Cannes 2019 : Il était une fois… Etre vivant et le savoir, reflet d’un film qui n’a pas pu être tourné

Posté par MpM, le 16 mai 2019

C’est forcément avec une émotion particulière que l’on s’apprête à découvrir Etre vivant et le savoir, le nouveau film d’Alain Cavalier présenté en séance spéciale lors de cette édition 2019 du Festival de Cannes. Pour sa sixième sélection sur la Croisette (trois fois en compétition et deux fois à Un Certain Regard), le réalisateur propose en effet un film qui n’aurait jamais dû voir le jour, mais qui remplace à sa manière celui qui n’a jamais pu être tourné.

En 2013, la romancière et scénariste Emmanuèle Bernheim publie Tout s’est bien passé, dans lequel elle raconte le suicide assisté de son père, le collectionneur d'art André Bernheim, qui avait choisi de mourir après qu’un accident vasculaire cérébral l'avait laissé diminué. Alain Cavalier, avec lequel elle partage alors une amitié de près de trente ans, décide d’adapter le livre en film, et d’interpréter lui-même ce père disparu qui avait, au moment de sa mort, exactement son âge. Il propose à l’auteure de jouer son propre rôle, à ses côtés. D'abord réticente, elle finit par se prendre au jeu. "L’acceptation vient avec le plaisir du travail", explique Alain Cavalier. "Adapter tous les deux son livre, choisir ceux qui vont nous accompagner."

Le projet, malheureusement, ne verra jamais le jour. Un matin d’hiver, Emmanuèle Bernheim appelle Alain Cavalier et lui annonce que "le tournage devra être retardé jusqu’au printemps. Elle va être opérée d’urgence." Ainsi le film ne se fera pas. En tout cas pas sous la forme qu’ils avaient imaginée ensemble. Car hors de question pour le cinéaste de laisser mourir son amie une seconde fois. Il reprend le projet, retravaille des images de son fameux journal vidéo, témoin à sa façon de leur amitié, et ajoute de nouvelles séquences.

Une nouvelle fois, il se fixe comme mission d’empêcher les êtres disparus de disparaître tout à fait, en les évoquant intensément par le biais des images et du souvenir filmé. "Je souhaite aboutir à un récit aussi fort que celui préparé par Emmanuèle et moi" explique-t-il. "Nos joies et nos peines ont la présence vitale d’avoir été enregistrées en direct. Mon acceptation de l’ordre des choses, affermie par le courage d’Emmanuèle et de son père, éclaire d’une lumière apaisante ce que je propose au spectateur."

Ce que l’on découvrira sur grand écran à Cannes, puis dans les salles de cinéma à partir du 5 juin, ne sera ainsi pas tout à fait un hommage, pas tout à fait une adaptation, pas tout à fait un récit intime, pas tout à fait une conjuration de la mort, mais un peu tout cela à la fois.

Cannes 2019: Les 18 documentaires dans la course à l’Œil d’or

Posté par vincy, le 10 mai 2019

L’Œil d’or 2019, prix du meilleur documentaire toutes sélections confondues au Festival de Cannes, sera remis le 25 mai. 18 documentaires seront départagés par un jury présidé par Yolande Zauberman (M), entourée de Romane Bohringer, Eric Caravaca, Ross McElwee et Ivàn Giroud.

- 5B de Dan Krauss, USA  (séance spéciale)
- Cinecittà - I mestieri del cinema de Bernardo Bertolucci : no end travelling de Mario Sesti, Italie (Cannes Classics)
- La cordillère des songes de Patricio Guzmán, France/Chili  (séance spéciale)
- Demonic de Pia Borg, Australie  (Semaine de la critique, courts métrages)
- Diego Maradona d’Asif Kapadia, Royaume Uni  (hors compétition)
- Être vivant et le savoir d’Alain Cavalier, France (séance spéciale) - photo
- For Sama de Waad Al Kateab et Edward Watts, Syrie/Royaume-Uni  (séance spéciale)
- Forman vs. Forman d’Helena T?eštíková et Jakub Hejna, République tchèque/France (Cannes Classics)
- Le grand saut de Vanessa Dumont et Nicolas Davenel, France  (courts métrages)
- Haut les filles de François Armanet, France  (Cinéma de la Plage)
- La glace en feu de Leila Conners, USA  (séance spéciale)
- Invisível Herói (Invisible Hero) de Cristèle Alves Meira, Portugal/France  (Semaine de la critique, courts métrages)
- Making Waves: The Art of Cinematic Sound de Midge Costin, États-Unis (Cannes Classics)
- On va tout péter de Lech Kowalski, France  (Quinzaine des réalisateurs)
- La passion d'Anna Magnani d’Enrico Cerasuolo, Italie/France  (Cannes Classics)
- Que sea ley de Juan Solanas, Argentine  (séance spéciale)
- Les silences de Johnny de Pierre-William Glenn, France  (Cannes Classics)
- Tenzo de Katsuya Tomita, Japon  (Semaine de la critique, courts métrages).

