San Sebastian consacre les cinémas de l’Extrême-Orient et du monde hispanique

Posté par vincy, le 25 septembre 2016

Le 64e Festival du Film de San Sebastian qui se déroulait du 16 au 24 septembre s'est achevée avec la révélation du palmarès. Le jury présidé par Bille August (deux fois palme d'or) était composé de Anahi Berneri, Esther García, Jia Zhang-ke, Bina Daigeler, Matthew Libatique et Nadia Turincev. La compétition du plus grand festival espagnol souffre toujours d'un manque d'avant-première mondiale voire européenne. De nombreux films, et notamment parmi les lauréats, avaient déjà été présentés (et primés) à Toronto.

La Coquille d'or a récompensé le film chinois de Xiaogang Feng, I am not Madame Bovary, déjà primé à Toronto comme meilleur film dans la section Présentations spéciales. Le film reçoit également le prix de la meilleure actrice pour Fang Bingbing (aperçue dans X-Men: Days of Future Past et qui s'offre ainsi son premier grand prix dans un festival occidental).

Le cinéma asiatique n'est pas en reste puisque le vénérable cinéaste sud-coréen Hong Sang-soo, repart avec la Coquille d'argent du meilleur réalisateur pour son dernier film à date, Yourself and Yours.

Les films espagnols et latino-américains se sont partagés les autres récompenses: meilleur acteur pour l'espagnol Eduard Fernandez (déjà deux fois consacré aux Goyas) dans Smoke & Mirrors, prix spécial du jury pour l'Argentin El Invierno (L'hiver) d'Emiliano Torres (ex-aequo avec Jätten (The Giant) du Suédois Johannes Nyholm). El Invierno est aussi distingué pour son image avec le prix de la meilleure photo pour Ramiro Civita. Enfin le prix du scénario est revenu aux espagnols Isabel Pena et Ricardo Sorogoyen pour leur thriller Que Dios nos perdone (Que Dieu nous pardonne).

Notons, hors jury, quelques autres prix: la cinéaste grecque Sofia Exarchou a reçu celui du Nouveau Cinéaste pour Park tandis que le jeune français Morgan Simon héritait d'une mention spéciale pour Compte tes blessures (avec Kevin Azaïs).

Deux prix du public ont plébiscité deux films cannois: la Palme d'or pour commencer puisque Moi, Daniel Blake de Ken Loach a été choisi par les festivaliers. Dans la catégorie du film européen, le public a choisi Ma vie de courgette, le film d'animation de Claude Barras, déjà consacré à Annecy et Angoulême, candidat suisse aux Oscars et coup de cœur de la Quinzaine des réalisateurs en mai.

Le film de Maysaloun Hamoud, Bar Bahr (In Between), déjà honoré à Toronto en tant que meilleur film asiatique, a reçu deux prix: le prix de la jeunesse et le prix TVE d'un autre regard.

Finissons avec les prix honorifiques qui ont sacré Ethan Hawke et Sigourney Weaver. Gael Garcia Bernal a reçu le prix du cinéma latin Jaeger-Lecoultre.

[69, année érotique] Cannes 2016: Happy Together et East Palace, West Palace en 1997

Posté par vincy, le 18 mai 2016

Lors de notre premier festival de Cannes, deux films asiatiques ont retenu l'attention des festivaliers, pour des raisons à la fois similaires et différentes. Similaires parce que ces deux films "chinois" montraient une histoire d'amour homosexuelle et masculine. Différente parce que les deux n'ont pas eu le même destin.

Commençons avec Happy Together. Wong Kar-wai, qui remportera le Prix de la mise en scène cette année là, se délocalise à Buenos Aires en Argentine, pour raconter l'histoire d'une rupture et de mal du pays. Il n'y a qu'une séquence proprement gay dans le film, mais elle est en ouverture. Le cinéaste s'expliquait ainsi à l'époque: il fallait planter le cadre de l'histoire d'amour tout en se débarrassant de la sexualité des personnages. La scène est sensuelle plus que sexuelle et les corps des deux stars hong kongaises de l'époque, Leslie Cheung et Tony Leung Chiu-wai, s'entrelacent, nus dans une chambre.

