Venise 2018 – David Cronenberg: « En voyant La Strada, j’ai compris que le cinéma pouvait être un art »

Posté par kristofy, le 6 septembre 2018

cronenberg ©ecran noir

Chaque année la Mostra de Venise décerne un Lion d'or d'honneur pour l'ensemble de leur carrière à différents talents du 7e art. Les derniers récipiendiaires ont été Jean-Paul Belmondo et Jerzy Skolimowski en 2016, Jane Fonda et Robert Redford l'année dernière. Cette année c'est l'actrice britannique Vanessa Redgrave (en ouverture du fesstival) et le réalisateur canadien David Cronenberg.

"Même si Cronenberg est resté confiné au début aux territoires marginaux des films d'horreur, dès son premier film scandaleusement subversif, le réalisateur a monté qu'il voulait séduire un public au-delà des limites de son genre, et il a a su construire, un film après l'autre, un édifice original et très personnel. En évoluant autour de la relation indissociable entre le corps, le sexe et la mort, son univers est peuplé de difformités et d'accouplements terrifiants, une horreur qui reflète la peur devant les mutations produites dans le corps par la science et la technologie, la maladie et la décadence physique. Tous ses thèmes - la violence, la transgression sexuelle, la confusion entre la réalité et le virtuel, le rôle déformant de l'image dans nos sociétés contemporaines - ont contribué à faire de lui l'un des plus audacieux et stimulants cinéastes de l'Histoire, un innovateur de formes et de langages qui n'est jamais lassé.", a déclaré Alberto Barbera, le directeur du Festival.

Parmi tous ses films et ses multiples prix, David Cronenberg a reçu un Ours d'argent à Berlin pour eXistenZ, un prix spécial du jury à Cannes pour Crash, Cannes où il a présenté cinq films en compétition, un Carrosse d'Or pour son œuvre et deux nominations au César du meilleur film étranger (Eastern Promises, A History of Violence). Il a reçu cinq fois "l'Oscar" du meilleur réalisateur au Canada. A Venise il a présenté son film A Dangerous Method en compétition en 2011. David Cronenberg n'a rien tourné depuis Maps to the Stars en 2014, mais il a écrit le roman Consumed (qui sera adapté en série) et il travaille sur un projet de série dont il devrait réaliser les deux premiers épisodes...

cronenberg ©ecran noirDavid Cronenberg reçoit ce Lion d'or d'honneur ce soir en préambule d'une projection spéciale de son film M. Butterfly. Avant cette soirée de gala, il s'est livré lors d'une masterclass en forme de réponses aux questions de spectateurs :

Lion d'or :
Réaliser un film c'est quelque chose de très dur physiquement et émotionellement, c'est un engagement de plusieurs longs mois voir de plusieurs années. Le festival de Venise m'a demandé quel film je souhaitais pour la projection de la séance spéciale de remise de leur récompense. J'ai choisi M. Butterfly parce que tout le monde ne l'a pas vu. Ce tournage a eu lieu en Chine à Pékin, à Budapest, à Paris; ça à été une expérience fabuleuse pour moi de le faire. La plupart de mes films parle d'identité, surtout de création d'identité.

Crash :
N'importe quel artiste qui repousse des frontières dans son art risque de faire face à une certaine censure. Crash a été censuré dans certains endroits, la Norvège par exemple. Il y a eu aussi deux versions avec 10 minutes de moins pour certains DVD, c'est regrettable. Le grand moment pour moi avec ce film a été la projection de Crash au festival de Cannes. Gilles Jacob avait proposé une projection en milieu de festival pour que ça explose comme une bombe, et ça a été le cas avec beaucoup de haine et beaucoup de passion pour ce film.

Enfance :
Quand j'étais gamin, le moyen d'accès à des fictions c'était la radio, il y a eu des grandes séries radiophoniques, Orson Welles en a fait quelques unes. En écoutant ça à la radio, il était possible d'être terrifié. Ce type de séries a disparu remplacé par les séries à la télévision et maintenant celles en streaming via internet. Petit, j'allais au cinéma voir des dessins-animés ou des films d'aventures avec des pirates, je pensais que le cinéma était un divertissement pour les enfants. J'habitais dans un quartier de Toronto qui était devenu italien, avec assez d'italiens pour que le cinéma proche de chez moi passe des films italiens. Un jour j'ai vu des gens sortir du cinéma avec des larmes aux yeux, je me suis demandé quel film pouvait bien avoir ce pouvoir sur des adultes : c'était La Strada de Fellini. C'était la première fois que je comprenais que le cinéma pouvait être un art.

Nouvelles technologies :
Avant notre époque du tout digital, vous savez que la fabrication du film était analogique avec différents procédés de développement de la pellicule. On travaillait à obtenir des couleurs parfaites pour le négatif qui servait d'étalon, mais ça arrivait que la copie projetée en salles de cinéma montre une définition de couleurs un peu différente. Chaque génération de duplication est une dégénération de l'original, un peu comme les enfants (sourire). Le numérique a apporté cette même qualité parfaite pour chaque copie. Les films en Réalité Virtuelle doivent trouver leur propre grammaire, le procédé est fascinant mais quoi en faire ? Moi au bout d'une dizaine de minutes ça me donne envie de vomir, ce n'est pas agréable sur une longue durée. Les drones aujourd'hui deviennent un nouvel outil de cinéma d'ailleurs très utilisé dans des séries, j'en ai acheté un moi-même. Avec, on peut faire des plans qui étaient très coûteux auparavant car il fallait une grue ou un hélicoptère. La technologie est une extension de notre cerveau.