L'an dernier, l'Œil d’or avait été attribué au film d'animation Samouni Road de Stefano Savona (Semaine de la critique).

Champs-Elysées Film festival 2019: Les films, jurys, avant-premières et invités dévoilés

Posté par vincy, le 10 mai 2019

Du 18 au 25 juin, le 8e Champs-Elysées Film Festival déroulera son tapis rouge au cinéma indépendant français et américain. Les projections auront lieu dans les cinémas UGC George V, Le Balzac, PubliciCinémas, Le Lincoln et au Gaumont Marignan.

Demandez le programme.

Les avant-premières

Dragged Across Concrete de S. Craig Zahler avec Mel Gibson et Vince Vaughn ; Her Smell d'Alex Ross Perry, en présence du réalisateur, avec Elisabeth Moss et Cara Delevingne ; The Pretenders de et avec James Franco, Dennis Quaid et Juno Temple ; The Mountain : une odyssée américaine, de Rick Alverson en présence du réalisateur, avec Jeff Goldblum et Tye Sheridan ; The Old Man & The Gun de David Lowery, en présence du réalisateur, avec Robert Redford, Casey Affleck et Sissy Spacek.

Soirée d’ouverture : Yves de Benoît Forgeard, avec Doria Tillier, Philippe Katerine et William Lebghil.

Soirée de clôture : Can You Ever Forgive Me?de Marielle Heller, en première française, avec Melissa McCarthy, nommée aux Oscars pour ce rôle.

A cela s'ajoutent deux documentaires en séances spéciales: Lil'Buck Renaissance de Louis Wallecan et Océan de Océan.

Les invités

L’acteur Jeff Goldblum, la réalisatrice Debra Granik, l'acteur Kyle MacLachlan, l'acteur Christopher Walken, les réalisateurs David Lowery, Alex Ross Perry et Rick Alverson seront mis à l'honneur. Goldblum, MacLachlan et Walken auront le droit à une masterclass.

La sélection

Compétition américaine: Chained for Life d'Aaron Schimber ; Fourteen de Dan Sallitt ; Lost Holiday de Michael et Thomas Mattews ; Pahokee de Ivete Liucas et Patrick Bresnan (documentaire) ; Saint-Frances d'Alex Thompson ; The World is Full of Secrets de Graham Swon

Compétition française: Braquer Poitiers de Claude Schmitz ; Daniel fait face de Marine Atlan ; Frères d'arme de Sylvain Labrosse ; L'angle mort de Patrick-Mario Bernard et Pierre Trividic ; Siblings d'Audrey Gordon (documentaire) ; Vif-argent de Stéphane Batut

Les jurys

Pour les longs métrages, le jury sera présidé par Stéphane Brizé, entouré de Jeanne Added, Danielle Arbid, Yoann Bourgeois, Clotilde Hesme, Grégoire Ludig et Océan.

Le jury du Prix de la Critique dont le jury sera composé des journalistes Sarah Drouhaud, Romain Burrel et Sylvestre Picard. S

Le jury courts métrages sera présidé par Valérie Donzelli, accompagnée de Galatea Bellugi, Thomas Scimeca, Christophe Taudière, et Virgil Vernier.

Pour les pros

Les Journées professionnelles US IN PROGRESS – « The heart of Paris beats for film industry » auront lieu du 19 au 21 juin et présentera aux professionnels venus de l'Europe entière six films in progress qui seront soumis à un jury professionnel, composé de la distributrice Cécile Salin (Diaphana), de la productrice Gabrielle Dumon (The Bureau), du producteur et exploitant Nathanaël Karmitz (MK2), du journaliste et producteur Scott Macaulay (Filmmaker Magazine) et de Sophie Frilley (TitraFilm).

Reprise US

La troisième édition de cette tournée outre Atlantique se tiendra en octobre 2019 dans un minimum de six villes américaines (Los Angeles, San Francisco, Portland, Austin, Minneapolis et Chicago) où seront présentés les courts et les longs métrages français en avant-première dans chaque ville.

Jessica Chastain et Andrew Garfield ont la foi (cathodique)

Posté par vincy, le 10 mai 2019

Duo inédit pour The Eyes of Tammy Faye. Jessica Chastain et Andrew Garfield sont réunis par le réalisateur Michael Showater (The Big Thick, prix du public à Locarno et aux SXSW), pour le studio Fox Searchlight, dont l'avenir reste incertain depuis le rachat de la Fox par Disney.