On est loin de la sexualité d'East Palace, West Palace (Derrière la cité interdite), de Zhang Yuan, présenté à Un Certain regard. Film indépendant chinois, il est le premier à traiter de l'homosexualité dans le cinéma de son pays. La coproduction française a permis de faire passer le film, très vite censuré par le gouvernement chinois, qui arrêta finalement le réalisateur, lui retira son passeport, avant qu'il ne parte sur la Croisette.  Il n'a d'ailleurs pas été trop inquiété puisqu'il a continué de tourné depuis. La Chine a demandé à Cannes, en vain, de retirer le film de la sélection officielle, alors qu'il avait tourné à Pékin en toute légalité.

Cependant, East Palace, West Palace a une atmosphère sulfureuse, loin de la tradition du travestissement évoqué dans Adieu ma concubine, quatre ans plus tôt et Palme d'or. Ici, la police chinoise fait des raids sur les homosexuels, qui flirtent et baisent dans un parc, la nuit. L'un d'eux, un jeune écrivain gay, se fait - avec un certain consentement - prisonnier du policier de garde et entraîne un jeu un peu masochiste et assez pervers où les intentions réelles du flic sont troubles.

Des urinoirs du parc à la salle de garde à vue, le film est surtout le portrait d'hommes qui assument ou luttent contre leur sexualité. Entre érotisme et torture, le jeu de séduction est filmé avec ambiguïté mais aucune ambivalence. Le réalisateur voulait montrer une réalité qui existe mais qui est étouffée par le régime, et a puisé dans des articles sur l'homosexualité dans le journal Life news, au début des années 90. "Un des articles concernait les efforts d'un institut de recherche sur le SIDA qui tentaient de trouver des hommes gays à Beijing" expliquait-il à l'époque.

The Assassin écrase la concurrence aux Asian Film Awards

Posté par vincy, le 19 mars 2016

Les Asian Film Awards, sorte d'Oscars pan-asiatiques, ont récompensé un peu tous les cinémas: Inde, Japon, Corée du Sud, Hong Kong, Chine... mais c'est un cinéaste taïwanais qui a tout raflé. Hou Hsiao-hsien, prix de la mise en scène à Cannes avec The Assassin, a passé la soirée à voir son film triompher : 8 trophées dont le meilleur film, le meilleur réalisateur et la meilleure actrice piur la sublime Shu Qi.

Il n'a resté que des miettes pour les autres: la star Lee Byung-hun (acteur), enfin récompensé, Jia Zhang Ke (scénario pour Au-delà des montagnes), 9 ans après son prix du meilleur réalisateur pour Still Life, Port of Call de Philip Yung (seul film à recevoir deux prix), Tadanobu Asano (connu aussi à Hollywood avec Thor et le prochain Scorsese)... C'est le film chinois Monster Hunt de Raman Hui, avec ses 380M$ de recettes en Chine, qui a récolté le titre de champion du box office asiatique.

Pour la première fois depuis leur création en 2007, les AFA, remis lors du Festival international du film de Hong Kong, ont donc récompensé Hou Hsiao-hsien. The Assassin rejoint au palmarès The Host, Secret Sunshine, Tokyo Sonata, Mother, Oncle Boonmee celui qui se souvient de ses vies antérieures, Une séparation, Mistery, The Grandmaster et Blind Massage. Le film avait déjà reçu le prix de la meilleure image aux Asia Pacific Screen Awards et les prix du meilleur film, meilleur réalisateur, meilleure image, meilleurs costimes et meilleurs effets sonores aux Golden Horse Awards, les Oscars de Taïwan.

Le palmarès complet

Film: The Assassin
Réalisateur: HOU Hsiao-Hsien - The Assassin
Acteur: LEE Byung-Hun - Inside Men
Actrice: SHU Qi - The Assassin
Second rôle masculin: Tadanobu ASANO - Vers l'autre rive
Second rôle féminin: ZHOU Yun - The Assassin
Espoir: Jessie LI - Port Of Call
Scénario: JIA Zhang-Ke - Mountains May Depart
Montage: William CHANG Suk Ping, CHU Ka Yat, LIAO Ching-sung, WONG Hoi, Philip YUNG - Port Of Call
Image: Mark LEE Ping-Bing - The Assassin
Musique: LIM Giong - The Assassin
Costumes: LEE Ji-yeon, SHIM Hyun-seob - The Throne
Décors: HWARNG Wern-ying - The Assassin
Effets visuels: Prasad SUTAR - Bajirao Mastani
Son: CHU Shih-Yi, TU Duu-Chih, WU Shu-Yao - The Assassin
Prix honorifique pour l'ensemble de leur carrière: Kirin KIKI (Japon), YUEN Wo-ping (Hong Kong)
Champion du box office asiatique: Monster Hunt

