Hong Sang-Soo, un Coréen à Paris

Posté par MpM, le 12 février 2008

Woman on the beach, présenté à Berlin en 2007, donnait l'impression d'un Hong Sang-Soo allégé et comme apaisé, capable de ressasser ses vieilles obsessions (les rapports entre hommes et femmes, les trios amoureux, les caprices des sentiments...) sur un mode joyeux et entraînant. Sur sa lancée, il présente cette année Night and day, sorte de journal intime loufoque et lunaire d'un Coréen en exil à Paris. Semblant plus que jamais s'autoparodier, le réalisateur se délecte des démélés sentimentaux de son personnage principal, le même genre d'anti-héros confus que d'habitude, pris cette fois-ci dans le feu nourri de cinq femmes différentes. Cet exilé irrésolu serait-il une sorte d'Antoine Doinel coréen ? Certaines scènes, voire certaines répliques, évoquent en tout cas un pan du cinéma français intimiste et parisien, Truffaut en tête. De terrasses de café en plages normandes, les protagonistes mangent des huîtres, boivent plus que de raison, parlent d'art et se convoitent les uns les autres avec un mélange de perversion et de candeur. Moins ésotérique que parfois, mais toujours accro aux plans fixes interrompus ça et là par de voyants mouvements de caméra (zooms, panotages), Hong Sang-Soo ravit par son renouveau de cynisme assumé et légèrement sadique.

Le voyage du ballon de rouge

Posté par vincy, le 12 février 2008

Chaque festival présente ses particularités. Pour les professionnels, on les distingue souvent à l'accréditation, aux privilèges octroyés. A Berlin, par exemple, les journalistes payent leu accréditation. A Locarno, c'est l'accès aux salles de presse. A Berlin et Locarno, une caution est demandée pour la clef du casier de presse. Et caetera.  Cependant la Berlinale est assi un festival pour les berlinois. Eparpillé dans toutes les salles de la ville, à l'est comme à l'ouest, on découvre ainsi des temples du 7e Art reflétant l'idéologie de leurs "mécènes". Souvent ce sont de grandes salles uniques au coeur d'un quartier ou des lieux plus intimes, aujourd'hui dévolus aux films art et essais.

Spectateur et son Moka au cinéma

Dans tous les cas, les spectateurs ont une drôle d'habitude : les bars leurs servent des cafés au lait, des bières, et même un ballon de rouge. Le verre voyage jusque dans la salle (parfois on l'entend tomer et dévaler quelques rangs). Les cinéphiles apprécient donc, plus que le pop corn, de boire un remontant en levant les yeux vers l'écran...

Mexicanische Mauer

Posté par vincy, le 11 février 2008

Le Che

A deux pas de Potsdamer Platz, la compagnie Wild Bunch a installé un préfabriqué aux couleurs cubaines, avec deux grosses "américaines"décapotables, et un immense portrait du Che. Un terrain vague entre les salles de la Berlinale et le QG du marché du film, à deux pas de l'ancien mur. Un concept artistico-marketing pour vendre Guerilla et The Argentine, le diptyque de Soderbergh sur Che Guevarra. Berlin foisonne toujours d'idées pour remplir ces zones inhabitées, ses trous entre deux batiments, ces anciens restes de guerre froide.

Wild Bunch

Dans Lake Tahoe, une jeune mère a nommé son fils Fidel, en hommage à Castro. La révolution cubaine reste un mythe. Pourtant, dans ce film mexicain coloré, se déroulant dans un Yucatan plus rural que touristique, le rêve n'existe pas. Tout juste fantasme-t-on sur Bruce Lee. Tout le monde s'ennuit et rêve d'un monde différent (meilleur, vraiment?), comme cefameux Lake Tahoe, touche d'émeraude entre le Nevada et la Californie. Le Mexique est écrasé de chaleur, d'ennui. Il faut que Juan ait un accident de voiture, une Nissan rouge écarlate dans un poteau télégraphique, pour que ce petit monde sorte de sa sieste. Entre les aboiements de chiens et les bruits de moteurs, la vie se la coule douce...

