Adam McKay: deux séries et un film en préparation

Posté par vincy, le 11 novembre 2019

Après une série de comédies et deux films remarqués par la critique et par les Oscars (The Big Short : Le Casse du siècle et Vice), Adam McKay a créé sa nouvelle société de production, Hyperobject Industries, en lien avec Paramount pictures.

Parallèlement, il a laissé tomber la société de production qu'il détenait auparavant, avec, entres autres, Will Ferrell en associé.

Le premier film de cette collaboration devrait être Don’t Look Up, une satire à l'humour noir qui se déroule autour de l'espace, avec deux astronomes qui découvrent une météorite parée à détruire la terre dans les six mois, et qui font le tour des médias pour alerter l'humanité de son prochain désastre.

Il a également signé un deal pour la télévision avec HBO (Warner Media), diffuseur pour lequel il prévoit une mini-série adaptée du livre de la journaliste Julie K. Brown sur le financier et prédateur sexuel Jeffrey Epstein, qui s'est suicidé dans de mystérieuses circonstances en prison cet été. Il souhaiterait aussi adapter en série le livre d'un autre journaliste, David Wallace Wells, The Uninhabitable Earth, essai sur le réchauffement climatique à la manière de Black Mirror.

Un nouvel Elephant Man par Kornél Mundruczo

Posté par vincy, le 10 novembre 2019

Kornél Mundruczó va réaliser un film sur Elephant Man. Le tournage débutera en juin 2020. Le cinéaste hongrois, Prix de la critique internationale à Cannes pour Delta et Prix Un certain regard pour White God, racontera la vie de Joseph Merrick, aka Elephant Man, qui a déjà fait l'objet d'un film, en 1980, de David Lynch (produit par Mel Brooks, huit fois nommé aux Oscars, lauréat du César du meilleur film étranger), et d'une pièce, récemment remontée sur les planches new yorkaises (avec Bradley Cooper) et parisiennes (avec Béatrice Dalle et Joey Starr).

A la manière de La Belle et la Bête, le scénario se focalisera sur l'histoire d'amour malheureuse de Joseph, homme défiguré, et d'une jeune femme qui est assignée à le soigner, dans une résidence où il a été logé pour les dernières semaines de son existence. Le cinéaste renoue ainsi avec le fantastique ( La lune de Jupiter en compétition à Cannes en 2017, Tender son - The Frankenstein Project en 2010).

Kornél Mundruczó a été cherché des producteurs anglo-saxons pour ce film: Straight Up Films (Jane got a Gun) et Phoenix Films (Shutter Island, Black Swan).

Récemment, il avait été confirmé pour réalisé Pieces of a Woman, avec Vanessa Kirby et Shia LaBeouf, dont le tournage n'a toujours pas été calé.

Les nominations aux European Film Awards 2019

Posté par vincy, le 9 novembre 2019

Les nominations des 32e European Film Awards ont été annoncé ce samedi 9 novembre au Festival du film européen de Séville en Espagne. Quelques catégories avaient été dévoilées en amont depuis la fin de l'été. La remise des prix aura lieu à Berlin le 7 décembre, avec un Prix pour sa contribtion au cinéma mondial à Juliette Binoche et un Prix Européen de la meilleure série de fiction pour Babylon Berlin.

Si les films sélectionnés à Cannes constituent l'essentiel des sélectionnés, quelques films présentés à Berlin et à Venise (2018 autant que 2019) sont en bonne position. Le cinéma français est cité dans les principales catégories. Il reste quelques catégories (techniques) mais aussi honorifiques (prix européen pour l'ensemble d'une carrière, prix Eurimages de la co-production) à connaître.

