2018 dans le rétro : la bonne année du cinéma de genre

Posté par kristofy, le 27 décembre 2018

C’était quoi le cinéma de genre en 2018 ?

On avait observé l’année dernière que 2017 avait été symbolique d’un certain glissement vers une reconnaissance du cinéma de genre : certains de ces films dépassent ‘leur public’ et obtiennent un plus large succès auprès du ‘grand public’. Le film de monstre La Forme de l’eau de Guillermo Del Toro, sorti en février, avait reçu le Lion d’or de Venise avant de décrocher 4 Oscars : meilleur film, meilleur réalisateur, meilleurs décors, et meilleure musique (au français Alexandre Desplat) ; Get Out de Jordan Peele a engrangé 254 millions de dollars de recettes mondiale pour un budget d’environ 5 millions tout en recevant le convoité Oscar du meilleur scénario original ; et en France c’était le film Grave de Julia Ducournau qui avait fait l'évènement pour finir avec le Prix Louis-Delluc et 6 prestigieuses nominations aux Césars.

Ils sont où les films de genre français avec des zombies affamés ou des aliens envahisseurs ? C’est la bonne nouvelle de 2018 : il y a eu plus de films français de ce type distribués en salles, et plusieurs sont des premières œuvres. Parfois l’élément fantastique est central, parfois il réside en périphérie. Il peut prendre la forme d'un polar ou celle d'une introspection intime. En bonus, on y voit aussi quelques noms célèbres sur les affiches.

Une belle diversité

Citons dans ce panorama très diversifié : Burn Out de Yann Gozlan (avec François Civil, Olivier Rabourdin, Manon Azem), Revenge de Coralie Fargeat (l'actrice Matilda Lutz a été retenue dans les 34 révélations pour les prochains Césars), Les Garçons sauvages de Bertrand Mandico (qui ensuite a reçu le Prix Louis-Delluc du premier film, ex-aequo), La nuit a dévoré le monde de Dominique Rocher (avec Anders Danielsen Lie, Golshifteh Farahani, Denis Lavant), Ghostland de Pascal Laugier, Madame Hyde de Serge Bozon (avec Isabelle Huppert), Dans la brume de Daniel Roby (avec Romain Duris, Olga Kurylenko), Caniba de Verena Paravel & Lucien Castaing-Taylor, Climax de Gaspar Noé, Hostile de Mathieu Turi, High Life de Claire Denis (avec Robert Pattinson et Juliette Binoche), et sur Netflix La Femme la plus assassinée du monde de Franck Ribière (avec Anna Mouglalis). A noter toutefois comme les années précédentes que certains de nos talents doivent chercher un soutien hors de France à l’international pour leurs projets (au Canada, Etats-Unis, Canada, Espagne…), ce qui induit souvent un tournage en langue anglaise (Ghostland, Revenge, Hostile, High Life…).

Le maître du suspens Stephen King a même salué à sa manière le cinéma français avec cette éloge : « Juste quand vous pensiez que les films de zombies ont été épuisés, un film parfaitement remarquable débarque, réalisé par Dominique Rocher, intitulé La Nuit a dévoré le monde. Il va vous laisser bouche bée. »

La France est toujours un peu en retard pour le soutien à ses cinéastes de genre : Xavier Gens à réalisé The Crucifixion et Cold Skin, qui ne sont pas sortis chez nous, Julien Mokrani a vu la production de son projet Les Sentinelles abandonnée… Pourtant les nouveaux talents français sont déjà là et ils sont nombreux : Steeve Calvo, William Laboury, Mael Le Mée, Just Philippot qui ont eu une distribution sur grand écran de leurs courts-métrages en février avec 4 histoires fantastiques. Par ailleurs, les films Tous les dieux du ciel de Quarxx et Girls with balls de Olivier Afonso font le tour des festivals en attendant d’être exploités en salles, tout comme Furie de Olivier Abbou. Combien d’entre eux vont devoir s’exporter ailleurs pour leurs prochains projets ?

