carterEcran Noir : Quand Hello Carter sortira-t-il en salles en Angleterre ? Et pour la France ?
Anthony Wilcox : Pour la sortie du film, à priori ça devrait être début 2014 en Grande Bretagne, mais je ne sais pas encore pour la France. En fait, le film est terminé depuis à peine deux mois ! Il est sélectionné ici à Dinard et il sera aussi montré au festival de Londres.
Jodie Whittaker : C’est excitant que le film soit découvert d’abord par des Français avant les Anglais, en particulier à Dinard. J’étais déjà venue ici et c’est un festival assez unique parce dans les salles les films sont vus en majorité par des fans de cinéma, et pas que des professionnels comme presse, distributeurs, vendeurs ou acheteurs de films comme dans d’autres festivals. Ici, les salles sont vraiment pleines et les spectateurs, c’est vraiment le public. Dinard c’est un peu comme un petit échauffement pour nous avant de présenter le film à Londres.