Cannes 2016: les prétendants asiatiques, océaniques et africains

Posté par vincy, le 5 mars 2016

Queen of Katwe mira nair lupita nyong'o

Deuxième liste des prétendants pour le Festival de Cannes 2016. A moins de deux mois du Festival, faisons un point sur les films qui pourraient être sur la Croisette. C'est sans doute la liste la plus imparfaite tant il difficile de savoir d'où nous sommes l'état de production des films dans certains pays comme la Chine, l'Iran ou l'Inde. Mais il est sûr qu'avec la sélection officielle (compétition, hors compétition, un certain regard) et les sections parallèles (Quinzaine des réalisateurs, Semaine de la critique), certains des grands auteurs auront un ticket pour la Côte d'Azur, à moins que les producteurs préfèrent aller sur la lagune de Venise.

- Eternité, de Tran Anh Hung, avec Audrey Tautou, Bérénice Bejo et Mélanie Laurent
- Under the Shadow, de Babak Anvari, avec Narges Rashidi, Avin Manshadi et Bobby Naderi
- The Sense of an Ending, de Ritesh Batra, avec Michelle Dockery, Charlotte Rampling, Emily Mortimer
- Fleur d'Alep, de Ridha Behi, avec Hend Sabry, Hichem Rostom et Badis Behi
- Strategies (Oppenheimer Strategies), de Joseph Cedar, avec Richard Gere, Lior Ashkenazi et Michael Sheen
- Luomandike xiaowang shi, de Er Cheng, avec Zhang Ziyi et Tadanobu Asano
- Diamond Island, de Davy Chou
- Lion, de Garth Davis, avec Rooney Mara, Nicole Kidman, Dev Patel
- Rhaees, de Rahul Dholakia, avec Shah Rukh Khan, Nawazuddin Siddiqui et Farhan Akhtar
- Forushande, d'Asghar Farhadi, avec Shahab Hosseini et Taraneh Alidoosti
- Harmonium, de Koji Fukada, avec Tadanobu Asano et Kanji Furutachi
- Gokseong, de Hong-jin Na, avec Woo-hee Chun, Jeong-min Hwang et So-yeon Jang
- After the Storm, de Hirokazu Kore-Eda, avec Kirin Kiki, Hiroshi Abe et Sôsuke Ikematsu
- La femme de la plaque argentique, de Kiyoshi Kurosawa, avec Tahar Rahim, Olivier Gourmet et Mathieu Amalric
- Gita, de Masoud Madadi, avec Merila Zare'i, Hamid Reza Azarang et Sara Bahrami
- Terra Formars, de Takashi Miike, avec Rila Fukushima, Rinko Kikuchi, Kane Kosugi
- Queen of Katwe, de Mira Nair, avec Lupita Nyong'o et David Oyelowo
- Beyond the Known World, de Pan Nalin, avec David Wenham, Emmanuelle Béart et Chelsie Preston Crayford
- Agassi (The Handmaid), de Park Chan-wook, avec Jung-woo Ha, Min-hee Kim et Jin-woong Jo
- A mon âge je me cache pour fumer, de Rayhana
- Ikari, de Sang-il Lee, avec Ken Watanabe, Ken'ichi Matsuyama et Aoi Miyazaki
- Wolf and Sheep, de Shahrbanoo Sadat
- Berlin Syndrome, de Cate Shortland, avec Teresa Palmer, Max Riemelt, Matthias Habich
- Detour, de Christopher Smith, avec Emory Cohen, Bel Powley et Tye Sheridan
- Saam Yan Hang, de Johnnie To, avec Louis Koo, Wei Zhao, Wallace Chung
- Crouching Tiger, Hidden Dragon: Sword of Destiny, de Woo-Ping Yuen, avec Donnie Yen, Michelle Yeoh et Harry Shum Jr.
- The Great Wall, de Zhang Yimou, avec Matt Damon, Willem Dafoe, Pedro Pascal
- The Ferryman, de Jiajia Zhang, avec Angelababy, Wei Tang, Ji-hyun Jun

Berlin 2016 : coup de cœur pour Crosscurrent de Yang Chao

Posté par MpM, le 16 février 2016

cross current

Alors que près de la moitié de la Berlinale 2016 s'est déjà écoulée, et qu'il reste seulement sept films en compétition à découvrir, on commence à avoir une idée de la physionomie de la sélection de cette année, éclectique dans les styles et les sujets, et plutôt de bonne facture. Hormis le désastreux Alone in Berlin de Vincent Perez dont on reparlera plus tard (ou pas), les films en course pour l'Ours d'or y ont tous leur place, et apportent une vision passionnante du cinéma actuel : audacieux, engagé, imaginatif, passionné.