A partir du documentaire du même nom réalisé par Fenton Bailey et Randy Barbato, qui date du 1999 et dont la voix off était assurée par RuPaul, Abe Sylvia a écrit le scénario sur l'ascension, la chute et la rédemption des télévangélistes Jim et Tammy Faye Bakker, qui seront incarnés par les deux acteurs.

Le récit se déroule dans les années 1970 et 1980. Les Faye-Bakker ont créé à partir de leur émission The PTL Club (Praise The Lord) le plus grand réseau télévisé dédié à la religion, mais aussi un parc d'attraction. Vénérés pour leur compassion et leur message d'amour, de bienveillance et de prospérité, ils ont été vite rattrapés par de sordides réalités: magouilles financières, fraudes, manipulations pour étouffer les concurrents, vie opulente, scandale sexuel autour d'un viol d'une femme par Jim Bakker. Tout cela a détruit leur mariage et leur empire.

Le mari a été condamné à 8 ans de prison puis a refait sa vie, toujours en prophète télévangéliste, pro-Donald Trump, légèrement suprémaciste et clairement anti-darwiniste. Tammy Faye a divorcé de son mari, une fois qu'il était en prison, pour se remarier à un promoteur immobilier. Paradoxalement, elle est devenue une icône gay, non seulement grâce à son look très eighties, mais surtout parce qu'elle a donné la parole à de nombreux homosexuels atteints du HIV en plein pic de l'épidémie. Sa vie a inspiré des documentaires et même deux "musicals" et une pièce de théâtre.

Tammy Faye est décédée en 2007. Jim Bakker a aujourd'hui 79 ans.

Jessica Chastain produira le film. On la verra cette année dans X-Men Dark Phoenix, Ça chapitre 2 et le film de Tate Taylor, Eve. Andrew Garfield, Tony Award du meilleur acteur dans une pièce de théâtre l'an dernier pour Angels in America, interprètera le pianiste James Marsh dans Instrumental et sera au générique du nouveau film de Gia Coppola, Mainstream.

Cannes 2019: Tarantino, Kechiche, Noé et des Ours en sélection officielle

Posté par vincy, le 2 mai 2019

Pas de Kore-eda, mais Tarantino (attendu, avec un DiCaprio qui sera aussi présent avec un docu en séalce spéciale), Kechiche (déjà su et toujours en montage) s'ajoutent en compétition. Avec un deuxième film d'animation dans Un certain regard, un moyen métrage de Gaspard Noé avec Béatrice Dalle et Charlotte Gainsbourg en séance de minuit, et deux cinéastes latino-américains notoires en séances spéciales, la sélection officielle s'enrichit de 9 titres.

Compétition

Once Upon a Time... in Hollywood de Quentin Tarantino

Mektoub, My Love : Intermezzo d’Abdellatif Kechiche

Séances de minuit

Lux Æterna de Gaspar Noé

Un certain regard

La fameuse Invasion des Ours en Sicile / La famosa invasione degli orsi in Sicilia de Lorenzo Mattotti

Odnazhdy v Trubchevske de Larissa Sadilova

Séances spéciales

Chicuarotes de Gael García Bernal

La Cordillère des songes / La Cordillera de los sueños de Patricio Guzmán

La Glace en feu / Ice on Fire de Leila Conners

Ward 5B de Dan Krauss

Cannes 2019: Luis Bunuel, Lina Wertmüller, Milos Forman, Easy Rider, Shining et La Cité de la peur à Cannes Classics

Posté par vincy, le 26 avril 2019

Le programme de Cannes Classics est riche et éclectique avec en vedette les 25 ans de La Cité de la peur, Shining présenté par Alfonso Cuarón en séance de minuit, les 50 ans d’Easy Rider en compagnie de Peter Fonda, Luis Buñuel à l’honneur en trois films, un hommage à la première réalisatrice nommée aux Oscars, Lina Wertmüller, le Grand Prix de 1951 Miracle à Milan de Vittorio De Sica, un ultime salut à Milos Forman et le premier film d’animation en couleur du cinéma japonais!