Le CNC prend enfin la mesure (tardive) que le film de genre français contribue aussi à faire grandir plusieurs métiers techniques spécialisés (effets spéciaux, maquillages et prothésistes, cascadeurs, décors…) et qu’il faut les soutenir  : « Notre volonté est d’encourager la diversité au cinéma et d’inciter les créateurs à s’engager sur des voies insuffisamment empruntées. En France comme à l’étranger, en particulier au sein de la jeune génération, il y a un réel engouement, pour les films de genre : les créateurs français y ont toute leur place ! ». Trois projets en particulier vont être aidés par une bourse dans leur production : La nuée de Just Philippot, Ogre de Arnaud Malherbe, Else de Thibault Emin (une extrapolation de son court-métrage d’il y a 10 ans, en sortie de Fémis, c’est dire si le chemin est long). Il faudrait désormais que les distributeurs suivent, surtout quand il y a une interdiction aux moins de 16 ans.

Des hits au box office

Cette année dans les salles de cinéma le public a eu beaucoup d’occasion de frissonner. Le surnaturel a fait peur avec Verónica de Paco Plaza, Hérédité de Ari Aster (avec l'excellente Toni Collette), Sans un bruit de John Krasinski (avec la non moins excellente Emily Blunt), L'Exorcisme de Hannah Grace de Diederik Van Rooijen et La Nonne de Corin Hardy (avec Taissa Farmiga et Demian Bichir), qui, avec 1,4 million d'entrées en france se hisse au niveau de Ron Howard et Guillermo del Toro. L’horreur s’est cachée dans Le Secret des Marrowbone de Sergio G. Sánchez (avec Anya Taylor-Joy et Mia Goth), Strangers: Prey at Night de Johannes Roberts (avec Christina Hendricks), American Nightmare 4 : Les Origines, qui est aussi millionnaire en entrées, The Strange Ones de Christopher Radcliff, sans compter quelques frayeurs du côté du monde jurassique ou du labyrinthe post-apocalyptique.. L’Asie dont les multiples pays produisent des dizaines de bons films de genre a été quasiment ignorée cette année 2018, mis à part les sorties trop discrètes de Battleship Island de Ryoo Seung-wan et de Avant que nous disparaissions, d'Invasion de Kiyoshi Kurosawa. De son côté, le japonais Shinsuke Sato a gagné pour la seconde fois le Corbeau d'or au BIFFF avec Inuyashiki, film toujours invisible en France...

Les surprises les plus fortes de l’année en films de genre, de la SF à l'horreur, nous sont venues en fait des plus grands cinéastes : Guillermo del Toro avec La Forme de l'eau, Steven Spielberg avec Ready player one, Lars von Trier avec The House that Jack built, la version en 3D de Détective Dee : La légende des Rois Célestes de Tsui Hark, et Ghostland de Pascal Laugier. 2018 a été aussi l’occasion de redécouvrir le classique de Stanley Kubrick 2001 : l'odyssée de l'espace dans une restauration célébrant son 50ème anniversaire.

Hollywood continue encore de produire/distribuer des suites ou des remakes de grands succès passés: Halloween de David Gordon Green (avec Jamie Lee Curtis), Suspiria de Luca Guadagnino (avec Dakota Johnson et Tilda Swinton), The Predator de Shane Black. Ou s'acharne à écrire de mauvais films dans l'air du temps comme Unfriended, Action ou vérité?, Escape room. Parallèlement, de nombreux titres pourtant de qualité, portés par des sélections en Festivals, sont ignorés (Tigers are not afraid de Issa Lopez) ont n’arrivent qu’en DVD/VàD (comme Muse de Jaume Balagero). Il faut donc aussi désormais évoquer la plateforme Netflix : c’est là qu’il fallait aller pour découvrir Apostle de Gareth Evans, Hold the dark de Jeremy Saulnier, Illang the wolf brigade de Kim Jee-woon, Psychokinesis de Yeon Sang-ho, The night comes for us de Timo Tjahjanto, Annihilation d'Alex Garland, avec Natalie Portman, Bird Box de Susanne Bier, avec Sandra Bullock, et donc aussi La Femme la plus assassinée du monde de Franck Ribière (avec Anna Mouglalis).

Le genre était de genre féminin, assez logiquement. La plupart des films marquants, soit par leur popularité, soit par les louanges reçues, avaient une ou plusieurs héroïnes, victimes ou/et combattantes.