Plusieurs films semblaient déjà des prétendants sérieux au palmarès (Hedi de Mohamed Ben Attia, Fuocoammare de Gianfranco Rosi, Quand on a 17 ans d'André Téchiné, Death in Sarajevo de Danis Tanovic...), et il ne manquait jusqu'à présent qu'un réel coup de cœur, de ces films dont on sait en les regardant que l'on assiste à un tournant du festival doublé d'un vrai moment de cinéma, et qu'on se souviendra longtemps des émotions ressenties en le découvrant. Manque comblé, presque dès les premières minutes, par Chang Jiang Tu (Courant contraire ou Crosscurrent) de Yang Chao, œuvre à la beauté fulgurante qui explore toute la palette de la poésie la plus mélancolique.

Errance hallucinée et métaphysique

Gao Chun, un jeune capitaine dont le père vient de mourir, navigue sur le Yangtze. Son voyage lui est dicté par les poèmes d'un auteur inconnu qui évoquent différents lieux du fleuve. A chaque étape, il croise la même femme, qui est l'amour de sa vie.

Dans ce qui ressemble à une errance hallucinée et métaphysique, le réalisateur chinois Yang Chao (Passages) montre des lieux engloutis qui ont chacun leur légende, et évoquent une Chine construite sur les ruines du passé et l'exil forcé de ses habitants. Il filme avec majesté les montagnes radieuses, le barrage imposant, la pagode bouddhique et les restes du village dévasté par les eaux du Yangtze, mais aussi le visage de ses personnages principaux se découpant sur des fonds végétaux entièrement flous, ou comme recadrés à l'intérieur du cadre. Et puis il y a les bateaux qui se croisent en pleine mer, dans le brouillard et les tons bleutés. La mer, les vagues et le paysage alentours. On est sidéré par une recherche formelle qui s'harmonise aussi parfaitement avec la construction poétique du récit qui se joue des explications et de la temporalité pour faire de l'espace et du temps une matière à travailler.

Minimalisme et mélancolie

On se moque totalement de comprendre, ou non, l'intrigue secondaire qui flirte avec le polar, ou la symbolique qui se cache derrière les différentes légendes évoquées au cours du récit. Peu importe également que les protagonistes soient des spectres ou des songes, ou qu'il soit parfois ardu de raccorder les séquences entre elles. On est juste envoûté par l'ambiance minimaliste et mélancolique, renforcée par la beauté déchirante de la musique. Il n'est pas besoin de mots, ou de logique, pour ressentir de l'intérieur la force des émotions véhiculées par le film. Comme si Yang Chao s'adressait directement à nos sens de cinéphile en alerte (composition des plans, symbiose du son et de l'image) sans passer par la médiation du sens, c'est-à-dire du raisonnement.

Exigeant et généreux à la fois, Crosscurrent est à l'image du fleuve qu'il glorifie et de l'âme humaine qu'il observe : plein de méandres, de chemins de traverse, de virtuosité et d'éclat. Une œuvre qui coupe le souffle par sa parfaite harmonie entre fond et forme, par sa singularité viscérale et son audace intransigeante. Peut-être parce qu'il affiche une confiance aveugle dans le cinéma, et dans l'intelligence sensible du spectateur, il porte en lui un espoir fou et démesuré qui n'a d'autre objet que lui-même.

La censure chinoise tolère le personnage homosexuel du prochain film de Wang Chao

Posté par vincy, le 8 septembre 2015

Un vent nouveau soufflerait-il en Chine? Les autorités chinoises ont approuvé le 2 septembre la diffusion en salles d'un film sur un amour homosexuel. Une première dans un pays où toute relation sexuelle est vue d'un mauvais oeil (au point d'aseptiser les scénarios des films internationaux qui souhaiteraient sortir en Chine) et où l'homosexualité est peu tolérée. Pourtant la littérature chinoise n'a jamais caché l'homosexualité, au point de raconter des relations amicales ouvertement ambiguës. L"homosexualité n'est plus une maladie mentale depuis près de 15 ans dans le pays. Et la sodomie a été dépénalisée il y a 18 ans. Reste qu'il est très difficile  d'être homosexuel en Chine et tout aussi compliqué de l'illustrer au cinéma. La communauté LGBT se bat depuis près de 40 ans pour lever la censure. Pour quelques cas médiatiques (mariage factice, gay pride surveillée, bars d'expatriés tolérants), il y a davantage de suicides. Très peu de comédiens revendiquent d'ailleurs leur orientation sexuelle. Bien que tolérée, l'homosexualité reste cachée, même si les mentalités évoluent.

