Guillermo del Toro présidera la Mostra de Venise

Posté par vincy, le 12 février 2018

Finalement quoi de plus logique que de prendre le lauréat de l'année pour présider le jury d'un festival l'année suivante? C'est ce qu'a décidé de faire le Festival de Venise pour sa 75e édition (29 août-8 septembre) en choisissant Guillermo del Toro, Lion d'or 2017 avec La forme de l'eau, pour être son Président du jury, chargé de choisir son propre successeur.

"Guillermo del Toro incarne la générosité, la cinéphilie qui ne regarde pas seulement vers le passé, et une passion pour le cinéma qui suscite des émotions, touche les gens, et en même temps les fait réfléchir. Grâce à son imagination débordante, à sa sensibilité hors du commun et sa confiance dans le pouvoir des images, il a donné vie à un univers fantastique, dans lequel l’amour et la peur peuvent coexister, et chérir la diversité est une valeur fondamentale" a expliqué le directeur du festival Alberto Barbera.

"Être le président de Venise est un immense honneur et une responsabilité que j’accepte avec respect et gratitude. Venise est une fenêtre sur le cinéma mondial et l’opportunité de célébrer son pouvoir et son importance culturel" a expliqué le cinéaste mexicain. Il avait déjà été membre du jury Luigi de Laurentiis Venice Award en 2006.

La Forme de l'eau est favori pour les Oscars (13 nominations) qui seront remis le 4 mars. Le film a déjà reçu près de 50 récompenses, dont le Golden Globe du meilleur réalisateur.

Alfonso Cuaron en 2015 avait été le premier président du jury de nationalité mexicaine dans l'histoire de la Mostra.

Double prix pour le scénario de Call Me By Your Name

Posté par vincy, le 12 février 2018

La Writers Guild of America a décerné ses prix ce week-end. Sans surprise, Call Me By Your Name a triomphé dans la catégorie scénario adapté tandis que Get Out a remporté le prix du scénario original.

Les WGA Awards ont aussi récompensé Jane (documentaire), The Handmaid's Tale (série dramatique et nouvelle série), Veep (série comique), Flint (téléfilm ou série original), Big Little Lies (téléfilm ou série adapté), Time's Arrow (animation), Horizon Zero Dawn (jeu vidéo). James L. Brooks a été honoré par un Laurel Award pour l'ensemble de sa carrière.

C'était un week-end faste pour Call Me By Your Name et The Handmaid's Tale puisque ils ont aussi été distingués par les USC Libraries Scripter Awards, prix remis à la bibliothèque de l'Université de Californie du sud et qui récompense à la fois l'auteur et l'adaptateur. Ainsi c'est Andre Aciman pour son roman (Appelle-moi par ton nom) et James Ivory pour son scénario qui ont reçu le prix côté cinéma, et Margaret Atwood (La servante écarlate) et Bruce Miller côté télévision. Francis Ford Coppola a été honoré par un prix pour sa carrière.

Silence soudain pour le compositeur Johann Johannsson (1969-2018)

Posté par vincy, le 11 février 2018

Le compositeur islandais Johann Johannsson, né le 19 septembre 1969 à Reykjavik, est décédé à l'âge de 48 ans, a annoncé samedi soir son manager. Il a été trouvé mort vendredi dans son appartement de Berlin. Une enquête est en cours afin de déterminer les causes de son décès.

Il a été nommé deux fois pour l'Oscar de la meilleure musique de films (en 2016 pour Sicario et en 2015 pour Une merveilleuse histoire du temps, qui lui avait valu un Golden Globe).

Après une douzaine d'années, il s'était fait connaître au public international avec la trame sonore de Prisoners de Denis Villeneuve, qui lui confiera aussi la musique de Premier contact. Il aussi composé 8 albums, dont le dernier, Orphée (2016).

"Je pense que ma musique est une façon de communiquer directement avec les gens et leurs émotions", avait-il expliqué au magazine The Talks en 2015. Il revendiquait aussi un droit au silence comme partie intégrante de ses compositions.

L'an dernier, il avait été le consultant sonore de Mother! de Darren Aronofsky. On entendra encore ses sons épurés et électroniques dans Le jour de mon retour de James Marsch, Mandy de Panos Cosmatos et Marie Madeleine de Garth Davis.