A l'honneur

Easy Rider (1969, 1h35, États-Unis) de Dennis Hopper

The Shining (Shining) de Stanley Kubrick (1980, 2h26, Royaume-Uni / États-Unis)

La Cité de la peur, une comédie familiale (1994, 1h39, France) d’Alain Berbérian

Los Olvidados (The Young and the Damned) (1950, 1h20, Mexique) de Luis Buñuel

Nazarín (1958, 1h34, Mexique) de Luis Buñuel

L’Âge d’or (The Golden Age) (1930, 1h, France) de Luis Buñuel

Pasqualino Settebellezze (Pasqualino / Seven Beauties) (1975, 1h56, Italie) de Lina Wertmüller

Miracolo a Milano (Miracle à Milan / Miracle in Milan) (1951, 1h40, Italie) de Vittorio De Sica

Lásky jedné plavovlásky (Les Amours d’une blonde / Loves of a Blonde) (1965, 1h21, République tchèque) de Milos Forman

Forman vs. Forman (République tchèque / France, 1h17) de Helena Trestikova et Jakub Hejna

Films restaurés

Toni de Jean Renoir (1934, 1h22, France)

Le Ciel est à vous (1943, 1h45, France) de Jean Grémillon

Moulin Rouge (1952, 1h59, Royaume-Uni) de John Huston

Kanal (Ils aimaient la vie / They Loved Life) (1957, 1h34, Pologne) d’Andrzej Wajda

Hu shi ri ji (Diary of a Nurse) (1957, 1h37, Chine) de Tao Jin

Hakujaden (Le Serpent blanc / The White Snake Enchantress) (1958, 1h18, Japon) de Taiji Yabushita (pour les 100 ans de l'animation japonaise)

125 Rue Montmartre (1959, 1h25, France) de Gilles Grangier

A tanú (Le Témoin / The Witness) (1969, 1h52, Hongrie) de Péter Bacsó

Tetri karavani (La Caravane blanche / The White Caravan) (1964, 1h37, Géorgie) d’Eldar Shengelaia et Tamaz Meliava

Plogoff, des pierres contre des fusils de Nicole Le Garrec (1980, 1h48, France)

Caméra d’Afrique (20 ans de cinéma africain / ) (20 Years of African Cinema) de Férid Boughedir (1983, 1h38, Tunisie / France)

Dao ma zei (The Horse Thief / Le Voleur de chevaux) (1986, 1h28, Chine) de Tian Zhuangzhuang et Peicheng Pan

The Doors (Les Doors) (1991, 2h20, États-Unis) d’Oliver Stone

Documentaires

Making Waves: The Art of Cinematic Sound (Etats-Unis, 1h34) de Midge Costin

Les Silences de Johnny (55mn, France) de Pierre-William Glenn

La Passione di Anna Magnani (1h, Italie / France) d’Enrico Cerasuolo

Cinecittà - I mestieri del cinema Bernardo Bertolucci (Italie, 55mn) de Mario Sesti

Brive 2019 : D’un château l’autre d’Emmanuel Marre triomphe

Posté par MpM, le 10 avril 2019

On ne peut pas dire que l’on soit réellement surpris du Grand prix de cette 16e édition du festival de Brive. On a déjà eu l’occasion de vous dire tout le bien que l’on pense du nouveau film d’Emmanuel Marre, D’un château l’autre, qui fait bien plus que confirmer les espoirs placés en lui après le succès du Film de l’été.

Avec sa forme hybride (fiction/documentaire, super 8/ téléphone portable) et son personnage principal qui ne se sent jamais vraiment à sa place, le film capte la vulnérabilité cachée des temps. La réalité derrière les certitudes de façades et les grands idéaux péremptoires. Comme si, au milieu du cirque politique de l’entre-deux-tours, Emmanuel Marre filmait un tout petit îlot d’humanité résistante, mais aussi une forme de transmission tacite. Ce n’est pas en regardant le monde tourner que l’on changera les choses, dit en substance Francine qui exporte les jeunes générations à l’action.

À ses côtés, en Prix du jury, on retrouve un autre candidat logique au palmarès, le captivant documentaire Vie et mort d’Oscar Perez de Romain Champalaune, un film de montage qui réunit (sans voix off ni commentaires) les images personnelles, récoltées principalement sur les réseaux sociaux, d’Oscar Perez, figure controversée de l’opposition vénézuélienne à Nicolas Maduro. Ancien policier, Perez s’est peu à peu érigé en chef de file d’une rébellion de plus en plus musclée, allant jusqu’à créer un mouvement paramilitaire organisant des opérations commandos contre les forces de l’ordre.

Tout cela, on le comprend uniquement à travers les images récoltées par Romain Champalaune, qui montrent un personnage charismatique, soucieux de son image, et habile à se mettre en scène dans des situations flatteuses. Avec ses yeux d’un bleu d’acier et son physique de mannequin bodybuildé, Oscar Perez affiche un mélange de candeur absolue et d'insupportable opportunisme politique. Le film nous fait passer par tous les points de vue, le présentant d’abord comme un pantin un peu ridicule, puis comme un néo-fasciste dangereux, avant de le transformer en martyr piteux, dépassé par les conséquences de ses actes. Loin d’apporter des réponses, le réalisateur amène le spectateur à se poser quantité de questions, à la fois sur les faits présentés, et sur la manière dont il a choisi de les présenter.