Venise 2018 : le grand (et ambitieux) retour du réalisateur de « La vie des autres »

Posté par kristofy, le 5 septembre 2018

Plus c'est long plus c'est bon ? A Venise beaucoup de films ont une durée de 2h15 ou de 2h30 : First Man de Damien Chazaelle, Roma de Alfonso Cuaron, A Star is born de Bradley Cooper, The Ballad of Buster Scruggs des frères Coen, Sunset de Laszlo Nemes, Peterloo de Mike Leigh, Suspiria de Luca Guadagnino, Dragged across the concrete de S. Craig Zahler, 22 july de Paul Greengrass, The Nightingale de Jennifer Kent... les records étant Nuestro tiempo de Carlos Reygadas (2h53) et Werk ohne Autor (Never look away) de Florian Henkel Von Donnersmark qui s'étend sur 3h08 !

Avec l' abandon des caméras à pellicule (et le temps de leur mise en place) les outils numériques ont permis une réduction des coûts de journées de tournage : on filme davantage de séquences, plus vite et pour moins cher. Difficile parfois de ne pas en utiliser certaines dans le montage final...

Ces 188 minutes de Werk ohne Autor (Never look away pour son titre international, soit "ne jamais détourner le regard", et littéralement "travailler sans auteur") de Florian Henkel Von Donnersmark ne paraissent pas être les plus pesantes : le récit romanesque nous fait suivre une poignée de personnages durant une longue période depuis 1937 jusqu'en 1961, entre Allemagne nazie et Allemagne sous domination soviétique. C'est une autre particularité de la compétition de Venise: beaucoup de films nous renvoient dans le passé.

En 1937, le petit Kurt Barnet est un gamin emmené par sa tante visiter une exposition de peinture. D ans ce musée, il y a toute une partie qui montre des tableaux représentatifs d' exemple d' "art dégénéré'"qui ne doivent plus se peindre en Allemagne (des corps nus ou des abstractions géométriques, comme Kandinsky ou Mondrian). Sa tante est une personne plutôt réfractaire au parti nazi, qu'il faut presque obligatoirement incorporer et saluer. Elle est surprise un jour par sa famille dans un moment de crise exutoire à jouer du piano nue et se frapper la tête : visite chez le médecin, nazi, qui plaide la schizophrénie, et donc le placement dans une institution. C' est précisément ce sujet assez peu évoqué qui hante le film : l'idéologie de race aryenne incitait à la stérilisation contrainte des allemandes diagnostiquées d'un trouble mental ou handicapées. La disparition de cette femme restera un souvenir douloureux pour Kurt, qui après la guerre s'intéresse justement à la peinture. En 1951, Kurt est donc étudiant en art, il rencontre la belle Ellie et c'est le début d'une histoire d'amour dans cette partie Est (aka communiste) de l'Allemagne : pour la peinture, c'est en fait la même doctrine contraignante qu'aux temps des Nazis. Il faut glorifier la famille et l'ouvrier, il faut oublier "l'art décadent". Les médecins nazis qui avaient euthanasié femmes et enfants sont recherchés par le pouvoir, mais il y en a un en particulier qui n'a pas encore été inquiété et qui va de nouveau se retrouver dans l'entourage de Kurt...  Il va falloir enfin faire face au passé...

Avec Never Look Away, on finit ému d'avoir partagé un bout de vie avec ces personnages.

Le réalisateur allemand s'est imposé sur la scène internationale avec La vie des autres en 2006 : César du meilleur film étranger en France et Oscar du meilleur film en langue étrangère. Evidemment,il fut alors courtisé par Hollywwod. En 2010 il dirige Angelina Jolie et Johnny Deep dans The Tourist (remake du film français Anthony Zimmer), un honnête ratage, déséquilibré entre suspens, action et romance. Depuis plus rien... Avec ce nouveau Werk ohne Autor (Never look away) il revient à une thématique familière : une évocation de l'Histoire trouble de l'Allemagne. Cette fois il s'intéresse plus particulièrement à la génération qui a grandit durant la Seconde guerre mondiale, ceux dont les parents ont partagé l'idéologie nazie et ceux dont la famille en ont été victime.

Werk ohne Autor (Never look away) parle beaucoup d'art (la pratique, la recherche, la résonance personnelle...) avec en toile de fond l'oppression (la censure, les directives, la précarité...), et surtout l'art face à la douleur de l'intolérable. La créativité pour renaître.