Le cinéma La Clef menacé de fermeture à la fin de l’hiver

Posté par vincy, le 10 février 2018

Le Cinéma La Clef, à Paris, est menacé. Au départ tout allait bien: le propriétaire des murs, le Comité d’Entreprise de la Caisse d’Epargne d’Ile de France (CECEIDF) veut vendre et les exploitants actuels veulent acheter. Tout le monde tombe d'accord en juin 2016 sur le prix et les termes du contrat. L'offre est astronomique - près de 100% plus élevée que les expertises - mais moins élevée que celle d'un géant de l'immobilier ou un fonds d'investissement, dans un quartier hors de prix (près de la rue Mouffetard et de Jussieu, à deux pas de l'université Censier). L'acceptation orale ne suffira pas.

En effet, 20 mois plus tard, le CECEIDF n'a toujours pas signé l'acte de vente et refuserait même de l'écrire. Pire, à la mi-décembre, il annonce la fin des négociations. Il bloque la discussion sur la vente et ne renouvelle pas le contrat de location, qui s'achève le 31 mars prochain.

Les employés et fondateurs de l'association - Raphaël Vion, Isabelle Buron, attachée de presse reconnue dans le 7e art, Nicolas Tarchiani, et Derek Woolfenden, Sébastien Liatard, et Camille Divay, Antoine Marais et Dounia Baba-Aïssa - ont lancé une pétition, qui a déjà recueilli plus de 4700 signatures. Dont celle d'Ecran Noir.

On a déjà vu ce genre de situations conflictuelles, souvent sans issue, entre un propriétaire et un exploitant ces dernières années à Paris, de La Pagode au Musée Art Ludique.

7 ans et demi après le début de leur contrat, le CECEIDF, qui, selon l'édito publié sur le site de La Clef, est constitué principalement de représentants syndicaux de SUD et de la CGT, et l’association du Cinéma La Clef ne s'entendent plus. Le CECEIDF ne voulait pas que ce lieu soit « commercial ». Un cinéma est à vocation culturel et La Clef, avec sa programmation éclectique et exigeante et ses événements, correspond parfaitement aux critères.

La Clef accueille plus de 50000 spectateurs chaque année et organise plus de 250 événements par an, que ce soit le salon de l'édition DVD indépendante, des festivals (Paris Banlieues Tango, Nouveaux Cinémas, Autres Brésils....), des conférences et débats, en plus d'une programmation reconnue pour le jeune public ainsi que pour les documentaires.

"Pour garantir que Le Cinéma La Clef ne réalisera pas une opération spéculative pour son propre compte, le CECEIDF est légitime à demander une affectation des lieux pérenne à l’activité de cinéma avec des garanties" explique l'association. "Nous présentons donc un projet d’exploitation qui garantit moralement et juridiquement la pérennité de l’activité de cinéma art et essai sur 18 ans, la création d’une troisième salle, et que tous les espaces du bâtiment actuel qui ne peuvent être transformés en salles de projection soient affectés à "des activités annexes et complémentaires traditionnellement liées aux cinémas indépendants" (café culturel etc…)."

Non respect de la parole donnée, surenchère absurde

En juin 2017, après plus de six mois de silence et un an après avoir accepté oralement l’offre financière, l'avocat du CECEIDF "a soudainement exigé de son futur acheteur des contraintes dont certaines vont bien bien au-delà de la garantie du maintien de l'activité cinéma, notamment, un droit de préférence en cas de cession des parts sociales de la société exploitante ou du fonds de commerce et un partage de la plus-value sur ces transactions pendant 20 ans."

Autant dire, que le CE, des syndicats de gauche quand même!, est cupide. "L’avocat du CE, leur notaire et le trésorier du CE ont reconnu la légitimité de nos remarques", à savoir que "ces exigences dépassaient la volonté légitime du CECEIDF de se protéger en cas d'abandon de l'activité cinéma art et essai".

Une promesse de vente est quand même rédigée à l'automne dernier. Elle ne convient pas au vendeur qui cesse les discussions fin novembre. Le 14 décembre, le CECEIDF refuse tout et "affirme que leurs contraintes n'étaient pas négociables (bien que jamais écrites en termes juridiques) et signifie la fin définitive du contrat du Cinéma La Clef au 31 mars 2018."

