Arras 2013 : la famille et les êtres solitaires au coeur de la compétition

Posté par MpM, le 17 novembre 2013

arras 2013Pour sa 14e édition, l'Arras Film Festival proposait une compétition européenne composée de neuf longs métrages inédits venus d'Europe du Nord et de l'Est. Curieusement, la famille semble cette année au cœur des préoccupations des cinéastes qui représentent la cellule familiale dans tous ses états, et notamment dans ce qu'elle a de plus dysfonctionnel.

On retrouve ainsi à plusieurs reprises la figure du père indigne, soit tyran, soit faux démiurge, soit tout simplement absent. Dans The disciple d'Ulrika Bengts (Finlande), par exemple, le gardien de phare terrorise ses enfants et sa femme avec sa rigueur extrême et son autorité implacable.

Dans Terku d'Ilmar Raag (Estonie), le père de la jeune héroïne utilise un mélange de violence et de fausse douceur pour l'amener à lui obéir pleinement. Ces hommes ne sont pas présentés comme des monstres, mais simplement comme des êtres qui ne supportent aucune contradiction. Persuadés de savoir ce qui est bon pour leurs enfants, ils tracent pour eux un avenir tout écrit.

Impardonnables absents

Les pères absents ne sont pas plus idéalisés : celui de Miracle de Juraj Lehotsky (Slovaquie) a quitté sa famille peu de temps après la naissance de sa fille, celui de West de Christian Schwochow (Allemagne) est soupçonné d'être un traître. Dans Chasing the wind de Rune Denstad Langlo (Norvège), le père mort a laissé à sa fille un immense sentiment de culpabilité. Le personnage de The japanese dog de Tudor Cristian Jurgiu (Roumanie), lui, ne pense même pas à prévenir son fils, parti vivre au Japon, que sa mère est morte.

Dans The priest's children de Vinko Bresan (Croatie), les pères ne veulent tout simplement pas être pères, mais se retrouvent mis devant le fait accompli à cause des manipulations d'un prêtre nataliste. Quant au père des deux jumeaux mis en scène dans Le grand cahier de Jonas Szasz (Hongrie), il veut éloigner ses enfants pour les protéger, mais ne fait que les livrer à la violence la plus absolue. Absent lorsqu'ils ont le plus besoin de lui, il finit par devenir pour eux un parfait étranger.

A la dérive

Car l'autre thématique qui traverse la compétition est la description de personnages à la dérive, solitaires ou franchement paumés, qui recréent à leur manière une famille d'adoption à leur image. Au centre de Kertu, il y a ainsi cette rencontre lumineuse entre une jeune femme psychologiquement fragile et un coureur de jupons invétéré, alcoolique et atteint d'un cancer. Leur histoire d'amour, désarmante de simplicité et de sincérité, balaie les préjugés, et, malgré une certaine facilité de scénario, renvoie surtout à l'idée que ce qui réunit est toujours plus fort que ce qui sépare.

The girl from the wardrobe de Bodo Kox (Pologne) montre aussi la communion d'esprit entre un jeune homme atteint de graves troubles neurologiques et une jeune femme suicidaire. La poésie troublante du film, qui mêle l'ultra-réalisme du décor à des touches de fantastique issu des hallucinations de l'héroïne, rend palpable la connexion muette qui se fait entre ces deux êtres hors du monde.

Dans le même esprit, la jeune orpheline de Chasing the wind renoue après dix ans d'absence avec son ancien petit ami, veuf et désabusé ; les deux adolescents de The disciple s'unissent contre l'adversité ; les deux frères du Grand cahier sont reliés par un lien si fort qu'il en devient terrifiant ; le petit garçon de West, qui vient de quitter la RDA pour la RFA, cherche auprès d'un compatriote accusé d'espionnage la figure paternelle qui lui manque.

Un autre mode de communication

Un certain espoir semble ainsi émerger de ces différents films qui montrent, malgré une incommunicabilité presque endémique (le père de The japanese dog ne parle plus à son fils depuis dix ans, le grand père de Chasing the wind n'adresse pas la parole à sa petite fille, le frère malade de The girl from the wardrobe ne peut plus s'exprimer, les enfants de Kertu ou The disciple n'ont pas le droit à la parole face à leur père...), qu'il est toujours possible d'atteindre l'autre, même par un biais atypique. Le prêtre zélé de The priest's children ne finit-il pas par trouver (très ironiquement) des complices prêts à l'aider dans son entreprise de repeuplement de l'île ?

La dominante humaine de ces différents longs métrages est comme le révélateur à la fois d'un repli sur l'intime (peu de grands sujets de société sont abordés, au contraire des festivals habituels) et d'une volonté de remettre l'individu en tant qu'être social au centre du récit. L'exemple du Grand cahier est à ce titre éloquent : privé de reconnaissance et de chaleur humaine, les personnages se replient sur eux-mêmes et sombrent dans une violence pire que celle qui leur est infligée.

