Cabourg 2019 : la comédies romantiques, un genre stéréotypé pas si « genderfluid »

Posté par kristofy, le 20 juin 2019

On en a tous vu des dizaines de comédies romantiques et on adore ça. Courir à l'aéroport pour rattraper l’autre avant de partir loin ou se précipiter à une église où se prépare un mariage pour intervenir avant le ‘oui je le veux’ à quelqu'un d'autre; on connaît ces clichés de fin de films avec un personnage qui doit faire se battre contre un délai fatal et faire une grande tirade aussi sentimentale que désespérée, avec l’espoir que ça ne soit pas tout a fait trop tard... Beaucoup de ce genre de clichés se retrouvent dans les comédies romantiques. Certains sont d’ailleurs presque attendus : par exemple se déclarer sous la pluie (Orgueil et préjugés de Joe Wright, N'oublie jamais de Nick Cassavetes). La ‘RomCom’ est un genre de film très codifié. Souvent deux personnages différents que tout oppose  vont se séduire malgré des obstacles - un quiproquos ou une trahison qui va tout casser entre-eux - avant une ultime grande déclaration d’amour et un baiser passionné en guise de happy-end. Le summum étant évidemment Quand Harry rencontre Sally.

Et si en fait tout les comédies romantiques les plus populaires racontent aussi en creux une toute autre histoire ? C'est justement le sujet du documentaire Romantic Comedy de Elizabeth Sankey, présenté lors du Festival de Cabourg, qui interroge le message de ces films. Sa première observation est que "tout le monde est blanc, hétéro, et veut se marier"...

Romantic Comedy analyse avec une multitudes d’extraits des films les plus connus (principalement américains et britanniques) ce qui caractérise leurs personnages et leurs cheminements. Il en ressort que ces comédies romantiques ne sont pas seulement des histoires mièvres à regarder en pleurant avec  un pot de glace (un autre cliché, comme le début de Bridget Jones), ces histoires sont aussi un reflet de notre société et en particulier d’une certaine évolution du regard porté sur les femmes. Ainsi dans les années 50, la femme est un personnage fort, pleine de qualités et consciente de son pouvoir de séduction (comme Katharine Hepburn, Audrey Hepburn ou Marilyn Monroe) et face à elle l’homme est parfois stupide et maladroit (comme Cary Grant ou Tom Ewell).

Il y a eu un glissement inverse jusqu’aux années 90 : l’homme est supérieur et plein d’assurance, à l’aise avec sa fortune et son travail (Richard Gere, Colin Firth) alors que la femme est elle désormais faible, maladroite, avec des complexes ou un manque de confiance (Drew Barrymore, Sandra Bullock). C’est la femme qui doit évoluer pour séduire l’homme (Jennifer Lopez, Katherine Heigl). Seul Pretty Woman est l'exception, puisque les deux protagonistes sont obligés de faire des efforts pour conquérir l'autre (tout comme Notting Hill et Quatre mariages et un enterrement qui poursuivent la tradition des années 40-50). D'ailleurs cette inversion des rôles est condensée avec Bridget Jones, sorte de Orgueil et préjugés à l'envers : le féminisme d'antan a disparu dans les récentes comédies romantiques...

L'homme est l'avenir de la femme

Avec un montage d'une multitude d'extraits de films, Elizabeth Sankey remarque que la femme est rarement sur un pied d'égalité avec l'homme. Parfois le but de l’ héroïne est de séduire l'homme pour le rendre heureux, moins pour être heureuse elle (hystérique, indécise, insatisfaite, complexée: elle est toujours responsable de son malheur et victime de son statut).

L’homme est parfois manipulateur voir presque agressif dans sa séduction (Mary à tout prix, American pie). Quand la femme travaille, elle est vue comme incompétente, ingérable ou malheureuse (encore Bridget Jones, Anne Hathaway dans Le nouveau stagiaire, Sandra Bullock dans la Proposition). Le plus souvent la femme est idéalisée comme une muse qui permettrait l’accomplissement de l’homme : Zooey Deschanel dans 500 jours ensemble, Natalie Portman dans Garden state, Drew Barrymore dans Le come-back... Cette représentativité de la femme au service de l’homme avait d’ailleurs été dénoncée par Zoé Kazan dans Elle s'appelle Ruby. Dans une immense majorité de comédies romantiques on y voit un univers de personnage blanc, hétérosexuel, riche : ce n’est que ces dernières années qu’un peu plus  de diversité arrive. Quand il y a un personnage gay c’est souvent un meilleur ami dont l’utilité est de donner plus d’épaisseur au personnage principal hétéro ou de faire rire. Un couple interracial est rare, il y a eu récemment Kumail Nanjiani dans The Big Sick (un pakistanais avec une américaine) ou Yesterday de Danny Boyle. Même la différence d'âge continue d'être le plus souvent un homme âgé avec une femme plus jeune.

Cendrillon et le Prince Charmant

Dans son documentaire Elizabeth Sankey observe justement que ce sont les comédies romantiques les plus populaires qui ont un fort impact dans la mémoire collective, mais aussi, justement, que ces dernières années il y a de plus en plus de comédies romantiques avec de la diversité qui sont produites. Cependant, ces films sont plutôt catégorisés en 'film dramatique' comme Le club des coeurs brisés ou La tentation de Jessica. Et c'est surtout en Europe qu'on voit ce type de film : Seule la terre de Francis Lee, Week-end de Andrew Haigh, Kyss Mig, une histoire suédoise de Alexandra-Therese Keining, Imagine me and you de Ol Parker... Aucun n'a vraiment eu le succès des gros hits romantiques où régnaient Roberts, Diaz, Lopez, Anniston, Zelwegger et Bullock.