Depuis, la communication est interrompue. Le Conseil de la Mairie du 5ème arrondissement (à droite) et le Conseil de Paris (à gauche) ont voté à l'unanimité, chacun de leur côté, un vœu pour le maintien du Cinéma La Clef.

Thomas Pesquet en réalité virtuelle à Cannes

Posté par vincy, le 10 février 2018

thomas pesquet

Le phénomène Thomas Pesquet a conquis les librairies (avec la bande dessinée de Marion Montaigne, Dans la combi de Thomas Pesquet, et avec le beau-livre Terre (s)), et le marché DVD n'est pas en reste avec Thomas Pesquet, l'étoffe d'un héros et Thomas Pesquet, l'envoyé spatial. Et ce n'est pas fini puisqu'on annonce un film en réalité virtuelle, Dans la peau de Thomas Pesquet, qui sera présenté lors du prochain festival de Cannes selon l'AFP. Le film co-produit par La Vingt-Cinquième Heure / DVGroup et ProspectTV, qui va permettre à tous les spectateurs de revivre à 360° l'aventure du spationaute depuis son entraînement jusqu'à sa vie à bord de l’ISS et ainsi de contempler la terre depuis l’espace. Le film est réalisé par le Français Pierre-Emmanuel Le Goff et l'Allemand Jürgen Hansen.

En attendant un documentaire immersif, Dans les yeux de Pesquet, sur la mission de l'astronaute français, réalisé par les mêmes réalisateurs, sera diffusé à partir du 10 février à la Cité de l'espace de Toulouse, où il a fiat son avant-première hier soir, au Futuroscope à Poitiers ainsi qu'au Parc du Petit Prince en Alsace. Une sortie à l'étranger st prévue.

Ce film de 25 minutes soutenu par l'Agence européenne de l'espace (ESA) et la NASA, avec les commentaires de Marion Cotillard est une sorte de journal de bord de Pesquet avec des images spectaculaires

Au total, la mission de Pesquet entre novembre 2016 et juin 2017 a permis de rapporter 600 heures d'images dans l'espace et quelque 100 supplémentaires sur terre à l'entraînement. Trente à quarante heures ont été tournées en IMAX.

Mahamat Saleh Haroun n’est plus ministre de la Culture au Tchad

Posté par vincy, le 9 février 2018

"Primé à Cannes, excellent cinéaste tchadien (L'homme qui crie, Une saison en France) Mahamat Saleh Haroun, vient d'être démis de ses fonctions de ministre de la culture. Il a doté la Bibliothèque nationale, créé un prix littéraire, voulu une école de cinéma. Quelqu'un de bien" a tweeté Gilles Jacob ce matin.

Le cinéaste a en effet donné sa démission, un an après avoir pris ses fonctions de ministre de la Culture et du Tourisme du Tchad. Un décret gouvernemental a officialisé ce départ. Il est remplacé par Djibert Younous, désormais ministre de la Jeunesse, des Sports, de la Culture et du Développement touristique.

Raisons personnelles

Dans un entretien à Jeune afrique, le cinéaste avait déclaré le 28 janvier: "Je ne vais pas laver la mémoire du Tchad, qui est tenace. Et si avec ce régime il y a quoi que ce soit de noir, ce n’est pas mon nom qui va le blanchir. Si le régime et ses dirigeants cherchent à améliorer leur image, cela prouve qu’ils ont pris conscience d’une certaine faiblesse et qu’ils sont dans une démarche constructive. Je fais un travail pour le Tchad et son milieu culturel, et quand, à un horizon pas si lointain, il faudra que je parte pour m’occuper de mes films, je partirai."

Et il est parti. Il "a été appelé à d’autres fonctions", selon un décret lu à la radio nationale, qui ne précise pas les raisons de son éviction. "Je n’ai ni été démis de mes fonctions de ministre de la Culture du Tchad ni limogé. J’ai démissionné pour raisons personnelles. J’ai présenté ma démission au Premier ministre le mardi 6 février à 9h30. Elle a été acceptée jeudi matin" précise-t-il.

Mahamat Saleh Haroun est l'auteur du documentaire Hissène Habré, une tragédie tchadienne, Une saison en France, actuellement à l'affiche en France, et L'homme qui crie, prix du jury au Festival de Cannes en 2010.