Alors finissons avec une belle promesse (au féminin) pour 2019: Alita: Battle Angel. Réalisé par Robert Rodriguez et coproduit par James Cameron, cette adaptation du manga japonais Gunnm nous transporte le futur... bien au-delà de 2019

2018 en 40 films (2/4): En guerre, Chris the Swiss, L’île aux chiens, La route sauvage, Senses et Love Simon!

Posté par MpM, le 26 décembre 2018

Coup de coeur : Chris The Swiss d'Anja Kofmel
Pour les amateurs de cinéma hybride, entre enquête policière et portrait intime.

Coup de coeur : En guerre de Stéphane Brizé
Pour continuer la lutte sociale jusque devant un écran de cinéma.

Senses de Ryusuke Hamaguchi
Pour ceux qui aiment les sagas intimistes et l'autopsie frontale du tumulte des sentiments.

La route sauvage d'Andrew Haigh
Pour découvrir un jeune acteur prometteur (Charlie Plummer) et s'élancer avec lui dans un récit initiatique du décidément talentueux Andrew Haigh.

The Cured de David Freyne
Pour ceux qui attendent 28 mois plus tard : l'épidémie pourrait être sous contrôle, mais...

Chasseuse de géants (I Kill Giants) de Anders Walter
Pour ceux qui ont encore des yeux d'enfant et pas encore un cœur de pierre : la fabuleuse mignonnerie de l'année.

L'île aux chiens de Wes Anderson
Pour l'inventivité et le délire au service d'une fable "orwellienne" qui a du chien...

Have a nice day de Liu Jian
Pour une vision vitriolée de la société chinoise contemporaine.

Love, Simon de Greg Berlanti
Pour celles et ceux qui ont toujours rêvé de voir une comédie romantique centrée sur un personnage LGBTQ.

2018 dans le rétro : la belle année du cinéma d’animation

Posté par MpM, le 25 décembre 2018

De Fireworks de Akiyuki Shimbo et Nobuyuki Takeuchi le 3 janvier à Mirai de Mamoru Hosoda le 26 décembre, le cinéma d'animation n'aura pas beaucoup quitté l'affiche en 2018. Cette année aura d'ailleurs été exceptionnelle à plusieurs titres pour les films animés.

C'était en effet la première fois, en février dernier, qu'un court métrage d'animation était couronné par un Grand Prix à Clermont Ferrand (Vilaine fille d'Ayce Kartal, en compétition nationale). Pour la première fois également, un film réalisé en stop-motion remportait quelques jours plus tard le prestigieux Ours d'argent de la meilleure mise en scène à Berlin (L'île aux chiens de Wes Anderson). Deux récompenses ultra-symboliques qui prouvent que les mentalités changent, les barrières tombent, les préjugés reculent. Breaking news : le cinéma d'animation est avant tout du cinéma, et ça commence à se savoir !

En force à Cannes


A Cannes, festival réputé frileux pour tout ce qui n'est pas prise de vue réelle, l'animation semblait d'ailleurs être partout (et pas seulement dans les programmes de courts métrages !) : en compétition dans les sections parallèles (Chris the Swiss d'Anja Kofmel à la Semaine de la Critique, Samouni Road de Stefano Savona et Mirai de Mamoru Hosoda à la Quinzaine), en séance spéciale à l'officielle (Another day of life de Raúl de la Fuente et Damian Nenow), mais aussi en guest star dans plusieurs films de la sélection officielle, à l'image de Leto de Kirill Serebrennikov, Under the silver lake de David Robert Mitchell et The house that Jack built de Lars von Trier. En touches légères, pour l'humour ou la dérision, l'animation apportait cette année une grosse dose de liberté à des films en quête de singularité formelle.

Pour ce qui est de l'offre en salles, là encore 2018 aura été riche et éclectique, offrant des longs métrages pour tous les goûts, et moins de suites ou de reboots qu'en 2017, même si ceux-ci sont assez incontournables dans le marché du cinéma contemporain. Le plus notable dans le domaine fut évidemment Les indestructibles 2 de Brad Bird, 14 ans après le premier volet, mais on peut aussi citer Maya l'abeille 2, les jeux du miel de Noel Cleary et Sergio Delfino, Tad et Le secret du roi Midas de Enrique Gato et David Alonso, et bien sûr le nouveau volet des aventures d'Astérix et Obélix, Le Secret de la potion magique, par Alexandre Astier et Louis Clichy. Côté adaptation, difficile de faire l'impasse sur Croc-blanc d'Alexandre Espigares qui redonne vie au héros de Jack London avec l'un des plus gros budgets du cinéma français de l'année.