Le documentaire Romantic Comedy relève les différents stéréotypes de ces films, remix du mythe de Cendrillon, qui a rejeté l'émancipation des femmes (et le combat féministe) pour propger l'idée qu'elle ne seront heureuses qu'avec un grand amour (et des enfants), tout en laissant tomber leur job s'il le faut. Loin de nous empêcher de prendre du plaisir à regarder ces histoires, on peut quand même remarquer l'égocentrisme de ces déclarations d’amour où c'est la femme qui doit accepter l'homme tel qu'il est. Que de régressions depuis 30 ans et l'orgasme simulé de Meg Ryan au restaurant.

Le Festival de Cabourg avait d'ailleurs judicieusement sélectionné cette année des comédies romantiques riches de diversité : Portrait de la jeune fille en feu de Céline Sciamma, Matthias et Maxime de Xavier Dolan, Benjamin avec un cinéaste et un chanteur, Pour vivre heureux avec une étudiante belge d'origine algérienne et un jeune homme d'une famille pakistanaise, Aurora de Mila Tervo (Prix de la Jeunesse) avec un immigré iranien et une finlandaise, et aussi Yesterday de Danny Boyle (Prix du Public) avec Himesh Patel et Lily James.

En attendant la première grande comédie romantique où ce sera la femme qui paiera un jeune escort sur Hollywood Boulevard, où ça finira en polyamour bienheureux, où l'homme décidera de rester à la maison pour s'occuper des enfants. Bref une rom-com dans l'air du temps, avec des récits qui se fichent des étiquettes et qui affirment un retour à l'égalité des sexes.

19 films d’Almodovar en rétrospective

Posté par vincy, le 19 juin 2019

Alors que Douleur et Gloire est tours dans le Top 10 du box office français un mois après sa sortie et cumule plus de 700 000 entrées, Tamasa distribution sort cette semaine une rétrospective du maître espagnol Pedro Almodovar.

Cette rétrospective de 19 films - de Pepi Luci Bom et autres filles du quartier à Julieta - .sera nationale avec 3 salles à Paris, notamment le Gaumont Les Fauvettes, et dans les grandes villes (Bordeaux, Lille, Lyon, Nantes, ...) comme dans les moyennes (Angers, Dijon, Grenoble, Metz...).

Ce sera l'occasion de (re) découvrir ses premiers films ou de (re) voir ses moins populaires. Il a fallu attendre 1986 pour découvrir un film d'Almodovar en France (Qu'est-ce que j'ai fait pour mériter ça?, 86000 entrées) et 1989 avec Femmes au bord de la crise de nerfs pour qu'il connaisse son premier succès (600000 entrées). Cinq de ses films ont attiré plus d'un million de spectateurs: Talons Aiguilles (1992, 1,5M d'entrées), Tout sur ma mère (1999, 2M d'entrées), Parle avec elle (2002, 2,2M d'entrées), La mauvaise éducation (2004, 1,1M d'entrées), Volver (2006, son plus grand succès avec 2,3M d'entrées).

Pedro Almodovar va recevoir un Lion d'or d'honneur au prochain Festival de Venise.

West Side Story par Steven Spielberg : première image et casting complet

Posté par vincy, le 18 juin 2019

C'est avec une première image que le remake de West Side Story par Steven Spielberg s'est dévoilé. Et ce ne sera pas une transposition moderne, mais bien un film qui renoue avec l'époque de la création du "musical". Le film sortira au cinéma en décembre 2020.

"Plus de 50 acteurs, chanteurs et danseurs forment les Sharks et les Jets, les gangs de rue rivaux au cœur de l’histoire d’amour intemporelle du film, dont l’action se situe à New York en 1957" explique le communiqué de la 20th Century Fox.

Seule la légendaire Rita Moreno sera au générique de la version de 1961, qui lui a valu un Oscar du meilleur second-rôle féminin, et de cette nouvelle déclinaison de la comédie musicale. Elle aura cette fois le rôle de Valentina, "une version revisitée et amplifiée du personnage de Doc, le propriétaire du magasin dans lequel travaille Tony."

Les personnages principaux, Tony et Maria, sont interprétés par Ansel Elgort (Divergente, Baby Driver, Le chardonneret) et Rachel Zegler, dont ce sera le premier rôle au cinéma (lire aussi notre actualité du 15 janvier dernier). Anita et Bernardo sont incarnés par deux comédiens de Broadway: Ariana Debose (Hamilton, Summer : the Donna Summer musical) et David Alvarez (Billy Eliott : the musical).

Le lieutenant Schrank et le sergent Krupke sont quant à eux interprétés par Corey Stoll (House of Cards) et Brian d’Arcy James (First man).

Steven Spielberg prépare le film depuis plus d'un an, après avoir sorti Pentagon Papers et Ready Player One. Il a déclaré: "Quand nous avons commencé à travailler sur le projet il y a un an, nous avons annoncé que nous allions rassembler une distribution qui reflète la profondeur et la variété du talent de la communauté hispanique en Amérique, en lui faisant interpréter les rôles de Maria, Anita, Bernardo, Chino et les Sharks. Je suis émerveillé par la force du talent de ces jeunes interprètes, et je suis convaincu qu’ils apporteront une énergie nouvelle et électrisante à une magnifique comédie musicale, plus pertinente que jamais."

30 000 candidats ont été auditionnés pour 50 rôles.

Le film est écrit par Tony Kushner (Angels in America, Munich, Lincoln), dramaturge lauréat d’un prix Pulitzer et scénariste nommé aux Oscars, à partir de la comédie musicale originale de Broadway de 1957 (livret d’Arthur Laurents, musique de Leonard Bernstein, paroles de Stephen Sondheim et concept, mise en scène et chorégraphie de Jerome Robbins).

