La production de films français connaît sa pire année depuis 2010

Posté par vincy, le 15 novembre 2014

La tendance s'est confirmée. Avec 678 millions d'euros, les investissements dans les films français ont reculé de 22,7% sur les 9 premiers mois de l'année. Un trou d'air inquiétant. Le nombre de films a lui aussi chuté durant la même période: 177 ont été produits depuis janvier contre 193 l'an dernier, à la même époque. Il faut revenir à 2010 pour trouver un chiffre aussi bas. Le devis moyen est ainsi de 4,09 millions d'euros pour les films d'initiatives françaises, soit là aussi le niveau le plus bas depuis 2010.

Les chiffres du Centre national du cinéma et de l'image animé (CNC) publiés hier placent un gros nuages noirs dans un ciel pourtant très clair: la fréquentation en salles est en hausse (+11,4% de janvier à octobre, comparé à 2013) et la part de marché des films français a progressé nettement par rapport à 2013 (passant de 32,5% à 44,7%).

Trois causes ont été identifiées: le recul du chiffre d'affaires des chaînes de télévision (qui financent une grande part de la production), la baisse des moyens des partenaires étrangers et les choix plus exigeants et sélectifs des distributeurs en France.

Cette année, seuls deux films avec un devis supérieur à 15 M€ ont été initiés, contre 7 en 2013, 10 en 2012 et 5 en 2011. Mais la dépression du cinéma français touche tous les segments, à l'exception des films compris entre 10 et 15 M€ (11 contre 6 en 2013, 12 en 2012, 13 en 2011 et 11 en 2010) et ceux entre 2 et 4 M€ (40, un record). Ainsi les films du milieu (entre 4 et 10 M€) n'ont été que 25 a être initiés, soit 14 de moins que l'an dernier ou 27 de moins qu'en 2010! Les devis inférieurs à 2 M€ n'ont pas été plus à la fête: 53 depuis le début de l'année, soit 8 de moins que l'an dernier.

Pas étonnant alors que le devis médian accuse son plus bas niveau avec 2,57 millions d'euros (la moitié des films sont produits au dessus de ce chiffre). Depuis 2010, chaque année, le devis médian baisse avec constance.

Animation: un César en hiver et une faillite à l’automne

Posté par vincy, le 8 novembre 2014

mademoiselle kikiLe studio d'animation Les Trois Ours, basé à Angoulême, a été mis en liquidation le 24 octobre selon les informations de La Charente libre. Le message a été officialisé sur leur compte Facebook le 2 novembre.

Producteur du court-métrage Mademoiselle Kiki et les Montparnos, César du meilleur film d'animation en février dernier, le studio était en redressement judiciaire depuis un an. dans le quotidien régional Olivier Catherin, gérant des Trois Ours, explique: "Nous étions prestataires sur deux projets. Pour l’un, nous avons été payés avec six mois de retard. Pour le second, notre client a rompu le contrat sans nous prévenir." Les Trois Ours était également "en attente d’un projet de long-métrage qui a tardé à démarrer."

A cela s'ajoute les aides publiques qui ont été difficiles à récupérer. Olivier Catherin "met en cause le fonctionnement du fonds d’aides à la production", accusant nommément la région Poitou-Charentes.

Les Trois Ours a notamment produit Citrouille et vieilles dentelles (2010), Le Printemps (2012) et Betty's Blues (2013). Les projets en cours sont désormais dans l'incertitude.

Les petites ambitions cinématographiques de Netflix

Posté par vincy, le 2 octobre 2014

michelle yeoh tigre et dragon

Netflix s'est fait connaître avec les séries (House of Cards). Mais la société américaine a aussi des ambitions dans le cinéma. En annonçant à deux jours d'intervalle deux partenariats exlcusifs de production cinématographique, le "leader mondial de la TV en streaming" (50 millions d'utilisateurs selon ses propres chiffres) affiche ses velléités.

Netflix proposera ainsi le 28 août 2015 la suite de Tigre et Dragon ( Crouching Tiger Hidden Dragon 2: The Green Destiny). Le film sortira en simultané dans les salles IMAX et sur le petit écran, dans tous les pays où le service est présent. Modérons le coup d'éclat : en France, avec la règlementation sur la chronologie des médias, une sortie simultanée en SVàD et sur grand écran est impossible - il ne sera donc disponible qu'en SVàD; et aux Etats-Unis, deux grands circuits de salles (Regal et Cinemark) ont déjà refusé de sortir le film dans leurs salles Imax s'il sort en même temps en SVàD.