Kurt est joué par l'Allemand Tom Schilling (La femme au tableau, Suite française, Oh Boy). Ellie est incarnée par Paula Beer, dèjà connue en France pour Frantz de François Ozon (d'ailleurs découverte à Venise avec un prix Mastroianni du meilleur espoir en 2016). Et la menace planante sur leur amour est le terrible le professeur Carl Seeband interprété par Sebastian Koch (qui était l'artiste espionné dans La vie des autres, et qu'on a aussi vu dans Amen, Black Book, Die Hard 5, Le pont des espions, Danish Girl...). L'ensemble de casting est impeccable, le scénario joue avec des scènes romantiques et d'autres tragiques : il ne serait pas étonnant que Werk ohne Autor (Never look away) figure au palmarès de ce festival de Venise.

Florian Henkel Von Donnersmark a déjà reçu une bonne nouvelle il y a quelques jours: son film a été choisi comme le candidat allemand pour l'Oscar du film en langue étrangère. Venise, plus que jamais, reste une voie royale vers la statuette dorée d'Hollywood.

Venise 2018 – Jacques Audiard: « The Sisters Brothers est moins un western qu’un conte »

Posté par kristofy, le 3 septembre 2018

jacques audiard venise 2018 © ecrannoir.frJacques Audiard, c'était jusqu'ici le cinéaste français le plus cannois dans son ADN: Grand prix du jury pour Un prophète, Palme d'or pour Dheepan. Mais pour des raisons de calendrier et de stratégie marketing (comprendre campagne pour les Oscars), son nouveau film The Sisters Brothers, est en compétition à Venise. Son cinéma prend un nouveau virage avec un western américain (bien que tourné en Europe), adapté d'un roman américain, avec un casting anglosaxon prestigieux : John C. Reilly, Joaquin Phoenix, Jake Gyllenhaal et Riz Ahmed.

Dans les années 1850, d'Oregon à la Californie, en pleine ruée vers l'or, des coups de feu éclatent et la grange brûle : c'est l'œuvre des deux frères Sisters. Leur mission est de trouver et de tuer un prospecteur d'or : ils ont plusieurs journées de cheval à faire et ils vont autant se parler que faire parler leurs armes... Car c'est un film bavard, psychologique, parfois ponctué d'action ou de séquences brutales (jusqu'à une amputation pas très agréable). Il y traine une mélancolie surprenante, avec quatre personnages, tous frustrés, qui glissent vers la désillusion et même le désenchantement au fur et à mesure que leur idéal s'éloigne. Le film sera en salles en France le 19 septembre, mais fera d'abord un passage à Deauville.

Venu à Venise, Audiard est accompagné de ses fidèles collaborateurs: Thomas Bidegain pour son scénario où violence et cupidité font mauvais ménage, Alexandre Desplat pour sa musique parfois free-jazz, et l'acteur (et producteur) John C. Reilly, l'aîné des frères Sisters, ont évoqué l'origine de ce film :

john c. reilly venise 2018 © ecrannoir.frJacques Audiard : J'ai été contacté au festival de Toronto par John C. Reilly et sa femme Alison Dickey qui voulaient me faire lire ce livre écrit par Patrick deWitt. Je l'ai lu et ça m'a beaucoup plu pour envisager d'en faire un film. Peut-être que si j'avais découvert cette histoire autrement je n'aurais pas eu ce déclic, mais la ça venait comme une recommandation d'un ami et je m'y suis particulièrement intéressé.

John C. Reilly : J'avais reçu en fait ce récit de The Sisters Brothers avant que le livre ne soit publié, pour une éventuelle production. J'ai pensé que si on en faisait un film, Jacques et son équipe serait le meilleur choix pour que ça devienne un bon film.

Jacques Audiard : J'aime certains films de western des années 70 ou contemporains que j'ai pu voir mais je ne sais pas si je suis un fan de western en tant que genre, pas vraiment. Le livre contenait beaucoup d'éléments irrésistibles qui pouvaient en faire un western original. Je n'avais pas spécialement de références de western pour ce tournage, et si référence il y a eu c'est peut-être plus La nuit du chasseur ou des films de Arthur Penn comme Missouri Breaks et Little big man. The Sisters brothers est moins un western qu'un conte en forme de western. Pour moi c'est un roman de formation, avec deux grands adultes qui sont encore un peu des enfants.

Alexandre Desplat : Il y avait aussi pour la musique cette difficulté de faire un genre de western sans en faire un western classique, car ça a déjà été fait. Comment trouver une voie différente c' était ça la difficulté. Penser clichés de musique de western avec violon et harmonica c'était un piège à éviter. Alors pour cette musique j'ai choisi de prendre une toute autre direction.

Thomas Bidegain : Entre ce film et mon film Les Cowboys, la seule chose chose vraiment commune est la présence de John C. Reilly à l'écran. Je suis plus un fan de western que Jacques. Ce qui est intéressant dans un western c' est de faire un état de la nation à un certain moment.

John C. Reilly : L' histoire des Etats-Unis s'est faite de brutalité et de génocide, on a tué les indiens et les buffles. Vers où on va après la violence ?