La fenêtre ouverte sur le monde par la compétition 2013 semble alors le reflet saisissant d'une société qui aspire à se recentrer sur l'essentiel (sa propre humanité) avant d'affronter les mutations et les révolutions d'un monde qui lui échappe.

Cinespana 2013 : retour sur la compétition

Posté par redaction, le 4 octobre 2013

cinespana 2013Le Festival du Cinéma espagnol Cinespaña, dont la 18e édition se déroule à Toulouse jusqu'au 6 octobre, est nécessaire pour se rendre compte qu’il n’existe pas qu’un seul réalisateur en Espagne, l'incontournable Pedro Almodovar, connu de tous !

Au contraire, nous pouvons découvrir et apprécier toute une diversité de propositions artistiques, de long-métrages, premiers films, documentaires, courts-métrages, tous inscrits dans le cadre de la programmation du festival.

Patrick Bernabé, le vice-président et programmateur de Cinespaña, expliquait récemment que la sélection pour la compétition officielle est centrée sur le cinéma d’auteur et se fait selon plusieurs critères parmi lesquels prime avant tout la qualité du film dans son ensemble : qualité du scénario, critère d’originalité du film,  de sa proposition artistique, jeu des acteurs, etc.

Cette programmation très réussie pour sa 18e édition se caractérise effectivement par la qualité et la diversité.

los ilusosLos Ilusos de Jonas Trueba est un film expérimental, film dans et pour le film, métacinema ou cinéma qui se regarde et s’observe pour mieux trouver sa place. En même temps, il s’agit d’un film simple, qui s’écarte d’une narration cinématographique classique ; telle une recompilation de fragments de tâtonnements et possibilités.

Filmé en noir et blanc, avec une esthétique proche de la nouvelle vague, c'est un film poétique qui rend hommage au cinéma. Jonas Trueba, fils du grand réalisateur Fernando Trueba, a baigné dans le cinéma depuis son enfance et connaît son sujet. Il déclarait lors de l’interview qu’il nous a accordée que le film est construit sur trois axes fondamentaux : les amis, le besoin de continuer à travailler dans sa propre ville, Madrid, et l’appétit, le besoin ou la nécessité vitale de filmer. D’une grande originalité et d’une poésie rare, il s’agit d’une belle proposition de ce réalisateur talentueux.

Toujours axé sur le processus de création, ilusion l’expression de liberté en quête de reconnaissance de la place de l’artiste dans la société actuelle, Ilusión de Daniel Castro est une comédie à la fois drôle et intelligente. Daniel, le personnage principal du film, interprété par le réalisateur, est un scénariste qui cherche désespérément à vendre à un producteur son projet de comédie musicale ayant pour toile de fond la période de transition en Espagne [Nom donné à la période politique initiée en 1977, chargée d’assurer un rétablissement démocratique après la dictature de Franco].

Avec cette proposition loufoque et innocente à la fois de vouloir vendre une comédie musicale politique, le personnage principal nous livre toute une série de moments intimistes allant de simulation de remise de prix, possible préparation d’interview pour le Figaro et coups de gueule teintés d’humour à l’encontre de Haneke, réalisateur jugé trop « pessimiste ». Un film qui vaut vraiment le détour !

la fronteraLa Frontera de Manuel Pérez, est un film à caractère social, qui se déroule en huis clos dans une prison. Le groupe de théâtre de la prison de Quatre Camins à Barcelone se trouvera être mis en quarantaine suite à l’alarme donnée d’une possible contagion par un virus. L’isolement dans l’isolement et le manque d’information accentuent la manipulation, l’agressivité et l’égoïsme des sujets enfermés qui représentent finalement la société actuelle.

Il existe une frontière ou plusieurs : la frontière dans l’espace entre l’isolement et l’extérieur, la frontière psychologique ou personnelle des individus, la frontière esthétique dans un film qui se trouve entre le documentaire et la fiction. Le défi du film étant l’intégration, il mêle vrais codétenus et acteurs professionnels, et a été coécrit avec le groupe de théâtre de la prison en gardant comme prémisse l’isolement, la justification de cet isolement et un travail de groupe. Une proposition intéressante avec beaucoup de personnalité.

La Herida de Fernando Franco est un film intimiste, la heridatrès réaliste dans sa réalisation, centré sur le personnage d’Ana, interprété magistralement par Marian Alvarez, récemment consacrée meilleure actrice au Festival du Film de San Sébastian. Ana est une ambulancière épanouie dans sa profession mais isolée dans sa vie privée. Sa maladie, elle est borderline, fait qu’elle est toujours à fleur de peau, fragile, irritable, ce qui l’empêche de s’épanouir. Ce film qui a mis 5 ans avant de voir le jour est un film « dur » et « non commercial » selon les propos du réalisateur, Fernando Franco. L'idée de départ était de faire un documentaire sur cette maladie mais, observant que cela amenait à accentuer les symptômes des personnes borderline, le réalisateur a fait le choix de la fiction.