Le film, produit par Miramax, est réalisé par Yuen Wo-ping et seule Michelle Yeoh reprend du service dans un casting où l'on retrouve Harry Shum Jr. et Donnie Yen.

Ensuite, ce matin, Netflix a envoyé un communiqué indiquant qu'elle diffusera quatre films produits et interprétés par Adam Sandler, l'un des comédiens les plus populaires aux Etats-Unis (même si son étoile pâlit au box office ces dernières années). Ils seront destinés exclusivement aux utilisateurs de Netflix. "Quand on m'a proposé de faire quatre films, j'ai tout de suite dit oui parce que Netflix c'est trop de la balle! En avant le streaming!" a lancé Adam Sandler. En dehors de Copains pour toujours et de sa suite, Sandler a surtout connu d'importantes déconvenues au box office. Son dernier film Blended n'ayant rapporté que 46M$ et Crazy Dad à peine 37M$. Pour Sandler, c'est une manière de reconquérir son public, plus apte à s'amuser de ses frasques en vidéo le samedi soir. Pour Netflix, c'est l'assurance de proposer des comédies populaires.

Mais pas de quoi faire bondir les utilisateurs français, public ingrat qui n'a jamais vraiment été séduit par l'humour de Sandler.

Loin d'être encore une menace pour ses concurrents français

Ce n'est pas encore avec ces deux premières annonces que Netflix va jouer les perturbateurs dans l'industrie du cinéma - tout comme il n'a pas encore révolutionné l'industrie des programmes pour la télé et internet. Pas de quoi faire peur non plus, en France, au contributeur historique du cinéma français, Canal +. Et quand bien même, Netflix France annoncerait de telles ambitions, il faudrait que la société se plie aux règles de la concurrence et interviennent sur plusieurs films locaux par an.

En s'installant au Luxembourg, comme Apple et Amazon, Netflix y gagne fiscalement et financièrement, c'est certain, et s'enlève de nombreuses contraintes juridiques, c'est évident. Mais le groupe doit contribuer au financement de la production audiovisuelle française en devant verser 2% de son chiffre d'affaires en France au Centre national du cinéma et de l'image. Et Netflix devra payer la TVA à partir du 1er janvier sur ses recettes françaises. En revanche, il ne peut solliciter aucune aide à la production.

Pour l'instant Netflix échappe à l'impôt français sur les sociétés, à l'obligation de signalétique d'âge et aux quotas (60% de contenus européens et 40% de contenus français dans son catalogue). Il ne doit pas non plus s'assurer que 12% de ses recettes proviennent de visionnage de programmes français.

La solution pour remédier à cette distorsion de concurrence ne peut venir que de la nouvelle Commission européenne, qui doit poursuivre le travail de la précédente en obligeant tout diffuseur à respecter les règles du pays auxquels sont destinés les contenus. Si un contenu est diffusé ou consommé en France, le groupe devra respecter les lois françaises.

Même la nouvelle ministre de la Culture et de la Communication, Fleur Pellerin, s'est résolue à ce principe. Jusque là, cette spécialiste du numérique avait, diplomatiquement, chercher à ne pas de fâcher avec les multinationales du Net.

"C'est une situation qui ne doit pas se régler en vilipendant les sociétés qui font ce choix, puisque c'est un choix de rationalité économique", mais en "faisant en sorte qu'on harmonise les conditions fiscales au niveau européen", avait-elle déclaré il y a un mois. Elle va désormais plus loin : "L'avantage concurrentiel qu'ils en retirent doit par conséquent être neutralisé", désignant Netflix, débarqué en France le 15 septembre, sans jamais le citer.

En deux semaines, le réseau français compterait plus de 100 000 utilisateurs en France (Canal + en revendique près de 10 millions et son service de SVàD CanalPlay environ 500 000). Le chiffre peut paraître impressionnant : mais n'oublions pas que l'offre est gratuite pour le premier mois d'abonnement. Reste à savoir combien de téléphages paieront entre 8 et 12 euros par mois pour voir les films et séries de Netflix.

Wild Bunch et Senator, un mariage franco-allemand dans le cinéma européen

Posté par vincy, le 27 juillet 2014

Vendredi 25 juillet, la société française Wild Bunch et la société allemande Senator Entertainment ont annoncé leur mariage pour former un groupe européen de production et de distribution de films. A elles deux, les sociétés couvrent plusieurs pays (France, Allemagne, Espagne, Italie, Bénelux).