Venise 2018 : Suspiria, remake chic et choc

Posté par kristofy, le 2 septembre 2018

C'est le film iconique d'un maestro du 'giallo': Suspiria de Dario Argento, sorti en 1977, peut-il faire l'objet d'un remake ? Déjà à Venise en 2010, la question avait été directement posée à Natalie Portman, présentant alors Black swan, qui était intéressée par coproduire le projet pour jouer un autre rôle de danseuse effrayée... Il y a eu une vague de remake des classiques du cinéma fantastique des années 70: des films mal vieillis devenaient parfois plus efficaces (comme La colline a des yeux de Wes Craven mais par Alexandre Aja) tandis que des chefs d'oeuvre étaient inutilement caricaturés (comme Carrie de Brian de Palma par Kimberly Peirce).

Alors, qu'allait-il en être de Suspiria ? C'est resté une mauvaise idée pendant plusieurs années puis finalement un tournage a commencé... Le voila en compétition cette année à Venise. Sans doute parce que le réalisateur est devenu "hype" depuis son dernier film, alors que Venise l'a souvent snobé tout au long de sa carrière.

Quand l'équipe arrive on retient son souffle : le réalisateur Luca Guadagnino (auréolé du succès de Call me by your name), le scénariste de films et séries de genre David Kajganich, les actrices Dakota Johnson, Chloë Grace Moretz, Mia Goth, la grande Tilda Swinton, mais aussii Jessica Harper (la vedette du Suspiria d'Argento), et Thom Yorke (du groupe Radiohead) qui signe là sa première musique de film. Avec une telle réunion de talents ce remake est forcément attendu : et il est très réussi car il est assez différent de celui de Dario Argento.

Le début du film de 1977 voit l'héroïne arrivée sous la pluie à une prestigieuse école de danse de Fribourg au moment où une pensionnaire s'enfuit perturbée (personne ne la reverra)... Dans ce nouveau film l'histoire se déroule toujours en 1977 et l'académie de danse est à Berlin (ce qui fait un lien avec Cabaret), une pensionnaire perturbée s'en va sous la pluie, elle va parler à quelqu'un, elle (nous) explique ce qui l'inquiète dans cette école, et l'héroïne arrive plus tard.

Les amateurs de frayeur viscérale continueront de préférer l'original de Dario Argento qui fait beaucoup plus peur (malgré la peinture rouge grossière pour imiter le sang), cette peur étant provoquée pour ses mises à mort (les coups de poignard, l'attaque du chien, le piège de barbelés, les hurlements) et par la combinaison des éclairages contrastés (les lumières rouge, vert, jaune, et les ombres) et la musique composée de bruitages stridents. Et c'est seulement en cours de film que l'on découvre la sorcellerie : «Que font les sorcières ? leur seul but c’est de faire souffrir c’est tout en faisant appel au monde de l’occulte elles peuvent obtenir le pouvoir leur permettant d’influer sur la réalité d’agir sur des personnes dans le sens maléfique du concept».

Ce nouveau Suspiria joue plutôt avec une angoisse étrange et diffuse qui devient au fur et à mesure oppressante. Dès le début l'hypothèse de la possibilité de sorcières est déjà exprimée, le spectateur ne cherche pas vraiment quoi mais découvre comment. La tonalité des décors est d'ailleurs plutôt neutre ou sépia, et ce n'est qu'au moment du climax final que la couleur rouge-sang arrive. Dans le pensionnat de Dario Argento il n'y avait qu'une seule séquence d'échauffement de danse, cette fois il s'agit bel et bien vraiment d'une école de danse : on y voit une séquence d'audition, des séances d'exercices et de répétition, et même un spectacle devant un public. Chez Argento les phénomènes surnaturels perturbaient surtout l'esprit de l'héroïne et d'une amie, chez Luca Guadagnino les mauvais sorts s'acharnent surtout sur les corps de danseuses : les corps torturés sont tordus, cassés et désarticulés. Là où Argento était efficace c'était d'avoir concentré l'histoire dans un quasi huis-clos (l'école). Ce nouveau Suspiria raconte cette histoire avec une autre perspective et en parallèle d'autres points de vue, extérieurs à l'école (un vieux médecin, une femme catatonique).

C'est en fait tout la structure de ce nouveau Suspiria qui est différente : le générique d'introduction indique qu'il y aura un découpage en six actes et une épilogue, et surtout le récit va prendre une ampleur inédite : le film dure 2h30 ! Moins effrayant, plus esthétique, plus chic moins choc, se rapprochant davantage du cinéma de Fassbinder, plus dramatique mais moins drôle que l'original.

Prêt à retenir votre souffle ?

Venise 2018 : A Star is Born, duo glam avec Bradley Cooper et Lady Gaga

Posté par kristofy, le 1 septembre 2018

C'est l'affiche la plus glamour de Venise : le duo Bradley Cooper et Lady Gaga pour le film A star is born. Ils n'avaient à priori rien en commun, sauf peut-être leur exigence de 'performer' devant la caméra pour lui et sur scène pour elle, et pourtant leur rencontre fait des étincelles. C'est le premier grand rôle au cinéma de la chanteuse, et c'est la première fois que l'acteur Bradley Cooper est aussi réalisateur. Ce remake d'A star is born, hors-compétition à Venise, ressemble à la fois une comédie romantique, un biopic et un film musical. Les fans de Bradley et les 'little monsters' de Gaga seront aux anges. La surprise est double: Cooper est un chanteur  très convaincant et Gaga se révèle être une bonne actrice.