Marian Alvarez, l’actrice principale du film, lors de l’interview qu’elle nous a accordée, déclarait  sur le processus de travail du personnage : « J’ai eu beaucoup de temps pour préparer le personnage, car heureusement ou malheureusement le projet a mis beaucoup de temps a aboutir, je me suis centrée sur des recherches dont la source d’information principale provenaient de blogs, un temps pour répéter qui a été essentiel et ma proposition était m’ouvrir de l’intérieur. Je savais que cela allait être douloureux mais je savais aussi que Fernando (Franco) était derrière moi pour me soutenir. Ce personnage m’a amené un vertige immense j’avais besoin de lâcher prise sur toute forme de contrôle car le personnage ne prend conscience à aucun moment qu’il est malade ». C’est un des films incontournable de ce festival et il nous livre une belle prestation d’actrice.

la plagaLa plaga de Neus Ballus présente une double particularité dans cette sélection. Il s’agit d’un documentaire et c’est une femme qui le réalise. Ce film, présélectionné au Festival du Film de Berlin, est un documentaire car il s’agit de la vraie vie des personnages, mais présente une construction, une narration très proches de la fiction.

La Plaga est un beau voyage. Il nous livre une succession d’images très poétiques, une série de portraits de plusieurs individus très différents qui sont parfois amenés à se rencontrer (une personne âgée en maison de retraite, un agriculteur catalan, un lutteur de catch moldave, une infirmière philippine, une prostituée). Tous humains, simples et atteints par ce « fléau » qu'est la crise sociale (signification de La plaga en espagnol).

Enfin, Fil de Cain de Jesus Monllaó el cuerpoet El cuerpo d’Oriol Paulo, deux films à suspens ou films policiers, très bien construits, qui comptent avec la présence de José Coronado, en tant qu’acteur et invité spécial du Festival, sont sans doute les propositions les plus « commerciales » ou plus ouvertes au public. La salle était d'ailleurs comble lors de la projection de El cuerpo, le très attendu film de Rodar y Rodar, producteurs de L’Orphelinat (El Orfanato de Juan Antonio Bayona).

L'édition 2013 de Cinespana proposait donc une compétition diversifiée où on peut observer trois des tendances qui sont par ailleurs le reflet de l’actualité du cinéma espagnol :

- La baisse considérable du budget accordé à la culture en Espagne et des aides à la création s’est dramatiquement répercutée sur la production et les moyens de financement des films. La plupart des films présents à Toulouse sont donc par la force des choses autofinancés, c’est-à-dire financés par les réalisateurs avec leurs propres moyens.
- Une grande présence d’un métacinema ou de films faits pour ou dans le cinéma,  un cinéma qui s’observe, se regarde et cherche sa place.
- La présence d’un hyperréalisme et des films souvent à la frontière entre le documentaire et la réalité.

De difficiles délibérations attendent sans aucun doute les membres du Jury à l’heure de décider qui seront les lauréats de cette 18e édition de Cinespaña...

Banafcheh Pérez

Venise 2013 : Dolan, Franco, Miyazaki, Gilliam, Frears et Garrel en compétition

Posté par vincy, le 25 juillet 2013

Cette 70e compétition vénitienne est un choc : un seul film français, deux films asiatiques et une énorme présence nord-américaine et anglaise. Rien d'Amérique du Sud, d'Europe de l'Est ou du Nord. Et à peine trois italiens. Voilà pour la surprise. On peut se féliciter de voir deux documentaires et un film d'animation (le Miyazaki tout de même), des grands noms comme Frears et Gilliam, et la nouvelle génération (Dolan, Franco, Reichardt...).
Mais aucun Steve McQueen, ni de Bong Joon-ho, ni de Paul Greengrass... Quant à Kim Ki-duk, pourtant Lion d'or l'an dernier, est hors compétition. Et côté français, c'est l'hécatombe : le Breillat a été refusé par tous les festivals. Et seul Garrel, habitué du lido, est présent.

Toujours est-il que la compétition sera une succession de stars sur le tapis rouge  : Scarlett Johansson, Nicolas Cage, Zac Efron, Jesse Eisenberg, Lee Kang-sheng, Judi Dench, Christoph Waltz et Matt Damon...

Le festival aura lieu du 28 août au 7 septembre. Le jury est présidé par Bernardo Bertolucci.

Les films en compétition

Es-Stouh (Les terrasses) - Merzak Allouache (Algérie)

L'intrépide - Gianni Amelio (Italie)

Miss Violence - Alexandre Avranas (Grèce)

Tracks - John Curran (Royaume Uni)

Via Castellana Bandiera - Emma Dante (Italie)

Tom à la Ferme - Xavier Dolan (Canada)

Child of God - James Franco (USA)

Philomena - Stephen Frears (Royaume Uni)

La Jalousie - Philippe Garrel (France)

The Zero Theorem - Terry Gilliam (USA)

Ana Arabia - Amos Gitaï (Israël)

Under the Skin - Jonathan Glazer (Royaume Uni)

Joe - David Gordon Green (USA)