Le nouveau groupe aura son propre nom, basé à Berlin et côté à Francfort. Autant dire que Wild Bunch devient plutôt allemand. L'ensemble pèsera 185 millions d'euros. La direction comprendra les trois fondateurs de Wild Bunch, Vincent Grimond qui en sera le P-DG, Vincent Maraval le directeur des contenus et Brahim Chioua, directeur des opérations. Les finances seront réservées à l'Allemand Max Sturm.

Les deux catalogues fusionnés représenteront plus de 2200 titres. L'objectif est d'être présent sur tous les canaux de diffusion. Rappelons que Wild Bunch possède notamment la plateforme de VàD/SVàD FilmoTV.

Wild Bunch a distribué des films comme The Artist, Le discours d'un roi, La vie d'Adèle, Des hommes et des Dieux, Polisse, 9 mois ferme, le dernier Astérix et récemment Les vacances du petit Nicolas et Sous les jupes des filles. Elle produit actuellement le nouveau film d'Emanuelle Bercot, La tête haute, et les prochains films de Roschdy Zem (Boydbuilder) et Jérôme Bonnell (A trois on y va), tout comme le dernier Ken Loach (Jimmy's Hall) ou le Hazanavicius (The Search), tous deux à Cannes cette année.

Senator Entertainment a distribué en Allemagne des films comme Mandela, The Reader, Le discours d'un roi, De l'autre côté du périph', Happiness Therapy, Intouchables, et de nombreux films d'auteurs ou comédies et polars germaniques. Depuis 1987, elle a développé trois unités de production et coproduction en Allemagne et possède déjà à parité une filiale avec Wild Bunch, Central Film Verleih.

Box office, production : le cinéma français entre rires et larmes

Posté par vincy, le 13 juillet 2014

qqu'est-ce qu'on a fait au bon dieu?

Le cinéma français peut pousser un grand cocorico national à la veille du 14 juillet. Le premier semestre a rassuré tout le monde : les spectateurs sont revenus, après une année 2013 décevante. Juin n'a pas été un bon mois (soleil et mondial ont été fatals): les blockbusters américains n'ont pas répondu aux attentes, les gros films français n'étaient pas vraiment bons et les films d'art et essai ont de plus en plus de mal à séduire un large public. Pourtant, 106,2 millions de spectateurs sont venus voir un film durant les six premiers mois de l'année. C'est une progression de 11,4% par rapport au premier semestre 2013.

Un spectateur sur deux est allé voir un film français

Mieux, la part de marché des films français est passée de 33,8% pour l'année 2013 à 48,5% pour le premier semestre 2014, surclassant ainsi un faible cinéma américain. 11 des 27 films ayant séduit plus d'un million de spectateurs sont nationaux. Un a dépassé les 10 millions d'entrées il y a quelques jours (Qu'est-ce que j'ai fait au Bon Dieu?, 8ème film français le plus populaire depuis la seconde guerre mondiale) et un autre les 5 millions d'entrées (Supercondriaque). Les comédies françaises ont le vent en poupe. Le Top 10 provisoire de l'année en compte 5 : outre les deux cités auparavant, on compte aussi Les 3 frères : le retour, Babysitting et Fiston. Un sixième film français se classe dans ce Top 10, La belle et la bête. Côté comédies, ajoutons les beaux scores de Barbecue, du Crocodile du Botswanga et de Sous les jupes des filles.

Les franchises, valeurs sûres américaines

Les films américains semblent bien en retrait. Même s'il ne faut pas oublier les cartons en janvier de films sortis à la fin 2013 (La Reine des neiges, Le Loup de Wall Street, Le Hobbit 2), Hollywood n'a eu que deux films franchissant les 3 millions de spectateurs (Rio 2 et X-Men : Days of Future Past, qui a réalisé un score supérieur à tous les épisodes de la franchise). Deux autres films, des produits Marvel, se classent dans le Top 10 : Amazing Spider-Man 2 et Captain America 2. Dans les semaines à venir, Dragons 2, et sans doute Transformers 4 et la suite de la Planète des singes devraient rééquilibrer le rapport de force France/USA.

La diversité de l'offre, facteur dynamique

En fait, les Américains ont surtout fait des étincelles avec des films d'auteur comme The Grand Budapest Hotel, 12 Years a Slave et Monuments Men qui ont compensé des grosses déceptions et des fiascos.

Tout comme l'animation reste une valeur sûre avec des succès comme La grande aventure Lego, M. Peabody ou Clochette et la fée pirate. N'oublions pas le film français Minuscule ou les succès japonais Le vent se lève et Albator, sorti à Noël. La diversité continue de payer : des films comme Yves Saint-Laurent, Philomena ou Deux jours, une nuit ont trouvé écho auprès d'un large public, qui, hélas n'a pas effacé les nombreuses déconvenues...