Dix films remarqués au 40e Festival de Clermont-Ferrand

Posté par MpM, le 9 février 2018


Pour qui n’est jamais allé au festival du court métrage de Clermont Ferrand, il faut imaginer une cité en perpétuel mouvement, organisée en nombreux lieux et espaces de projections autour des deux centres névralgiques que sont la maison de la culture et le marché du film.

Ici, on croise des scolaires en file indienne, deux par deux derrière leurs professeurs, des festivaliers acharnés aux yeux un peu cernés d’avoir déjà vu trop de films, des professionnels affairés du monde entier, qui courent d’un rendez-vous à un autre, des réalisateurs qui accompagnent leur film, intimidés ou galvanisés, c’est selon, par l’immense salle Cocteau susceptible d’accueillir 1400 spectateurs... Et que dire de ces longues files d’attente qui se forment toute la journée devant les salles ? On se croirait à Cannes, la neige en plus et l’hystérie et le tapis rouge en moins.

Pour cette 40e édition, environ 450 films étaient présentés, répartis dans les 3 compétitions, les rétrospectives et les différents focus. Certains des films les plus remarqués de 2017 étaient ainsi présentés, à l’image de The burden de Nikki Lindroth Von Bahr (qui a justement reçu le prix du Court métrage de l'année remis par l'association Short Film Conference à Clermont Ferrand), Des hommes à la mer de Lorris Coulon (tout récemment auréolé du prix du meilleur court métrage français 2017 décerné par le Syndicat de la critique), Ligne noire de Mark Olesa et Francesca Scalisi (Grand prix à Winterthur), Une nuit douce de Qiu Yang (Palme d'or à Cannes), Vilaine fille d'Ayce Kartal, Chose mentale de William Laboury, Gros chagrin de Céline Devaux (lion d'or à Venise), Le visage de Salvatore Lista, (Fool)Time Job de Gilles Cuvelier...

Nous avions déjà eu l'occasion de vous dire tout le bien qu'on en pense lors de notre grand bilan 2017 consacré au format court (à lire ici pour les films plébiscités en festival, ici pour les films français et ici pour les films étrangers).

Mais d’autres, plus récents, ou qui n’étaient pas encore parvenus jusqu’à nous, ont à leur tour plus particulièrement retenu notre attention. Petite liste (non exhaustive) de dix films qui ont fait notre festival.

Copa Loca de Christos Massalas


Copa-Loca est une station estivale grecque. Hors saison, il n'y a rien à y faire. Mais Paulina, elle, est toujours prête pour mettre un peu de baume au cœur des habitants. Raconté en voix-off dans un style faussement documentaire, et jouant précisément du décalage entre le récit et l'image, le film est une satire joyeuse et décomplexée dans laquelle le corps exulte quand bon lui semble.

Everything de David O'Reilly


A première vue, nous voilà dans une conférence scientifique à mi-chemin entre la spiritualité new age et la démonstration implacable de l'interconnexion du monde, animée par des extraits sonores enthousiastes et péremptoires du philosophe Alan Watts. Mais très vite on s’interroge non sur ce que l'on entend, mais sur ce que l'on voit, des images semblant empruntées à un jeu vidéo vintage, dans lequel les animaux se déplacent en roulant indéfiniment sur eux-même et où les décors sont si minimalistes qu'ils semblent avoir été conçus par des enfants. Et pour cause, puisque tout le film a été tourné dans le  jeu vidéo Everything, également créé par O'Reilly en 2017, dans lequel on peut littéralement incarner n'importe quel être vivant. Par défaut, le jeu est en mode "autoplay", c'est-à-dire que le joueur n'a rien à faire sinon suivre les péripéties de son personnage sur l'écran. Ce qui le place finalement dans une position de complète impuissance, devenu spectateur de son propre destin. Une idée qui traverse Everything, le film, de part en part, interrogeant à la fois les limites de l'animation elle-même, mais aussi celles du spectateur, du joueur, et par extension, de tout être vivant lancé dans cette absurde boucle infinie que l'on appelle l'existence.