Die Frau des Polizisten (La femme de l'officier de police) - Philip Gröning (Allemagne)

Parkland - Peter Landesman (USA)

Kaze Tachinu (The Wind Rises) - Hayao Miyazaki (Japon) - animation

The Unknown Known : The Life and Times of Donald Rumsfeld - Erros Morris (USA) - documentaire

Night Moves - Kelly Reichardt (USA)

Sagro Gra - Gianfranco Risi (Italie) - documentaire

Jiaoyou (Stray Dogs) - Tsai Ming-Liang (Taiwan)

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Cannes 2013 : Les surprises de la compétition

Posté par MpM, le 19 avril 2013

Chaque année, la presse française mais aussi étrangère se livre au fameux jeu des pronostics pour essayer de deviner, avant l'annonce officielle, les films qui concourront pour la palme d'or. L'exercice amuse d'ailleurs beaucoup Thierry Frémaux, comme il l'a avoué lors de la conférence de presse du festival.

Ecran Noir ne manque pas de participer chaque année à cette frénésie de pronostics, et avait livré le 11 avril une liste de 75 noms. Au final, sur les 19 titres en compétition, seuls quatre lui avaient échappé : Heli d'Amat Escalante, Tian Zhu Ding (A touch of sin) de Jia Zhangke, Wara No Tate (Shield of straw) de Takashi Miike et Borgman d'Alex Van Warmerdam. De quoi satisfaire Thierry Frémaux, soucieux de ménager des surprises, même aux plus aguerris des journalistes couvrant Cannes.

Néanmoins, un certain nombre de titres cités devraient se retrouver au final dans l'une ou l'autre des sélections, à l'image de The bling ring de Sofia Coppola ou de l'Inconnu du lac, tous deux présentés à Un certain regard, ou de Blind detective de Johnnie To, finalement relégué en séance de minuit (comme au temps pourtant ancien de Breaking news...)

En revanche, on a appris lors d'un entretien que Thierry Frémaux a accordé à l'AFP, que parmi films les plus souvent pressentis, et au final non sélectionnés, deux constituent pour lui des "regrets, parce que cela s'est joué à peu de choses près. Mais les films n'étaient pas prêts : celui du Britannique Steve McQueen, Twelve years a slave et celui du Coréen Bong Joon-ho, Snowpiercer."

Cannes 2013 : les femmes sont ailleurs

Posté par MpM, le 19 avril 2013

valeria bruni tedeschiCe fut l'une des principales polémiques du 65e festival de Cannes : l'absence totale de films réalisés par des femmes dans la compétition.

Pour 2013, Thierry Frémaux et son équipe avaient donc deux options, pas franchement meilleures l'une que l'autre : recréer les mêmes configurations et s'attirer les foudres des mêmes féministes que l'an dernier ou sélectionner un nombre "acceptable" de femmes (combien, justement ?) et prendre le risque que chacune d'elle soit suspectée d'avoir été choisie plus pour son genre que pour son talent.

Sans grande surprise, c'est la première option qui a été retenue : avec seulement Valeria Bruni-Tedeschi (photo ci-dessus) en course pour la Palme d'or avec son film Un château en Italie, Cannes donne alors l'impression de jouer la provocation.

D'ailleurs, les réactions n'ont pas tardé : question acerbe lors de la conférence de presse et réaction à la fois ironique et déçue du collectif de féministes La Barbe qui a déclaré dans un communiqué : "dans sa grande sagesse le comité de sélection du Festival de Cannes a décidé de ne tenir aucun compte [des remarques de l'an dernier]. Que le Festival de Cannes cesse donc de se défendre par des propos souvent plus sexistes encore que sa sélection. Et que les responsables politiques prennent enfin la mesure de la domination masculine qui règne dans ce secteur et agissent en conséquence."

"Depuis 1946, les hommes ont représenté jane campion97% de la sélection officielle" souligne encore le collectif. Par ailleurs, une seule femme (la néo-zélandaise Jane Campion, photo de droite) a reçu la Palme d'or en 65 édition. C'était il y a vingt ans.

Le problème est ailleurs ?

"Le problème n'est pas au festival de Cannes, il est dans des choses sur lesquelles il va falloir de toute façon s'interroger, comme les écoles de cinéma", s'est défendu Thierry Frémaux. Une idée également défendue par la ministre des Droits des femmes, Najat Vallaud-Belkacem.

"La question qui se pose aujourd'hui c'est : est-ce que nous avons suffisamment de femmes qui sont formées, qui sont accompagnées, soutenues dans leur volonté de devenir réalisatrices ?"a-t-elle souligné. "C'est vrai qu'il y a une avance qui a été prise par les hommes en la matière par rapport aux femmes. Je souhaite qu'on puisse les mettre davantage en avant, mais c'est toute la question, au delà du festival de Cannes, de notre politique culturelle."