Le cinéma français, industrie "low cost"

Pourtant, des risques d'inquiétude pointent. Contre-coup de la crise économique, des mauvais résultats de l'année 2013 qui ont fragilisé les distributeurs, les investissements sont en chute libre au cours de ce premier semestre. -13%, ce n'est pas rien. Même s'il est trop tôt pour faire un bilan, on note qu'à nombre de films quasiment égal (114 en 2014 versus 133 en 2013), les budgets sont en baisse. Le devis moyen est ainsi passé de 4,37M€ au premier semestre 2013 à 3,08M€ au premier semestre 2014. Un seul film (contre quatre l'an dernier) dépasse les 15M€ de budget, Taken 3.

Alors que le gouvernement menace une fois de plus de ponctionner de l'argent dans les caisses du CNC, ces chiffres ne rassurent pas pour l'avenir du cinéma français, qui vire à l'économie low cost. L'an dernier, les deux tiers des projets déposés affichaient un budget de moins de 4 millions d'euros : désormais cette proportion est passée aux trois quarts. Certains évoquent la nouvelle convention collective avec un régime dérogatoire qui "profite" aux très petits films. Mais peu importe les causes. Si les producteurs n'investissent que dans des petits films destinés au festival ou des comédies populaires avec des stars de la scène ou de la télé, c'est bien la qualité française qui y perdra. Et au final, l'embellie du premier semestre ne sera alors qu'un chant du cygne pour un cinéma schizophrénique entre les films d'auteurs acclamés par la critique et les films que vont voir les français dans les salles de cinéma.

On en revient toujours aux "films du milieu", qui ont de plus en plus de mal à exister dans ce panorama entre fanfare et déprime.

Cri d’alarme de 194 professionnels du cinéma français

Posté par vincy, le 19 juin 2014

92 auteurs (dont Pascale Ferran, Cédric Klapisch, Sébastien Lifshitz, Michel Ocelot, Rithy Panh, Bertrand Tavernier...), 20 distributeurs (Le Pacte, Memento, Diaphana...), 26 exploitants, 33 producteurs, 16 politiques et parlementaires (presque tous à gauche et plutôt à la gauche du gouvernement), 7 professionnels et personnalités (dont Gilles Jacob et Pierre Lescure) estiment que le financement des films est aujourd’hui en danger. À l’approche des arbitrages budgétaires qui pourraient se traduire par de nouvelles ponctions sur le budget du CNC, ils ont signé un cri d'alarme collectif dans le Huffington Post.

Politiquement, le plus amusant est qu'on y retrouve de nombreux soutiens à François Hollande, et même des proches de membres du gouvernement actuel. Leur appel surgit au bon moment puisque les derniers chiffres sur le nombre de tournages en France est en chute libre depuis janvier : 51 longs métrages ont été recensés entre janvier et mai contre 72 à la même période l'an dernier. La baisse est de 32%. Elle est pire si on prend en compte le volume des budgets : -33%. Certains accusent déjà la nouvelle convention collective qui a alourdi les coûts du travail et d'autres s'inquiètent de la nouvelle convention chômage pour les intermittents.

"On ne le sait pas assez mais de 2011 à aujourd'hui, ce ne sont pas moins de 310 millions d'euros qui ont été soustraits au financement du cinéma et de l'audiovisuel" expliquent-ils en préambule. Car tout a commencé en 2011 avec 20M€ en moins, aggravé en 2012 avec 50M€, empiré en 2013 avec 150M€ et un peu calmé cette année avec "seulement" 90 M€.

Les "194" rappellent que "les secteurs aidés par le CNC représentent plus de 16 milliards d'euros en valeur ajoutée et plus de 340 000 emplois."

"Avec le détournement programmé d'une partie du produit des taxes pour combler le budget de l'État, notre pays s'engagerait résolument dans la voie d'une politique dangereuse, déstabilisante et illégitime" considèrent les signataires, qui pensent que cette voie est un "pacte d'irresponsabilité". Au nom de l'exception et de la diversité culturelle, ils demandent que l'Etat ne désarme pas le CNC et les ambitions audiovisuelles du seul pays européen encore capable de résister à l'hégémonie américaine.

Ces 194 personnalités du cinéma signent un appel dont voici l'intégralité du texte.

Trop, c'est trop!