Côté musique, la direction d’orchestre a été confiée à Gustavo Dudamel, les arrangements à partir de la partition originale à David Newman.

Le film, sorti en 1961, a récolté 44M$ de l'époque en Amérique du nord (l'équivalent de 505M$ aujourd'hui). En France, il est sorti en 1962 et a fini 3e film le plus populaire de l'année avec 8,7 millions d'entrées. Parmi toutes ces nominations aux Oscars, il ne lui en a échappé qu'une: celle du scénario adapté. Sinon, il a raflé 10 statuettes, dont celles du film, des réalisateurs, des meilleurs second-rôles (George Chakiris côté masculin), de la musique et de l'image. Natalie Wood et Richard Beymer tenaient les rôles principaux de Maria et Tony.

Annecy 2019 : focus sur l’animation française 1/2

Posté par MpM, le 17 juin 2019

Le Japon avait beau être à l'honneur cette année à Annecy, c'est pourtant l'animation française qui a brillé de mille feux avec des propositions puissantes et éclectiques, et une démonstration magistrale d'inventivité et de savoir-faire. Tout, de l'esthétique aux sujets, en passant par les modes de narration et les techniques, est venu prouver l'immense vitalité d'un cinéma qui ne cesse d'expérimenter et d'explorer les possibilités infinies de son format.

Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si quatre longs métrages français étaient en compétition, représentant 40% de cette sélection, et si plusieurs des principaux prix toutes sélections confondues sont allés à des productions ou coproductions françaises : J'ai perdu mon corps de Jérémy Clapin, Mémorable de Bruno Collet, La vie de château de Clémence Madeleine-Perdrillat et Nathaniel H'Limi, Le Parfum d’Irak "Le Cowboy de Fallujah" de Léonard Cohen... D'où l'envie de consacrer deux articles distincts à la richesse exponentielle d'un cinéma qui semble au firmament, en s’attachant d'abord au cas particulier du format long, avant de se tourner vers ce qui est traditionnellement le cœur d'Annecy, à savoir le format court

Côté longs métrages, c'était donc une année exceptionnelle pour le cinéma français, avec un deuxième Cristal d'affilée : J'ai perdu mon corps de Jérémy Clapin, déjà historiquement récompensé à Cannes du Grand prix de la Semaine de la critique, succède en effet à Funan de Denis Do qui avait triomphé l'an passé. A ses côtés, quoique repartis bredouilles, La fameuse invasion des ours en Sicile de Lorenzo Mattotti, Les Hirondelles de Kaboul et L'Extraordinaire voyage de Marona d'Anca Damian ont créé l'événement. Dans la nouvelle compétition Contrechamp, c'est le documentaire Zero impunity qui dénonce les violences sexuelles dans les conflits armés actuels, qui a également beaucoup fait parler de lui.

Enfin, deux séances événements ont permis de découvrir le nouveau film de Jean-François Laguionie, Le Voyage du Prince, et le passage réussi au long de Bonjour le monde, la série télévisée d'Anne-Lise Koehler et Eric Serre.

J'ai perdu mon corps de Jérémy Clapin (compétition)

C'est incontestablement le grand gagnant de cette édition, qui cumule Prix du Public et Cristal du meilleur long métrage, en plus d'un bouche-à-oreille en béton armé. Avec sa trame narrative très simple et son spleen ténu, le premier long métrage de Jérémy Clapin impressionne autant par ses qualités de mise en scène que par son atmosphère ultra sensible. Tour à tour film de genre, portrait délicat d’un jeune homme qui cherche sa place, récit initiatique et même rencontre amoureuse, il suit en alternance une main coupée qui part à la recherche de son corps, et Naoufel, un jeune homme qui change de vie par amour. C’est dans cette juxtaposition des temporalités que se tisse le fil rouge du récit, la question du destin et de la manière dont il s’écrit, se suit et se contrarie.

Malgré l’humour de certaines situations, voire l’autodérision des dialogues, c’est une profonde mélancolie qui habite le film, portée par la très belle musique de Dan Levy et les teintes désaturées de l’image, éclairée ponctuellement par quelques touches de couleur vive, comme des gouttes de sang ou le manteau jaune et les écouteurs fluo de Gabrielle. Cette mélancolie sourde est celle des souvenirs et des regrets, la nostalgie d’un temps révolu, un sentiment d’errance. Naoufel, comme la main coupée, comme nous tous, n’en finit plus de chercher sa place dans le monde

Sortie : 6 novembre 2019

L'extraordinaire voyage de Marona d'Anca Damian (compétition)

Explosion de couleurs et d'émotions, le nouveau long métrage d'Anca Damian est une splendeur visuelle qui raconte la vie mouvementée d'une petite chienne nommée Marona. On a rarement vu un film destiné à un public familial qui respecte autant l'intelligence et le sens esthétique des enfants, comme des adultes. Malgré un scénario a priori tragique, rien n'est en effet jamais mièvre ou facile, chaque élément dramatique étant systématiquement contrebalancé par une touche d'humour et de poésie.

Formellement, Anca Damian s'offre toutes les libertés, et notamment de multiplier les styles graphiques, allant parfois très loin dans l'abstraction, ou dans une représentation stylisée du monde. On a la sensation qu'elle applique au long métrage ce qu'on aime tant dans le court : cette audace formelle qui ne s'interdit aucune expérimentation, et propose un cinéma libéré des contraintes esthétiques ou narratives traditionnelles, débordant d'idées visuelles et poétiques. Tout fonctionne, nous surprenant souvent, nous éblouissant sans cesse, et nous emportant dans les souvenirs doux amers du personnage. Avec elle, on se met à porter un regard différent sur le monde et sur nos semblables.