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Venise 2012 : une compétition sans réelles surprises

Posté par vincy, le 26 juillet 2012

69e clap pour le Festival de Venise le 29 août prochain. 17 films sont en course pour le Lion d'or, auxquels viendra s'ajouter un "film-surprise" (on murmure que ce sera The Master de Paul Thomas Anderson, retiré de la liste publiée sur les journaux professionnels américains après l'annonce de la sélection * voir fin d'article).

Le directeur du Festival, Alberto Barbera, a annoncé que "le thème principal de cette Mostra sera la crise économique actuelle, mais aussi la crise de valeurs, de modèles ainsi que celle des rapports humains et sociaux, notamment à travers la solitude".

Deux cinéastes français (mais 8 productions ou coproductions françaises!) sont en compétition avec quatre américains et trois italiens. Géographiquement, on note une forte présence de l'Europe avec 9 réalisateurs du vieux continent (5 pays seulement), 4 venus d'Asie, et 4 américains : l'Amérique latine, le Canada, le Royaume Uni, l'Espagne, l'Afrique, l'Océanie, la Chine, l'Inde, le Moyen orient, la Turquie, l'Europe de l'Est ou la Scandinavie sont ainsi complètement absents.

Pied de nez ou provocation au Festival de Cannes, cette édition de 2012 est très féminine avec quatre réalisatrices en compétition.

Mais, si de grands noms (Malick, Bellochio, De Palma, Kitano, Kim Ki-duk) côtoient des habitués des festivals (Assayas, Gianolli, Mendoza, Comencini, Bahraini, Seidl, Korine), on note peu de surprise ou de nouveaux talents dans cette compétition qui sera jugée par Michael Mann et son jury en vue de rendre leur palmarès.

La compétition

Après Mai de Olivier Assayas - France. Avec Clément Métayer, Lola Créton, Félix Armand.

At any price de Ramin Bahraini - USA/GB. Avec Dennis Quaid, Zac Efron, Kim Dickens, Heather Graham.

La belle endormie (Bella Addormentata) de Marco Bellocchio - Italie/France. Avec Toni Servillo, Isabelle Huppert, Alba Rohrwacher, Michele Riondino, Maya Sansa, Pier Giorgio Bellocchio.

La cinquième saison de Peter Brosens et Jessica Woodworth - Belgique/Pays-Bas/France. Avec Aurélia Poirier, Django Schrevens, Sam Louwyck, Gill Vancompernolle.

Lemale Et Ha'Chalal (Fill the void) de Rama Burshtein - Israël. Avec Hadas Yaron, Yiftach Klein, Irit Sheleg, Chaim Sharir.

E stato il figlio de Daniele Cipri - Italie/France. Avec Toni Servillo, Giselda Volodi, Alfredo Castro, Fabrizio Falco.

Un giorno speciale de Francesca Comencini - Italie. Avec Filippo Scicchitano, Giulia Valentini.

Passion de Brian de Palma - France/Allemagne. Avec Rachel McAdams, Noomi Rapace, Paul Anderson, Karoline Herfurth.

Superstar de Xavier Giannoli - France/Belgique. Avec Kad Merad, Cécile De France.

Pieta de Kim Ki-duk - Corée du Sud. Avec Cho Min-soo, Lee Jung-jin.

Outrage Beyond de Takeshi Kitano - Japon. Avec Tomokazu Miura, Ryo Kase, Fumiyo Kohinata, Toshiyuki Nishida.

Spring Breakers de Harmony Korine - USA. Avec James Franco, Selena Gomez, Vanessa Hudgens, Ashley Benson, Heather Morris.

To the wonder de Terrence Malick - USA. Avec Ben Affleck, Rachel McAdams, Rachel Weisz, Javier Bardem, Olga Kurylenko

Sinapupunan (Thy Womb) de Brillante Mendoza - Philippines. Avec Nora Aunor, Bembol Rocco.

Linhas de Wellington de Valeria Sarmiento - France/Portugal. Avec Nuno Lopes, Soraia Chaves, John Malkovich, Marisa Paredes, Melvil Poupaud, Mathieu Amalric.

Paradies: Glaube (Paradise: Faith) de Ulrich Seidl - Autriche/France/Allemagne. Avec Maria Hofstätter, Nabil Saleh.

Izmena (Betrayal) de Kirill Serebrennikov - Russie. Avec Franziska Petri, Dejan Lilic, Albina Dzhanabaeva, Arturs Skrastins.

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Le 7 août The Master de Paul Thomas Anderson a rejoint la liste. USA. Avec Philip Seymour Hoffman, Joaquin Phoenix, Amy Adams.

Cannes 2012 : un Festival trop masculin? Ou quand l’absence de femmes fait des vagues…

Posté par MpM, le 6 juin 2012

Cela aura définitivement été la grande polémique du 65e Festival de Cannes. A l'annonce de la sélection officielle, l'absence de femmes en compétition avait soulevé l'indignation de plusieurs artistes (voir actu du 12 mai), obligeant Thierry Frémaux à réagir. Le délégué général avait ainsi rappelé que Cannes ne sélectionnerait  "jamais un film qui ne le mérite pas, simplement parce qu'il est réalisé par une femme. Dans le cinéma, nul doute que la place faite aux femmes doit être augmentée. Mais ce n'est pas à Cannes, ni au mois de mai, qu'il faut poser le problème, c'est toute l'année."