Meilleur film européen
J'accuse ; Les misérables ; Douleur et gloire ; Benni ;  La favorite ; Le traitre

Meilleur réalisateur
Pedro Almodovar (Douleur et gloire) ; Yorgos Lanthimos (La favorite) ; Marco Bellocchio (Le traitre) ; Roman Polanski (J'accuse) ; Céline Sciamma (Portrait de la jeune fille en feu)

Meilleure actrice
Viktoria Miroshnichenko (Beanpole) ; Noémie Merlant (Portrait de la jeune fille en feu) ; Trine Dyrholm (Dronningen) ; Helena Zengel (Benni) ; Olivia Colman (La favorite)

Meilleur acteur
Jean Dujardin (J'accuse) ; Levan Gelbakhiani (Et puis nous danserons) ; Antonio Banderas (Douleur et gloire) ; Pierfrancesco Favino (Le traitre) ; Ingvar E. Sigurdsson (A white white day) ; Alexander Scheer (Gundermann)

Meilleur scénariste
Pedro Almodovar (Douleur et gloire) ; Céline Sciamma (Portrait de la jeune fille en feu) ; Marco Bellocchio, Ludovica Rampoldi, Valia Santella & Francesco Piccolo (Le traitre) : Robert Harris & Roman Polanski (J'accuse) ; Ladj Ly, Giordano Gederlini & Alexis Manenti (Les Misérables)

Les lauréats:

  • Meilleure photo
  • Meilleur montage
  • Meilleurs décors
  • Meilleurs costumes et maquillages
  • Meilleur son
  • Meilleure musique
  • Meilleurs effets visuels


Meilleur documentaire
For Sama ; Honeyland ; Putin's Witnesses ; Selfie ; La Scomparsa du mia madre (La disparition de ma mère)

European Discovery - Prix Fipresci

Aniara de Hugo Lilja, Pella Kågerman ; Atlantique de Mati Diop ; Blind Spot de Tuva Novotny ; Irina de Nadejda Koseva ; Les Misérables de Ladj Ly ; Ray & Liz de Richard Billingham

People's Choice Award - Prix du public

Border de Ali Abbasi ; Cold War de Pawel pawlowski ; Dogman de Matteo Garrone ; Les animaux fantastiques; les crimes de Grindelwald de David Yates ; Girl de Lukas Dhont ; Heureux comme Lazzaro d'Alice Rohrwacher ; Mamma Mia! Here We go again d'Ol Parker ; Douleur et Gloire de Pedro Almodovar ; Le grand bain de Gilles Lellouche ; Parvana de Nora Twomey ; La Favorite de Yorgos Lanthimos ; Les enquêtes du département V: Dossier 64 de Christopher Boe

Prix de la comédie

Ditte & Louise de Niclas Bendixen ; Tel Aviv on Fire de Samej Zoabi ; La Favorite de Yorgos Lanthimos

European University Film Award - Prix des étudiants

Et puis nous danserons de Levan Akin ; Dieu existe, son nom est Petrunya de Teona Stugar Mitevska ; Piranhas de Claudio Giovannesi ; Portrait de la jeune fille en feu de Céline Sciamma ; Benni de Nora Fingscheidt

Prix de l'animation

Bunuel après l'âge d'or de Salvador Simo ; J'ai perdu mon corps de Jérémy Clapin ; L'extraordinaire voyage de Marona d'Anca Damina ; Les hirondelles de Kaboul de Zabou Breitman et Eléa Gobbé-Mévellec

Prix du court métrage

Dogs barking at birds de Leonor Teles ; Reconstruction de Jiri Havlicek et Ondrej Novak ; The Christmas Gift de Bodan Miresanu ; Les extraordinaires mésaventures de la jeune fille de pierre de Gabriel Abrantes ; Watermelon Juice de Irene Moray

Le retour de David Cronenberg … sur Netflix?

Posté par vincy, le 8 novembre 2019

David Cronenberg semblait à la retraite. Mais à l'occasion de la présentation de la version restaurée de son film culte Crash au Festival du Nouveau Cinéma de Montréal, il y a deux semaines, il a confié qu'il travaillait actuellement sur l'adaptation de son roman Consumés, paru chez Gallimard en 2016 (deux ans après sa publication en Amérique du nord).

Cronenberg  aurait vendu l'idée d'une mini-série pour Netflix.

Consumés raconte l'histoire de deux journalistes, Naomi Saberg et Nathan Math, amants et concurrents, qui traquent les affaires sensationnelles. Ils tombent sur l'affaire Célestine Arosteguy, retrouvée mutilée dans son appartement à Paris. Naomi se lance alors sur les traces du mari de la jeune femme, philosophe aux mœurs libertines, et porté disparu. Donc, le principal suspect. A Budapest, de son côté, Nathan photographie le travail d'un chirurgien controversé, Zoltan Molnar recherché pour trafic d'organes... Mais en dormant avec l'un des patients du médecin, il contracte une maladie rare qui l'oblige à revenir à Toronto pour connaître le syndrome.Le tout les mènera vers l'horreur: un complot venu de Corée du Nord où l'on insère des insectes dans les poitrines des femmes.