Sortie : 8 janvier 2020

La fameuse invasion des ours en Sicile de Lorenzo Mattotti (compétition)

Déjà présenté à Cannes, en section Un Certain regard, La fameuse invasion des ours en Sicile est l'un des films d'animation les plus attendus de l'année, signé par l'illustrateur et auteur BD Lorenzo Mattotti. Il s'agit d'un conte, adapté du seul roman jeunesse de Dino Buzatti, et scénarisé par le duo gagnant Thomas Bidegain et Jean-Luc Fromental, qui met en scène Léonce, le roi des Ours, parti en guerre contre les hommes après l'enlèvement de son fils Tonio.

Visuellement époustouflant, notamment dans la richesse de ses décors et de ses paysages naturels, le film fait le grand écart entre son inconstatable maîtrise technique, et le choix d'un positionnement un peu trop prudent. On sent que le film a été voulu pour plaire au (très) jeune public, quitte parfois à édulcorer le récit original, plus féroce, avec des éléments comiques comme les baladins ou les personnages fantoches. La trame narrative semble aussi expédiée, comme s'il s'agissait moins de critiquer et dénoncer la société que de proposer des péripéties romanesques. Malgré tout, le film reste une fable très plaisante, charmante et joyeuse, qui témoigne de la grande force de l'animation française contemporaine.

Sortie : 9 octobre 2019

Les Hirondelles de Kaboul de Zabou Breitman et Eléa Gobbé-Mévellec (compétition)

Un an à peine après Parvana de Nora Twomey, l'Afghanistan des Talibans était de retour à Annecy avec cette adaptation inégale du roman de Yasmina Khadra pensée comme une plongée sans fard dans une société rongée par l’obscurantisme, l’hypocrisie et la bêtise. Les personnages, malgré leurs différences sociales et culturelles, sont uniformément écrasés par le joug terrible qui régit les moindres détails de leur vie (la manière de s'habiller, le droit de rire, que dire et que penser) et fait peser sur eux une menace sourde et permanente.

Mais si l'on est convaincu par l'aspect esthétique du film, et notamment ses très beaux plans larges sur la ville, esquissée à grands traits dans des teintes désaturées, et ses personnages stylisés, on a plus de mal avec l'orientation clairement mélo-dramatique du récit, qui ajoute sans cesse de l'émotion à l'émotion. On a l'impression que ce type de cinéma "à sujet" finit par atteindre ses limites, parce qu'il ne parvient plus à s'extraire de l'incontestable noblesse de sa cause. Bien sûr, on ne peut qu'être sensible à l'hymne à la libération des consciences que véhicule le film, mais malgré tout on est déçu par son incapacité à aller au-delà d'une narration schématique et manichéenne.

Sortie : 4 septembre 2019

Zero impunity de Nicolas Blies, Stéphane Hueber-Blies et Denis Lambert (Contrechamp)

Ce documentaire engagé fait partie d'un vaste projet transmédia global combinant journalisme d'investigation et activisme, dont le but est de dénoncer l'impunité des violences sexuelles dans les conflits armés actuels, mais aussi de lutter pour y mettre fin. Construit en différents chapitres, le film aborde la question du viol comme arme de guerre ou de torture en Syrie, dans le Donbass, en République démocratique du Congo et aux Etats-Unis.

Les témoignages recueillis ont été reconstitués en animation, tandis que des experts témoignent à visage découvert dans les parties en prise de vue réelle. C'est dans les deux cas édifiants, avec la dénonciation d'une utilisation systématique du viol comme un outil d'humiliation, voire de destruction des individus, mais aussi comme un prolongement d'exploitation sociale. En s'attachant à des cas de figure très différents les uns des autres (notamment la violence sexuelle d'état à Guantanamo et les viols camouflés en prostitution volontaire en République démocratique du Congo), le film montre que le problème est loin d'être localisé dans une partie du monde ou un camp en particulier, même si l'on peut malgré tout être surpris qu'il fasse l'impasse sur de nombreux autres cas de violences sexuelles (on s'attendait par exemple à voir évoqués les viols systématiques perpétrés avec une rare violence dans la région du Kivu, également en République démocratique du Congo). Il s'agit quoi qu'il en soit d'un film indispensable, pensé avant tout comme un plaidoyer puissant et habité.

Sortie : à venir

Le voyage du prince de Jean-François Laguionie (séance événement)

Vingt après la sortie du Château des singes, Jean-François Laguionie lui donne une suite à travers cette sorte de journal de voyage tenu par le prince que l'on découvrait dans le premier volet. Celui-ci a traversé la mer pour aller à la rencontre d'une autre civilisation de singes. S'il est au départ fasciné par ce peuple qui vit dans une métropole moderne et industrialisée, il s'aperçoit pourtant rapidement que la société tout entière est régie par la peur. Dans cet univers très codifié, la haine et le rejet de l'autre sont en effet érigés en valeurs sûres, notamment au nom de la suprématie des uns sur les autres, mais aussi de la sécurité nationale.

Avec une forme d'humour léger, et à travers des images superbes, dans des teintes douces presque délavées, le réalisateur s'amuse une fois encore des travers de ses semblables, entre tentation du repli sur soi et tendance à l’inaction confortable. Son Prince vieillissant est comme un double de lui-même, personnage bienveillant et chaleureux qui observe avec curiosité et ironie le monde dans lequel il évolue, ne parvenant jamais à étancher sa soif de connaissances. Malgré la douceur du trait et l'humour du propos, l'urgence de celui-ci nous parvient 5 sur 5 : quand enfin cesserons-nous de prendre prétexte d'être les singes "les plus évolués de la création" pour asservir et ostraciser les autres ?

