« Lumière ! L’aventure commence »: les premiers pas passionnants du cinéma

Posté par vincy, le 25 janvier 2017

Ce n'est pas seulement un documentaire que Thierry Frémaux nous propose avec Lumière ! L'aventure commence. C'est bien plus que ça. Le délégué général du Festival de Cannes nous invite à un voyage passionnant qui couvre les dix premières années du 7e art, de 1895 à 1905. A travers 108 petits films (restaurés) qui s'enchaînent, accompagnés d'un texte aux intentions pédagogiques et de la musique de Camille Saint-Saëns, l'aventure nous fait découvrir les premiers films, ceux des frères Lumière. Ce n'est même pas un dixième de leur œuvre, et ça suffit déjà à nous enthousiasmer.

Tout commence avec une sortie d'usine. On croit la connaître. Mais, facétieux, Frémaux nous montre que "le premier geste du cinéma" a eu plusieurs versions. L'invention du remake. La troisième version est mise en scène avec une foule en beaux habits. Car finalement, le premier personnage du 7e art, "c'est la foule, c'est le peuple."

La voix posée de Thierry Frémaux se lance alors une belle leçon de cinéma. Car les Lumière n'ont pas seulement inventé le moyen technique de filmer, ils ont créé la mise en scène. Tout n'est que mise en scène d'ailleurs. Leurs films, des séquences de famille aux reportages au bout du monde, sont écrits, donc scénarisés. La caméra est plantée à un endroit fixe qui offre le bon angle ou qui créé le bon mouvement. Cela donne la première comédie, L'arroseur arrosé, ou le premier film spectaculaire, le premier chef d'œuvre?, L'arrivée du train en gare de La Ciotat. Deux blockbusters noir et blanc, muets et courts. Le temps d'une pellicule de 50 secondes.

Lumière! est fascinant. Pas seulement parce qu'il exhume les premiers films, comme on admire les fresques rupestres de la Grotte Chauvet. La compilation révèle comment les deux frères ont posé les base d'un art nouveau, s'inspirant des tableaux de Cézanne, Degas ou Renoir ou innovant avec le film à l'envers. Ces "sorciers de l'image" compose ainsi le vocabulaire et la grammaire d'un nouveau langage.

Mais au-delà de cette étude quasi "anthropologique" du cinéma, Thierry Frémaux, en chapitrant son montage avec des thématiques, offre au spectateur une vision ethnologique de la France au tournant du XXe siècle. Des métiers disparus, des travailleurs, des enfants qui jouent, des bourgeois qui s'amusent... Tout cela témoigne d'une époque, comme une chronique d'un pays en mutation. Ce cinéma du réel, sans reconstitution, n'empêche pas ces plans séquences d'avoir le cadrage soigné, les perspectives sublimes, les travellings verticaux (dans l'ascenseur de la Tour Eiffel), les profondeurs de champs bluffantes, les seconds-rôles comiques, les regards caméra furtifs....

Et puis c'est aussi un voyage. A Lyon, évidemment, leur ville, mais aussi à Paris, avec le Trocadéro comme vous ne l'avez vu qu'en photo, Marseille, Biarritz, Jérusalem, New York, Londres, Chicago, ou encore en Turquie, en Suisse, en Italie, en Espagne, en Allemagne, en Russie, en Azerbaïdjan, au Mexique, au Japon et au Vietnam, avec cette petite fille qui court vers la caméra. Le monde d'alors. le monde comme on l'imaginait, comme on ne l'a pas forcément vu.

Lumière! L'aventure commence est un formidable travail de composition, où une centaine de petites histoires couvre tout le spectre de ce qui sera le cinéma, d'une catastrophe industrielle "surnaturelle" au film réaliste. "Un sujet, un traitement, un point de vue". Les Lumière ont fondé cet art qui déplace les foules du monde entier depuis plus de 120 ans. D'Eisenstein à Ford, de Kurosawa à Ozu, de Visconti à Laurel et Hardy, de W.C. Griffith à Chaplin, le sélectionneur de Cannes rappelle comment les deux français avaient déjà créé tel plan ou tel cadre, bien avant que les grands maîtres n'en fassent leur style.

Avec ce film, Frémaux prouve qu'ils ont été les premiers cinéastes. Son film est un anoblissement en images ludique et jubilatoire.

César 2017: Elle et Frantz dominent les nominations

Posté par vincy, le 25 janvier 2017

Il y a les (quasi) oubliés, Nocturama, Personal Shopper (Prix de la mise en scène à Cannes), Réparer les vivants, L'avenir (Prix de la mise en scène à Berlin), Rester vertical, Quand on a 17 ans ou encore Une vie (Prix Louis-Delluc). Et puis il y a Elle, Divines, Mal de pierres, Victoria, Ma Loute.... encore une fois les César ont fait la part belle aux films sélectionnés à Cannes. Deux des trois films d'animation, six des sept films étrangers (où on note l'absence de film asiatique) étaient aussi sur la Croisette. Tropisme cannois?

En tout cas, les nominations ont créé quelques surprises. Evidemment, les 11 nominations pour Elle, on s'y attendait, mais pas forcément les 11 nominations pour Frantz. Derrière, Ma Loute (9 nominations, dont la dixième nomination pour Luchini), Mal de Pierres qu'on n'attendait pas si haut et qui offre une douzième et treizième nomination à Nicole Garcia (8), Divines (7), Juste la fin du monde et La danseuse (6), Chocolat et Victoria (5). Sans oublier les trois nominations pour le film d'animation Ma vie de Courgette!
Isabelle Adjani, finalement, n'a pas été retenue (bien la peine d'avoir sorti le téléfilm Carole Matthieu en salles). Mais Huppert s'offre sa 16e nomination aux César (un record) et part évidemment favorite dans la catégorie meilleure actrice. Elle n'a été césarisée qu'une seule fois (pour La Cérémonie).

Si on devait en sortir une tendance, on s'apercevrait qu'hormis Divines, la plupart des multi-nommés sont des films au budget équivalent, faisant le portrait d'une bourgeoisie française, avec des héros et héroïnes post-40 ans, plongée dans ses tourments amoureux. En revanche, tout film traitant de la jeunesse, de l'homosexualité, d'une certaine réalité sociale (à l'exception des films étrangers) sont minorés voire évincés.