L'intervalle de résonance de Clément Cogitore


Le festival de Clermont Ferrand propose sous forme d'un court métrage construit en trois parties la monumentale installation vidéo présentée par Clément Cogitore au Palais de Tokyo en 2016, dans laquelle l'artiste interroge nos croyances collectives. Mêlant différentes formes d'images très hétérogènes (des plus professionnelles aux plus amateurs), il croise deux récits de manifestations aux origines physiques mystérieuses, la mythologie existant autour de la perception de sons émis par les aurores boréales et l’apparition d’une étrange formation lumineuse en Alaska. D'une très grande beauté formelle, le film est un voyage fulgurant au croisement du fantasme, du rêve, de l'invisible, de la perception et de la rationalité scientifique.

J'attends Jupiter d'Agathe Riedinger


Reposant à 99% sur la performance habitée de l'actrice Sarah-Megan Allouch, J'attends Jupiter est à la fois la chronique naturaliste d'un moment de basculement et le portrait sensible d'une génération nourrie aux rêves de gloire et de célébrité. L'héroïne est ainsi persuadée, lorsqu'elle accède au second tour d'un casting de télé-réalité, que sa vraie vie va enfin commencer. On la voit alors se débarrasser sans état d'âme de tout ce qui composait cette "pré-existence", brossant un état des lieux cruel d'une société qui n'a plus grand chose à offrir à sa jeunesse.

Manivald de Chintis Lundgren


Quand un renard introverti et sous la coupe d'une mère étouffante s'amourache d'un beau loup sexy et pas farouche, cela donne une satire sociale irrévérencieuse et irrésistible. Entre absurdité et ironie, le film joue de son style graphique très classique pour faire passer l'humour et les situations les plus décalées.

Le marcheur de Frédéric Hainault

Le marcheur est un film coup de poing porté par une voix-off dense et habitée dont la diction précipitée trahit l'urgence et la colère. C'est l'histoire d'un homme qui, un jour, a décidé de ne plus se résigner. Qui s'est mis en route et n'a plus jamais cessé d'avancer, de marcher, de contester. Peu importe la complexité de sa pensée politique, peu importe la cause. Le marcheur refuse, en bloc, tout ce qui est injuste et laid, révoltant et insupportable. Il ne revendique rien, si ce n'est ce droit à marcher, et à ne plus courber l'échine. Les choix formels sont à l'unisson de cette démarche, refusant un esthétisme gratuit, une "beauté" qui ne collerait pas avec l'âpreté du ton et du sujet. On est à la fois assommé et conquis par cette oeuvre à la puissance politique concrète et immédiate.

Reruns de Rosto


Le dernier volet de la tétralogie de Rosto autour de son groupe de rock Thee Wreckers est une plongée hallucinée et fourmillante dans les méandres du passé. Le personnage incarné par le réalisateur lui-même est pris dans une sorte de boucle temporelle qui lui permet de se revoir simultanément à différents âges. Dans un montage saccadé et hypnotique, le réalisateur néerlandais interroge les effets du temps passé et des rêves brisés. Comme le bilan punk et trash d'une vie déjà écoulée. On est à la fois sidéré par l'esthétique du film (dans la droite ligne de l'oeuvre du réalisateur néerlandais) et emporté par la profondeur de la réflexion que cela éveille en nous.

Ugly de Nikita Diakur


Ne vous fiez pas au titre, qui dissimule mal un film singulier et joyeux dans lequel un chat fait la connaissance d'une sorte de gourou dans les décombres d'un monde en déliquescence. Tout est rose et bleu, les objets nous assaillent et se multiplient, les décors mutent, l'univers part à vau-l'eau (ou se reconstruit, selon les interprétations), et pourtant on a l'impression d'être devant un feel good movie (sous ecstasy). Le réalisateur a spécialement créé une technologie numérique pour obtenir ces effets de déconstruction et de bizarrerie (le ugly du titre), en exploitant notamment des erreurs générées dans le code, ce qui donne l'impression d'un film où les pixels ont pris le pouvoir,  échappant à tout contrôle humain. De quoi ouvrir de nouvelles perspectives.

Weekends de Trevor Jimenez


Sans pathos et avec une tonalité très tendre, Trevor Jimenez (qui travaille chez Pixar) raconte la nouvelle existence d'un petit garçon dont les parents viennent de divorcer. Le film le suit tantôt chez l'un, tantôt chez l'autre, dans des activités enfantines basiques, ou d'autres plus singulières, racontant tout en douceur, avec poésie et délicatesse, le temps qui passe et la vie qui change.