Prix du jury ex-aequo, Juste un jeu de Daniela Lanzuisi est un documentaire aux intentions plus policées. Des adolescents placés en foyer, qui eux-mêmes ont eu affaire à la justice par le passé, participent à un jeu de rôles dans lequel ils incarnent les différents acteurs d'un procès, et découvrent frontalement les rouages judiciaires. On comprend à quel point un tel sujet peut être séduisant, et il est vrai que l'expérience est intéressante, pleine d'enrichissements pour les participants comme pour le spectateur. Pourtant, le film esquisse à peine la dimension de chacun à la justice, tout en multipliant les scènes plus intimes. Ce faisant, le film donne l'impression de rester au milieu du gué, hésitant entre un portrait de groupe plus fouillé et un documentaire presque solennel uniquement axé sur le "jeu" judiciaire".

Le jury jeunes, composé de lycéens, donne l'impression d'être allé vers des films qui parlaient de ce qu’ils connaissent, mettant en scène des personnages qui sont proches d'eux : un écolier qui découvre le trouble amoureux et sensuel avec Daniel fait face de Marine Atlan (également Prix Ciné+ ex-aequo) et des adolescents qui parlent entre et traversent la banlieue de part en part pour se rendre à une soirée, dans Akaboum de Manon Vila. Dans les deux cas, on est face à des œuvres assez fabriquées, qui cochent presque scolairement toutes les cases du genre qu’elles empruntent, n'allant jamais à l'encontre des attentes du spectateur.

Daniel fait face se prend un peu trop au sérieux avec une histoire de voyeurisme et d'amour mêlés, sur fond de comédie musicale volontairement kitsch. Rien ne dépasse, tout est propre et bien cadré, consciencieusement écrit, si bien que l'émotion n'est jamais là. Un objet froid et lisse, un peu trop édifiant pour être sincère. Akaboum surfe lui sur la tendance du documentaire immersif au sein d'un groupe d'adolescents un peu désœuvrés. Rien ne manque : ni les conversations "authentiques", ni la séquence de rap, ni même le symbole (géographique et surligné) d'un isolement infranchissable.

Le public est lui allé vers un film délicat et bienveillant, Le Chant d’Ahmed de Foued Mansour, dont nous avions déjà eu l’occasion de vous parler. Ce récit sensible d’une rencontre incongrue (entre Ahmed, employé aux bains douches publics, et Mike, un adolescent en délicatesse avec la justice et la société) évite tous les écueils liés au genre. C'est un conte attachant qui met le facteur humain au centre, en se reposant sur quelques scènes fortes, finement écrites (notamment celle où Mike rappe devant Ahmed, ou lorsqu'il tente désespérément de ramasser une savonnette à l'aide d'une pince), qui apportent sincérité et justesse au récit, mais aussi une forme d'émotion subtile.

A noter enfin deux autres films qui figurent au palmarès : Braquer Poitiers de Claude Schmitz (Prix Ciné+ ex-aequo), long récit ostensiblement absurde et déjanté d'une prise d'otages qui ne se passe pas du tout comme prévu, et Topo y Wera de Jean-Charles Hue (Prix de la distribution), documentaire morcelé sur un couple de déportés mexicains vivant à Tijuana, à la fois bouleversant et trop volontairement à distance, comme s'ils ne pouvaient jamais être autre chose que des objets d'étude.

Tout le palmarès

Grand Prix
D’un château l’autre de Emmanuel Marre

Prix du jury ex-aequo
Vie et mort d’óscar Pérez de Romain Champalaune
Juste un jeu de Daniela Lanzuisi

Prix du Jury Jeunes ex-aequo
Akaboum de Manon Vila
Daniel fait face de Marine Atlan

Prix du public
Le Chant d’Ahmed de Foued Mansour

Prix de la distribution
Topo y Wera de Jean-Charles Hue

Prix Ciné+ ex-aequo
Daniel fait face de Marine Atlan
Braquer Poitiers de Claude Schmitz

Concours de scénario
Je n’embrasse pas les images de Pascal Hamant
Mentions spéciales : Le Varou de Marie Heyse et La Sœur de DiCaprio de Lucie Anton

Prix de la Maison du Film
Pour le projet : Youssou et Malek de Simon Frenay

Adieu Agnès Varda (1928-2019)

Posté par MpM, le 29 mars 2019

Avec le recul, cela semble prémonitoire. Il y a quelques semaines à peine, en février dernier, Agnès Varda était honorée au Festival de Berlin, où elle recevait la "Berlinale Camera" (après un César d'honneur en 2001, un Carrosse d'or en 2010, un Léopard d'honneur en 2014, une Palme d'honneur en 2015, un Oscar d'honneur en 2017...) et présentait son dernier documentaire, Varda par Agnès. Un film qui avait évidemment des airs testamentaires, dans lequel elle prouvait à nouveau quelle formidable guide à l’intérieur de son propre cinéma elle pouvait être.