La conférence de presse était brouillonne et amateure, en comparaison avec les Oscars hier. Une chose est certaine, les César auront lieu le 24 février. Mais il n'y a pour l'instant aucun président/aucune présidente pour remplacer Roman Polanski, qui a abdiqué hier.

Hommage: Jean-Paul Belmondo
César d'honneur: George Clooney

Meilleur film
Divines, Elle, Frantz, Les Innocentes, Ma Loute, Mal de Pierres, Victoria

Meilleur réalisateur
Bruno Dumont, Paul Verhoeven, Houda Benyamina, François Ozon, Anne Fontaine, Nicole Garcia, Xavier Dolan

Meilleure actrice
Judith Chemla, Marion Cotillard, Soko, Isabelle Huppert, Virginie Efira, Sidse Babett Knudsen, Marina Fois

Meilleur acteur
François Cluzet, Pierre Deladonchamps, Nicolas Duvauchelle, Fabrice Luchini, Pierre Niney, Omar Sy, Gaspard Ulliel

Meilleur second-rôle féminin
Nathalie Baye, Valeria Bruni Tedeschi, Anne Consigny, Déborah Lukumuena, Mélanie Thierry

Meilleur second-rôle masculin
Vincent Lacoste, Melvil Poupaud, Laurent Lafitte, James Thierrée, Gabriel Arcand, Vincent Cassel

Meilleur espoir féminin
Oulaya Amamra, Paula Beer, Lilly-Rose Depp, Noemie Merland, Raph

Meilleur espoir masculin
Damien Bonnard, Niels Schneider, Corentin Fila, Karey Mottet klein, Jonas Bloque

Meilleur film d'animation
La jeune fille sans mains, Ma vie de courgette, La tortue rouge

Meilleur premier film
Cigarette et chocolat chaud, La danseuse, Diamant noir, Divines, Rosalie Blum

Meilleur film étranger
Aquarius, Baccalaureat, La fille inconnue, Juste la fin du monde, Moi Daniel Blake, Toni Erdmann, Manchester by the sea

Meilleur documentaire
Dernières nouvelles du cosmos, Merci patron!, Lampedusa, Swagger, Voyage à travers le cinéma français

Meilleur scénario original
Divines, L'effet aquatique, Les innocentes, Ma loute, Victoria

Meilleure adaptation
Elle, La fille de Brest, Frantz, Ma vie de Courgette, Réparer les vivants, Mal de pierres

Meilleure musique
Chocolat, Dans les forêts de Sibérie, Elle, Frantz, Ma vie de Courgette

Meilleure photo
Elle, Frantz, Les innocentes, Ma loute, Mal de pierre

Meilleur montage
Divines, Elle, Frantz, Juste la fin du monde, Mal de Pierre

Meilleur son
Chocolat, Elle, Frantz, Mal de Pierre, L'odyssée

Meilleurs décors

Chocolat, La danseuse, Frantz, Ma Loute, Planetarium

Meilleurs costumes
Frantz, Mal de Pierres, Ma Loute, La danseuse, Une vie

Meilleur court métrage
Après Suzanne, Au bruit des clochettes, Chasse royale, Maman(s), Vers la tendresse

Meilleur court métrage animé
Café froid, Ce qui a deux âmes, Journal animé, Peripheria

Oscars 2017: 14 nominations pour La La Land!

Posté par vincy, le 24 janvier 2017

Les 89e Oscars ont révélé leurs nominations qui seront décernés le 26 février. Elles ont été annoncées sous forme de clip compilé, une première, avec Demian Bichir, Dustin Lance Black, Glenn Close, Guillermo del Toro, Marcia Gay Harden, Terrence Howard, Jennifer Hudson, Brie Larson, Jason Reitman, Gabourey Sidibe et Ken Watanabe en présentateurs.

On retiendra d'abord le sacre du cinéma du "milieu" américain, aka le cinéma indépendant avec cins grands vainqueurs: La La Land, Moonlight, Arrival, Manchester by the Sea et Tu ne tueras point. La La Land atteint les 14 nominations, soit le record égalé de Titanic et All About Eve. Sinon tous les favoris sont là, même si la compétition semble tuée par le drame musical de Damien Chazelle.

On notera la énième nomination de Meryl Streep (absence de risque) mais l'audace d'avoir cité Isabelle Huppert qui glane ici sa première citation. Deux films d'animation français feront face à deux Disney dans la catégorie du meilleur film animé. Un exploit en soi. Et il ne faudrait pas oublier un court métrage suisse avec Jane Birkin (La femme et le TGV).
On ajoutera la consécration du québécois Denis Villeneuve, avec Arrival (Premier contact) un film de SF (ce qui est assez rare) nommé dans la catégorie meilleur film et lui-même dans celle du meilleur réalisateur. Avec 8 nominations, il est 2e ex-aequo en nombre de citations, égalant le score de Moonlight. Suivent Lion, Tu ne tueras point et Manchester by the Sea, six fois nommés. Notons que la présence de Manchester by the Sea dans la catégorie reine marque l'histoire d'Amazon Studios, pour la première fois cité en meilleur film.

Il y a bien sûr des snobés : Deadpool, Martin Scorsese et son Silence, The Birth of a Nation, grand prix du jury et prix du public à Sundance, Amy Adams, Nocturnal Animals, Grand prix du jury à Venise, Tom Hanks et Sully, Michael Keaton Hugh Grant, Annette Bening, Le monde de Dory, Tous en scène ...
Mais on constate surtout que les votants ont suivi les Golden Globes à peu de chose près (le gagnant du second rôle masculin Aaron Taylor-Johnson n'est même pas nommé mais la catégorie du second rôle féminin est entièrement identique). Il y aussi quelques surprises comme le rattrapage de The Lobster en scénario ou Fuocoammare en documentaire.

Et puis cette année, les Oscars ne sont pas "white" mais bien divers, avec des jeunes, des vétérans, des afro-américains (réalisateur, documentaire, film, acteurs...), un comédien d'origine indienne, etc...