Le dynamisme jamais démenti des films pour jeune public


Sans surprise, ce sont les films à destination du jeune public, voire du très jeune public, qui sont largement en tête des sorties, à l'image de Agatha ma voisine détective de Karla Von Bengston, Pierre Lapin de Will Gluck, Le voyage de Lila de Marcela Rincon Gonzalez, Yéti et compagnie de Karey Kirkpatrick et Jason Reisig, Capitaine Morten et la reine des araignées de Kaspar Jancis ou encore Pachamama de Juan Antin. Sans oublier le grand retour des studios Aardman avec Cro-man de Nick Park, qui ne s'est pas tout à fait avéré à la hauteur des attentes,  celui de Michel Ocelot, qui s'est planté avec son Dilili à Paris inventif visuellement mais souffrant d'un scénario ultra didactique et d'une interprétation outrée, et la belle surprise Spider-man : new generation de Peter Ramsey, Bob Persichetti, Rodney Rothman.

Les programmes de courts étaient eux-aussi au rendez-vous : Rita et crocodile de Siri Melchior, L'étrange forêt de Bert et Joséphine de Filip Pošivac et Barbora Valecká, Le quatuor à cornes de Benjamin Botella, Arnaud Demuynck, Emmanuelle Gorgiard et Pascale Hecquet, La grande aventure de Non-Non de Matthieu Auvray, le programme collectif Ta mort en shorts, Mimi et Lisa, les lumières de Noël de Katarina Kerekesova et Ivana Šebestová... et plusieurs très belles sorties de films "du patrimoine" : le merveilleux Alice Comedies 2 de Walt Disney et l'indispensable Révolte des jouets (qui réunit trois courts métrages de Bretislav Pojar et Hermina Tyrlova), tous deux distribués par Malavida, et l'également formidable programme Les Contes merveilleux de Ray Harryhausen (Carlotta Films) qui permet de (re)découvrir les premiers films en stop motion de ce grand maître des effets spéciaux.

Les documentaires hybrides et l'animation pour adultes


Mais 2018 aura également relancé la veine de l'animation documentaire et à destination des adultes. A Cannes, trois films sur quatre étaient des documentaires, qui mêlaient tous animation et prise de vue continue pour aborder des sujets historiques ou politiques sensibles : la mort d'un journaliste suisse pendant la guerre en ex-Yougoslavie (Chris the Swiss), le quotidien d'une famille de Gaza city frappée de plein fouet par l'offensive terrestre israélienne "Plomb durci"' en 2009 (Samouni Road) et la guerre civile en Angola (Another day of life).

A Annecy, ce sont deux films forts, abordant l'Histoire récente, qui ont remporté les principaux prix : Funan de Denis Do qui revient sur la période terrible de la dictature des khmers rouges au Cambodge (Cristal du meilleur long métrage) et Parvana de Nora Twomey, qui dépeint la condition de vie des femmes dans l'Afghanistan des Talibans. Le reste de la sélection était d'ailleurs à l'avenant, avec deux films sur le conflit israélo-palestinien (Wall de Cam Christiansen et Wardi (anciennement La Tour) de Mats Grorud), un essai au vitriol sur la religion (Seder-Masochism de Nina Paley), un portrait cruel de la Chine contemporaine (Have a nice day de Liu Jian) et même un témoignage saisissant sur un important conflit social du début des années 50, Un homme est mort d'Olivier Cossu.

Dans un registre plus intime, mais tout aussi grave, Happiness road de Hsin-Yin Sung (présenté hors compétition et sorti pendant l'été) est un beau récit introspectif sur le temps qui passe, les choix que l'on fait et les rêves que l'on poursuit. Sélectionné à Annecy l'an passé, Silent voice de Naoko Yamada est quant à lui l'adaptation sensible et audacieuse d'un manga qui aborde la question du handicap et du harcèlement. Preuve qu'il n'existe pas de sujets tabous en cinéma d'animation, et qu'il est au contraire parfois le format idéal pour faire passer certaines images difficiles à supporter.