Depuis plusieurs années, notre pays s'est engagé dans un effort sans précédent de réduction de la dette et des déficits publics. Comme beaucoup d'autres, la politique de l'audiovisuel, du cinéma et le Centre National du Cinéma (CNC) ont été mis à contribution.

On ne le sait pas assez mais de 2011 à aujourd'hui, ce ne sont pas moins de 310 millions d'euros qui ont été soustraits au financement du cinéma et de l'audiovisuel.

L'effort était important, il participait d'une démarche de solidarité nationale contre laquelle personne ne s'est élevé en cette période de crise. Mais, il doit désormais aussi trouver une limite : la justice et l'efficacité.

Or, à l'heure des arbitrages pour la loi de finances pour 2015, nous poussons un cri d'alarme.

Nul autre pays en Europe n'a su développer une politique du cinéma et de l'audiovisuel aussi efficace que la France. Qu'on en juge : une fréquentation inégalée en salles de 200 millions de spectateurs chaque année, une création cinématographique supérieure à 200 films par an, une part de marché moyenne des films français de l'ordre de 40% (28% en Italie, 22% en Allemagne), une production audiovisuelle de plus de 5 000 heures par an et exportée à travers le monde entier (+14,8% en 2012), avec notamment une filière animation qui fait de la France le leader européen et la troisième puissance mondiale... Et l'impact économique est également important : les secteurs aidés par le CNC représentent plus de 16 milliards d'euros en valeur ajoutée et plus de 340.000 emplois.

Ces résultats reposent sur un financement public original pesant non pas sur le budget de l'État mais sur des taxes prélevées sur les recettes de tous les diffuseurs du cinéma et de l'audiovisuel. Affectées au CNC, et mutualisées au profit de la création française et européenne, ces taxes sont l'oxygène de la politique cinématographique et audiovisuelle.

L'an dernier, le gouvernement s'était engagé à ne plus ponctionner à l'avenir les ressources du CNC. Ces promesses sont en passe de s'envoler : avec le détournement programmé d'une partie du produit des taxes pour combler le budget de l'État, notre pays s'engagerait résolument dans la voie d'une politique dangereuse, déstabilisante et illégitime.

  • Dangereuse, l'initiative le serait assurément après déjà trois années de ponction conséquente des ressources du CNC. Les réserves, destinées à garantir les créances, ont progressivement disparu et le risque est maintenant réel de mettre en péril le soutien au cinéma et à l'audiovisuel.
  • Déstabilisante aussi car elle autoriserait chaque année l'État à fixer le niveau de ressources qui pourrait être soustrait au CNC, faisant planer de lourdes incertitudes sur une politique du cinéma et de l'audiovisuel, transformée en une simple trésorerie dans laquelle puiser.
  • Illégitime et confiscatoire même : comment justifier que des entreprises mises à contribution pour financer la création audiovisuelle et cinématographique voient finalement ces taxes utilisées pour boucher les trous du budget général ? Ce serait non seulement nier le principe d'affectation de ces taxes mais aussi instiller l'idée destructrice qu'il existe une sur-fiscalité culturelle.

Nous ne voulons pas croire que ce véritable pacte d'irresponsabilité pour notre cinéma et notre audiovisuel puisse dessiner demain les contours d'une politique. À l'heure de la multiplication des écrans et des canaux de diffusion et alors que le besoin d'images, d'œuvres cinématographiques et audiovisuelles continue de croître de façon exponentielle, ce serait un suicide politique et culturel que de désarmer le CNC et de mettre un terme à 70 ans d'ambitions pour le cinéma et l'audiovisuel avec des résultats uniques en Europe et dans le monde.

Nous n'oublions pas qu'il y a un an, notre pays, réuni et rassemblé, défendait l'exception culturelle. Il le faisait avec vigueur et efficacité en obtenant l'exclusion de l'audiovisuel et du cinéma des négociations commerciales entre l'Europe et les États-Unis.

Nul ne comprendrait que la France renonce aujourd'hui à ce qu'elle a défendu avec tant de force et de justesse auprès de ses partenaires européens : sa conviction en une politique ambitieuse en faveur de la diversité culturelle, du cinéma et de l'audiovisuel.
Nul ne le comprendrait car ce serait proprement incompréhensible.

Trop de films français ? Le point de vue de 5 personnalités

Posté par kristofy, le 24 février 2014

cesarIl y a déjà eu plusieurs polémiques, comme celle du cachet trop élevés de certains acteurs, à retrouver par exemple ici.