Les Oscars ne feront peut-être pas un carton d'audience (les films nommés totalisent le box office cumulé le plus faible de ces dernières années, avec aucun film au dessus des 100M$) mais ils sacreront La La Land, ce qui en fera une soirée, assurément, fraiche et enchanteresse. Car, en bonus, il y a beaucoup de primo-nommés.

Film
Arrival, Fences, Tu ne tueras point, Comancheria, Les figures de l'ombre, La La Land, Lion, Manchester by the Sea, Moonlight

Réalisateur
Denis Villeneuve (Arrival), Mel Gibson (Tu ne tueras point), Damien Chazelle (La La Land), Kenneth Lonergan (Manchester by the Sea), Barry Jenkins (Moonligtht)

Acteur
Casey Affleck (Manchester by the Sea), Andrew Garfield (Tu ne tueras point), Ryan Gosling (La La Land), Viggo Mortensen (Captain Fantastic), Denzel Washington (Fences)

Actrice
Isabelle Huppert (Elle), Ruth Negga (Loving), Natalie Portman (Jackie), Emma Stone (La La Land), Meryl Streep (Florence Foster Jenkins)

Second-rôle masculin
Mahershala Ali (Moonlight), Jeff Bridges (Comancheria), Lucas Hedge (Manchester by the Sea), Dev Patel (Lion), Michael Shannon (Nocturnal Animals)

Second rôle féminin
Viola Davis (Fences), Naomie Harris (Moonlight), Nicole Kidman (Lion), Octavia Spencer (Les figures de l'ombre), Michelle Williams (Manchester by the Sea)

Film en langue étrangère
Land of mine, A Man called Ove, Le client, Tanna, Toni Erdmann

Film d'animation
Kubo et l'armure magique, Vaiana, Ma vie de courgette, La tortue rouge, Zootopie

Scénario original
Comancheria, La La Land, The Lobster, Manchester by the Sea, 20th Century Women

Scénario adaptation
Arrival, Fences, Les figures de l'ombre, Lion, Moonlight

Photo
Arrival, La La Land, Lion, Moonlight, Silence

Musique
Jackie, La La Land, Lion, Moonlight, Passengers

Montage
Arrival, Tu ne tueras point, La La Land, Moonlight

Chanson
Audition (La La Land), Can't stop the feeling (Les Trolls), City of Stars (La La Land), Empty Chair (Jim: The James Foley Story), How far I Go (Vaiana)

Décors
Arrival, Les animaux fantastiques, Avé! César, La La Land, Passengers

Costumes
Alliés, Les animaux fantastiques, Florence Foster Jenkins, Jackie, La La Land

Maquillage et coiffure
A Man called Ove, Star Trek Beyond, Suicide Squad

Effets visuels
Deepwater Horizons, Doctor Strange, Le livre de la jungle, Kubo et l'armure magique, Rogue One

Montage son
Arrival, Deepwater horizon, La La Land, Tu ne tueras point, Sully

Mixage son
Arrival, Tu ne tueras point, La La Land, Rogue One, 13 Hours

Documentaire
Fuocooammare, I am no your negro, Life animated, OJ: Made in America, 13th

Documentaire - court
Extremist, 4.1 Miles, Joe's violin, Watani My Homeland, The White Helmers

Court métrage
Ennemis intérieurs, la femme et le TGV, Silent Nights, Sing, Timecode

Court métrage animé
Blind Vaysha, Borrowed Time, Pear Cider and Cigarettes, Pearl, Piper

Le Festival Télérama fête ses 20 ans

Posté par vincy, le 18 janvier 2017

Le 20e Festival Cinéma Télérama commence aujourd'hui, pour une semaine. 15 films de 2016, sélectionnés par l'équipe cinéma du magazine, seront "rattrapables" en salles pour ceux qui les ont manqués. L'an dernier, l'opération avait séduit 315000 spectateurs. La séance est à 3€50 dans 322 salles de France.

Les 15 films retenus, avec leur box office (en gras, les 5 films que l'on vous conseille de découvrir absolument). On y retrouve des habitués du festival (et donc chouchous des lecteurs de l'hebdomadaire), Woody Allen, Pedro Almodovar et Xavier Dolan. Mais cette année, ni Coen, ni Fontaine, ni Dumont, ni même Divines, The Assassin, Carol ou Spotlight, ne sont dans la liste qui ne comprend aucun film de genre (hormis peut-être le Nichols), ni aucun documentaire. En tout cas, on remarque que 12 des 16 films (avec le film "jeune public") ont été présentés au Festival de Cannes.

Juste la fin du monde – Xavier Dolan - 1,03 million d'entrées **/****
Café Society – Woody Allen - 0,95 million d'entrées **
Moi, Daniel Blake - Ken Loach - 0,91 million d'entrées **
Julieta – Pedro Almodovar - 0,77 million d'entrées **
Victoria - Justine Triet - 0,64 million d'entrées ***
Frantz - François Ozon - 0,61 million d'entrées ****
Elle - Paul Verhoeven - 0,56 million d'entrées ***
La Tortue rouge – Michael Dudok de Wit - 0,34 million d'entrées ***
Toni Erdmann – Maren Ade - 0,34 million d'entrées ***
Paterson - Jim Jarmusch - 0,29 million d'entrées ***
Midnight Special - Jeff Nichols - 0,26 million d'entrées **
L’économie du couple - Joachim Lafosse - 0,19 million d'entrées ***
Aquarius – Kleber Mendonça Filho - 0,16 million d'entrées ****
Les Ogres - Léa Fehner - 0,1 million d'entrées *
Nocturama – Bertrand Bonello - 0,05 million d'entrées ***

Un film « Jeune public» s'ajoute à la sélection, l'incontournable Ma vie de courgette de Claude Barras (680 000 entrées).

A cela s'ajoute, pour le 20e anniversaire, des séances événements avec 20 films de 20 ans choisis par les lecteurs (dont deux Woody Allen et seulement cinq films français).