Wednesday with Goddard de Nicolas Ménard

Parti à la recherche de Dieu suite à une averse lui donnant envie d'avoir la foi, le personnage rencontrera l'amour, puis le désespoir. Ton décalé, scènes cocasses et humour loufoque sont au rendez-vous de ce Wednesday with Goddard irrévérencieux à souhait. Dissimulée sous une couche de premier degré volontairement simpliste, la quête pour trouver Dieu est notamment une succession de piques à l'égard de la religion (on adore la séquence de l'Eglise) et d'ironie mordante sur l'Humanité.

Homophobie (2): 120 battements par minute n’est pas au goût des orthodoxes en Roumanie

Posté par vincy, le 9 février 2018

Des orthodoxes ont interrompu la projection de 120 battements par minute, Grand prix du jury à Cannes, à Bucarest en Roumanie. Cela s'est passé dimanche soir, le 4 février. Un groupe de jeunes spectateurs cagoulés a manifesté son opposition à la projection dès le début du film, au Musée du paysan roumain, lieu culturel dédié à la figure du paysan roumain connu pour ses choix exigeants.

"Un film sur des homosexuels n'a pas sa place dans le Musée du paysan car le paysan roumain, lui, est chrétien orthodoxe" ont-ils affirmé. Après avoir grimpé sur la scène, ils ont levé des icônes et entonné des chants religieux et l’hymne national. "La Roumanie n'est pas Sodome et Gomorrhe" brandissaient-ils.

Le groupe défend les valeurs millénaires de la nation roumaine. "Je proteste contre cette forme de propagande pro-gay dans un édifice symbole de la spiritualité du paysan roumain, qui n'a rien à voir avec cette idéologie", a déclaré à l'AFP une manifestante, Anda Barbulescu. Hier soir, ils ont également interrompu la projection du film d'Ivana Mladenovic, Soldati. Poveste din Ferentari, une autre histoire d'amour homosexuel entre un anthropologue et un rom. Le film, sélectionné en compétiton à San sebastien en septembre dernier, est sorti cette semaine sur les écrans roumains

La direction du Musée a défendu dans un communiqué sa décision de diffuser des films "sans censurer leur contenu" et rappelé que "la liberté d'expression est l'un des principaux acquis de la démocratie roumaine" depuis le renversement du régime communiste fin 1989.

Depuis 2000, la Roumanie a dépénalisé l'homosexualité. Dans ce pays, les manifestations contre l'avortement ou le mariage pour tous sont souvent suivies par des centaines de milliers de personnes. En 2013, lors d’un événement LGBT, la projection de The kids are all right, film qui raconte l'histoire d'un couple de femmes avec enfants, avait déjà été interrompue.

Homophobie (1): un directeur de festival de cinéma agressé

Posté par vincy, le 9 février 2018

Nicolas Bellenchombre, le président du Festival du film canadien à Dieppe, a été violemment agressé dans la nuit du 3 au 4 février à Dieppe, selon les informations de la presse locale. Lui et son ami Alexis ont d'abord été insultés, puis ciblés par des projectiles, avant de recevoir des coups en entendant des propos clairement homophobes: "PD", "tarlouze", etc... Des coups de poing, des coups au visage, aux jambes.

Nicolas Bellenchombre a finalement été amené aux urgences, souffrant de traumatismes crâniens et d'un sérieux traumatisme psychologique. Il a aussi porté plainte. Les deux hommes sont actuellement recherchés. Ce ne fut pas la seule agression homophobe ce soir là dans la ville normande selon Paris-Normandie qui a récolté le témoignage d'un autre couple, dont l'un des deux a été insulté et frappé par quatre agresseurs.

Il est toujours debout, invitant les dieppois à venir le voir au cinéma Rex le film britannique Seule la terre, hier soir, afin "de lutter contre l'homophobie".

En espérant que le directeur de l'association Ciné Deep, qui organise aussi le Festival Nouvelle Vague, se remette vite: la 5e édition du festival du film canadien se déroulera du 21 au 25 mars.