David Cronenberg n'a rien tourné depuis Maps to the Stars, en compétition au festival de Cannes en 2014.

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[Adèle Haenel] Le cinéma apporte son soutien, le parquet réagit et l’accusé Christophe Ruggia nie

Posté par vincy, le 7 novembre 2019

adele haenel

Les révélations d'Adèle Haenel à propos du comportement du réalisateur Christophe Ruggia sur le tournage des Diables - emprise, attouchements et harcèlement sexuel. alors qu'elle était mineure - n'en finissent pas d'ébranler (enfin?) le monde du cinéma français. Deux ans après #MeToo, le courage de la comédienne a permis de remettre en pleine lumière la situation des femmes victimes d'abus psychologiques, tactiles ou sexuels.

Le Parquet de Paris s'est auto-saisi hier et a ouvert hier une enquête préliminaire pour "agressions sexuelles" sur mineure de moins de 15 ans "par personne ayant autorité" et "harcèlement sexuel". L'Office central de la répression de la violence faite aux personnes sera chargé de l'enquête.

Une victime sur dix porte plainte

Cette décision est intervenue quelques heures après la déclaration de la ministre de la Justice, Nicole Belloubet, au micro de France Inter: "Je pense au contraire, surtout avec ce qu'elle a dit, qu'elle devrait saisir la justice, qui me semble être en capacité de prendre en compte ce type de situations". Or, justement, Adèle Haenel n'a pas porté plainte, expliquant à Mediapart que la justice condamne trop peu souvent ce genre d'affaire et reprochant "une violence systémique faite aux femmes dans le système judiciaire". "Je crois en la justice mais elle doit se remettre en question pour être représentative de la société" avait-elle ajouté.

Selon la lettre de l'Observatoire des violences faites aux femmes, 94000 femmes, majeures, ont déclaré avoir été victimes de viols et/ou de tentatives de viol sur l'année 2017. Seulement 18 % se sont rendues dans un commissariat et, parmi elles, 12 % ont décidé de porter plainte. Ce qui fait une victime sur dix.

Le bourreau se fait victime

Christophe Ruggia, l'accusé, a réagit lui aussi, et sans passer par ses avocats. Cramé à coup sûr, exclu de la SRF, il a reconnu l'erreur d'avoir joué avec elle "les pygmalions avec les malentendus et les entraves qu'une telle posture suscite". En gros d'avoir été trop présent. Il réfute toujours les violences qui lui sont imputées. "Je n'avais pas vu que mon adulation et les espoirs que je plaçais en elle avaient pu lui apparaître, compte tenu de son jeune âge, comme pénibles à certains moments. Si c'est le cas et si elle le peut, je lui demande de me pardonner", explique-t-il dans son droit de réponse.

Il nie mais il sait qu'il est déjà jugé. "Mon exclusion sociale est en cours et je ne peux rien faire pour y échapper, Le Moyen-Age avait inventé la peine du pilori mais c'était la sanction d'un coupable qui avait été condamné par la justice. Maintenant, on dresse, hors de tout procès, des piloris médiatiques tout autant crucifiants et douloureux" affirme-t-il. Cette réaction est aussi typique dans ce genre de cas: le bourreau se fait passer pour victime, et démonétisant ainsi la parole, forte et courageuse, de celle qui a parlé et qui a souffert.

Le milieu du cinéma en soutien

Du côté du cinéma, les diverses représentations ont décidé de réagir à leur tour. L'ARP (Auteurs, réalisateurs, producteurs) soutient ainsi "Adèle Haenel dans cette démarche courageuse". La CGT Spectacle affirme: "Il ne faut plus que le cinéma, l'audiovisuel, le spectacle soient des espaces tolérant +au nom de l'art+ la destruction des corps et des vies de celles et ceux qui les fabriquent". Unifrance a condamné "sans réserve tout fait de violence ou de comportement inapproprié" et indique "que l’association restera particulièrement vigilante sur ces points et annoncent l’élaboration prochaine d’une charte à l’attention des artistes et professionnels amenés à participer aux manifestions organisées ou initiées par" l'organisme.