Aussi, le fait que À la recherche de Rohmer (Xunzhao Lui Mai / Seek McCartney) soit montré sur les écrans chinois est une réelle avancée dans un pays où la censure est omniprésente. Tourné à Pékin, au Tibet, à Paris et en Provence, le  nouveau film de Wang Chao (L'orphelin d'Anyang, Voiture de luxe, Fantasia) est une histoire sentimentale entre Hang Geng, qui incarne un chinois hétérosexuel, et Jérémie Elkaïm, qui interprète un français homosexuel, entourés d'Hélène Vincent et d'Alice de Lencquesaing (lire aussi notre entretien avec Wang Chao). Cela faisait presqu'un an qu'il attendait son autorisation éventuelle. Il doit sortir cet hiver en Chine. Le film avait obtenu l'Avance sur recettes en 2012, et a été produit par Reboot films en 2013. La post-production est terminée depuis un an.

Le réalisateur s'est emballé sur son blog: "C'est un petit pas pour l'Administration du Film, mais c'est un grand pas pour le monde du cinéma". Si à Hong Kong, l'homosexualité n'a pas représenté trop de problèmes au cinéma (Happy Together de Wong Kar-wai, entre autres), en Chine aucun film dont le personnage principal est homosexuel n'a eu accès aux salles de cinéma, que ce soit East Palace, West Palace de Zhang Yuan (Cannes 1997) ou Nuit d'ivresse printanière de Lou Ye (Cannes 2009).

Ce revirement de la censure chinoise montre que les règles restent très opaques et soumises aux censeurs. Si l'homosexualité n'est plus considérée comme "pornographique et vulgaire" depuis cinq ans, il n'empêche qu'elle freine la liberté de création, à l'opposé de ce qui se réalise à Taïwan.

Alors qu'en France, on revit parfois des épisodes sombres de notre histoire de la censure (Love en est le dernier exemple), la censure chinoise tente quelques signes d'ouverture. Très mesurés. Rappelez-vous ce couple de jeunes chinois se filmant en train de faire l'amour (par derrière) dans une cabine d'essayage d'un grand magasin d'une marque japonaise (ultime trahison?): la vidéo, diffusée sur les réseau, a été rapidement censurée et les exhibitionnistes risquent jusqu'à deux ans de prison. Le socialisme a ses limites et il n'y a qu'un pas pour rappeler que le consumérisme occidental pourrit les valeurs ancestrales de la bonne société chinoise.

Il n'y a donc pas de révolution mais un léger vent nouveau qui souffle sur la Chine. Un homosexuel est toujours moins dangereux pour le régime qu'un dissident réclamant la Liberté.

Cannes 2015: Jia Zhangke, Carrosse d’or 2015

Posté par vincy, le 13 mars 2015

Le cinéaste chinois Jia Zhangke recevra le Carrosse d'or 2015, prix décerné à un cinéaste pour l'ensemble de son oeuvre par la Société des réalisateurs français lors de la Quinzaine des réalisateurs, au Festival de Cannes. Ce prix est destiné à récompenser un cinéaste choisi pour les qualités novatrices de ses films, pour son audace et son intransigeance dans la mise en scène et la production.

"Vos films nous ont ébloui par leur vitalité" explique la SRF dans son communiqué. "Votre aspiration à la liberté, votre capacité à capter la rapidité des changements de la société chinoise, à montrer sa corruption, sa violence, avec lucidité et subtilité, votre engagement envers la jeune génération, font écho à chacun d’entre nous. Vos films sont des poèmes visuels, où chaque plan apporte, par sa précision, un mouvement de pensée" ajoute la SRF. "Nous voulons saluer chez vous l’artiste engagé, indépendant, le poète, le visionnaire. Chacun de vos films est précieux car il nous instruit sur la société chinoise, mais aussi sur l’homme, sa solitude et son chemin spirituel. Vous êtes le témoin de ces vie" conclut le Conseil d'administration dans cette envoyé au réalisateur.