Sortie : 4 décembre 2019

Bonjour le monde de Anne-Lise Koehler et Éric Serre (séance événement)

Demain le monde est à l’origine une série télévisée destinée aux plus petits, dont le concept est de montrer la vie de bébés animaux. Après avoir été diffusée sur France 5, et avoir notamment gagné un Cristal à Annecy en 2015, elle devient désormais un long métrage qui fait se croiser autour d’une mare une faune diverse composée de castors, ablettes, tortues, salamandres et autres hibous.

Il faut le reconnaître, le ton volontairement pédagogique du film risque de décourager les plus âgés, de même que l’anthropomorphisme systématique dans le propos des animaux (« j’existe, c’est merveilleux ») finit par être assez agaçant. De la même manière, les voix donnent souvent faux, même en considérant que ce sont des animaux qui parlent. Malgré tout, on aura envie de montrer aux plus petits ce programme tout doux dans lequel les animaux sont des marionnettes de papier mâché (les caractères d’imprimerie sont encore lisibles) qui évoluent dans de somptueux décors colorés. On est en effet séduit par la réalisation extrêmement soignée et délicate, de même que par la manière dont le film stimule l’imaginaire des enfants tout en leur donnant une foule d’informations vraies sur la nature et son fragile équilibre.

Sortie : 2 octobre 2019

Décès du comédien et metteur en scène Maurice Bénichou (1943-2019)

Posté par vincy, le 17 juin 2019

Maurice Bénichou est mort à l'âge de 76 ans samedi dernier. Second-rôle qui aura joué dans une quarantaine de pièces et une cinquantaine de films, il était né le 23 janvier 1943 à Tlemcen, en Algérie (à l'époque française).

Son personnage le plus connu reste celui de Dominique Bretodeau dans Le fabuleux destin d'Amélie Poulain, personnage nostalgique de son enfance qui se souvient par des objets de son bonheur passé. Cette sensibilité et cet humanisme transpiraient dans la plupart des rôles qu'il avait endossé.

On l'a également vu dans Un éléphant ça trompe énormément d'Yves Robert, en valet dans L'Animal de Claude Zidi, ou encore dans Les Routes du sud de Joseph Losey, La Vocation suspendue de Raoul Ruiz, I... comme Icare d'Henri Verneuil, Qu'est-ce qui fait courir David ? d'Élie Chouraqui, Le Mahâbhârata de Peter Brook, La Petite Apocalypse de Costa-Gavras...

Cette diversité des styles a été le marqueur de sa carrière puisqu'on le croise ensuite dans Les Patriotes d'Éric Rochant, Code inconnu, Le Temps du loup et Caché de Michael Haneke, Drôle de Félix d'Olivier Ducastel et Jacques Martineau, C'est le bouquet ! de Jeanne Labrune, Paris de Cédric Klapisch, Le Grand Alibi de Pascal Bonitzer, Si tu meurs, je te tue de Hiner Saleem, en avocat Vergès dans Omar m'a tuer de Roschdy Zem...

Il fut aussi la voix du rabbin dans la version animée du Chat du Rabbin de Joann Sfar. Comédien sur les planches (Brecht, Brook, Ibsen, Tchekhov, Goldoni, Shakespeare...) et metteur en scène (de pièces de Jean-Claude Grumberg, David Mamet), son amour du métier était souvent loin de l'image que le public avait de lui. Il a été nommé une fois au Molière pour la mise en scène d'Une absence et aux César du meilleur acteur dans un second rôle pour Caché.

Cabourg 2019 : un palmarès dominé par l’amour

Posté par kristofy, le 17 juin 2019

Le 33ème Festival du film de Cabourg et ses journées romantiques s'est déroulé du 12 au 16 juin avec une programmation très dense de près de 50 films.

Le soleil et le public étaientt au rendez-vous. Certains films déjà passés par Cannes ont rapidement susciter des séances complètes comme Chambre 212 de Christophe Honoré, Matthias et Maxime de Xaxier Dolan, Portrait de la jeune fille en feu de Céline Sciamma, Perdrix de Erwan Le Duc venu accompagné de Swan Arlaud, Maud Wyler et Nicolas Maury, et en clôture La belle époque en présence de Nicolas Bedos et Doria Tillier.

A noter aussi une belle présence des films d'animation avec quatre titres dont J'ai perdu mon corps en présence de l'auteur de l'histoire Guillaume Laurant (tandis qu'en parallèle le réalisateur Jérémy Clapin recevait 2 prix au Festival de Annecy).

Le Grand Jury était présidé par Sandrine Bonnaire avec autour d'elle Lou De Laâge, Laetitia Dosch, Alice Pol, Naidra Ayadi, Vincent Perez, Eric Demarsan, Oury Milshtein et Danièle Thompson. Pour la compétition internationale, il y avait 7 films venant de Finlande, Thaïlande, Mexique, Royaume-Uni, Argentine, France; dont 4 étaient réalisés par des femmes.

Les festivaliers ont de leur coté voté pour un Prix du Public dans un panorama de 18 film: plusieurs ont été particulièrement plus appréciés que les autres et c'est un des favoris qui a reçu le plus de vote : Yesterday de Danny Boyle (et Richard Curtis) avec sa comédie romantique sur fond de chansons des Beatles.

Pour les huit courts-métrages à départager, Rebecca Zlotowski en tant que présidente, avec Lola Le Lann, Shaïn Boumedine, Noée Abita, Jules Benchetrit, Santiago Amigorena, Rahmatou Keïta étaient décisionnaires.