Et 2019 alors ?


Dans la continuation du beau dynamisme 2018, 2019 devrait nous réserver quelques belles surprises. Ca commence dès le 23 janvier avec la première sortie dans les salles françaises du premier film d'Hayao Miyazaki, Le château de Cagliostro, qui fêtera ses 40 ans ! On verra aussi enfin plusieurs films dont nous vous parlons depuis plusieurs mois, à savoir Another day of life de Raúl de la Fuente et Damian Nenow, Wardi de Mats Grorud, Funan de Denis Do et Tito et les oiseaux de Gustavo Steinberg, Gabriel Bitar et André Catoto Dias.

Côté suites, on découvrira Minuscules 2, les mandibules du bout du monde de Thomas Szabo et Hélène Giraud, Dragons 3 de Dean deBlois, Ralph 2.0 de Rich Moore et Phil Johnston, La grande aventure lego 2 de Mike Mitchell, Toy Story 4 de Josh Cooley, Shaun le Mouton Le Film : La Ferme Contre-Attaque de Richard Starzak ou encore La reine des neiges 2 de Jennifer Lee et Chris Buck.

Enfin, dans le registre des grandes impatiences, on n'en peut plus d'attendre Buñuel après l’âge d’or de Salvador Simo, La Fameuse invasion des ours en Sicile de Lorenzo Mattoti, L'extraordinaire voyage de Marona d'Anca Damian et quelques autres qui, malheureusement, ne verront peut-être pas le jour avant 2020... C'est peut-être là le grand défaut de l'animation : souvent, elle requiert une certaine dose de patience.

2018 en 40 films (1/4): Call me By Your Name, Black Panther, Jusqu’à la garde, La douleur, The Rider et deux Spielberg!

Posté par wyzman, le 24 décembre 2018

Coup de coeur : Black Panther de Ryan Coogler
Pour les fans de blockbusters aux intrigues politiques et tous ceux qui ont toujours rêvé d’un film de super-héros entièrement porté par des hommes et femmes de couleur.

Coup de coeur : Call Me By Your Name de Luca Guadagnino
Pour tous ceux dont l’inoubliable éveil sexuel s’est fait aux côtés d’un.e partenaire plus âgé.e ! (mais pas seulement)

Seule sur la plage la nuit de Hong Sang-soo
Pour une variation mélancolique sur les thèmes de prédilection de Hong Sang-soo (les rapports amoureux, le milieu du cinéma, le hasard et les coïncidences).

Pentagon Papers de Steven Spielberg
Pour comprendre ce qui n'est pas une Fake-news. On y parle de divulguer des secrets du gouvernement, c'est légal ça ? Si on ne leur demande pas des comptes, qui le fera ?

La douleur d'Emmanuel Finkiel
Pour découvrir Mélanie Thierry en allégorie de l'attente.

La Forme de l'eau Guillermo del Toro
Une fable racontée par Guillermo del Toro en forme : on plonge à fond.

Les destinées d’Asher de Matan Yair (28/03)
Pour tous ceux qui cherchent encore le sens de la vie.

La mort de Staline d'Armando Iannucci
Pour ceux qui aiment l'humour absurde. Rappel: Personne ne devrait voir cette "raillerie insultante envers le passé soviétique", il y en a qui ont essayé, ils ont eu des problèmes.

Jusqu'à la garde de Xavier Legrand
Pour cette spirale infernale qui nous mène dans une salle de bain où l'effroi et les tremblements se ressentent même chez le spectateur.

Reader Player one de Steven Spielberg
Pour ceux qui ont joué sur à Space Invaders et pour leurs enfants, qui croient encore que le virtuel les sauvera de l'ennui...

The Rider de Chloé Zhao
Pour les amoureux de rodéos et de cowboys et tous ceux qui se demandent encore qui sont vraiment les électeurs de Donald Trump.

Quinzaine 50 : un florilège de 49 années de cinéma en liberté – partie 2, après Deleau

Posté par redaction, le 18 mai 2018

Héritière directe de ceux qui voulaient affranchir le cinéma de ses chaînes en 1968, la Quinzaine célèbre cette année sa 50e édition. L'occasion d'une promenade à son image - en toute liberté, et forcément subjective - dans une histoire chargée de découvertes, d'audaces, d’enthousiasmes, de coups de maîtres et de films devenus incontournables.