Rien à voir avec le Mexique de Zonca, celui de Julia. Tilda Swinton part favorite pour le prix d'interprétation féminine, avec un rôle très proche de ceux que Cassavetes donnait à Gena Rowlands. Gloria à Tilda. Fuite éperdue dans le désert de Californie. Zonca suit la vie pas rêvée d'un ange déchu. Femme affolée, piégée, elle se lance dans un mur, en pleine nuit, pour échapper à la police, à la prison. Elle perce le mur avec son capot de bagnole, sérieusement endommagé. A croire qu'il faut des pépins mécaniques pour ouvrir les yeux.

Pourtant ce mur est une prison en soi. L'Amérique qui s'enferme, pour se protéger des flux migratoires mexicains. Un simple trou, un passage facile. Ce n'est qu'un mur. Une honte sur laquelle il faut mieux ironiser. Mais à Berlin, un mur a valeur de symbole. S'il a quasiment disparu, on peut encore en deviner les séquelles et les stigmates. Le tracé en pavé ne suffit pas à cacher des terrains entiers et vides, où l'herbe folle pousse face à des cages à lapins.

Cocktails mexicains

Un mur entre deux pays c'est encore autre chose. Une illusion pour se protéger d'un quelconque danger. La marque de faiblesse des puissants. Alors on croit aux mythes. Au Guevarra en leur temps, aux Obama d'aujourd'hui. Pourtant, lorsqu'on se promène à Berlin, il ne reste qu'une architecture monumentale pour nous rappeler l'idéal communiste. Ce ne son que des chimères face aux dures réalités de la vie de Julia ou de Juan.

Frankreich checkpoint

Posté par vincy, le 9 février 2008

Pub Lucky Luke

Dès l'avion, la délégation française s'amène en force. Le directeur d'un gros distributeur, le patron d'une grande chaîne de radio, ...puis on croise rapidement celui des acquisitions de TF1, un vétéran de la critique... Dans la presse professionnelle, quotidienne, des pages entières de pub vantent (pour leurs ventes) Jean Dujardin en Lucky Luke (très beau travail de casting pour Jolly Jumper), Audrey Tautou en Coco ("before Chanel"), les 10 petits nègres d'Agatha Christie, version Bonitzer, avec casting intello-chic et affiche à la Resnais.

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Et déjà Cannes en ligne de mire. MK2 qui retire les projections au marché du prochain film d'Olivier Assayas, pour ne pas gâcher ses chances d'une sélection. Barbet Shroeder (Inju) qui ne se cache pas d'être choisi par Thierry Frémeaux. Ca va se bousculer puisqu'on y pressent déjà Desplechin, Jaoui, Chéreau...

Mais pas Ozon, qui vient de signer le deal le plus improbable du moment. Changement de producteur (il passe chez Claudie Ossard, l'heureuse productrice d'Amélie Poulain), confiance renouvellée à Jean Labadie (ex-Mars, désormais boss de la société Le Pacte), et un script qui mélangerait réalisme social, horreur, suspens, science fiction (effets spéciaux de Buf), comédie et conte de fée. On prend peur surtout lorsqu'on voit l'étrange attelage à l'affiche : Sergi Lopez et Alexandra Lamy (qui n'a pas voulu jouer Jolly Jumper, regrettable).

On reportera nos espoirs sur Eric Zonca, premier film français en compétition à la berlinale. Julia, film anglophone, repose sur la grande Tilda Swinton, récompensée aujourd'hui par un Teddy Bear spécial (l'Ours d'or de la communauté cinéphile gay).

Berlin perd deux jurées

Posté par vincy, le 7 février 2008

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Mauvaise nouvelle. Membres du jury, la cinéaste danoise Susanne Bier et la comédienne française Sandrine Bonnaire ont annoncé qu'elles ne viendraient pas à Berlin. La première a été appelée aux Etats-Unis pour résoudre des problèmes liés à la sortie de son film. La seconde a écrit aux organisateurs une lettre d'excuse, des raisons personnelles et familiales. Cela survient le jour même du lancement de la Berlinale. Ce désagrément était arrivé il y a quelques temps au Festival de Locarno.