A quelques jours de l'auto-célébration des César, la question qui se pose depuis quelques mois concerne surtout le volume de films produits en France et par ricochets, le nombre trop élevé de films médiocres. 209 films ont été produits en 2013 (dont 154 entièrement français). A peine un quart sera rentabilisé au bout de la chaîne (et seulement une vingtaine aura recouvré son budget lors de son exploitation en salles).

Voici synthétisé ici le point de vue de 5 personnalités d’horizons divers et représentatives d’une certaine diversité qui ont évoqué le problème récemment :
- Catherine Deneuve – actrice, dans près de 120 films (European Film Award honorifique en 2013, Palme d'honneur du festival de Cannes en 2005, Ours d'Or pour l'ensemble de sa carrière et Lion d'argent en 1998, deux César)
- Abdel Raouf Dafri – scénariste, co-scénariste de Le Prophète, Mesrine, Gibraltar, mais aussi de la série Braquo/saison 2
- Xavier Gens – réalisateur de ‘films de genre’ comme Frontière(s) qui a eu une sortie réduite en salles en étant interdit aux moins de 16 ans alors qu'il a été un succès très rentable aux Etats-Unis ou Divide produit aux Etats-Unis et qui n’est jamais sorti en salles en France (mais uniquement en vidéo)
- Amel Lacombe – distributrice, présidente de la société de distribution Eurozoom qui a sorti en France récemment des films qui visent les jeunes adultes (Struck, Imogene, The Spectacular Now) et qui a évoqué le comportement du public français par rapport à ces productions.
- Bruno Dumont – réalisateur de ‘films d’auteur’ : L’Humanité et Flandres (récompensés à Cannes par le Grand prix du jury, un doublé rare), Camille Claudel 1915 (en compétition au festival de Berlin en 2013)

Ils abordent certains aspects de la question, en particulier celui de la qualité des films mais aussi la difficulté d’attirer assez de spectateurs dans les salles.

- Catherine Deneuve :
« Quand je lis un scénario, j’espère qu’il est bon, et que ça ferait un bon sujet pour un film. Je n’ai pas d’autre idée en tête lorsque je lis un scénario. Mais c’est très difficile d’avoir un très bon scénario entre les mains. C’est très rare. Maintenant, il y a plus de films qu’avant. Il est clair qu’en France, nous faisons trop de films. Très souvent, je pense que les scénarios ne sont pas assez travaillés. Il y a trop de films qui, peut-être, devraient être réécrits et attendre un peu plus avant de se tourner. Mais notre politique dans le cinéma français pour les scénaristes est compliquée. On ne peut pas se permettre de travailler pendant un an sans rien toucher. C’est un sujet compliqué. »

- Abdel Raouf Dafri:
« Aux Etats-Unis, le scénario c'est ce qu'il y a de plus sacré. Qu’est ce que c’est que raconter une histoire ? En France on a perdu ça, on ne valorise pas l'écrit, nous ne valorisons pas le matériau scénario. Quand vous regardez Le loup de Wall Street vous avez un acteur, une star internationale, comme Leonardo di Caprio qui se fait mettre une bougie dans le cul, qui se drogue à la coke, qui fait un numéro outrancier au possible, et ça passe. A 71 ans Martin Scorsese envoie le bois. En France c’est très policé, on ne peut pas dire ça ni ça…, et pourquoi on ne peut pas le dire ? Le scénario on le rabote. Quand vous regardez le cinéma français vous pleurez. On fait de l’aseptisé, les gens n’y vont plus. »

- Xavier Gens :
« Le problème du cinéma français c’est qu’on considère la mise en scène dans l’espace, et pas le travail de mise en scène au niveau de l’image. En France on filme un long-métrage comme on filmerait une série télé, 90% des films sont fait comme de la captation de pièce de théâtre. C’est vraiment dommage. Pour moi c’est primordial de raconter quelque chose avec sa caméra, le moindre plan a une signification. Il faut qu’on se serve de cet outil comme un peintre se sert de ses pinceaux pour appliquer des couleurs, la caméra doit servir d’outil pour raconter. »

- Amel Lacombe :
« J'en viens à me dire que plus on fait de pub et de buzz, plus on sert les téléchargements illégaux. Le réflexe, c'est : "je vois de la pub pour le film dans le métro, la presse en dit du bien, hop je le télécharge". Heureusement, tout le monde ne télécharge pas, mais pour les jeunes adultes de la génération smartphone, c'est une autre histoire. Télécharger illégalement un blockbuster qui sort sur 800 copies, c'est moralement et légalement répréhensible. Mais quand on fait la même chose avec un film indépendant qui sort sur moins de 50 copies, les effets sont dévastateurs sur les entrées du film. Sa survie en salles et celle de son distributeur sont alors mises en péril. A côté de ça, on vend de moins en moins en DVD et de moins en moins aux télévisions. Tout ça ne sent pas bon. »