4e version de l'histoire depuis 1937

Le film était dans les tuyaux depuis plus de 5 ans. Clint Eastwood devait filmer Bradley Cooper et Beyoncé pour une nouvelle version. Il s'agit d'un remake moderne de Une étoile est née de William A. Wellman (1937), avec Fredric March et Janet Gaynor : un acteur célèbre sur le déclin rencontre une apprentie actrice qui rêve de devenir une star... L'histoire se répète en 1954 avec George Cukor derrière la caméra et James Mason et Judy Garland dans le rôle des deux artistes, puis, transposé dans le domaine de la musique en 1976 par Frank Pierson, avec Barbra Streisand et Kris Kristofferson. En plus d'avoir été l'une des influences pour le scénario de The Artist de Michel Hazanavicius, avec Jean Dujardin et Bérénice Béjo.

Ce nouveau A Star is born garde la même structure avec un chanteur célèbre usé et une chanteuse amateur qui rêve de ce métier. Les toutes premières minutes du film nous présentent d'ailleurs les personnages avec simplicité : Bradley Cooper enchaine les concerts et les bouteilles d'alcool dans un bar, et Lady Gaga qui vivote d'un job dans un restau se prépare pour chanter une chanson dans ce même bar. Il est attiré par son interprétation en français de La vie en rose de Piaf, elle le reconnaît et elle est séduite. Premières confidences pour se découvrir sur un parking de supérette, et il lui propose de se revoir...

Pretty Woman à La La Land

Toute la première partie de A star is born est sur les rails classiques de la comédie romantique avec la rencontre entre une jeune femme modeste et un homme riche et célèbre, façon Pretty Woman ou 50 nuances de Grey (pour le rejoindre à un nouveau rendez-vous, il a prévu voiture avec chauffeur et avion). Le sourire de Bradley est irrésistible et les grands yeux de Lady Gaga sont troublants. Il redécouvre une attirance authentique et elle s'émancipe en osant chanter ses textes. Leur séduction en plusieurs étapes charme le spectateur sans réserve. Ensuite leur histoire arrive à une charnière où elle a l'opportunité de faire décoller sa carrière sans lui... Dès lors le personnage de Lady Gaga pend de plus en plus d'importance puisque c'est elle qui devient une star, façon "American Dream" moderne : des milliers de vues sur YouTube puis un contrat pour enregistrer un disque puis un passage à la télévision au Saturday Night Live...

A Star is born montre de manière étonnante que pour devenir une star, il faut perdre beaucoup de son identité, ce qui était déjà le sujet de La La Land. Durant toute la première partie du film on découvre Lady Gaga comme on ne l'a jamais presque jamais vue : au naturel sans lourd maquillage, se moquant de son nez pas beau, appréciant le même genre de musique american-country que joue Bradley Cooper. A partir du moment où justement elle peut devenir une star du disque, elle doit suivre les instructions de son manager : une autre couleur de cheveux, des vêtements plus courts et plus sexy, apprendre une chorégraphie avec des danseurs, chanter sur de la musique calibrée commerciale (cette transformation country authentique vers popstar auto-tunée est d'ailleurs le vrai parcours de Taylor Swift). Elle devient en quelque sorte une autre (un reflet de la vraie Lady Gaga blonde platine) qu'on a du mal à reconnaître et à continuer d'aimer. Il y a plusieurs séquences musicales où la Gaga est particulièrement mise en valeur. Peu importe ses excentricités on se rend compte que son talent provient vraiment sa voix. Mais dorénavant il faut aussi la voir comme une belle actrice, bien plus convaincante que Whitney Houston, Mariah Carey ou même Madonna (hormis peut-être dans Evita).

Venise 2018 : The Favourite, déjà parmi les favoris

Posté par kristofy, le 31 août 2018

Yorgos Lanthimos est l'exemple même de cinéaste révélé par les festivals majeurs et qui, grâce à ce tremplin, attire sur lui l'oeil de la profession pour chaque nouveau projet, avec un casting de stars internationales. Après Canine à Cannes en 2009 et Alps à Venise en 2011, deux films grecs, il poursuit dans la même veine de récit à propos de rapports humains aux règles très étranges avec les films "britanniques" The Lobster (Colin Farrell, Rachel Weisz, Léa Seydoux, John C Reilly, Olivia Colman, Ben Wishaw) et Mise à mort du cerf sacré (Colin Farrell et Nicole Kidman). Il était sans doute temps pour lui de proposer quelque chose de très différent, laissant derrière lui son formalisme glaçant. On lui a alors proposé un scénario so british, écrit par Deborah Fean Davis et Tony McNamara: la cour de la Reine Anne d'Angleterre au début des années 1700 : The Favourite est en compétition à Venise.