Difficile de lui donner tort, surtout quand on sait que les réalisatrices restent encore très largement minoritaires dans le milieu du cinéma. Minoritaires, mais pas inexistantes, comme le prouve (modestement) la présence de trois réalisatrices en sélection Un certain regard ainsi qu'en séances spéciales. Incontestablement, le plus grand festival du monde peut faire mieux. De là à réfléchir en termes de quota, il y a toutefois un pas à ne pas franchir. Imagine-t-on un festival qui bâtirait sa sélection sur des distinctions de sexe, mais aussi de couleur, de race, de préférences sexuelles ou encore de handicap ?

Le conseil d'administration du Festival a d'ailleurs prix les devants en apportant son entier soutien à Thierry Frémaux, et en rappelant que "pour tenir son rang et fidèle à des convictions ancrées dans le droit universel, [le Festival de Cannes] continuera à programmer les meilleurs films "sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d'opinion politique ou de toute autre opinion, d'origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation"".

Plusieurs artistes présentes lors du Festival ont ensuite pris parti dans ce sens. "C'est stupide", a ainsi déclaré Jessica Chastain (Des hommes sans loi de John Hillcoat) au sujet de l'objet même de la polémique. "Je pense qu'un film doit être jugé sur ce qu'il est et non pas sur le sexe de la personne qui l'a réalisé". "In fine, ce qui compte est de savoir quel est le meilleur film", a renchéri Mia Wasikowska. La cinéaste Andrea Arnold, plusieurs fois sélectionnée en compétition, s'est quant à elle montrée encore plus catégorique : "Je n'aimerais pas que l'un de mes films soit sélectionné ici tout simplement parce que je suis une femme, comme un peu pour me faire l'aumône." On ne saurait mieux dire.

C'est toutefois Gilles Jacob lui-même qui a relancé le débat en fin de festival en déclarant au quotidien britannique The Observer : "Je suis sûr que l'an prochain le responsable de la sélection Thierry Frémaux cherchera avec davantage de soin des films de femmes. La responsabilité des féministes et de gens comme moi qui aimons le travail des réalisatrices, c'est de lui dire : "Etes-vous sûr qu'il n'y a pas quelque part un film réalisé par une femme qui mérite d'aller en compétition?""

Bien sûr, seuls les sélectionneurs du festival, qui visionnent chaque année des centaines et des centaines de films pour trouver les vingt-deux "dignes" de figurer en compétition, peuvent répondre à cette question. Mais il faut bien garder à l'esprit que ce genre de choix reste toujours très subjectif... et donc potentiellement contestable.

Pourtant, avant de se lancer dans une politique de "bienveillance éclairée" à l'égard des œuvres réalisées par des femmes, il ne faudrait pas perdre de vue le danger de stigmatisation que représenterait une telle démarche érigée en principe. Si d'aventure, en 2013, la compétition réunissait autant de réalisateurs que de réalisatrices, qui croirait désormais que les femmes sélectionnées ne le doivent qu'à leur seul talent ? On entend déjà les commentaires acerbes et les remarques moqueuses, et ce quelle que soit la qualité des œuvres en question. Quel cadeau empoisonné pour ces artistes qui, parfois, ont déjà bien des difficultés à exercer leur métier dans les meilleures conditions !

Aussi, plutôt que de se focaliser sur les "films de femmes" (quelle horrible expression ! parle-t-on de "films d'hommes" ?), permettons déjà aux jeunes réalisatrices d'être prises au sérieux, de se voir proposer les moyens d'accéder à leur rêve de cinéma, de travailler dans les meilleures conditions et de s'imposer sur la scène internationale par la qualité de leurs œuvres, au même titre que leurs collègues masculins. Lorsque la question ne se posera plus en termes de sexe, et qu'un film sur deux sera réalisé par une femme, Thierry Frémaux n'aura plus de difficultés à bâtir une sélection qui respecte la parité... et plus aucune excuse pour ne pas le faire.