Le prix sera décerné le jeudi 14 mai, après la projection de Platform et une masterclass du cinéaste. C'est la première fois qu'un réalisateur chinois reçoit ce prix.

Jia Zhangke succède à Alain Resnais (prix posthume en 201), Jane Campion, Nuri Bilge Ceylan, Jafar Panahi, Agnès Varda, Naomi Kawase, Jim Jarmusch, Alain Cavalier, David Cronenberg, Ousmane Sembene, Nanni Moretti Clint Eastwood et Jacques Rozier.

De 1990 à 2025, une histoire d’amour et ses conséquences par Jia Zhangke

Posté par vincy, le 2 mars 2015

jia zhangke tao zhao

Jia Zhangke, dont le dernier film - A Touch of Sin - avait remporté le prix du scénario au Festival de Cannes en 2013, s'active actuellement sur son nouveau film, Shan He Gu Ren (Mountains May Depart).

Cette coproduction internationale (Chine/Japon/France) est l'histoire d'une bouleversante histoire d’amour dans une Chine bousculée par ses mutations économiques. Le récit se déroule sur différentes périodes, à partir des années 1990.

"Ce sera la première fois que je mettrai en présence dans un même film passé, présent et futur. Les réalités sociales ne seront présentes qu’en arrière-plan, à peine perceptibles, tandis que je mettrai en évidence, au premier plan, ces instants difficiles mais incontournables que tout individu est amené à vivre, quelle que soit l’époque dans laquelle il vit" précise le réalisateur.

Tao Zhao, son épouse et sa muse, y tient le rôle principal. Elle y incarne une femme qui tombe amoureuse de Dong. Le jeune couple se sépare quand Tao décide de se marier à un riche exploitant de mine. Des années plus tard, de nos jours, Dong, sur son lit de mort, la revoit. Elle est divorcée et son fils est parti en Australie. Le film s'achève en 2025, avec ce fils, exilé loin de son pays d'origine dont il ne se souvient pas.

Le film, dont le projet avait été révélé au marché du film cannois l'an dernier, est produit, entre autres, par MK2, Office Kitano et Arte. C'est aussi la première fois que Jia Zhangke tourne à l'extérieur de la Chine.

Vesoul 2015 : La Chine, nouvel eldorado du cinéma

Posté par kristofy, le 13 février 2015

xiaoLa Chine, immense pays multiethnique, est doté d'un vaste patrimoine cinématographique, dont on ignore la plus grande partie. L'an dernier, il y a eu différentes initiatives pour célébrer la "Saison Culturelle France-Chine 50" (pour les 50 ans d’amitié franco-chinoises).  Le 21e Festival des cinéma d’Asie de Vesoul y apporte sa contribution avec la plus importante rétrospective de films de patrimoine chinois avec 36 œuvres telles que : les inédits La boutique de la famille Lin de Shui Hua (1959) ou Le tireur de pousse-pousse de Ling Zifeng (1982) ; Le coq chante à minuit de Lei Yeou (à Cannes en 1965) ou Une nuit de glace de Que Wen (à Cannes en 1984) ; Ju dou de Zhang Yimou (1990) ou Xiao Wu artisan pickpocket de Jia Zhang-ke (1997) ; Le fossé (2010) de Wang Bing ou La môme Xiao de Peng Tao (2007)...

Toujours venu de l'Empire du milieu, le film d'ouverture de Vesoul était  Full circle en hommage à Wu Tianming disparu l'année dernière. Le jury international pour les films en compétition est présidé par un chinois, le réalisateur Wang Chao (Voiture de luxe, Memory of Love), dont le dernier film, Fantasia était au dernier festival de Cannes.

En terme de distribution de films, on parle de territoire, et la Chine représente en ce moment LE territoire à investir. Le box-office chinois est en pleine explosion depuis plusieurs années. Rien qu’en 2014 il y a eu la construction de 1015 multiplexes (en Chine il y a désormais plus de 23600 salles - contre 18000 en 2013). C’est aussi le marché le plus important pour les films en 3D (Lucy de Luc Besson a d’ailleurs été converti spécialement en 3D pour sa diffusion en Chine). Côté box office, la Chine est dorénavant le deuxième pays dans le monde en nombre de spectateurs et en recettes. En 2014, le B.O. chinois a récolté 4,82 milliards de recettes, en progression de 36% par rapport à 2013. A ce rythme, d'ici la fin de la décennie, le marché chinois sera plus important que le marché américain.