Dans son "soutien sans faille à l'actrice", l'AFAA (Actrices Acteurs de France Associés) rappelle qu'une telle charte existe: "Nous disons aussi qu'il est urgent maintenant que nos partenaires, producteurs audiovisuels et du spectacle vivant, directeurs de théâtre, réalisateurs, scénaristes, musiciens, techniciens, bref toutes les organisations représentatives de nos métiers,se saisissent également du moment."

Un pop-up store Ghibli à Paris

Posté par vincy, le 6 novembre 2019

boutique studio ghibli © ecrannoir.frIl y a une boutique Harry Potter à côté de l'Opéra. Une boutique éphémère dédiée à l'univers du sorcier et des Animaux fantastiques située boulevard des Italiens et ouverte jusqu'à la fin janvier. Mais le pop-up store à ne pas manquer, c'est "Le château éphémère", entièrement dédiée aux (chers) produits dérivés du studio Ghibli et des créatures de Hayao Miyazaki et d'Isao Takahata, <a href="http://archives.ecrannoir.fr/blog/blog/2018/04/06/isao-takahata-1935-2018-a-rejoint-le-tombeau-des-lucioles/"décédé l'an dernier.

Localisée à Odéon (19 rue Grégoire de Tours), ouverte jusqu'au 15 décembre (attention pour les cadeaux de Noël) tous les jours (le lundi et le dimanche, seulement l'après midi), on y trouvera des Totoro, de quoi fêter les 30 ans de Kiki la petite sorcière et autres peluches, mugs, portes-clefs ayant pour effigie les personnages légendaires du studio, dont on attend le prochain film, Kimi-tachi wa D? Ikiru ka (How Do You Live en anglais, Comment vivez-vous en français) l'année prochaine (au mieux).

Notez aussi que le catalogue Ghibli a été récemment acquis par HBO Max (Warner Media) pour la diffusion des films en streaming.

Park Chan-wook veut faire un remake d’un film de Costa-Gavras

Posté par vincy, le 6 novembre 2019

Alors que le nouveau film de Costa-Gavras, Adults in the Room, sort dans les salles aujourd'hui, Park Chan-wook a annoncé au Festival de Busan qu'il réaliserait le remake d'un des films du cinéaste franco-grec, Le Couperet. Sorti en 2005, Le Couperet est l'adaptation d'un roman de Donald Westlake. Il mettait en scène José Garcia, Karin Viard, Ulrich Tukur, Olivier Gourmet et Yolande Moreau et avait reçu une nomination pour le César de la meilleure adaptation.

Il s'agit de l'histoire d'un cadre qui refuse d'être délocaliser et se retrouve au chômage. Pour retrouver un emploi, il ne voit d'autres solutions que d'éliminer ses concurrents directs. Le cinéaste sud-coréen a confié qu'il s'agissait du projet de sa vie, et qu'il souhaite en faire son chef d'œuvre.

Costa-Gavras et son épouse ayant les droits, Park Chan-wook a décidé de travailler directement avec le couple pour faire aboutir ce projet. Ils seront également producteurs du film, en langue anglaise. Reste à savoir quand le film sera tourné, et avec quel casting.

Sortie DVD : La petite chanteuse de Ladislas Starewitch

Posté par MpM, le 5 novembre 2019

Ladislas Starewitch, cinéaste russe exilé en France, fut un pionnier de l'animation de marionnettes et un précurseur des effets spéciaux réalisés directement devant la caméra. Ses films les plus célèbres (Le rat des villes et le rat des champs, Fétiche mascotte ou encore Le roman de Renard) ont été réalisés en à peine plus d'une décennie, du début des années 20 au milieu des années 30.