1. Mommy, de Xavier Dolan
2. Mulholland Drive, de David Lynch
3. Little Miss Sunshine, de Jonathan Dayton et Valérie Faris
4. Match Point, de Woody Allen
5. De battre mon coeur s’est arrêté, de Jacques Audiard
6. Mustang, de Deniz Gamze Erguven
7. Le Voyage de Chihiro, de Hayao Miyazaki
8. Des hommes et des dieux, de Xavier Beauvois
9. The Big Lebowski, de Joel et Ethan Coen
10. Eternal Sunshine of the spotless mind, de Michel Gondry
11. Drive, de Nicolas Winding Refn
12. Tout sur ma mère, de Pedro Almodovar
13. Blue Jasmine, de Woody Allen
14. Une séparation, d’Asghar Farhadi
15. Ida, de Pawel Pawlikowski
16. Valse avec Bachir, d’Ari Folman
17. Dans ses yeux, de Juan José Campanella
18. Camille redouble, de Noémie Lvovsky
19. The Grand Budapest Hotel, de Wes Anderson
20. L’Exercice de l’Etat, de Pierre Schoeller

BAFTA 2017: La La Land donne le « la » en partant favori

Posté par cynthia, le 10 janvier 2017

Après avoir tout rafler à la dernière cérémonie des Golden Globes, la douce mélodie du bonheur de Damien Chazelle, La La Land, pourrait reproduire le même schéma aux Bafta avec son record de nominations.

La La Land domine les prochains Bafta en étant nommé dans 11 catégories, dont celle du meilleur film, tandis que le drame fantastique de Denis Villeneuve, Premier contact (Arrival) et le thriller psychologique de Tom Ford, Nocturnal Animals ont reçu neuf nominations chacun et Manchester by the sea, six.

Les animaux fantastiques, Lion et Moi, Daniel Blake (Palme d'or du dernier festival de Cannes) récolte cinq nominations chacun face à Moonlight et Florence Foster Jenkins avec quatre nominations.

Comme d'habitude, le nombre de films et talents britanniques sont plutôt minoritaires dans cette cérémonie colonisée par les Américains. Côté film en langue étrangère, la France tient son rang avec deux films présentés à Cannes en 2015 (Dheepan et Mustang). Cannes squatte la catégorie avec la totalité des cinq films nommés.

Les nominations ont été annoncé par la rousse flamboyante de Game of Thrones, Sophie Turner, le sexy Dominic Cooper (Captain America, Preacher) et la légende d'humour britannique Stephen Fry. La cérémonie aura lieu le 12 février prochain au Royal Albert Hall, de quoi laisser le temps à la team de Damien Chazelle de reprendre leur esprit.

La liste des nominations:

Meilleur Film
Arrival
I, Daniel Blake
La La Land
Manchester by the Sea
Moonlight

Meilleur réalisateur

Denis Villeneuve, Arrival
Ken Loach, I, Daniel Blake
Damien Chazelle, La La Land
Kenneth Lonergan, Manchester by the sea
Tom Ford, Nocturnal Animals

Meilleur scénario
Comancheria, Taylor Sheridan
I, Daniel Blake, Paul Laverty
La La Land, Damien Chazelle
Manchester by the Sea, Kenneth Lonergan
Moonlight, Barry Jenkins

Meilleur scénario adapté
Arrival, Eric Heisserer
Tu ne tueras point, Robert Schenkkan, Andrew Knight
Les figures de l'ombre, Theodore Melfi, Allison Schroeder
Lion, Luke Davies
Nocturnal Animals, Tom Ford

Meilleur acteur
Andrew Garfield, Tu ne tueras point
Casey Affleck, Manchester by the Sea
Jake Gyllenhaal, Nocturnal Animals
Ryan Gosling, La La Land
Viggo Mortensen, Captain Fantastic

Meilleure actrice
Amy Adams, Arrival
Emily Blunt, La fille du train
Emma Stone, La La Land
Meryl Streep, Florence Foster Jenkins
Natalie Portman, Jackie

Meilleur acteur dans un second rôle
Aaron Taylor-Johnson, Nocturnal Animals
Dev Patel, Lion
Hugh Grant, Florence Foster Jenkins
Jeff Bridges, Comancheria
Mahershala Ali, Moonlight

Meilleure actrice dans un second rôle
Hayley Squires, I, Daniel Blake
Michelle Williams, Manchester by the Sea
Naomie Harris, Moonlight
Nicole Kidman, Lion
Viola Davis, Fences

Meilleur film dans une autre langue que l'anglais
Dheepan de Jacques Audiard
Julieta de Pedro Almodóvar
Mustang de Deniz Gamze Ergüven
Le fils de Saul de László Nemes
Toni Erdmann de Maren Ade

Meilleur documentaire
13 d'Ava Duvernay
The Beatles: Eight Days A Week de Ron Howard
La jeune fille et son aigle d'Otto Bell, Stacey Reiss
Notes on Blindness de Peter Middleton, James Spinney
Weiner de Josh Kriegman, Elyse Steinberg

Meilleur film d'animation
Le monde de Dory d'Andrew Stanton
Kubo et l'armure magique de Travis Knight
Vaiana de Ron Clements, John Musker
Zootopie de Byron Howard, Rich Moore

Meilleure musique originale
Arrival, Jóhann Jóhannsson
Jackie, Mica Levi
La La Land, Justin Hurwitz
Lion, Dustin O’halloran, Hauschka
Nocturnal Animals, Abel Korzeniowski

Meilleur image
Arrival, Bradford Young
Comancheria, Giles Nuttgens
La La Land, Linus Sandgren
Lion, Greig Fraser
Nocturnal Animals, Seamus Mcgarvey

Meilleur montage
Arrival,  Joe Walker
Tu ne tueras point, John Gilbert
La La Land, Tom Cross
Manchester by the Sea, Jennifer Lame
Nocturnal Animals, Joan Sobel

Meilleur chef décorateur
Doctor Strange, John Bush, Charles Wood
Les animaux fantastiques, Stuart Craig, Anna Pinnock
Hail, Caesar!, Jess Gonchor, Nancy Haigh
La La Land, Sandy Reynolds-Wasco, David Wasco
Nocturnal Animals, Shane Valentino, Meg Everist

Meilleur costume
Alliés, Joanna Johnston
Les animaux fantastiques, Colleen Atwood
Florence Foster Jenkins, Consolata Boyle
Jackie, Madeline Fontaine
La La Land, Mary Zophres