Le Swan d'or qui récompense le meilleur du cinéma français romantique de ces derniers mois ainsi que ses découvertes a cette année particulièrement mis en avant C’est ça l’amour avec quatre prix : meilleure réalisatrice pour Claire Burger, meilleur acteur pour Bouli Lanners, et Prix du Premier Rendez-vous pour à la fois les deux actrices Sarah Henochsberg et Justine Lacroix. Un razzia méritée qui surclasserait presque le Swann d'or pour Mon inconnue.

Plus globalement les Swann d'or font consensus en récompensant des films et des comédiens qui ont marqué ces derniers mois. On note surtout que les films primés sont tous des romances compliquées ou contrariées, où l'amour domine, in fine, manigances, idéologies ou ambitions. Comme s'il n'y avait que cela qui restait: le coup de cœur, malgré les fêlures.

Tarde Para Morir JovenLe palmarès :

- Grand Prix du Jury : Tarde Para Morir Joven, de Dominga Sotomayor (Chili), Léopard de la meilleure réalisation à Locarno
- Prix de la Jeunesse : Aurora, de Miia Tervo (Finlande)
Mention Spéciale du Jury Jeunesse : Manta Ray,
de Phuttiphong Aroonpheng (Thaïlande, sortie le 24 juillet)
- Prix du public : Yesterday, de Danny Boyle (sortie le 3 juillet)

- Meilleur court-métrage : Sous l’écorce de Ève-Chems de Brouwer
Mention Spéciale du Jury Court-Métrage : Elle s’appelait Baby de Mélanie Laleu et Baptiste Gourden
- Meilleure actrice court-métrage : Zoé Héran dans Max de Florence Hugues
- Meilleur acteur court-métrage : Paul Nouhet dans Les Méduses de Gouville de lui-même Paul Nouhet

- Swann d’Or du meilleur film : Mon Inconnue, de Hugo Gélin
- Swann d’Or de la meilleure réalisation : Claire Burger, réalisatrice de C’est ça l’amour
- Swann d’Or du scénario adapté d'une oeuvre littéraire : Mademoiselle de Joncquières, de Emmanuel Mouret
- Swann d’Or de la meilleure actrice : Juliette Binoche dans Celle que vous croyez de Safy Nebbou
- Swann d’Or du meilleur acteur : Bouli Lanners dans C’est ça l’amour de Claire Burger
- Swann d’Or de la révélation féminine : Nora Hamzawi dans Doubles vies d’Olivier Assayas
- Swann d’Or de la révélation masculine : Karim Leklou dans Le Monde est à toi de Romain Gavras
- Swann d’Or du meilleur premier film, ex-aequo : L’amour flou de Romane Bohringer & Philippe Rebbot et Tout ce qu’il me reste de la révolution de Judith Davis.

Par ailleurs les Prix Premiers Rendez-Vous qui récompensent les débuts à l’écran d’une actrice et d’un acteur dans un  premier grand rôle ont été donné à Tom Mercier dans Synonymes (Ours d'or à Berlin) et à Sarah Henochsberg et Justine Lacroix dans C’est ça l’amour de Claire Burger.

Clint Eastwood enrôle Paul Walter Hauser, Sam Rockwell et Kathy Bates

Posté par vincy, le 16 juin 2019

Clint Eastwood a trouvé son prochain film avec The Ballad of Richard Jewell. Le cinéaste américain continue son exploration des héros contemporains américains tout en poursuivant son tableau des menaces qui frappent le pays. Richard Jewell est un gardien de la sécurité qui a découvert un sac-à-dos abandonné suspect (à juste titre puisqu'il contenait une bombe), avant qu'un journal le qualifie de suspect possible de l'attaque terroriste des Jeux Olympiques d'Atlanta en 1996. De héros (qui a sauvé des centaines de vies) à suspect (le plus haï d'Amérique à ce moment là), sa vie a été bouleversée en quelques heures. Il fut disculpé trois mois plus tard, sans jamais recevoir de compensations. Sa réputation fut définitivement ruinée et il tomba malade, jusqu'àêtre atteint d'une attaque cardiaque en 2007, à l'âge de 44 ans.

A l'origine Leonardo DiCaprio et Jonah Hill étaient rattachés à ce projet qui date d'il y a 5 ans. DiCaprio en reste l'un des producteurs. Le scénario est signé de Billy Ray (Captain Phillips), à partir d'un article publié dans Vanity Fair.

Finalement, c'est Paul Walter Hauser (Moi, Tonya, Blackkklansman) qui incarnera Jewell. Kathy Bates (Misery, Titanic) interprètera sa mère et Sam Rockwell (3 Billboards, Vice) qui sera son avocat.

[Mise à jour: Olivia Wilde et Jon Hamm rejoignent aussi le casting: L'actrice interprètera la reporter Kathy Scruggs, qui a couvert les événements, tandis que le comédien sera un agent du FBI qui enquête sur l'attentat.]

Longtemps dans les mains de Fox-Disney, le projet vient aussi de migrer vers Warner Bros, le studio historique des films de Clint Eastwood. Warner va reprendre les droits de distribution du film. Au milieu de ce jeu hollywoodien, il y a Alan Horn, ancien patron du cinéma de la Warner qui est désormais chef des studios Disney. Horn espérait qu'Eastwood lâche sa "maison". Il n'en est rien. C'est plutôt, semble-t-il, la Fox qui ne sait pas encore quoi faire au sein de Disney.

Le studio, malgré le carton de Bohemian Rhapsody, a subit un semi échec avec Alita : Battle Angel et de lourdes pertes avec X-Men Dark Phoenix. Hormis Avatar (dorénavant intégré à l'agenda Disney) et Deadpool (qui va être intégré à l'univers Marvel), il n'a plus qu'une franchise, Kingsman. Il lui reste pour l'instant des drames à gros budgets dans son "line-up" qui est assez vide au-delà de 2020:  Ad Astra, Ford v Ferrari, Mort sur le Nil et le West Side Story de Steven Spielberg.