Installé à Fontenay-sous-Bois où il installe son propre studio, le réalisateur tourne alors beaucoup (environ deux films par an) et expérimente tout autant. Il poursuit notamment son travail mêlant prise de vues continue et animation, dans des courts métrages réalisés en famille, avec sa fille aînée Irène comme assistante et la cadette, Jeanne, à l'écran, sous le nom de Nina Star. Quatre de ces films (L'épouvantail, Le Mariage de Babylas, La Voix du rossignol, La reine des papillons) ont déjà été édités en DVD en 2013 par Doriane Films. Les trois suivants, La Petite chanteuse des rues (1924), La petite parade (1928) et L'Horloge magique (1928), composent le nouveau programme proposé par l'éditeur sous le titre La petite Chanteuse.

Étrangement, La petite Chanteuse des rues est l'un des films les moins "animés" du cinéaste. On y suit une jeune adolescente (incarnée par Jeanne Starewitch, donc) qui décide de chanter dans la rue en compagnie de son singe pour aider sa mère à payer ses dettes et récupérer la maison dont les a expulsées un usurier plus qu'antipathique. Le fond éminemment social de l'intrigue n'empêche pas une certaine forme d'humour, porté justement par le personnage du singe, tantôt réel, tantôt marionnette animée.

C'est d'ailleurs lui qui finit par sauver la situation en terrorisant au passage le personnage du "méchant". Pris par l'espièglerie du récit autant que par sa dimension tragique, on oublie bien vite que le singe n'est pas toujours réel pour ne voir que ses tentatives audacieuses pour sauver sa maîtresse (et au passage retrouver sa liberté). L'animation est ici entièrement au service du film, destinée à demeurer invisible pour ne pas gâcher le plaisir et l'émerveillement du spectateur.

Moins atypique dans l'oeuvre de Starewitch, La petite parade est au contraire animé à 90%. Inspiré d'un conte d'Andersen (L'intrépide soldat de plomb), il met en scène une danseuse, ses deux soupirants (le Casse-Noisette et un soldat) et le diable, échappé de sa boîte grâce à l'intervention malicieuse d'une poupée de chiffon. Interviennent également des rats et même une sirène. Ce que l'on admire dans ce récit plein de fantaisie au rythme effréné, ce sont les multiples métamorphoses qui y sont présentées, à l'image de ces cigares qui deviennent des danseuses, et du diable qui ne cesse lui-aussi de se transformer devant la caméra, comme autant de tours de magie.

L'autre élément frappant est la vitesse de l'animation, qu'il s'agisse d'une foule de rats attaquant un château-fort ou d'une course poursuite frénétique entre la petite danseuse, le diable déguisé en rat, et un chat valeureux. Le récit semble ainsi ne jamais reprendre son souffle, jusqu'à la conclusion à la fois poétique (deux âmes enfin unies) , morale (la punition du casse-noisettes) et légèrement inquiétante : retourné dans sa cachette initiale, le diable est prêt à sévir à nouveau.

Incontestablement, L'horloge magique est le plus abouti des trois films, et c'est d'ailleurs le plus long. Plusieurs récits s'y mêlent étroitement : la réalité, filmée en prise de vues réelles, le monde de l'horloge, d'inspiration médiévale, et l'univers fantastique de la forêt dans lequel sera possible la rencontre entre la petite-fille de l'horloger et le valeureux chevalier de l'horloge. En plus de la tonalité singulière du récit, qui joue ironiquement avec la vie et la mort de ses personnages ("Réveille-toi, tu vas rater l'heure de ta mort !" s'exclame un personnage), on est frappé par cette horloge monumentale qui semble une allégorie de l'existence. D'autant que lorsque la fillette recule l'heure du destin, les personnages redeviennent de simples figurines que l'on peut jeter par la fenêtre. Certes sauvées d'une mort certaine, elles connaissent l'humiliation d'être des pantins privés de libre arbitre.

Pour réaliser cette histoire ambitieuse aux multiples niveaux de lecture, Starewitch fait une démonstration de sa maîtrise des effets spéciaux, à grands renforts de surimpressions, de rétro-projections et de technique du "cache-contre cache" qui permettent aux créatures de toutes sortes de cohabiter dans un même plan. L'un des passages les plus impressionnants est d'ailleurs celui où Nina rétrécit sous nos yeux puis est hissée, minuscule, dans la main du monstre de la forêt. Il ne faudrait pourtant pas réduire L'horloge magique à un catalogue de prouesses techniques. Au contraire, le spectateur oublie en un instant cet aspect du récit pour se concentrer sur son humour, sa vivacité et son irrévérence. C'est pour cette raison que l'on peut revoir l'oeuvre de Starewitch presque un siècle plus tard, à l'ère du tout numérique, et y trouver un plaisir inchangé : chez lui, le trucage, l'effet spécial et les rouages de l'animation demeurent en permanence au service d'une certaine idée de la poésie et du cinéma de divertissement.