Meilleurs maquillage & Coiffure
Doctor Strange, Jeremy Woodhead
Florence Foster Jenkins, J. Roy Helland, Daniel Phillips
Tu ne tueras point, Shane Thomas
Nocturnal Animals, Donald Mowat, Yolanda Toussieng
Rogue One, Nominees TBC

Meilleur son
Arrival, Claude La Haye, Bernard Gariépy Strobl, Sylvain Bellemare
Deepwater, Mike Prestwood Smith, Dror Mohar, Wylie Stateman, David Wyman
Les animaux fantastiques, Niv Adiri, Glenn Freemantle, Simon Hayes, Andy Nelson, Ian Tapp
Tu ne tueras point, Peter Grace, Robert Mackenzie, Kevin O’Connell, Andy Wright
La La Land, Mildred Iatrou Morgan, Ai-Ling Lee, Steve A. Morrow, Andy Nelson

Meilleur effets spéciaux
Arrival, Louis Morin
Doctor Strange,  Richard Bluff, Stephane Ceretti, Paul Corbould, Jonathan Fawkner
Les animaux fantastiques, Tim Burke, Pablo Grillo, Christian Manz, David Watkins
Le livre de la jungle, Robert Legato, Dan Lemmon, Andrew R. Jones, Adam Valdez
Rogue One, Neil Corbould, Hal Hickel, Mohen Leo, John Knoll, Nigel Sumner

Meilleur film Britannique
American Honey d'Andrea Arnold, Lars Knudsen, Pouya Shahbazian, Jay Van Hoy
Denial de Mick Jackson, Gary Foster, Russ Krasnoff, David Hare
Les animaux fantastiques de David Yates, J.K. Rowling, David Heyman, Steve Kloves, Lionel Wigram
I, Daniel Blake de Ken Loach, Rebecca O’Brien, Paul Laverty
Notes on Blindness de Peter Middleton, James Spinney, Mike Brett, Jo-Jo Ellison, Steve Jamison
Under the Shadow de  Babak Anvari, Emily Leo, Oliver Roskill, Lucan Toh

Meilleur premier début par un écrivain, réalisateur ou producteur Britannique
The Girl With All the Gifts de Mike Carey (Writer), Camille Gatin (Producer)
The Hard Stop de George Amponsah (Writer/Director/Producer), Dionne Walker (Writer/Producer)
Notes on Blindness de Peter Middleton (Writer/Director/Producer), James Spinney (Writer/Director), Jo-Jo Ellison (Producer)
The Pass de  John Donnelly (Writer), Ben A. Williams (Director)
Under the Shadow de Babak Anvari (Writer/Director), Emily Leo, Oliver Roskill, Lucan Toh (Producers)

Meilleur court-métrage d'animation Britannique
The Alan Dimension de Jac Clinch, Jonathan Harbottle, Millie Marsh
A Love Story de Khaled Gad, Anushka Kishani Naanayakkara, Elena Ruscombe-King
Tough de Jennifer Zheng

Meilleur court-métrage Britannique
Consumed de Richard John Seymour
Home de Shpat Deda, Afolabi Kuti, Daniel Mulloy, Scott O’Donnell
Mouth of Hell de Bart Gavigan, Samir Mehanovic, Ailie Smith, Michael Wilson
The Party de Farah Abushwesha, Emmet Fleming, Andrea Harkin, Conor Macneill
Standby de Charlotte Regan, Jack Hannon

Meilleur espoir (vote du public)
Anya Taylor-Joy
Laia Costa
Lucas Hedges
Ruth Negga
Tom Holland

Golden Globes 2017: La La Land au firmament, Moonlight et Elle dans les étoiles

Posté par vincy, le 9 janvier 2017

7 Golden Globe Awards pour La La Land. Une razzia, et surtout un record. Le jeune cinéaste Damien Chazelle a réussi l'exploit de tout rafler ou presque dans une cérémonie dont le nombre de prix permet généralement un certain éparpillement. Son hommage à Los Angeles, son ode à l'amour impossible, son hymne à la musique et aux musicals de Minnelli et Demy a séduit les votants (les correspondants de la presse étrangère) du scénario à la chanson, des acteurs principaux à la réalisation.

Jusqu'ici il fallait remonter à Vol au dessus d'un nid de coucou et Midnight Express pour trouver un film ayant remporté 6 Golden Globe Awards.

Il ne reste donc pas grand chose pour les autres films. Moonlight a quand même réussi à récolter le convoité prix du meilleur drame tandis que Casey Affleck a reçu le prix du meilleur acteur pour Manchester by the Sea. Il apparaît comme l'unique favori pour les Oscars dans sa catégorie.

Amazing Huppert

La surprise a quand même été de voir Elle doublement récompensé: meilleur film en langue étrangère et surtout meilleure actrice dans un drame pour Isabelle Huppert. Elle était elle-même étonnée de supplanter ses concurrentes (et notamment une Natalie Portman a priori favorite). C'est seulement la deuxième française à recevoir ce prix dans la catégorie drame après Anouk Aimée en 1967 pour Un homme et une femme, la troisième avec Marion Cotillard dans la catégorie comédie/musical.

"Merci de m'avoir fait gagner dans un film français dirigé par un réalisateur néerlandais, ici aux Etats-Unis" a déclaré Huppert dans son discours de remerciement. "Il y a des gens du monde entier dans cette salle, de Chine, d'Amérique, d'Europe. N'attendez pas du cinéma qu'il dresse des murs et des frontières" a-t-elle ajouté en référence aux programmes politiques de nombreux dirigeants dans le monde, à commencer par Donald Trump, prochain président des Etats-Unis.

Meryl Streep, récompensée pour l'ensemble de sa carrière, n'a pas non plus ménagé ses critiques à l'égard des idées de Trump. "Vous tous dans cette salle appartenez aux segments les plus diabolisées de la société américaine en ce moment". Elle a rappelé que "Hollywood croule sous les gens venus d'ailleurs et les étrangers". "Si vous les mettez tous dehors, vous n'aurez plus rien à regarder que du football américain et des arts martiaux mixtes, qui ne sont pas de l'art" a-t-elle rappelé. L'actrice multi-oscarisée, dans un discours engagé, a fait sa petite leçon et son petit effet: "L'irrespect amène l'irrespect. La violence incite à la violence. Et quand les puissants se servent de leur rang pour brutaliser les autres, nous sommes tous perdants."