Cannes 2012 : le match Pop/Rock – Kylie Minogue vs. Pete Doherty

Posté par vincy, le 21 mai 2012

D'un côté, Kylie Minogue, chanteuse pop (tendance dance) australienne de 44 ans. De l'autre côté, Pete Doherty, auteur-compositeur-interprète rock (tendance post-punk ou garage selon les époques) britannique de 33 ans. Elle est une star mondiale depuis ses premiers tubes à la fin des années 80. Lui est moins connu mais pas moins respecté par la presse musicale depuis ses débuts avec son groupe The Libertines.
Kylie a connu des très hauts et des très bas, une renaissance spectaculaire en 2001 avec l'album Fever. Elle a aussi été l'égérie d'H&M durant une saison. La presse people s'est emballée pour sa liaison avec Olivier Martinez. La presse féminine a préféré compatir pour sa bataille intime contre un cancer du sein.
Pete est plus sulfureux. Les scandales ne manquent pas dans son parcours. Il fut même condamné à 14 semaines de prison pour conduite en état d'ivresse et non-respect de sa liberté conditionnelle. Alcool, drogue (addict à l'héro) et rock n'roll. Cela ne l'empêche pas de jouer aussi les mannequins de mode (Roberto Cavalli, The Kooples).
Kylie et Pete seront à Cannes. Elle en compétition, lui à Un certain regard. La minuscule et sexy australienne a commencé sa carrière en jouant dans des séries locales à gros succès (The Sullivans, Neighbours, ...). Dans les années 90, elle s'invite aux génériques de films de séries Z. En 2011, elle joue la fée verte, couleur de l'absinthe, dans Moulin Rouge!, qui ouvre le festival de Cannes. On l'entend dans le dessin animé Pollux, le manège enchanté, et elle fait une apparition dans un film bollywoodien. Mais cette année, elle surprendra assurément en incarnant une actrice dans Holy Motors, de Léos Carax. Un film d'auteur européen, il n'y a pas meilleur contre-emploi pour elle.
Le dandy grunge anglais va faire ses premiers pas au cinéma avec une réalisatrice elle aussi française, Sylvie Vehreyde. Adapté du roman autobiographique d'Alfred de Musset, Confession d'un enfant du siècle, il sera Octave, le narrateur trompé par sa maîtresse, et tombant amoureux d'une jeune veuve pieuse, interprétée par Charlotte Gainsbourg, qui incarne l'alliance de la pop et du rock.

Si musicalement, les deux chanteurs n'ont rien en commun, à Cannes, ils seront présents tous deux avec des films d'auteurs français. Ça devrait swinguer dans les soirées d'après projection...

Cannes 2012 : coup de gueule au féminin pluriel de Fanny Cottençon, Virginie Despentes et Coline Serreau

Posté par vincy, le 12 mai 2012

Il faut bien un début de polémique. Aujourd'hui, dans Le Monde, une comédienne, une réalisatrice et écrivaine et une cinéaste signent une tribune intitulée "À Cannes, les femmes montrent leurs bobines, les hommes leurs films". Fanny Cottençon, Virginie Despentes et Coline Serreau interpellent le plus grand festival du monde. Alors que l'égalité homme-femme est plébiscitée par les Français (et promise par le nouveau Président élu), ces trois artistes se plaignent de l'absence de réalisatrices dans la Compétition : "Les vingt-deux films de la sélection officielle ont été réalisés, heureux hasard, par vingt-deux hommes. Le Festival couronnera donc pour la 63e fois l'un d'entre eux, défendant ainsi sans faillir les valeurs viriles qui font la noblesse du septième art" ironisent-elles.

De fait Cannes - mais c'est aussi le cas de Berlin (1 en 2012) et dans une moindre mesure de Venise (5 en 2011) -  n'a jamais fait une grande place aux femmes dans la Compétition. Une seule Palme en 65 éditions (Jane Campion, La leçon de Piano, 1993, en photo) et l'an dernier, un "record" battu avec 4 réalisatrices en lice pour la Palme. Cette année, zéro (il y en a quelques unes dans les autres sélections). Berlin et Venise ont un palmarès très légèrement plus flatteur avec, pour chacun des deux festivals, 4 femmes ayant obtenu l'Ours d'or et Le Lion d'or.

"Messieurs, vous avez retrouvé vos esprits et nous nous en réjouissons. Le Festival de Cannes 2012 permet à Wes, Jacques, Leos, David, Lee, Andrew, Matteo, Michael, John, Hong, Im, Abbas, Ken, Sergei, Cristian, Yousry, Jeff, Alain, Carlos, Walter, Ulrich, Thomas de montrer une fois de plus que " les hommes aiment la profondeur chez les femmes, mais seulement dans leur décolleté" se moquent les trois signataires.

Mais elles sont plus virulentes : "Cette sélection exemplaire est un signe fort envoyé à la profession, et au public du monde entier. Car qui mieux que le plus prestigieux festival de cinéma au monde, pour être le porte-voix de cet immuable message. Avec une grande lucidité sur son rôle primordial, vous avez su empêcher toute velléité féminine de briguer une quelconque place dans ce milieu si bien gardé. Surtout, ne pas laisser penser aux jeunes filles qu'elles pourraient avoir un jour l'outrecuidance de réaliser des films et de gravir les marches du Palais autrement qu'au bras d'un prince charmant."