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La petite chanteuse de Ladislas Starewitch, 1924-1928, Doriane Films

Suite aux révélations d’Adèle Haenel, la SRF exclut Christophe Ruggia

Posté par vincy, le 4 novembre 2019

C'est une première. La Société des réalisateurs de films a décidé de lancer aujourd'hui la procédure de radiation de l'un de ses membres, Christophe Ruggia. Suite à l’enquête parue dans Médiapart, la SRF a exprimé "son soutien total, son admiration et sa reconnaissance à la comédienne Adèle Haenel, qui a eu le courage de s’exprimer après tant d’années de silence. Nous tenons à lui dire que nous la croyons et que nous en prenons acte immédiatement, sans nous dérober à notre propre responsabilité et sans faire l’économie de notre remise en question collective." Christophe Ruggia pourra s'expliquer ou contester son exclusion face au conseil d’administration.

Dans cette enquête de plusieurs mois, réalisée et publiée par Mediapart, l'actrice doublement césarisée et d'autres témoins ont confié les agissements du réalisateur lors du tournage et de la promotion de son film Les Diables. Christophe Ruggia réfute les accusations, et a fait savoir, par ses avocats n'avoir "exercé un harcèlement quelconque ou toute espèce d’attouchement sur cette jeune fille alors mineure". Adèle Haenel, qui avait alors entre 12 et 15 ans (Christophe Ruggia avait entre 36 et 39 ans) a expliqué que le cinéaste avait exercé son emprise sur elle, des attouchements et du harcèlement sexuel.

"Je veux dénoncer le système de silence et de complicité qui, derrière, rend cela possible"

La SRF explique qu'elle a été "est un des lieux qui a fait exister Christophe Ruggia fortement depuis 2003". Celui-ci en a été le co-président en en 2006, 2001, 2013, 2014 et 2018. "La grande majorité des membres du Conseil d’Administration ignorait tout de cette histoire, certain.e.s connaissaient la dynamique d’emprise révolue, tous ignoraient la dimension sexuelle de cette affaire" précise l'organisation.

"D’abord, il y a eu la « honte », profonde, tenace, indélébile. Puis la « colère », froide, qui ne l’a pas quittée pendant des années. Et enfin l’apaisement, « petit à petit », parce qu’il a bien fallu « traverser tout cela ». En mars 2019, la colère s’est ravivée, « de manière plus construite », à l’occasion du documentaire de la chaîne HBO sur Michael Jackson, qui révèle des témoignages accablants accusant le chanteur de pédocriminalité, et met à jour une mécanique d’emprise" raconte Médiapart. "La honte isole. La prise de parole nous met en commun, ça fait de nous un peuple. C'est important de constituer ce peuple militant, actif qui contribue à la société" explique l'actrice dans son interview vidéo sur Médiapart.

Adèle Haenel a finalement exprimé sa colère. "Je veux raconter un abus malheureusement banal, et dénoncer le système de silence et de complicité qui, derrière, rend cela possible" explique-t-elle au site. Celui-ci a vérifié son témoignage auprès de ses proches, de la directrice de casting, de membres de l'équipe du film, dont l'acteur Vincent Rottiers et de la réalisatrice Mona Achache, ex-compagne de Christophe Ruggia. dèle Haenel, à l'époque, décide de renoncer au cinéma face à cette violence: "J'avais le jeu dans les tripes, c'était ce qui me faisait me sentir vivante. Mais pour moi, c'était lui le cinéma, lui qui avait fait que j'étais là, sans lui je n'étais personne, je retombais dans un néant absolu."