Annecy 2019: J’ai perdu mon corps triomphe

Posté par redaction, le 15 juin 2019

Un mois après son grand prix à la Semaine de Critique, le film d'animation J'ai perdu mon corps de Jérémy Clapin triomphe au Festival International du film d'Annecy. Le film, qui sortira en salles en novembre chez Rezo films (et sur Netflix dans une grande partie du reste du monde), confirme la bonne année du cinéma d'animation français, puisque le Cristal du court métrage (Mémorable, également prix du public dans sa catégorie) et le Cristal de la meilleure œuvre en réalité virtuelle sont aussi décernés à un film français. J'ai perdu mon corps a gagné aussi bien le Cristal du long métrage, la Palme d'or de l'animation, que le prix du public.

Longs métrages
Cristal du long métrage : J'ai perdu mon corps de Jérémy Clapin (France)
Mention du jury : Buñuel après l'âge d'or de Salvador Simo (Espagne / Pays-Bas)
Prix contrechamp : Away de Gints Zilbalodis (Lettonie)
Prix du public : J'ai perdu mon corps de Jérémy Clapin (France)

Courts métrages
Cristal du court métrage : Mémorable de Bruno Collet (France)
Prix du jury : Tio Tomás - A contabilidade dos dias de Regina Pessoa (Canada / France / Portugal)
Prix "Jean-Luc Xiberras" de la première oeuvre : La Pluie de Piotr Milczarek (Pologne)
Mention du Jury : Pulsión de Pedro Casavecchia (Argentine / France) - My Generation de Ludovic Houplain (France)
Prix du public : Mémorable de Bruno Collet (France)

Courts métrages de fin d'études :
Cristal du film de fin d'études : Daughter de Daria Kashcheeva (République tchèque)
Prix du jury : Rules of play de Merlin Flügel (Allemagne)
Mention du jury : These Things in My Head – Side A de Luke Bourne (Royaume-Uni)

Réalité virtuelle
Cristal de la meilleure oeuvre : Gloomy Eyes de Jorge Tereso et Fernando Maldonado (Argentine / France)

Courts métrages "Off-Limits" :
Prix du film "Off-Limits" : Don't Know What de Thomas Renoldner (Autriche)

Films de télévision et de commande :
Cristal pour une production TV : Panique au village "La Foire agricole" de Vincent Patar et Stéphane Aubier (Belgique)
Prix du jury pour une série TV : Le Parfum d’Irak "Le Cowboy de Fallujah" de Léonard Cohen (France)
Prix du jury pour un spécial TV : La vie de château de Clémence Madeleine-Perdrillat et Nathaniel H'Limi (France)
Cristal pour un film de commande : Ted-Ed "Accents" de Roberto Zambrano (Australie, Etats-Unis)
Prix du jury : #TakeOnHistory "Wimbledon" de Smiths and Foulkes

Prix André Martin :
Pour un long métrage français : Le procès contre Nelson Mandela et les autres de Nicolas Champeaux et Gilles Porte
Pour un court métrage français : Mon juke-box de Florentine Grelier
Mention pour un court métrage français : Flow de Adriaan Lokman

Décès du cinéaste italien Franco Zeffirelli (1923-2019)

Posté par vincy, le 15 juin 2019

Franco Zeffirelli est mort à l’âge de 96 ans ce samedi 15 juin, à Rome. Le cinéaste italien, né d’une union illégitime entre un marchand de textile et une dessinatrice de mode, a été placé par sa mère dans un orphelinat.

Descendant de Leonard de Vinci, nommé Zeffiretti en hommage à Mozart, il sera placé chez une britannique exilé en Toscane, qui l’initiera à Shakespeare. S’il est destiné à l’architecture, c’est le théâtre qui va le happer. Jeune et blond, il joue Les parents terribles de Jean Cocteau, mis en scène par Luchino Visconti, qui succombe à son charme. Il en fait son assistant pour La Terre tremble en 1948, Bellissima en 1951, Senso en 1954, ainsi que son décorateur sur deux pièces.

La Callas, de Maria à Fanny

Amant et collaborateur du maître Visconti, on imagine que les relations ont été mouvementées. Au moins, il apprend le métier. Jusqu’en 1956, où les ambitions de Zeffirelli l’emportent sur les passions de Visconti. Ils se fâchent sur Verdi et la Callas, jusque là mise en scène par Luchino et que Franco lui « volera » les années suivantes en filmant les opéras La Traviata, Tosca et Norma. En attendant le tour de Pasolini pour glorifier la diva…

Le cinéma, il n’y vient qu’en 1967. Réputé pour la scène, il entre dans la cour des grands dès son premier long métrage, La Mégère apprivoisée, avec Elizabeth Taylor et Richard Burton. Deux nominations aux Oscars, trois Donatello. Il enchaîne avec Roméo et Juliette, triomphe malgré la polémique (les deux acteurs y apparaissent nus, alors qu'ils n'étaient pas majeurs), couronné par deux Oscars en plus de deux nominations pour Zeffirelli (film et réalisateur). Les Donatello le sacre meilleur cinéaste de l’année. Shakespeare est toujours son influence majeure (Othello en opéra avec Placido Domingo en 1986, et en compétition à Cannes, et Hamlet avec Mel Gibson en 1990).