Potiches

Elles reprochent au Festival de Cannes de n'utiliser les femmes que comme potiches : "Ne suffit-il pas qu'elles puissent rêver d'être un jour " la " maîtresse de cérémonie de la soirée d'ouverture du Festival ! Bérénice Bejo en 2012, Mélanie Laurent en 2011, Kristin Scott Thomas en 2010. Les femmes sont de parfaites hôtesses, que l'on rendra heureuses d'un simple, " T'as de beaux yeux, tu sais ", ou autres compliments bien tournés. Des icônes troublantes aussi que vous savez laisser à leur juste place : en vitrine et sur papier glacé. Les affiches du Festival en témoignent : cette année c'est Marilyn Monroe qu'on célèbre, en 2011 Juliette Binoche, en 2009 Monica Vitti, et en 1989 une Marianne de la République incarnait le prestigieux Festival." "Elles sont célébrées pour leurs qualités essentielles : beauté, grâce, légèreté... Evitons-leur les affres de la direction d'une équipe de tournage, épargnons-leur la pénible confrontation avec les contraintes techniques d'un plateau. Qu'iraient-elles s'ennuyer dans le comité d'organisation où se prennent les décisions importantes et qui, pour preuve, n'a connu depuis sa création que des présidents ? Gardons aux hommes la lourde charge de ces fonctions rébarbative. Aux femmes les bobines à coudre, aux hommes celles des frères Lumière !" écrivent-elles avec grincement.

Au moins, reconnaissons au Festival, cette année, d'avoir respecter la parité dans le jury. La première Préisdente de jury fut choisie en 1965 (Olivia de Havilland). Au total, dix comédiennes ont présidé le jury cannois. Par comparaison, Venise n'a décerné ce poste que 4 fois (depuis 1987!). Mais Berlin semble imbattable avec 20 présidentes du jury depuis 1963!!!

Avec un peu de chance, nous verrons peut-être une femme monter les marches officiellement : la future Ministre de la Culture, dont le nom devrait être connu juste avant l'ouverture du Festival, mercredi.

Berlin 2012 : une édition tournée vers l’humain

Posté par MpM, le 16 février 2012

On nous avait annoncé une édition 2012 politique, engagée et bien ancrée dans son époque, à l'écoute des sujets de préoccupation et des bouleversements sociaux ou politiques actuels. Dans l'ensemble, on aura senti cette tendance des films présentés à Berlin à offrir des axes de réflexion sur le monde, soit en le filmant tel qu'il est, soit en s'inscrivant dans une atemporalité symbolique. Les cinéastes questionnent notre époque en s'intéressant à ses aspects les plus concrets : les difficultés sociales dans L'enfant d'en haut de Ursula Meier, l'engagement politique dans Indignados de Tony Gatlif, le communautarisme et le racisme dans Just the wind de Bence Flieghauf...

Dans l'ensemble, ce qui domine est une volonté de replacer l'être humain au centre de la société, qu'il s'agisse d'un individu sur le point de mourir (Aujourd'hui d'Alain Gomis), ayant subi un traumatisme indélébile (A moi seule de Frédéric Videau), expérimentant l'éternel dilemme entre spirituel et sensuel (Meteora (photo) de Spiros Stathoulopoulos) ou condamné à la prison à vie (César doit mourir des frères Taviani).

L'Histoire, quand elle s'invite, le fait par le biais d'histoires intimistes et individuelles. C'est au travers d'une rencontre amoureuse  tourmentée que l'on redécouvre le combat entre Lumières et Obscurantisme dans le Danemark du XVIIe siècle (A royal affair de Nikolaj Arcel), mais aussi la guerre en ex-Yougoslavie (Au pays du sang et du miel d'Angelina Jolie) ou la terrible occupation de Nankin par les Japonais en 1937 (Flowers of war de Zhang Yimou). Dans Jayne Mansfield's car de Billy Bob Thornton, c'est une famille dysfonctionnelle qui révèle les traumatismes du passé, de même que ce sont trois familles intimement liées qui subissent les bouleversements de l'Histoire dans la Chine du début du XXe siècle chez Wang Quan'an (White deer plain).

L'isolement et la solitude sont aussi le mal du siècle, qui plongent l'être humain dans une insécurité émotionnelle viscérale. Dans Postcards from the zoo d'Edwin, l'héroïne est plus à l'aise avec les girafes qu'avec ses congénères. Dans Young adult de Jason Reitman, la jeune femme interprétée par Charlize Theron a le sentiment d'être restée, seule, sur le quai de la gare, quand ceux qu'elle aimait montaient dans le train.

Vue comme ça, notre société n'a rien de reluisant, qui parque ses réfugiés dans des campements de fortune (Jaurès de Vincent Dieutre), oblige ses enfants à prendre les armes (Rebelle de Kim Nguyen) et ne propose que la violence comme forme de médiation (Captive de Brillante Mendoza).

Heureusement, le cinéma adore les contrastes, les contradictions et les Happy end. Malgré un constat souvent amer, ce panorama cinématographique délivre au final un message plutôt positif sur la capacité des choses à changer, et de l'être humain à progresser. C'est notamment flagrant pour les acteurs-détenus de César doit mourir, ou les amants secrets de Meteora, mais aussi pour le couple désuni de Gnade de Mathias Glasner, qui puisent dans l'adversité les ressources nécessaires pour se réapproprier son existence. Comme si le prochain stade de l'évolution, au lieu d'être politique ou social, se devait d'être tout simplement humain.