"En tant que cinéastes nous devons questionner notre pouvoir et nos pratiques"

"Comprendre et mettre au jour les mécanismes d’impunité est la grande leçon et le sens même de la démarche de la comédienne. Adèle Haenel a décidé de porter une parole politique en offrant son histoire à autopsier et investiguer. Nous saluons sa générosité et son courage.  Nous nous engageons pleinement dans cette dynamique. En tant que cinéastes nous devons questionner notre pouvoir et nos pratiques, sur les plateaux et comme collectif. C’est aussi notre vocation et notre responsabilité" rappelle la SRF.

En pleine affaire Weinstein, la Société des réalisateurs de films s’engageait à "œuvrer pour une révolution des rapports hiérarchiques dans l’industrie du cinéma ncore trop inégalitaire, fortement hiérarchisée", contre les "abus de pouvoir, centralisation du pouvoir dans les mains des mêmes, dérives sexuelles s’appuyant sur la part affective à l’œuvre dans le processus de fabrication des films." En France, peu d'affaires ont été révélées, hormis le cas de Luc Besson et celui, plus récent de Patrick Bruel, sans que cela n'affecte réellement, pour l'instant leur carrière. Ruggia, quant à lui, n'a rien tourné depuis dans la tourmente en 2012.

"Je dois le fait de pouvoir parler à celles qui ont parlé avant dans le cadre de #Metoo"

Une relation, selon les termes de Médiapart, "exclusive" et "trop affective", qui aurait conduit à l’occasion de la tournée promotionnelle du film à du "harcèlement sexuel". Pour l'actrice, la justice n'était pas la réponse, car, selon elle, les tribunaux condamnent peu les agresseurs: "La justice nous ignore, on ignore la justice" déclare-t-elle. "Je dois le fait de pouvoir parler à celles qui ont parlé avant dans le cadre de #Metoo. C'est un responsabilité pour moi, aujourd'hui je ne suis pas dans la même précarité que la plupart des gens à qui ça arrive. Je voulais leur parler à eux. Leur dire qu'ils ne sont pas seuls" clame-t-elle dans la vidéo mise en ligne sur Mediapart.

Palmarès, films à suivre et animation russe : retour sur la 15e édition de Mon premier festival

Posté par MpM, le 4 novembre 2019

La 15e édition de Mon Premier Festival s'est achevée mardi 29 octobre par l'annonce très attendue du palmarès. C'est le film néerlandais Fight girl de Johan Timmers (sans date de sortie pour le moment) qui a séduit le jury composé d'enfants. Il s'agit de l'histoire de Bo, une jeune fille en souffrance, qui retrouve un équilibre à travers la pratique de la boxe.

Pour la première fois, le jury a également récompensé la meilleure musique de film. Fabien Leclercq (alias Le Motel) a ainsi été distingué pour Binti de Frederike Migom (sans date de sortie) qui aborde à hauteur d'enfants la question des sans-papiers. Le public avait lui aussi la possibilité de voter, et c'est La dernière vie de Simon de Léo Karmann (attendu en salle en 2020) qui a été plébiscité par les jeunes spectateurs. On y suit Simon, 8 ans, un orphelin qui rêve d'être adopté. Mais Simon a un pouvoir secret : celui de pouvoir prendre l’apparence de chaque personne qu’il a déjà touchée.

Le Festival fut également l'occasion de repérer les films à suivre parmi les avant-premières. Pour les plus jeunes, le programme Zibilla ou la vie zébrée raconte avec douceur et humour des histoires d'exclusion qui font toujours écho d'une manière ou d'une autre avec leur vécu. Zibilla, l'héroïne du court métrage principal, est une enfant adoptée qui vient s'installer dans une nouvelle ville. Problème : elle est une zèbre dans un monde de chevaux. Mais c'est en affirmant sa personnalité bien à elle qu'elle viendra à bout des moqueries et des préjugés.

A voir à partir de 5 ans, Le monde animé de Grimault permet de redécouvrir 4 films du maître de l'animation française : L'épouvantail, Le Voleur de paratonnerres, La Flûte magique et Le Petit soldat. Des histoires drôles et subversives dans lesquelles le faible défie systématiquement le fort ou l'autorité, et qui sont un formidable moyen de (re)nouer avec l'oeuvre sautillante, ironique et poétique de Grimault. A redécouvrir sur grand écran dès le 6 novembre, accompagné d'un autre programme, destiné aux plus grands, qui comporte quatre autres films donnant un large aperçu de la palette sensible du réalisateur.