Zeffirelli va chercher dans la littérature et les arts étrangers son inspiration : que ce soit les opéras Pagliacci ou La Traviata (et en bonus une nouvelle nomination aux Oscars pour la direction artistique) avec Placido Domingo, Jane Eyre avec Charlotte Gainsbourg en 1996 ou l’audacieux et séduisant Callas Forever avec Fanny Ardant en 2002.

Homo anti mouvement gay, catho anti IVG

Pourtant c’est ailleurs que ses œuvres les plus personnelles surgissent. Dans une vision un peu réactionnaire à l’époque, à ses origines, à sa propre vie. De droite, ce qui n’est pas forcément un atout pour se faire aimer par les milieux culturels italiens, et fervent croyant, Franco Zeffirelli écrit aussi des films empreints de religiosité. En 1972, il signe François et le Chemin du soleil, hymne à Saint François d’Assise, qui lui vaut son deuxième Donatello du meilleur réalisateur. Cinq ans plus tard, il réalise une minisérie luxueuse et hollywoodienne sur Jésus de Nazareth. Il aime le spectacle, le baroque, les dorures pour mieux respecter les récits. A la manière d’un peintre de la Renaissance.

Adoubé par le Vatican, le cinéaste était ouvertement contre l’avortement. Il fut sénateur sous l’étiquette du parti de Silvio Berlusconi. Réélu en 1996, il se décide à faire son coming out, tout en restant discret sur sa vie privée et en critiquant le « mouvement gay » puisque selon lui "l'homosexuel n'est pas quelqu'un qui tremble et se maquille. C'est la Grèce, c'est Rome. C'est une virilité créatrice."

Sans doute pensait-il à l’image du père boxeur dans son film Le Champion (avec Jon Voight et Faye Dunaway). Sans doute avait-il mal vécu ses premières passions à l’instar de celle d’Un amour infini (avec Brooke Shields). On retrouve cette conflictualité intérieure dans Mémoire d’un sourire en 1993. Une jeune fille prête à entrer au couvent tombe amoureuse d’un jeune homme. Partagée entre son amour pour Dieu et celui pour l’étudiant, qui décide finalement de se marier avec une autre. Comme on comprend son âme florentine, son orgueil et son amour de la musique à travers Toscanini, où un jeune musicien est divisé entre deux mondes, celui de la compassion et celui des honneurs.

Mais c’est Un thé avec Mussolini qui est le plus personnel. Il assume la partie autobiographique de cette histoire où un groupe de femmes anglaises distinguées et "shakespearophiles" – Cher, Maggie Smith, Judi Dench, Joan Plowright, Lily Tomlin… - voient l’Italie sombrer dans le fascisme.

Finalement, c’est l'esthète Zeffirelli qui s’éclipse au moment où l’Italie n’est plus aussi raffinée que lui.

Venise 2019: Un Lion d’or d’honneur pour Pedro Almodovar

Posté par vincy, le 14 juin 2019

Le cinéaste espagnol Pedro Almodovar va recevoir un Lion d'or d'honneur au 76e Festival du film de Venise (28 août-7 septembre). Cette récompense couronnera l'ensemble de sa carrière. Don Pedro s'est dit à la fois excité et honoré de ce "don". Il se souvient d'avoir fait ses débuts internationaux à la Mostra en 1983 avec Dans les ténèbres. "C'était la première fois qu'un de mes films sortait d'Espagne" explique-t-il. Il est revenu sur le Lido avec son premier grand succès international, Femmes au bord de la crise de nerfs en 1988, qui avait remporté le Prix du meilleur scénario, sa première récompense. "Ce Lion va devenir mon animal domestique, à côtés des deux chats qui m'accompagnent" ajoute le maître espagnol.

Inutile de signaler que Pedro Almodovar est l'un des réalisateurs les plus réputés dans le monde. Parle avec elle lui a valu un Oscar du meilleur scénario (en plus d'une nomination à titre de meilleur réalisateur), Tout sur ma mère a été choisi pour l'Oscar du meilleur film en langue étrang§re. Il a reçu 4 Baftas, un Teddy Award à Berlin, un prix du scénario et un autre de la mise en scène à Cannes (en plus de prix d'interprétation pour les actrices de Volver et pour Antonio Banderas dans Douleur et Gloire), 4 César, 7 European Film Awards, et de nombreux Goyas dans son pays: meilleur film et meilleur scénario original pour Femmes au bord de la crise de nerfs, meilleur film et meilleur réalisateur pour Tout sur ma mère, meilleur film et du meilleur réalisateur pour Volver... Il a également été sacré par un Prix Lumière du Festival éponyme de Lyon il y a 5 ans.

Depuis 40 ans, Pedro Almodovar n'est pas seulement le "cinéaste qui nous a offert les portraits les plus variés, les plus controversés et les plus provocants de l’Espagne post-franquiste" comme l'explique le Festival de Venise, ni "seulement le réalisateur espagnol le plus important et le plus influent depuis Buñuel". "Almodóvar excelle avant tout dans la peinture de portraits féminins d'une originalité incroyable, grâce à une empathie exceptionnelle qui lui permet de représenter leur puissance, leur richesse émotionnelle et leurs faiblesses inévitables avec une authenticité rare et touchante" s'enthousiasme la Mostra.

"Les thèmes de la transgression, du désir et de l’identité sont le terrain de prédilection de ses films, qu’il imprègne d’un humour corrosif et orne d’une splendeur visuelle qui confère un éclat inhabituel au camp esthétique et au pop art auxquels il fait explicitement référence. Le chagrin d'amour, le chagrin d'abandon, les contradictions du désir et les déchirures de la dépression convergent dans des films qui chevauchent le mélodrame et sa parodie, atteignant des pics d'authenticité émotionnelle qui rachètent tout excès formel potentiel" a déclaré Alberto Barbera.