Palmarès cinéma

Meilleur film - drame: Moonlight
Meilleur film - comédie/musical: La La Land
Meilleur réalisateur: Damien Chazelle (La La Land)

Meilleur acteur - drame: Casey Affleck (Manchester by the Sea)
Meilleure actrice - drame: Isabelle Huppert (Elle)
Meilleur acteur - comédie/musical: Ryan Gosling (La La Land)
Meilleure actrice - comédie/musical: Emma Stone (La La Land)
Meilleur second-rôle masculin: Aaron Taylor-Johnson (Nocturnal Animals)
Meilleur second-rôle féminin: Viola Davis (Fences)

Cecil B. DeMille Award pour l'ensemble de sa carrière: Meryl Streep

Meilleur scénario: La La Land
Meilleur film en langue étrangère: Elle
Meilleur film d'animation: Zootopie
Meilleure chanson: "City of Stars" (La La Land)
Meilleure musique: Justin Hurwitz (La La Land)

Bilan 2016 : le cinéma de genre en mutation

Posté par kristofy, le 28 décembre 2016

C’était quoi le cinéma de genre en 2016 ?

Depuis quelques années, en fait depuis Paranormal Activity en 2007, les films qui ont pour unique promesse de faire sursauter le spectateur avec des apparitions fantômes dans le noir ou des possessions démoniaques se suivent et se ressemblent presque tous. Cette année il y a eu par exemple Conjuring 2: le cas Enfield (29 juin), Dans le noir (24 août), Ouija : les origines (2 novembre), Don’t Breathe, la maison des ténèbres (5 octobre), et même un remake du légendaire Blair Witch (21 septembre). A noter d’ailleurs que deux films français qui, à leur manière, ont marqué le cinéma de genre tricolore ont eu leur remake en langue anglaise, Martyrs et A l’intérieur (mais aucun des deux n'est sorti en salles).

Et en France ? Il y a eu cinq films notables en 2016 qui, bien que très différents les uns des autres, ont été intéressants pour le ‘genre’. Julien Séri est enfin de retour avec Night Fare (13 janvier) et son mystérieux chauffeur de taxi, suivi de Julien Leclercq avec ses Braqueurs (4 mai). Jean-François Richet s’est retrouvé de nouveau aux commandes d’un film américain (10 ans après le remake de Assaut sur le central 13) avec Blood father (31 août) et signe par la même occasion le retour en grâce de Mel Gibson lors d’une séance de minuit au Festival de Cannes.

Cependant le genre français aura été beaucoup mieux conjugué au féminin, avec deux réalisatrices. Contrairement à leurs homologues masculins très influencés par des références américaines qu’ils reproduisent (comme ceux précédemment cités), celles-ci ont mis en images un univers bien à elles. Il y eu Evolution (16 mars) de Lucile Hadzihalilovic (qu’on attendait depuis 10 ans après Innocence) avec un petit succès d’estime et des récompenses aux festivals de San Sebastian et de Gérardmer. Mais le véritable évènement du genre a été découvert à Cannes puis récompensé dans divers festivals (Sitges, Toronto, Strasbourg, PIFFF…) et dont la sortie a été reculée au 15 mars 2017 (en parallèle avec une sortie aux Etats-Unis) : il s'agit de Grave de Julia Ducournau.

Aussi surprenant que cela paraisse le Festival de Cannes a mis en avant cette année ce genre peu habitué au glamour : Grave (à La Semaine de la Critique), Dog Eat Dog de Paul Schrader (Quinzaine des Réalisateurs), The Transfiguration de Michael O'Shea (Un Certain Regard), The Neon Demon de Nicolas Winding Refn (en compétition), The Strangers de Na Hong-jin (hors-compétition) et Dernier train pour Busan de Yeon Sang-ho (séance de minuit).

Dans les salles de cinéma, pourtant, c'est plutôt la désaffection, à quelques exceptions près. Le spectre était pourtant varié : Midnight Special de Jeff Nichols (16 mars), 10 Cloverfield Lane (16 mars), Hardcore Henry (13 avril), Green Room de Jeremy Saulnier (27 avril), American Hero (8 juin), The Witch (15 juin), American Nightmare 3: Élections (20 juillet), The Wave (27 juillet), Dernier train pour Busan (17 août), Premier Contact de Denis Villeneuve (7 décembre), soit des extra-terrestres, des montres, des tueurs immortels, des dons surnaturels, une catastrophe naturelle, de la sorcellerie, des zombies et la fin de l'humanité.

Finalement, ce que l'on retient c'est bien le renouvellement du genre. Reprendre les vieilles recettes et les refaire non pas seulement au goût du jour, avec les moyens actuels, mais bien avec un point de vue singulier, une envie de surprendre, une volonté de donner au "genre" une profondeur avec plusieurs niveaux de lecture ou d'en faire une expérience physique et cérébrale, repoussant les limites du supportables ou explorant les limbes de nos cauchemars.

Cependant certains des meilleurs films seront restés eux invisibles, à l'exception de quelques projections dans certains festivals. Comme nous le disions récemment : « Les films fantastiques, avec des zombies, des vampires, d'horreur etc... ne manquent pas dans la production mondiale. Régulièrement les productions hollywoodiennes arrivent dans les salles. Ceux là parviennent à dépasser les 300000 entrées (voir atteindre les 700000 spectateurs comme American Nightmare 3 ou 1,5 million de spectateurs comme Conjuring 2. Pour les autres, c'est plus compliqué. Malgré leur excellente réputation et leur carton dans leur pays, les films coréens, espagnols ou japonais ont du mal à s'exporter. Et ne parlons pas du cinéma français qui prend des pincettes à produire des films de ce genre et qui quittent rapidement l'affiche une fois sorti. Quand ils ont été distribués. Qu'on aime ou pas ce genre de films, il s'agit quand même d'une diversité qu'il faudrait mieux défendre, mieux préserver. Il a peut être mauvais genre mais c'est du cinéma. Il n'y a pas de raison qu'il soit un passager clandestin dans les salles ou un apatride squattant les ordinateurs, souvent en téléchargement illégal, ou la vidéo à la demande. »