La Royauté britannique au féminin a toujours inspiré des œuvres fortes (et des rôles en or pour les actrices) : Elisabeth avec Cate Blanchett (Oscar), The Queen avec Helen Mirren (Oscar), The Young Victoria avec Emily Blunt, Confident royal avec Judi Dench, la série The Crown avec Claire Foy... Est-ce le cas avec The Favourite réalisé par Yorgos Lanthimos ? Bien sûr, production britannique oblige. Les costumes et accessoires sont somptueux dans le cadre d'un grand château. Mais surtout le film est servi par un casting british royal : Olivia Colman, Rachel Weisz, Nicolas Hoult, Joe Alwyn et l'américaine Emma Stone, tous venus à Venise (sauf Rachel Weisz, enceinte).

The Favourite commence de la manière la plus classique et la plus efficace : le spectateur découvre le personnage principal qui pénètre dans un univers avec ses codes. Voici donc Emma Stone (Abigail Masham) qui arrive toute boueuse pour demander assistance à une lointaine cousine : elle a besoin d'un toit et d'une place. Elle est donc engagée comme servante (dans les cuisines en sous-sol) de Rachel Weisz (duchesse de Marlborough), qui est à la fois favorite et amie de confiance de la reine. Emma Stone cherche à monter en grâce auprès de Rachel Weisz et même auprès de la reine elle-même : on n'est pas favorite sans user de diverses manigances...

La reine est justement mal en point avec des douleurs aux jambes, Emma Stone a l'audace de préparer et proposer un onguent d'herbes et de plantes, qui en fait la soulage. Emma Stone est donc remarquée et gagne au passage le privilège de disposer d'une petite chambre plutôt que de dormir à même le sol avec d'autres servantes. Et elle compte bien continuer son ascension avec différents stratagèmes pour devenir de plus en plus indispensable, et donc puissante... The Favourite est raconté sous forme de différents chapitres qui se suivent et au cours duquel elle gagne en influence tout en s'exposant davantage aux dangers en se créant des rivalités avec d'autres personnages de la cour. En coulisse des affaires d'impôt et de guerre doivent se décider selon l'arbitrage et les ordres de la reine, et une favorite est une personne qui peut à la fois espionner ou influencer des décisions.

Dans le rôle de Anne d'Angleterre Olivia Colman livre une interprétation phénoménale de reine autoritaire, instable, acariâtre, fêlée. Elle sera probablement récompensée pour ce rôle à Venise, aux BAFTA, et ailleurs. En France il faudra attendre le 16 janvier 2019 pour voir le film.


Venise 2018 : les Oscars dans le viseur, Netflix sur le tapis rouge

Posté par kristofy, le 30 août 2018

Le Festival de Venise, alias la 75ª edizione della Mostra internazionale d'arte cinematografica, s'est ouvert avec comme rampe de lancement un film prestigieux en ouverture : First Man de Damien Chazelle (oscarisé pour la mise en scène de La la Land, qui ouvrait Venise il y a deux ans), venu pour cette première mondiale accompagné de Ryan Gosling, Claire Foy, Olivia Hamilton, et le scénariste Josh Singer (déjà oscarisé pour Spotlight).

La place de Venise sur le calendrier en septembre, en parallèle du Festival de Toronto et celui de Telluride, le confirme de plus en plus comme un "lanceur" pour la saison des prix. Certains studios dévoilent des productions oscarisables dans ce seul objectif, dédaignant de plus en plus le Festival de Cannes. L'année dernière il y avait eu ainsi La forme de l'eau de Guillermo del Torro (Lion d'or, et président du jury 2018), récompensé quelques mois plus tard par 4 Oscars dont ceux de meilleur film et du meilleur réalisateur, et Three Billboards: Les Panneaux de la vengeance, Oscar de la meilleure actrice et du meilleur second-rôle masculin. Et on remonte plus loin avec avant Premier contact, Jackie, Birdman, The Master, Black swan..

First Man de Damien Chazelle a été apprécié à la fois pour ces scènes d'actions spatiales et pour le drame humain et familial du héros. On se doute qu'il aura une nomination quelque part aux Oscars.

Mais c'est une tout autre question qui agite le Lido : Netflix impose une large présence au Festival de Venise avec 6 films (en compétition ou pas). Sous le label de la plateforme de streaming, persona non grata de la compétition cannoise, on verra donc notamment en compétition trois films Netflix: Roma de Alfonso Cuarón (son nouveau film sans aucune star depuis les 7 Oscars de Gravity), The Ballad of Buster Scruggs des frères Coen (série remontée en film), et 22 July de Paul Greengrass (à propos des attentats d'Oslo et d'Utoya de 2011).

On verra aussi The Other Side of the Wind , dernière oeuvre posthume de Orson Welles (dont le montage arrive 40 ans après sa mort) et le documentaire They'll love me when I'm dead de Morgan Neville (d'ailleurs oscarisé en 2014). Alberto Barbera, le responsable de la sélection de Venise, n'a d'ailleurs pris aucune position particulière à propos de ces films qui ne seront pas visible en salles : il s'agit d'observer le cinéma qui est dans une période de changements et qu'un Festival avait pour rôle de programmer pas des films, sans se préoccuper de leur distribution... "Je ne vois aucune raison d’exclure de la compétition du festival un film de Cuaron ou des frères Coen uniquement parce qu’il a été produit par Netflix" a-t-il déclaré. Venise bénéficie surtout d'un avantage sur Cannes: en Italie il n'y a aucune chronologie des médias contraignante, contrairement à la France. Evidemment, les organisations professionnelles ont critiqué cette prise de position.