En alternant des extraits de masterclasses données devant différents publics, des extraits de films et des témoignages face caméra, la réalisatrice y disait tout ce qu'il y a besoin de savoir sur elle, de son engagement, de son féminisme, de son approche documentaire, et pour finir de son profond humanisme, présent à chaque oeuvre, qu'elle soit ou non de cinéma. Agnès Varda ne confiait à personne le soin de parler d’elle-même, et c'est intimidant de se dire qu'aujourd'hui elle nous a définitivement passé le relais.

agnes varda jeune

Que retiendra-t-on d'Agnès Varda ? Des faits, d'abord :

Sa naissance en Belgique le 30 mai 1928 d’un père grec et d’une mère française : elle grandit rue de l’Aurore à Bruxelles, entourée de quatre frères et sœurs. De cette enfance, elle recrée des dizaines d’années plus tard (dans Les plages d'Agnès) une reconstitution sur la plage, avec une installation de miroirs. Des bribes d’histoire, exactement comme les souvenirs. Et quand elle entreprend de revoir la maison de son enfance, elle se refuse à jouer devant la caméra la comédie des retrouvailles. "Le jardin est bien là, mais pas l’émotion", dit-elle simplement. Comme un symbole de ce jardin secret dont il ne nous sera pas donné de forcer l’entrée.

Son histoire d'amour avec Jacques Demy, le compagnon de toujours, le père de son fils Mathieu, avec qui elle a vécu de la fin des années 50 à sa mort en 1990. Dans Les plages d’Agnès, la cinéaste évoque avec beaucoup de tendresse et de retenue la vie auprès de Demy. En filigrane, on sent le vide qu’il a laissé dans cette existence pourtant bien remplie. Elle lui a consacré trois films : Jacquot de Nantes en 1990 ("Jacques en train de mourir, mais Jacques encore vivant", dit-elle simplement), Les demoiselles ont eu 25 ans en 1992 et L’univers de Jacques Demy en 1995. On veut retenir d’eux cette image incongrue mais joyeuse d’un jeune couple courant nu dans un couloir.

Et puis, bien sûr, le cinéma, art vers lequel elle se tourne quand, photographe notamment pour le Festival d'Avignon, elle a "envie de mouvement". Son premier long métrage, La pointe courte, réunit justement deux acteurs du Théâtre National Populaire, Silvia Monfort et Philippe Noiret. C’est un jeune homme nommé Alain Resnais qui monte le film, une chronique réaliste et psychologique sur un couple qui se délite. Avec son manque évident de moyens, son interprétation minimaliste et ses décors naturels, ce coup d’essai annonce dès 1954 les prémices de la Nouvelle vague. Suivent des documentaires, et puis le film phare de la période, Cléo de 5 à 7, déambulation dans Paris aux côtés de Cléo, une jeune femme attendant des résultats médicaux, qui lui vaut une sélection à Cannes.

Sa filmographie éclectique s'étoffe au fil du temps et des envies, des causes à défendre, des questions à poser : fictions, documentaires, installations, expérimentations... En 1965, c'est Le bonheur, pour lequel elle reçoit le prix Louis Delluc et un ours d’argent à Berlin. L’année suivante, elle filme une histoire d'amour entre Catherine Deneuve et Michel Piccoli à Noirmoutier-en-L'Isle (Les créatures). Puis c’est un documentaire collectif avec William Klein, Jean-Luc Godard, Chris Marker, Claude Lelouch, Joris Ivens et Alain Resnais, Loin du Viêt Nam. S’en suit une période "américaine" où elle tourne notamment Lions love, inspiré du mouvement hippie.

A Los Angeles, dont elle tombe amoureuse, elle fréquente Andy Warhol et Jim Morrison. Puis revient à Paris où elle part à la rencontre de ses voisins de quartier (Daguerréotypes en 1975), avant de réaliser l'un des grands manifestes cinématographiques sur la condition de la femme : L’une chante, l’autre pas (1977). En 1985, elle remporte le Lion d’or à Venise avec Sans toit ni loi qui révèle Sandrine Bonnaire en jeune femme sans logis. Dix ans plus tard, on lui demande de réaliser le film sur le centenaire du cinéma, Les cent et une nuits, qu'elle qualifiera avec simplicité de "désastre" dans Varda par Agnès.