Mon film de l’année : Aquarius, œuvre libertaire et anti-libérale

Posté par vincy, le 26 décembre 2016

Parmi la quinzaine de films marquants cette année, c'est Aquarius, la fresque intime et politique de Kleber Mendonça Filho, qui me vient immédiatement à l'esprit. Sans doute parce qu'il allie parfaitement deux états d'esprit qui ne son pas dans l'air du temps. Un personnage principal, Clara, magnifié par une Sonia Braga impériale qu'on avait perdu depuis plusieurs années, revendiquant sa liberté de penser, de vivre, affirmant à la fois sa place conquise en tant que femme, assumant pleinement son indépendance, se désolant du conservatisme ambiant, et constatant que ses victoires du passé (sur le racisme, le sexisme, les droits fondamentaux) sont plus vulnérables qu'elle ne le croyait. Et puis il y a sa lutte, sa résistance même, contre un ordre établi, corrompu et cupide, déshumanisé et cynique. La destruction de son immeuble n'est pas qu'un symbole dans ce conflit. C'est un avertissement.

Ironiquement, l'histoire du film a croisé l'histoire du Brésil cette année avec un "coup d'état" institutionnel et une succession de démissions et de poursuites judiciaires dans le système politique, tous bords confondus. La crise évoquée dans Aquarius n'est qu'une infime représentation des symptômes qui gangrènent le développement du pays. D'ailleurs le pouvoir en place a fait pression pour qu'Aquarius ne représente pas le Brésil aux Oscars. Ces ultra-libéraux n'ont pas supporté la contestation des artistes et l'opposition des équipes du film (jusque sur les marches de Cannes) à leur hold-up sur la présidence et le gouvernement.

Mais ce qui épate avec cette épopée d'une veuve pleine de vigueur contre des promoteurs véreux est ailleurs: dans des séquences hors-limites, dans ce récit ample et multi-dimensionnel, dans cette incarnation chaleureuse d'une famille éclatée. Tel un feuilleton, d'une folle intelligence, on suit le temps qui passe, les rebondissements de cette sale affaire, entre le calme et les tempêtes, le sexe cru et le carpe diem. Mais si les répliques sont franches, si les nus sont frontaux, tout est contourné avec une mise en scène qui maîtrise parfaitement ses limites, n'allant jamais trop loin dans la critique, la satire, le mélo, le drame ou la dénonciation manichéenne. Car au bout de cette bataille, il y a la volonté de croire qu'on peut changer les choses, qu'on peut refuser le fatalisme. Le film est aussi riche dans sa complexité que son personnage est radieux dans l'adversité.

Evidemment, ce ne sera pas forcément le cas, et c'est là toute la beauté de l'immoralité. Après tout Aquarius fait l'éloge du désir, du souvenir, de la conscience, de la transmission. Mais c'est aussi un manifeste qui rappelle les points faibles de cette liberté tant aspirée dans un monde profondément chaotique où la loi du plus fort est aussi celle du plus riche, où l'ignorant, l'inconscient et l'aveugle sont soumis aux règles dictées par les puissants. Et malgré le propos sombre, l'œuvre demeure lumineuse de bout en bout. Pourtant, cet immeuble Aquarius est une utopie qu'on détruit. Mais tant qu'il y aura des Clara pour se tenir debout, danser et baiser comme elle en a envie, alors tout n'est sans doute pas perdu.

Mes autres coups de cœur : Mademoiselle et Carol pour leur esthétisme hypnotisant et le soufre immoral de leurs liaisons dangereuses, Ma vie de Courgette et Quand on a 17 ans car dans les deux cas Céline Sciamma prouve qu'elle traduit les émotions et sentiments de la jeunesse avec une justesse impressionnante, Diamant noir parce qu'il s'agit assurément du meilleur film noir de l'année, genre snobé par le cinéma francophone, Mekong Stories et L'ornithologue pour leurs audaces narratives où spiritualité, sexualité et nature s'entrelacent merveilleusement et Manchester by the Sea car il s'agit de loin du plus beau drame familial de l'année, aussi sobre et pudique que ténu et tragique.

Mon film de l’année : Peace to us in our dreams de Sharunas Bartas, humanisme à l’état brut

Posté par MpM, le 25 décembre 2016

Pour qui tient Sharunas Bartas pour une sorte de chaman aux pouvoirs quasi mystiques, Peace to us in our dreams ne peut pas être un film comme les autres. Parce que chaque nouvelle production du cinéaste lituanien est un événement, bien sûr, qui fut d'ailleurs accompagné d'une rétrospective au Centre Pompidou. Mais aussi parce que dès le titre, c’est déjà un programme, presque une promesse. La certitude d’assister à un moment de cinéma tout en participant à une expérience profondément universelle.

Le mal de vivre des personnages, leurs doutes et leurs interrogations, leurs lâchetés et leurs faiblesses, aussi, en font donc pour moi le film le plus marquant de l’année 2016, celui qui hante longuement le spectateur, et l’oblige même à y revenir encore, et encore, dans l’espoir d’y trouver à chaque fois quelque chose de plus. Pas de réponses, non, mais ce sentiment unique de ne pas être seul. Voilà sans doute la plus grande force du cinéma de Sharunas Bartas en général, et de son dernier long métrage en particulier : nous relier au reste de l’Humanité par le biais d’une immense fraternité non pas formelle, mais essentielle, voire originelle.

Le film prouve ainsi que l’incommunicabilité bien réelle qui est au cœur du récit, et qui empêche les Hommes de se comprendre et d’être véritablement ensemble, peut être dépassée par le langage visuel et sensoriel du cinéma. Grâce à Peace to us in our dreams, à cet art si fragile et si ténu, exigeant aussi, on s’est tout simplement senti moins seuls cette année.