Palmarès

Posté par MpM, le 6 février 2008

Les lauréats

  • Cyclo d'or : Le vieux barbier de Hasi Chaolu (Chine)

"pour son scénario authentique, plein de dignité et de loyauté, pour la ville de Pékin face à la globalisation, pour son sujet né de la chimie subtile et délicate entre les membres d’une équipe de non professionnels"

  • Grand Prix du Jury International : Philippine science de Auraeus Solito (Philippines)

"pour son énergie positive et le jeu remarquable des jeunes acteurs, preuve d’un cinéma philippin authentique"

  • Mention spéciale : Those three de Naghi Nemati (Iran)

"pour son approche esthétique minimaliste et sa vision des valeurs humaines face à une situation critique de militarisation"

  • Prix du Jury NETPAC (Network for the Promotion of Asian Cinema) : Le vieux barbier de Hasi Chaolu (Chine)

"pour son histoire émouvante d’êtres humains en particulier ceux marginalisés, et pour la relation entre l’homme et son environnement traitée avec beaucoup de sensibilité"

  • Mention spéciale : Les moissons pourpres de Cai Shangjun (Chine)

"pour sa peinture d’une Chine en transformation face à la globalisation et les liens subtils d’amour et de confusion entre deux êtres"

  • Prix Emile Guimet : Boz salkyn de Ernest Abdyjaparov (Kirghiztan)

"d’authentiques personnages dans un décor sublime, musique originale du réalisateur lui-même…un film dénonçant avec subtilité une coutume ancienne sexiste qui a survécu au cours des siècles"

  • Coup de coeur Guimet : Frozen de Shivajee Chandrabhushan (Inde)

"un premier film subjuguant pour la qualité de sa photographie, un choix audacieux du noir et blanc, un film sychologique et philosophique au Ladakh, un tournant dans le cinéma indien"

  • Prix Langues' O : Les moissons pourpres de Cai Shangjun (Chine)

"pour avoir abordé la crise du monde rural dans la Chine contemporaine, ce qui a rarement été montré, et les bouleversantes relations père-fils"

  • Coup de coeur Langues 'O : Le vieux barbier de Hasi Chaolu (Chine)

"pour la qualité de son scénario et de ses images et le personnage principal témoin de la disparition de son quartier"

  • Prix du public longs métrages de fiction : Philippine science de Auraeus Solito (Philippines)
  • Prix du public du film documentaire : Le cri du coeur de Shinji Takahashi (Japon)
  • Prix Jury Jeunes : Les enfants bananes de Cheng Xiao-xing (France-Chine)
  • Prix du Jury Lycéen : Le vieux barbier de Hasi Chaolu (Chine)

Pour les spectateur parisiens, reprise d'une partie du palmarès au Musée Guimet les 5 et 7 mars 2008.

Regard sur les cinémas d’Asie contemporains

Posté par MpM, le 5 février 2008

Quels sont cette année les visages des cinématographies venues du continent asiatique ? Si l'on se base sur la compétition fiction, d'un point de vue géographique, on constate la prédominance du cinéma chinois et iranien (qui représentent une proportion importante des films proposés aux organisateurs) ainsi que le renouveau de la Malaisie et des Philippines qui bénéficient de la révolution numérique. L'Asie centrale n'est pas oubliée, avec deux oeuvres venues du Kirghiztan et du Kazakhstan, non plus que l'Inde, incontournable, et Israël, à la production relativement dynamique.

Sur le plan thématique, il apparaît que pour nombre de réalisateurs présents, le cinéma reste avant tout un formidable outil de témoignage sur les réalités sociales et politiques de leurs pays respectifs. Les deux films chinois en compétition abordent ainsi tour à tour la désertification des campagnes au profit des villes, la perte des valeurs familiales, la situation des femmes prostituées ou vendues (Les moissons pourpres de Cai Shangjun) ainsi que l'obsession de modernisation du pays et les bouleversements de la société chinoise (Le vieux barbier de Hasi Chaolu). Dans un genre assez proche, mais cette fois en Asie centrale, Le martinet d'Abai Koulbai suit l'errance d'une jeune fille kazakhe livrée à elle-même dans la capitale Almaty. Trop occupés à survivre, ou à monter dans le train du progrès, les adultes s'avèrent incapables de l'aider, ou ne serait-ce que de remarquer la prévisible et choquante descente aux enfers dans laquelle elle s'engage. Là aussi, les valeurs traditionnelles en prennent un coup.