En 1999, elle réalise Les glaneurs et la glaneuse, un documentaire sur les as de la récupération, ces glaneurs modernes qui ramassent la nourriture ou les objets dont les autres ne veulent plus, et qu'elle retrouve dans Deux ans après. En 2008, elle réalise un portrait saisissant et drôle avec Les plages d'Agnès, puis ce sera Visages, villages tourné avec JR. Toujours en phase avec son temps (elle tournait en numérique, réalisant elle-même de multiples suppléments pour les sorties DVD de ses films), elle nous semblait indéboulonnable, et même immortelle, avec son éternelle coupe au bol bicolore, son humour, son regard pétillant, et ses films inclassables. Et pourtant elle s'est éteinte ce 29 mars 2019, à l'âge de 90 ans.

Pionnière et touche-à-tout, cinéaste autant qu'artiste, figure du cinéma mondial et symbole d'un cinéma au féminin, Agnès Varda laisse une oeuvre colossale et incontournable qui raconte le XXe siècle et ses combats. On l'imagine désormais sur une plage, lieu qui la définissait le plus selon elle ("Si on ouvrait les gens, on trouverait des paysages. Moi, si on m’ouvrait, on trouverait des plages."), flânant entre les multiples visages qu'elle a filmés. Malheureusement le dernier plan se finit toujours de la même façon : sur une image fixe où s'écrit le mot "fin".

« Ne croyez surtout pas que je hurle »: un poème introspectif aussi inventif qu’hypnotique

Posté par vincy, le 3 mars 2019

Présenté dans la sélection Forum de la dernière Berlinale, Ne croyez surtout pas que je hurle est un cri qui vient de l'intérieur. Iconoclaste, le film d'une heure et quart ne ressemble à aucun autre. C'est une autobiographie du réalisateur, Frank Beauvais. C'est aussi une observation politique, anthropologique, sociétale, aussi bien de la vie dans un village des Vosges que de celle plus lointaine de Paris et de la France. C'est une déclaration clamée par le cinéaste, entre pamphlet anarchiste et récit intimiste, comme un journal quotidien qu'on lirait à haute voix, en mélangeant ses angoisses personnelles aux colères plus universelles. On y parle aussi bien de la père du père que de la visite d'un célèbre cinéaste portugais, de la solitude extrême que des attaques terroristes, on s'interroge sur le sens de la vie comme sur cette vie qui n'a pas de sens.

Janvier 2016. L'histoire amoureuse qui m'avait amené dans le village d'Alsace où je vis est terminée depuis six mois. À 45 ans, je me retrouve désormais seul, sans voiture, sans emploi ni réelle perspective d'avenir, en plein cœur d'une nature luxuriante dont la proximité ne suffit pas à apaiser le désarroi profond dans lequel je suis plongé. La France, encore sous le choc des attentats de novembre, est en état d'urgence. Je me sens impuissant, j'étouffe d'une rage contenue. Perdu, je visionne quatre à cinq films par jour. Je décide de restituer ce marasme, non pas en prenant la caméra mais en utilisant des plans issus du flot de films que je regarde.

Produit par Les films de Bélier, les films Hatari et Studio Orlando, le film devrait sortir cet automne, distribué par Capricci. C'est à la fois un cri de douleur existentiel et une déclaration d'amour au cinéma. En mixant ces deux angles, Frank Beauvais propose une œuvre qui apparaît comme une nécessité. Le hurlement d'un homme piégé par son époque comme par son quotidien, par son avide besoin de cinéma comme par son obsession d'exprimer son désarroi. Malgré l'aspect crépusculaire - la tonalité vocale comme la signification des mots - et la déprime qui s'en dégage, Ne croyez surtout pas que je hurle révèle une force et une intensité où le destin d'un individu, misanthrope et lucide, perdu et reclus en Alsace, trouve sa place (et un écho très lointain) dans un collectif invisible et une société en plein chaos.

Ne croyez pas que je hurle c'est un film autour du je. C'est je qui parle. C'est je qui voit. Sans aucune pudeur. Une mise à nu textuelle que cet écorché met à distance en se réfugiant derrière les images des autres. C'est pourtant bien grâce à sa forme narrative et visuelle que cet égocentrisme devient poétique, produisant une énergie créative rare et précieuse. C'est un documentaire et, pourtant, on y voit une fiction complètement libre, usant du cinéma tout en cassant les codes. Ce n'est pas une fiction puisque tout ce qui est raconté est réel, même si le verbe est littéraire et les envolées romanesques. Car, en plus, c'est superbement écrit: le texte mériterait d'être publié. Portrait d'un quadra à l'écart de ce monde qui tourne mal et d'une société qui sonne toutes ses alarmes pour nous prévenir des dangers. Enfin, ce n'est pas un film classique puisqu'il n'y a aucun acteur et aucune scène n'a été tournée.