Deux autres types de films ont profondément marqué cette année 2016 par ailleurs si brutale et douloureuse : les récits de lutte et de résistance, qui rappellent qu’aucun combat n’est perdu d’avance, et les œuvres plus formelles, qui explorent toutes les ressources du langage cinématographique, quitte à s’abstraire parfois de récit et de narration au profit d’une expérience esthétique plus expérimentale.

Sélection subjective par ordre alphabétique :

Aquarius de Kleber Mendonça Filho : la lutte d’une femme seule et digne contre des promoteurs véreux. Quel meilleur symbole de résistance à la fois dans un Brésil en proie à un coup d’état institutionnel et plus généralement dans un monde où les plus forts écrasent systématiquement les plus faibles ?

The Assassin de Hou Hisao-Hsien : un vrai faux film d’arts martiaux qui expérimente une narration en creux, faite d'ellipses et d'esquisses. Comme une allégorie de film qui confine au sublime.

Fuoccamare de Gianfranco Rosi : un documentaire sur l’île de Lampedusa qui met toute l'intelligence, la force de conviction et la magie du cinéma au service de la sensibilisation au sort des réfugiés. Bouleversant, oui, mais surtout brillant et nécessaire.

Mademoiselle de Park Chan-wook : une kaléidoscopique histoire d’arnaque et de trahison dans la Corée des années 30, teintée d’érotisme et de cruauté. D’une beauté plastique à couper le souffle, et d’une perversité joyeusement rafraîchissante.

Merci patron de François Ruffin : la démonstration jubilatoire que, parfois, il est possible de retourner les règles du capitalisme le plus violent contre ceux qui les ont inventées. Un documentaire faussement potache qui redonne confiance dans l’action militante, qu’elle soit individuelle ou plus collective.

Pour finir, deux œuvres découvertes en festival mais pas encore sorties sur les écrans français : Grave de Julia Ducournau (Semaine de la Critique 2016), film de genre aux différents niveaux de lecture qui oscille brillamment entre ironie et angoisse, humour noir et clins d'œil au cinéma gore ; et Crosscurrent de Yang Chao (Berlin 2016), une errance hallucinée et métaphysique le long du fleuve Yangtze, à la beauté fulgurante et à la poésie violemment mélancolique. Preuves que, quoi qu’il arrive en 2017, il reste de belles choses à découvrir.

Mon film de l’année : Dernier train pour Busan, un roller-coaster de plaisir

Posté par kristofy, le 24 décembre 2016

Séance de minuit dans le Palais du Festival de Cannes : excitation qui monte, quelques sursauts de peur, quelques rires de relâchement, et enthousiasme débordant. Largement supérieur aux productions venues d'Hollywood, aussi bien dans sa narration que dans ses effets visuels, Dernier train pour Busan peut se prévaloir du terme blockbuster dans le meilleur sens du terme : rafraichissant et jouissif, incroyable et formidable, bref extraordinaire. Et si c’était un des meilleurs films de l’année ?

En cette fin d’année 2016 beaucoup de films très différents les uns des autres ont été des belles surprises. Mais il reste alors, toujours, la persistance du souvenir de ce plaisir ressenti devant Dernier train pour Busan !

Imaginez un zombie dans un train et très vite il y en aura plusieurs dizaines à l’intérieur. Mais à l’extérieur c’est encore pire avec des milliers de zombies à chaque gare ! Ce dernier train en direction de Busan apparaît d’abord comme un futur tombeau mortuaire où chaque passager risque de succomber et de se transformer, mais il pourrait être aussi le dernier moyen pour se protéger et fuir. Cette double dimension du train à la fois piège et refuge est une des meilleures idées du film. Sa grande réussite est de ne s’être pas limité au concept ‘des zombies dans un train’ et d’aller plus loin avec, d’une part, une galerie d’individus reflet de la société coréenne et des différents caractères humains et, d’autre part, des différentes séquences d’action inventives et spectaculaires.

Dernier train pour Busan est beaucoup plus qu’un film à sensations fortes, il est devenu le plus gros succès coréen de l’année 2016 (et 11ème plus gros succès local historique) : un évènement qui a incité Gaumont à en acheter les droits pour un remake aux Etats-Unis. Quitte à vouloir transposer un film à succès dans une version américanisée, il vaudrait mieux éviter d’acheter les droits d’un chef-d’œuvre par un maestro de la mise en scène qu’aucune autre équipe ne pourrait refaire : pour Old Boy de Park Chan-wook, il a fallu dix ans pour sortir le pâle remake Old Boy par Spike Lee, qui a été un échec. Tout comme Old Boy ou The Raid & The Raid 2: Berandal, ce Dernier train pour Busan est le genre de film dont il est impossible de faire un remake... Ne serait-ce que dans les nouveaux titres venus de Corée du Sud, ceux, disons, plus ‘adaptables’, il faudrait mieux s’intéresser aux droits de remake de The exclusive: beat the devil's tatoo de Roh Deok, ou The Tunnel de Kim Seong-hoon ou de The Veteran de Ryoo Seung-wan (3ème plus gros succès de Corée). A noter d’ailleurs que l’époque n’est plus vraiment aux remakes: les gros studios américains eux capitalisent sur le marché chinois, et Warner Bros a ouvert une structure en Corée du Sud pour y coproduire The Age of Shadows de Kim Jee-woon…

Ceux qui aiment le cinéma prendront le train : Dernier train pour Busan est maintenant disponible en blu-ray/dvd/VàD (avec en bonus le film d’animation Seoul Station, complémentaire) depuis mi-décembre.

Mes autres coups de cœur : Les 8 salopards de Quentin Tarantino, le film d’animation Le garçon et la bête de Mamoru Hosada, 45 years de Andrew Haigh avec Charlotte Rampling et Tom Courtenay, 10 Cloverfield Lane avec Mary Elizabeth Winstead, et Mademoiselle de Park Chan-Wook. Soit un huis-clos sous la neige où chacun joue ses tirades comme au théâtre, une relation de maître et disciple entre un petit garçon perdu et une bête qui se retrouve au Japon, trois jours dramatiques dans la vie d’un couple ensemble depuis 45 ans en Angleterre, un petit bijou de tension et de paranoïa en étant enfermé et isolé de l’extérieur, un récit sophistiqué d’arnaque et d’érotisme en Corée du Sud…