Mais l'affaire va plus loin. Le film italien Sulla Mia Pelle d'Alession Cremonini, prévu pour faire l’ouverture de la section Horizon, sortira dans les salles italiennes le 12 septembre, en même temps que sa mise en ligne sur Netflix. Les distributeurs accusent le Festival de favoriser une major américaine au détriment des professionnels locaux, très fragiles.

Du côté Netflix, il y a aussi plusieurs titres encore à Toronto comme Hold the dark de Jeremy Saulnier.

Alors que Cannes avait statué (pas de Netflix en compétition) tout comme Steven Spielberg ("once you commit to a television format, you're a TV movie"), le débat va continuer. Un film Netflix pourrait gagner un Lion d'or à Venise ? peut-être un Oscar ? Cette année la campagne Netflix est en tout cas lancée... L'enjeu n'est pas simplement la reconnaissance par une statuette (et de ses divers bénéfices en dollars) : Netflix cherche à conforter sa position temporaire de leader du streaming, car Disney prépare son offre concurrente DisneyPlay (avec les films Disney, Pixar, la franchise Star Wars, les super-héros Marvel, et aussi tout le catalogue de la Fox racheté pour cela). Dans cette guerre à la captation d'abonnés il faut s'attacher des talents, comme Alfonso Cuarón, les frères Coen ou Paul Greengrass. D'autant que, hormis Okja, ses films n'ont pas encore tout a fait été convaincants, contrairement aux docus et aux séries.

Tout comme dans First Man de Damien Chazelle en ouverture avec Neil Armstrong envoyé sur la Lune : ce qui compte vraiment c'est d'être le premier à planter son drapeau.

Venise 2018: un Lion d’or d’honneur pour David Cronenberg

Posté par vincy, le 19 avril 2018

La Mostra de Venise a annoncé aujourd'hui qu'elle décernerait un Lion d'Or pour l'ensemble de sa carrière au réalisateur canadien David Cronenberg.

Le cinéaste a réagi avec poésie: ""Ce sera vraiment superbe de recevoir le Lion d'Or. J'ai toujours aimé le Lion d'Or de Venise. Un lion qui vole sur des ailes en or, c'est l'essence de l'art, non? C'est l'essence du cinéma. Ce sera presque insupportablement excitant de recevoir mon propre Lion d'or".

"Même si Cronenberg est resté confiné au début aux territoires marginaux des films d'horreur, dès son premier film scandaleusement subversif, le réalusateur a monté qu'il voulait séduire un public au-delà des limites de son genre, et il a a su construire, un film après l'autre, un édifice original et très personnel", a expliqué dans le communiqué Alberto Barbera, directeur de la Mostra de Venise.

Jamais récompensé à Venise

"En évoluant autour de la relation indissociable entre le corps, le sexe et la mort, son univers est peuplé de difformités et d'accouplements terrifiants, une horreur qui reflète la peur devant les mutations produites dans le corps par la science et la technologie, la maladie et la décadence physique", a-t-il ajouté. "Tous ses thèmes - la violence, la transgression sexuelle, la confusion entre la réalité et le virtuel, le rôle déformant de l'image dans nos sociétés contemporaines - ont contribué à faire de lui l'un des plus audacieux et stimulants cinéastes de l'Histoire, un innovateur de formes et de langages qui n'est jamais lassé."

Parmi tous ses films et ses multiples prix, David Cronenberg a reçu un Ours d'argent à Berlin pour eXistenZ, un prix spécial du jury à Cannes pour Crash, Cannes où il a présenté cinq films en compétition, un Carrosse d'Or pour son œuvre et deux nominations au César du meilleur film étranger (Eastern Promises, A History of Violence). Il a reçu cinq fois "l'Oscar" du meilleur réalisateur au Canada. A Venise il a présenté son film A Dangerous Method en compétition en 2011. David Cronenberg n'a rien tourné depuis Maps to the Stars en 2014.

La 75ème Mostra du cinéma de Venise se déroulera du 29 août au 8 septembre.

Guillermo del Toro présidera la Mostra de Venise

Posté par vincy, le 12 février 2018

Finalement quoi de plus logique que de prendre le lauréat de l'année pour présider le jury d'un festival l'année suivante? C'est ce qu'a décidé de faire le Festival de Venise pour sa 75e édition (29 août-8 septembre) en choisissant Guillermo del Toro, Lion d'or 2017 avec La forme de l'eau, pour être son Président du jury, chargé de choisir son propre successeur.