Car l'audace est aussi formelle. Spectateur compulsif, Frank Beauvais a visionné des centaines de films pour combler son ennui, s'évader de l'horreur, remplir sa tête. Du nanar alternatif aux films rares de l'Europe communiste en passant par des classiques japonais. De cette passion absorbante, il a extrait un plan, une image, une séquence. Chaque extrait, parfois très furtif, qu'on ne cherchera pas forcément à reconnaître tant on se laisse bercer par la parole et hypnotiser par l'image, illustre ce qu'il dit. Cette richesse visuelle et cette inventivité qui relie tous les cinémas à son film introspectif est proprement fascinante. A la confusion d'un être s'ajoute la confusion des films. Pourtant tout est linéaire, fluide, limpide. Lui qui sombre dans les films des autres, et perd l'envie d'écrire et de filmer, trouve ici le moyen de créer en se nourrissant d'autres créations. Une anthropophagie du cinéma, davantage qu'une anthologie tant les choix sont partiaux.

Le film est par ailleurs très bien écrit. Non seulement sur la forme, puisqu'il trouve la bonne image qui correspond à ses mots, mais aussi sur le fond parce qu'il raconte une véritable histoire qui s'achève  magnifiquement dans un plan aérien et zen. C'est l'histoire d'un névrosé qui cherche la lumière. Comme c'est le récit d'un cinéaste qui (dé)montre que tout a été filmé (ou presque), puisant dans la vaste histoire du cinéma archivée sur le net ou en dvd, pour livrer une œuvre composite.

On pourrait qualifier ce cinéma d'expérimental. Ce serait réducteur. La narration s'aventure en effet dans quelque chose d'innovant, mais elle reste tenue par un fil conducteur cohérent tant visuellement que dramatiquement. C'est un objet filmique non identifié, singulier. Une autre forme de cinéma qui se sert de la duplication des images fabriquées par d'autres, d'un assemblage hétéroclite de plans déracinés, pour exprimer, traduire un regard personnel et unique. C'est un poème moderne, une fleur du mâle, où le ciel est brouillé, où l'on ressent le goût du néant. C'est baudelairien car il y a autant d'horreur que d'extase dans cette métamorphose d'un vampire, reclus dans sa maison aux volets fermés. C'est la Solitude et l'invitation au voyage, le joueur généreux et les yeux d'un pauvre.  Ne croyez pas que je hurle est un long spleen halluciné (et hallucinant) où rêves et cauchemars s'inspirent exclusivement du 7e art.

Oscars 2019: Green Book, Oscar du meilleur film!

Posté par wyzman, le 24 février 2019

La 91e cérémonie des Oscars ont soufflé un vent de fraîcheur avec plusieurs adaptations de comics récompensés. La diversité, qu'elle soit LGBT (les deux Oscars d'interprétation masculine pour deux personnages gays, l'Oscar de la meilleure actrice pour une reine lesbienne), afro-américaine ou latino-américaine, a été le mot d'ordre avec Bohemian Rhapsody et Rami Malek, Alfonso Cuaron (deux Oscars ce soir et quatre au total), Regina King, Mahershala Ali et Green Book, Black Panther, Blackkklansman.

Les histoires vraies (Green Book, La favorite, Roma, Bohemian Rhapsody...) ont quasiment tout raflé. Green Book - 3 Oscars - a été le choix consensuel de la soirée mais Bohemian Rhapsody repart vainqueur avec 4 statuettes. Le palmarès a été très éclaté entre plusieurs films, récompensant ainsi un peu tout le monde, sans offrir le sacre à Netflix pour Roma (qui repart quand même avec l'Oscar film en langue étrangère et l'Oscar du meilleur réalisateur).

MEILLEUR FILM: Green Book
Meilleur réalisateur: Alfonso Cuaron, Roma
Meilleure actrice: Olivia Colman, La favorite
Meilleur acteur: Rami Malek, Bohemian Rhapsody
Meilleur second-rôle féminin: Regina King, Si Beale Street pouvait parler
Meilleur second-rôle masculin:Mahershala Ali, Green Book
Meilleur scénario: Green Book
Meilleur scénario (adaptation): Blackkklansman
Meilleur film en langue étrangère: Roma
Meilleur court métrage: Skin
Meilleur documentaire: Free Solo
Meilleur court métrage documentaire: Period. End of Sentence
Meilleur film d'animation: Spider-Man: New Generation
Meilleur court métrage d'animation: Bao
Meilleure musique: Black Panther
Meilleure chanson originale: "Shallow" (A Star is born)
Meilleure photo: Roma
Meilleur montage: Bohemian Rhapsody
Meilleurs décors: Black Panther
Meilleurs costumes: Black Panther
Meilleurs maquillages & coiffures: Vice
Meilleurs effets visuels: First Man
Meilleur montage son: Bohemian Rhapsody
Meilleur mixage son: Bohemian Rhapsody