- Bruno Dumont :
« Le cinéma est un art avant un divertissement. Ce qui est grave c’est d’estimer un film en fonction de son nombre d’entrée. Beaucoup de films sont des projets industriels plus que de la culture… Le public n’a pas l’habitude de voir des films d’auteur. Ce sont les médias qui choisissent de ne pas cultiver et d’abrutir le public. Il faut diffuser plus de cinéma, il faut éduquer les masses. »

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Source des extraits de citations : Catherine Deneuve en décembre 2013 à Berlin (pour son European Film Award), Abdel Raouf Dafri en janvier 2014 (via AlloCiné), Xavier Gens en décembre 2013 (via ScreenMania), Amel Lacombe en janvier 2014 (via MetroNews), Bruno Dumont en février 2013 à Berlin (via EcranNoir)

Bilan 2013 : moins de gros budgets mais toujours autant de films français

Posté par vincy, le 27 janvier 2014

lea seydouxLes premières estimations du CNC concernant la production de films français en 2013 ont été publiées mercredi dernier. Le bilan est mitigé : le nombre de films produits est toujours élevé (sans doute trop de l'avis général) et les budgets sont, en moyenne, en baisse. Le nombre de jours de tournage stagne (mais les tournages sont relocalisés en France).

270 films produits en 2013, c'est seulement 9 de moins qu'en 2012. Ce sont d'ailleurs les films européens et les coproductions internationales qui diminuent alors que l'heure est à la coopération et à l'exportation. Au total, 209 films sont d'initiative française, le même chiffre qu'en 2012. Cela représente 5 sorties par semaine. On comprend mieux pourquoi les 2/3 d'entre eux ne trouvent pas leur public.

Cependant, les devis des films d'initiative française sont en baisse de 4%. L'investissement dans les films s'élève à 1,02 milliard d'euros. 45,5 millions d'euros de moins, soit deux gros budgets ou dix films "du milieu". La chute est évidemment plus spectaculaire si l'on prend en compte l'ensemble des productions françaises, incluant les participations minoritaires : 96,5 millions d'euros en moins, soit 7,2% de baisse par rapport à 2012 (pour un investissement total de 1,24 milliard d'euros).

La crise est passée par là. En 2013, un devis moyen est désormais inférieur à 5 millions d'euros, le plus bas niveau en 10 ans. La moitié des films sont produits pour moins de 2,5 millions d'euros, là encore un triste record en dix ans.

Le cinéma français investit moins dans les productions supérieures à 10 millions d'euros : seulement 19 en 2013, contre 33 en 2012. C'est la première fois que le cinéma français produit moins de 20 gros films sur une année. La volonté de ne pas prendre de risque? l'absence d'audace? La résignation à un modèle économique plus raisonnable? Il semblerait que les producteurs préfèrent miser sur le volume de films que sur le volume d'euros dépensés. Une manière de ne pas mettre tous ses oeufs dans le même panier et d'espérer que l'un d'entre eux deviendra une poule aux oeufs d'or.

© CNC 2004 2008 2012 2013
Nombre de films agréés 167 196 209 209
Dont 100% français 130 145 150 154
Investissements totaux (en millions d’euros) 1048,8 1490,4 1342,3 1245,8
Films > 15 millions d’euros 9 18 18 12
Films > 10 millions d’euros 15 17 15 7
Films de 4 à 10 millions d’euros 58 53 47 57
Films de 1 à 4 millions d’euros 65 74 71 79
Films > 1 million d’euros 20 44 58 54

Julie Gayet s’associe avec Charles Gillibert et le milliardaire François Pinault

Posté par vincy, le 13 janvier 2014

julie gayetDepuis jeudi soir, on a tendance à oublier que Julie Gayet est avant tout une actrice connue (Quai d'Orsay et Les âmes de papier sont sortis en salles respectivement en novembre et décembre) et surtout une productrice. Elle avait créé Rouge International en 2007, puis Amarante productions en 2012. Selon Le Parisien daté de ce matin, elle a lancé une troisième société de production, Cinémaphore. Après vérification, on constate bien que la création de cette société a été officialisée en juillet 2013.