"Guillermo del Toro incarne la générosité, la cinéphilie qui ne regarde pas seulement vers le passé, et une passion pour le cinéma qui suscite des émotions, touche les gens, et en même temps les fait réfléchir. Grâce à son imagination débordante, à sa sensibilité hors du commun et sa confiance dans le pouvoir des images, il a donné vie à un univers fantastique, dans lequel l’amour et la peur peuvent coexister, et chérir la diversité est une valeur fondamentale" a expliqué le directeur du festival Alberto Barbera.

"Être le président de Venise est un immense honneur et une responsabilité que j’accepte avec respect et gratitude. Venise est une fenêtre sur le cinéma mondial et l’opportunité de célébrer son pouvoir et son importance culturel" a expliqué le cinéaste mexicain. Il avait déjà été membre du jury Luigi de Laurentiis Venice Award en 2006.

La Forme de l'eau est favori pour les Oscars (13 nominations) qui seront remis le 4 mars. Le film a déjà reçu près de 50 récompenses, dont le Golden Globe du meilleur réalisateur.

Alfonso Cuaron en 2015 avait été le premier président du jury de nationalité mexicaine dans l'histoire de la Mostra.

Venise 2017 : William Friedkin et Paul Schrader en crise de Foi

Posté par kristofy, le 31 août 2017

Pour sa première journée, la 74e Mostra de Venise présente deux films qui interrogent la religion : en compétition First Reformed de Paul Schrader ou avoir vraiment la Foi en Dieu devient incompatible avec la folie des hommes ; et hors-compétition The Devil and Father Amorth de William Friedkin où nos croyances sont défiées, qu'on soit d'un côté ou de l'autre... Dans les deux films la religion est soit un boulier soit une béquille face aux faiblesses de l'Homme, mais il s'agit surtout des deux dernières oeuvres de cinéastes cultes...

First Reformed, de Paul Schrader :
Ethan Hawke est un homme d’église qui décide d’écrire un journal intime pendant un an. Il voudra détruire cette forme très personnelle de prière, peut-être parce qu’il sait que sa santé n’est plus bonne. Un jour à l’église Amanda Seyfried, enceinte, lui demande de passer à la maison pour parler avec son mari : un activiste écologiste très pessimiste à propos de l’avenir et des conséquences des changements climatiques, au point de ne pas vraiment souhaiter qu’un enfant naisse pour grandir sans espoir… Le révérend essaie de le réconforter "le courage est la solution au désespoir, la raison n’apporte pas de solution". Le film est composé jusque là uniquement de plans fixes avec deux personnages qui dialoguent ou avec seulement une voix-off. On se demande où tout cela va conduire mais il faut attendre la suite... First Reformed est le dernier film écrit et réalisé par Paul Schrader, célèbre comme scénariste (Raging BullLa dernière tentation du ChristÀ tombeau ouvert, et surtout Taxi driver) et en tant que réalisateur de films poisseux comme Hardcore où l’année dernière Dog eat dog (à Cannes). On s'attend à ce que First Reformed, surtout centré sur la religion dans sa première partie, glisse vers une forme de violence, et c’est ce qui va suivre. Plusieurs éléments vont conduire le révérend de l’église vers une réflexion extrême, la forme du film même évolue avec des plans en mouvements (dont une séquence mystique) et peu à peu c’est un plan mortel qui se met en place… Si les voies de Dieu sont impénétrables, le révérend va vouloir provoquer un choc parmi sa communauté. Pour Paul Schrader : "Une éducation catholique sous-entend que l'on peut être lavé de ses pêchés dans le sang : c'est intéressant ce concept pour un film. L'humanité est certainement un problème pour la planète, peut-être en particulier ma génération." Même si le festival de Venise ne fait que commencer, Ethan Hawke est déjà parmi les favoris à un prix d'interprétation.

The Devil and Father Amorth, de William Friedkin :
William Friedkin réalise là un documentaire sur la pratique de l’exorcisme, une quarantaine d’années après son grand succès  L'Exorciste qui était l’adaptation d’un roman inspiré d’un possible cas en 1949... Lui-même n’avait jamais assisté à ce rituel, et comme il paraît qu’environ 500000 personnes y ont recours chaque année en Italie, William Friedkin y est allé : pour filmer un exorcisme pratiqué par le prêtre Amorth sur une dame qui a fait appel à lui, pour la neuvième fois ! La femme bien que maintenue par des proches s’agite vivement avec un ‘jamais’ d’une voix gutturale quand le prêtre avec sa prière demande à Satan de quitter ce corps... La séquence est longue, trop longue et pénible, et on se demande si Friedkin a l’intention de convertir ses spectateurs avant que sa démarche ne trouve son intérêt dans la seconde moitié de son documentaire : il montre les images filmées de cet exorcisme à différents médecins (neurologue, psychiatre) pour leur demander leur avis : si une tumeur pourrait expliquer un état de délirium, si une éducation religieuse incite à croire qu’on puisse être victime d’une possession démoniaque… William Friedkin a directement interrogé la salle : "C'est tellement facile d'être sceptique. Est-ce que quelqu'un ici est certain qu'il n'y a pas de Dieu ?"
Un bien étrange documentaire dont le contenu autant que la durée (68 minutes) en ferait un élément de bonus pour une nouvelle édition vidéo de L'Exorciste...