En partenariat avec Critique-Film. Retrouvez tout le dossier ici.

Plus d'un millier de longs-métrages ont été programmés en quarante-neuf éditions de la Quinzaine. Nous avons invité divers rédacteurs, critiques et autres amoureux du cinéma à évoquer en quelques lignes des films qui ont marqué l’Histoire de la Quinzaine ou qui les touchent, qui sont devenus de grands classiques du cinéma ou simplement de leur histoire personnelle. Des œuvres qui ont su émouvoir, faire frémir et réfléchir, nous ont poussé à nous interroger sur le sens de la vie et du monde, sur notre rapport aux autres et à nous-mêmes en apportant leur pierre à un renouveau de la grammaire cinématographique ou avec des ambitions formelles plus modestes. Multiplicité de formes et d’expressions, de styles et de propos, pour un voyage purement subjectif dans les 49 premières sélections de la Quinzaine.

Voici donc notre florilège de plusieurs dizaines de titres découverts à la Quinzaine par Pierre-Henri Deleau et ses successeurs Marie-Pierre Macia, François Da Silva, Olivier Père, Frédéric Boyer puis Edouard Waintrop qui quitte ses fonctions cette année. Il est évidemment trop tôt pour dire ce que nous réserve Paolo Moretti l'an prochain mais nous restons curieux de découvrir ce qui nous sera proposé en mai 2019. Nous sommes déjà impatients…

1999

Charisma de Kiyoshi Kurosawa

Charisma c’est cet arbre dont une minuscule communauté d’excentriques reclus dans une forêt se dispute la légitimité : l’arbre maintient-il la forêt en vie ou l’empoisonne-t-elle au contraire ? Mais cet arbre, cette forêt et cette communauté ne sont peut-être après tout que la triste rêverie de cet officier de police qui n’a pu empêcher un massacre, lui qui croyait qu’il pouvait sauver et les otages et le preneur d’otage. Dans son exil, il renouvellera sa question : ne peut-on sauver et la forêt et l’arbre ? Film de l’étrange, maillon immanquable entre un Cure plus inspiré du thriller et un Kairo plus intimiste, Charisma ne trouvera son pendant que bien plus tard, avec Le Secret de la Chambre Noire où il est également question de plantes et de poison. La nature chez Kiyoshi Kurosawa, humaine ou végétale, peut être destructrice : la fantasmagorie sera toujours salvatrice. (Cécile Brou)

Haut les coeurs ! de Sólveig Anspach

La Quinzaine a présenté le premier et le dernier long métrage (posthume) de Solveig Anspach. Tout un symbole… Dans Haut les cœurs, il est question de maladie et de désir d’enfant, de vie et de mort. Une œuvre forte, violente, dont le propos interpelle. Dix-sept ans plus tard, L’effet aquatique, plus lumineux et gai, est lui aussi un hymne à la vie et à l’amour qui rappelle que Solveigh Anspach n’avait pas son pareil pour croquer les petits riens de l’existence, les liens qui se nouent, le hasard qui frappe. (Marie-Pauline Mollaret, Ecran Noir)

Virgin Suicides de Sofia Coppola

Évoquer le premier long métrage de Sofia Coppola ne va pas sans évoquer la notoriété du groupe Air et de l’actrice Kirsten Dunst, rendue célèbre par ce film aussi envoûtant que dérangeant. Critique douce-amère de l'Amérique conservatrice bien pensante, incarnée par des adultes visiblement dépassés par la lucide effronterie des adolescentes évanescentes, on n’oubliera pas qu’il s’agit avant tout d’une histoire tragique délicatement contée par un petit groupe de garçons impuissants et malheureux de n’avoir jamais pu percer les secrets de la féminité. (Cécile Brou)

2001

Les Harmonies Werckmeister de Béla Tarr

Et dire que la sélection officielle est passée à côté de ce chef d’œuvre absolu de Béla Tarr dans lequel une petite ville hongroise semble frappée de folie suite à l’arrivée d’un cirque qui présente une baleine naturalisée. Fable cosmique et existentialiste désespérée, Les Harmonies Werckmeister est une plongée sidérante dans un monde en décomposition avancée que subliment l’esthétisme du noir et blanc et les longs travellings aériens du cinéaste. (Marie-Pauline Mollaret, Ecran Noir)