Edito: Black is the new Gold

Posté par redaction, le 8 février 2018

Le nouveau Marvel va débarquer sur les écrans. Black Panther est déjà au panthéon des adaptations de comics du côté de la critique américaine. Les louanges qui auréolent le film de Ryan Coogler s'accompagnent d'une prévision flatteuse au box office: on prévoit un démarrage à 150M$ pour ce film dont toutes les têtes d'affiche, à l'exception d'Andy Serkis et Martin Freeman, sont noires, d'Isaach de Bakolé à Forest Whitaker, d'Angela Bassett à Danuel Kaluuya, de Lupita Nyong'o à Michael B. Jordan, sans oublier la star du film, Chadwick Boseman.

C'est en soi un événement. Dans l'univers Marvel et DC Comics, les acteurs afro-américains sont secondaires. Il a fallu attendre le 7e Star Wars pour qu'un acteur noir soit parmi les héros. Et si on regarde parmi les 20 plus grosses recettes historiques d'Hollywood, hors animation, on ne compte que ces deux derniers Star Wars avec un rôle principal tenu par un(e) afro-américain(e).

Mais à Hollywood, on sent que le public est prêt à aller voir un film où les blancs ne seraient plus les stars. Pendant plus d'un demi-siècle, les spectateurs non-blancs ont du s'identifier à des stars caucasiennes. Puis, Sidney Poitier, Harry Belafonte, Sammy Davis Jr. Richard Pryor, Eddie Murphy, Danny Glover, Denzel Washington, Will Smith, Morgan Freeman, Samuel L. Jackson et Forest Whitaker ont prouvé qu'on pouvait être noir, reconnu et populaire, au-delà d'une segmentation ethnique absurde (mais très marketing). Le chemin a été long mais l'avènement d'un blockbuster comme Black panther sera historique dans un système où seul le dollar compte.

Après l'Oscar du meilleur film pour Moonlight l'an dernier, le carton critique et public de Get Out au printemps, la boucle est bouclée. Pourquoi tout cela arrive en même temps? Les Etats-Unis sont fracturés socialement, économiquement et politiquement. Les tensions raciales, malgré l'élection et la réélection de Barack Obama, ont perduré. Les afro-américains se sentent toujours victimes, discriminés. Il suffit de se rappeler du mouvement Oscars So White il y a trois ans. Depuis, l'Académie s'ouvre aux minorités ethniques. Et des Emmy Awards aux Oscars, désormais, les noirs valent de l'or.

De la même manière s'ouvre un autre cycle depuis cet été: la place de la femme à Hollywood. Le carton de Wonder Woman a prouvé qu'une réalisatrice et une actrice pouvaient rapporter gros avec une histoire d'héroïne. Là encore, Kathryn Bigelow, Nora Ephron, Mimi Leder, Nancy Meyers, Phyllida Lloyd, Catherine Hardwicke avaient montré que c'était possible. Mais Patty Jenkins a explosé tous les records et, surtout, a réussi avec un film dont le héros était une femme, qui n'a pas besoin d'un homme à ses côtés pour terrasser les ennemis. Avec le phénomène #MeToo, le triomphe des femmes sur le petit écran (Top of the Lake, réalisé par Jane Campion, Big Little Lies, produit par Reese Witherspoon), les résultats phénoménaux de films comme La belle et la bête, Hunger Games, Rogue One où les actrices sont en première ligne, ainsi que l'affirmation d'une égalité des sexes, on peut prédire que l'ambition des femmes va être récompensée dans les prochaines années, que ce soit au box office ou aux Oscars.

Noire et femme, Ava DuVernay pourrait être le miracle "intersectionnel" attendu avec la sortie de son film Un raccourci dans le temps, blockbuster fantasy familial à 100M$ de budget, en salles le 14 mars.

Pendant ce temps en France, hormis Omar Sy, on reste blanc. Une seule comédienne (Eye Haidara, catégorie espoir féminin) est non blanche parmi tous les acteurs et toutes les actrices nommé(e)s. Trois comédiens (Lucien Jean-Baptiste, Aissa Maiga, Ahmed Sylla) ont été en têtes d'affiche de films ayant dépassé le million d'entrées l'année dernière. Régulièrement, pourtant, que ce soit pour le petit comme pour le grand écran, les études montrent que les œuvres ne reflètent pas la société française: pas assez de jeunes ou de vieux, pas assez de femmes, trop de CSP+, à peine 15% de comédiens "perçus" comme non-blancs. La mixité n'existe que dans le métro?

Rassurez-vous, le cinéma hollywoodien remédie au problème. Et Black Panther sera aussi un succès en France.