Autre tendance de cette sélection, la volonté d'apporter un témoignage culturel ou historique inédit. Palme du sujet sensible, Boyz Salkyn aborde la question du vol des fiancées. Dans les campagnes kirghizes, lorsqu'une famille souhaite marier son fils, elle enlève tout simplement la jeune fille choisie, et s'arrange ensuite avec ses parents. Ernest Abdyjaparov, le réalisateur du film, avoue avoir lui-même procédé ainsi pour se trouver une épouse... C'est sans doute pourquoi il traite le sujet avec un regard très bienveillant, réussissant l'exploit de réaliser un film léger et même par moments burlesque sur une coutume archaïque et machiste. Trois mères de l'israélienne Dina Zvi-Riklis relate quant à lui la vie de trois soeurs du début des années 40 à Alexandrie aux années 2000 en Israël. Sous forme de fresque romanesque et familiale, la réalisatrice évoque le don d'enfants, qui se pratiquait en Egypte, et le tiraillement des juifs d'Egypte exilés en Israël. Enfin, l'hommage du réalisateur philippin Auraeus Solito à la comédie de teenagers (Philippine science) parle aussi des années d'instabilité du pays, dans les années 80, avant le renversement du dictateur Marcos.

Et puis, bien sûr, il y a les oeuvres atypiques et personnelles dont le point commun est sans doute de porter un regard humaniste et presque sociologique sur une poignée d'individus particuliers : un père et sa fille adolescente au Ladakh (Frozen de Shivajee Chandrabhushan), une poignée de militaires à la recherche de leur liberté individuelle dans une région glacée d'Iran (Those three de Naghi Nemati), des couples confrontés au doute ou au désamour (Waiting for love de James Lee).

Enfin, en terme d'esthétique, on retient le noir et blanc sublime de Frozen et sa mise en scène suffisamment inventive pour lui avoir valu le qualificatif de film indien "le plus novateur de ces dix dernières années", les cadrages au plus près du Vieux barbier, le technicolor soyeux et élégant de Trois soeurs, les interminables plans quasi fixes de Waiting for love, et encore le cinéma vérité du Martinet, film urbain par excellence, ou les images trafiquées de Those three.

Trois questions à Niki Karimi

Posté par MpM, le 5 février 2008

Niki KarimiEcran Noir : Parlez-nous de Sharhzad, le personnage principal de votre nouveau film Quelques jours plus tard.

Niki Karimi : Il s’agit d’une femme qui veut donner son opinion et avoir la parole. Elle a choisi sa vie et refuse de recevoir des ordres. Elle voit une distance entre elle et la société dans laquelle elle vit. C’est pourquoi elle vit hors de la ville, afin de garder cette distance, cette vision différente. Elle est également face à une crise dans sa vie. C’est également un film sur l’attente, sur ce décalage de quelques jours entre le moment où l’on nourrit une décision et la prise de décision elle-même.

EN : Vous êtes une femme, vous êtes iranienne et vous tournez des films mettant en scène des personnages féminins… Est-ce que cela ne vous agace pas un peu que l’on ramène toujours votre travail à votre féminité ?

NK : J’aimerais bien faire un film avec un homme comme personnage principal, mais la réalité, c’est qu’il y a des difficultés à Téhéran, là où je travaille, et il me serait difficile de parler d’autre chose. Mais bien sûr, le cinéma est plus grand que cela : on ne peut pas penser "on est une femme", "on n’est pas une femme". On prend une histoire et on en fait un film. Quand je travaille, je fais en sorte de ne pas avoir de sexe. Bien sûr, l’Iran est un pays patriarcal, c’est donc le regard des hommes qui importe, c’est à eux qu’il faudrait le demander… Ce regard patriarcal est parfois condescendant, certains hommes pensent qu’ils ont leur mot à dire et qu’ils peuvent décider pour vous. Ceci étant dit, on travaille dans ce pays depuis longtemps. On se bat pour se faire une place : s’ils veulent nous écarter, c’est leur problème.