Lente ouverture aux films étrangers

Le pays limite l’accès aux films étrangers (même si le chiffre progresse chaque année) sauf s'il s’agit de coproduction avec des règles à suivre (environ un tiers du budget par une société chinoise, un acteur chinois doit avoir un rôle conséquent, une partie du tournage en Chine, l’administration du bureau des films doit approuver le scénario et le montage final…). Depuis que la Chine a conclu un accord de coproduction avec la France le 29 avril 2010 (et des accords semblables avec d’autres pays), les films coproduits ne sont ainsi plus comptés dans le petit nombre de films étrangers (surtout américains) autorisés à être importés. Il en résulte des films chinois coproduit par des français comme 11 Fleurs (2011) de Wang Xiaoshuai ou Le Promeneur d'oiseau (2014) de Philippe Muyl, ou encore le prochain film de Jean-Jacques Annaud Le dernier Loup , qui va bientôt sortir dans nos salles d’après le best-seller chinois Le Totem du loup de Jiang Rong.

La Chine développe aussi de plus en plus des partenariats avec les Etats-Unis. Un des plus gros budgets chinois Flowers of war de Zhang Yimou a été conçu pour séduire le marché international avec, en vedette, Christian Bale. Côté USA il y a eu l’étape du blockbuster Transformers 4 l'âge de l'extinction (leader du box office l'an dernier) de Michael Bay tourné en Chine avec Mark Wahlberg (et les acteurs chinois Li Bingbing et Han Geng) qui a réalisé un meilleur démarrage en Chine qu'aux Etats-Unis. Iron man 3 également tourné en partie en Chine a d’ailleurs une version différente pour le marché chinois avec des scènes en plus (avec Wang Xuegi et Fan Bingbing). Et du côté du film d’animation DreamWorks Animation a une filiale chinoise Oriental DreamWorks. Les suites Avatar 2 (novembre 2017) et Avatar 3 (novembre 2018) de James Cameron qui visent des records de spectateurs seront aussi des coproductions avec la Chine.

En attendant, impossible de voir les 600 films produits chaque année en Chine.
Alors, Vesoul, eldorado du cinéphile amateur de films asiatiques, programme 90 films de tout le continent, en une semaine (à condition, certes, de ne rien faire d'autre).

Oscars: un réalisateur français comme candidat chinois

Posté par vincy, le 6 octobre 2014

le promeneur d'oiseau

C'est la surprise pour les Oscars. Pour la catégorie du meilleur film en langue étrangère, la Chine a étonné tout le monde en annonçant son candidat cette nuit. On imaginait la bataille féroce entre le consensuel Coming Home de Zhang Yimou (hors compétition à Cannes) et Black Coal, Thin Ice de Diao Yinan (Ours d'or à Berlin).

La Chine a finalement préféré Le Promeneur d'oiseau, coproduction franco-chinoise réalisée par le français Philippe Muyl.

Le film, sorti en mai dernier en France, raconte l'histoire de Quan, un vieux paysan chinois, qui décide de faire le grand voyage de Pékin à Yangshuo et de ramener à son village l'oiseau qui fût son seul compagnon durant toutes ces années passées loin de chez lui. Sa belle-fille, riche et belle working girl, lui demande d'emmener sa petite fille Wei, enfant unique élevée dans le luxe. Tandis que ces deux personnages cheminent, Quan voyagent vers ses souvenirs et Wei vers la découverte de ses origines.

Avec cette histoire, Philippe Muyl se défend d'avoir réalisé un remake de son film Le papillon (2002). Dans un entretien à Ecran Noir, le cinéaste expliquait: "Je suis un peu connu en Chine grâce à mon film Le Papillon, qui a très bien marché là-bas. Au départ, on envisageait de faire un remake du Papillon, puis on a finalement décidé de faire quelque chose de plus spécifique, en gardant la relation entre le grand-père et la petite fille. Mais je ne voulais surtout pas d'un Papillon 2."

Le promeneur d'oiseau est le premier film chinois réalisé par un Français et coproduit dans le cadre de l'accord bilatéral entre la France et la Chine. Dans l'Hexagone, le film a à peine dépassé les 100 000 entrées.