Pour les plus grands (à partir de 8 ans), le festival a également permis de découvrir L'extraordinaire voyage de Marona d'Anca Damian plusieurs mois avant sa sortie (8 janvier). Le film qui a enchanté Annecy, et dont nous avons déjà eu l'occasion de vous dire le plus grand bien, à la fois en raison de sa sensibilité, de sa fantaisie, et de sa liberté, figure définitivement parmi les incontournables de 2020.

Enfin, Mon Premier festival est toujours l'occasion de se pencher sur une cinématographie particulière, et cette année les jeunes festivaliers étaient particulièrement gâtés puisqu'il s'agissait de l'animation russe ! Ils ont ainsi pu se régaler toute la semaine avec différents programmes de courts métrages, un focus sur le réalisateur Garri Bardine et la (re)découverte de deux très beaux longs métrages : Tout en haut du monde de Rémi Chayé (2016) et La Reine des neiges de Lev Atamanov (1957).

Garri Bardine demeure irrémédiablement l'un des cinéastes d'animation russes les plus captivants de ces trente dernières années. En plus de son humour et de sa fantaisie, flagrante dans l'ode à l'imagination et à l'enfance qu'est La Nounou, dans lequel un petit garçon se crée de toutes pièces une nounou aux nombreux pouvoirs magiques, on est frappé par la manière dont il utilise les conventions de l'animation comme éléments de l'intrigue, notamment en jouant sans cesse sur les matériaux, ou la matière, qui constituent ses personnages.

Dans La Nounou, on assiste à rien de moins que la mise en abyme du processus de création de la marionnette. Dans Le Loup gris et le petit chaperon rouge, ce sont les corps qui s'étirent, s'allongent, se déforment au gré de l'histoire et de ses péripéties, jusqu'à l'explosion finale du ventre du loup. Dans Hop-là badigeonneurs, les multiples accidents provoqués par les apprentis-peintres les obligent sans cesse à se remodeler eux-mêmes. Dans Adagio, allégorie anxiogène sur le rejet de l'Autre et le fanatisme, les personnages sont de simples feuilles de papier pliées, uniformément grises, qui renvoient à une humanité universelle. Il y a ainsi chez le réalisateur une volonté d'améliorer sans cesse la réalité grâce aux artifices de l'animation qui lui permettent d'ajouter des niveaux de lecture complémentaires.

Il faut enfin souligner l'oeuvre d'un autre maître de l'animation russe, Youri Norstein, dont étaient présentés deux courts métrages : Le Héron et la cigogne et Le Hérisson dans le brouillard. On entre avec ces deux films dans l’œuvre particulière du cinéaste russe à qui l’on doit également le magnifique Conte des contes. Dépouillé, dans un registre de couleurs qui se cantonne à un camaïeu de gris, de verts foncés, de marron, de noirs et de blanc, les deux films sont des démonstrations de la finesse et de la poésie mélancolique de Norstein. Dans le premier, un héron et une cigogne ne cessent de se courtiser puis de se refuser, à tour de rôle. Dans le second, un petit hérisson se rend chez son ami l’ourson pour observer les étoiles, mais se trouve pris dans une nappe de brouillard qui rend inquiétant le décor familier.

Dans les deux films, les éléments météorologiques (la pluie dans l’un, le brouillard dans l'autre) influent sur l’ambiance feutrée et intimiste des récits, brouillent l’image, et vont dans le cas du hérisson jusqu’à plonger le spectateur dans une angoisse diffuse. Dans ce dernier, on est par ailleurs émerveillé par le rendu duveteux du brouillard, le travail sur les ombres, et la tension anxiogène créée à partir d’un jeu de « caméra » subjective qui nous met à la place du hérisson, soudain plongé dans un monde flou où tout est menace potentielle. Un conte délicat qui se termine bien mais laisse malgré tout notre hérisson songeur et mélancolique, et le spectateur stupéfait par une telle splendeur.  D'ailleurs, entre les enfants qui assistaient à la projection, et les adultes présents, on ne saurait dire lesquels étaient les plus émerveillés.