EN : En plus de présenter votre film, vous êtes membre du jury international. Quels critères comptez-vous appliquer pour décerner le cyclo d’or ?

NK : Il faut que cela soit proche du cinéma que j’aime. Parfois on voit des films qui semblent surfaits ou non crédibles, mais parfois on découvre réellement des choses. Il y a également le ressenti et les émotions que l’on garde après la projection. Tout cela réuni fait qu’une oeuvre se détache plus particulièrement du lot que les autres.

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Délibération

Posté par MpM, le 4 février 2008

Le jury et le délégué généralLe jury et le délégué généralLes membres du jury et le délégué généralLes membres du jury et le délégué général

Photo souvenir des membres du jury international avec le délégué général du Festival, juste après la séance de délibération. De gauche à droite : Safarbek Soliev, Jocelyne Saab, Stanley Kwan, Niki Karimi et Jean-Marc Thérouanne. Le palmarès ne sera connu que mardi soir mais chacun commence déjà à avoir son point de vue sur la question. Si aucun film ne semble pour le moment ressortir du lot, l'un d'entre eux a tout de même fait l'unanimité contre lui. Waiting for love du Malaisien James Lee a découragé une majorité de festivaliers par sa mise en scène dépouillée (plans séquences fixes et larges) et ses dialogues vaguement creux sur le désamour et la complexité des sentiments.

Regard sur le cinéma tadjik

Posté par MpM, le 3 février 2008

Les cinémas d'Asie centrale sont particulièrement bien représentés à Vesoul cette année grâce à la rétrospective tadjike qui propose dix films des années 60 à nos jours, offrant un panorama divers mais fidèle de la production du pays. "Parmi les cinématographies de la région, il s'agit d'une des plus accidentées", souligne Eugénie Zvonkine, la consultante du festival spécialisée dans les anciennes républiques soviétiques. "Déjà, la production a commencé tardivement, dans les années 30-40. Mais en plus, elle a purement et simplement été stoppée par la guerre civile qui a ravagé le pays entre 1992 et 1997. Malgré tout, il existe des styles très différents dont il fallait rendre compte."

On retrouve ainsi un péplum flamboyant, Roustam et Soukhrab, de Boris Kimiagarov, représentatif du "kitsch soviétique décoratif" des années 70 qui cherchait à redonner de l'importance à la culture tadjik ; L'otage, de Younous Youssoupov, un "eastern" (équivalent des westerns occidentaux) revisité, ce qui en fait une sorte de western spaghettis tadjik (où les indiens sont remplacés par des "basmatchis", les bandits locaux) ; un film sociologique décortiquant la structure rigide de la société tadjike (Secrets de famille de Valeri Akhadov) ou encore un film idéologiquement dans la plus pure ligne de propagande soviétique, Les enfants du Pamir, mais d'une audace esthétique à couper le souffle. "Le réalisateur, Vladimir Motyl, est russe", raconte Eugénie Zvonkine. "Comme souvent dans les années 60, il est juste venu tourner au Tadjikistan pour se faire un nom. Du coup, loin de Moscou, il bénéficiait d'une grande liberté : images figées, accélérations, ralentis, illustration sonore sans paroles, séquences d'animation... Comme idéologiquement, c'est du premier degré, visuellement, il pouvait tout se permettre."

L'un des films les plus récents de la sélection, L'ange de l'épaule droite de Jamshed Usmonov, donne par ailleurs l'occasion de se pencher sur la situation actuelle du cinéma tadjik, à savoir l'absence complète de studios et l'existence d'une "liste noire" de réalisateurs. "Pour tourner un film au Tadjikistan, il faut une autorisation et une license. Mais les réalisateurs qui viennent de l'étranger font ce qu'ils veulent". D'où l'exil de tous ces artistes qui reviennent tourner au pays mais n'y restent pas. Ainsi, Usmonov qui vit et travaille en France. Ce cinéaste important évoque justement dans son oeuvre l'opposition entre le pays que l'on aime et celui où l'on doit s'exiler pour travailler. "Sur les 7,5 millions de Tadjiks, deux millions partent travailler à Moscou tous les ans", explique Eugénie Zvonkine. "Là-bas, ils subissent le racisme, et au final ne sont plus nulle part chez eux."