Selon Le Parisien, cette société par actions simplifiée compte trois souscripteurs : Julie Gayet, via Rouge international, le jeune producteur Charles Gillibert (un ancien de MK2), via sa société L'arbre secret et, plus modestement, François Pinault (milliardaire et mécène, troisième fortune de France, propriétaire du groupe Kering qui possède notamment Gucci, Balenciaga, Boucheron, Bottega Veneta, et Puma). Gayet en est la présidente tandis que Gillibert est le directeur général. Selon la société de relations publiques de M. Pinault, Image 7 : "Ca arrangeait Gayet et Gillibert d’être trois, et comme Pinault aime bien Julie et son père, il a accepté."

Le Parisien explique que "l’objet de Cinémaphore vise (...) grand : en plus de la création ou de la production de films, ou d’oeuvres littéraires, artistiques, etc. Cinémaphore se lance dans le conseil multiforme (production de films, négoce des droits, etc.) mais aussi dans la création de manifestations culturelles."

Le Film français a interrogé Charles Gillibert : "Aujourd'hui, les fonds privés dans le secteur sont plutôt tournés vers des films plus commerciaux. Notre réflexion nous a conduits à trouver un modèle pour parvenir à les orienter vers des films plus fragiles et plus ambitieux artistiquement. Il est aujourd'hui difficile d'être producteur indépendant sans se poser la question de la recherche de financements alternatifs".

Julie Gayet, 41 ans, gère Rouge International qui a déjà produit 6 films et a plusieurs projets en cours. Elle est la directrice générale de Amarante productions (présidé par Michael Reichling). Charles Gillibert, 36 ans, a produit de nombreux courts métrages chez MK2 ainsi que des films comme Diamant 13, Vénus noire, Lawrence anyways, Sur la route, Après mai, auxquels on ajoutera les prochains films d'Abel et Gordon, Assayas et Hansen-Love à travers sa nouvelle structure CG Cinéma, créée en février 2013.

Rencontres Henri Langlois 2013 : voyage à l’Est du bassin méditerranéen, compétition internationale et leçon de cinéma sur la production

Posté par MpM, le 11 octobre 2013

rencontres henri langlois 2013A l'Est, que du nouveau ! Pour sa 36e édition, le festival international des écoles de cinéma explore les cinématographies du Liban, d’Israël et de Palestine, en présence notamment de Hiam Abbas (Les Citronniers, Héritage...), Raed Andoni (Fix me), Khalil Joreige (The Lebanese Rocket Society, Perfect Day) et Nadav Lapid (Le Policier).

Côté compétition, 45 films (sur les 1424 reçus) venus de 21 pays et 34 écoles ont séduit cette année les membres du comité de sélection. Qu'ils viennent d'Estonie ou du Brésil, de Norvège ou de Turquie, on leur souhaite une carrière à la hauteur de certains de leurs illustres prédécesseurs !

L'an passé, on avait ainsi été bluffé par la mise en scène au cordeau de l'envoûtant Pude ver un puma d'Eduardo Williams ou encore par le ton étonnamment libre et décalé de La Sole, entre l'eau et le sable d'Angèle Chiodo, vrai faux documentaire mêlant animation et prises de vue réelle. Or les deux cinéastes ont à nouveau fait parler d'eux en 2013, le premier avec Que je tombe tout le temps, présenté à la Quinzaine des Réalisateurs, et la seconde avec son nouveau court métrage, Les chiens.

Tous ces jeunes cinéastes sont sur la voie d'auteurs aujourd'hui reconnus comme Andreas Dresen (Septième ciel), Joachim Trier (Oslo, 31 août), Na Hong-Jin (The Murderer) ou encore Pascale Ferran (Lady Chatterley), qui sont eux-aussi passés par les Rencontres Henri Langlois.

Pour compléter ce programme déjà bien rempli, la traditionnelle Leçon de cinéma sera consacrée aux rouages de la production, avec la complicité de la productrice Anne-Dominique Toussaint (Alceste à bicyclette, Le Hérisson, Les Beaux gosses, Respiro...). Plusieurs séances spéciales (dont une consacrée à la Comédie musicale), des avant-premières (dont Jacky au royaume des filles de Ryad Sattouf) et une carte blanche à La Mouette à 3 Queues (collectif d'artistes multidisciplinaires) sont également prévues, sans oublier les incontournables rencontres entre le public et les réalisateurs.

Comme tous les ans depuis 2007, Ecran Noir est fier d'être partenaire de ces Rencontres qui portent si bien leur nom, et vous en fera vivre les principaux temps forts du 29 novembre au 8 décembre.