2002

Le Voyage de Morvern Callar de Lynne Ramsay

C’est l’histoire d’une jeune femme dont la vie bascule brutalement : son petit ami s’est suicidé en lui laissant son roman inédit. Mais au lieu de faire son deuil, elle ne dit rien à personne et fait mine de continuer avec sa vie. Lynne Ramsay, dont c’est seulement le deuxième long métrage, observe son héroïne à distance, et la suit dans ce qui est en réalité une traversée du vide, une plongée dans un monde soudain privé de sens, avant, on le pressent, un apaisement progressif. (Marie-Pauline Mollaret, Ecran Noir)

2003

Pas de repos pour les braves d'Alain Guiraudie

Ce merveilleux conte absurde, où le personnage principal ne peut plus dormir, sous peine de mourir, est l’occasion d’une formidable galerie de portraits loufoques et poétiques dans un Sud-Ouest de western où les villes s’appellent Oncongue ou Bouénozères. Alain Guiraudie s’amuse comme un petit fou, brouille les pistes, force le trait, nous perd en route, puis nous rattrape, médusés et ravis, avant de repartir gaiement pour de nouvelles montagnes russes romanesques et saugrenues. (Marie-Pauline Mollaret, Ecran Noir)

Interstella 5555: The 5tory of the 5ecret 5tar 5ystem de Kazuhisa Takenouchi

Avec Leiji Matsumoto (dessinateur d’Albator) au graphisme et le groupe Daft Punk à la musique (album Discovery), cet Interstella 5555 est probablement l’un des films les plus hype présenté à la Quinzaine. L’histoire (des musiciens sont enlevés pendant un concert puis emmenés sur terre où ils deviennent des stars à la merci d’un tyran mégalo) est un prétexte savoureux pour aborder des thèmes chers au groupe et au réalisateur : le star-system, l’industrie du disque ou encore le space opera mélancolique. Le tout truffé de nombreuses références (de 2001 Odyssée de l’espace à Goldorak) qui en décuplent la puissance d’évocation. (Marie-Pauline Mollaret, Ecran Noir)


2004

The Taste of tea d’Ishii Katsuhito

Le cinéma a souvent narré l’histoire de moults familles dysfonctionnelles, ce qui n’est pas le parti pris de The Taste of tea, se savourant comme un mochi acidulé, à déguster avec un moka bien frappé ! Les différentes générations d’Haruno vivant sous le même toit déploient chacune leur singularité et chaque membre de la famille poursuit son idéal ou sa quête avec extravagance. C’est avec légèreté que le réalisateur s’est prêté à un récit choral fantaisiste, où chacun décline sa vision du bonheur, humoristique et candide, sous les notes enjouées du groupe Little tempo, réputé pour ses steel-drums aux sonorités reggae dans l’archipel nippon. Toutes ces trajectoires empruntent des voies d’accomplissement plus ou moins inattendues et prennent des formes oniriques ou incongrues, ce qui rend le film visuellement rafraîchissant et ludique. Ce dernier a permis aussi d’assoir la notoriété de certains acteurs : Tadanobu Asano, figure incontournable du cinéma d’auteur, ainsi qu’ Anna Tsuchiya, consacrée « idol » J-rock début des années 2000. (Celia, www.cinemacoreen.fr)

2006

Bug de William Friedkin

Une femme seule, vivant dans la crainte de voir réapparaître son ancien mari violent, rencontre un homme solitaire dont elle apprécie la sensibilité. Mais d’étranges insectes viennent perturber ce bonheur parfait. En pleine forme, William Friedkin dénonce et instrumentalise tout à la fois une théorie du complot qu’il pousse à son paroxysme. Dans ce thriller anxiogène et minimaliste, l’ennemi est sans conteste intérieur et le plaisir (masochiste) du spectateur décuplé. (Marie-Pauline Mollaret, Ecran Noir)

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Quinzaine 50 : entretien avec Pierre-Henri Deleau – épisode 8, les liens avec la SRF

Posté par redaction, le 18 mai 2018

Héritière directe de ceux qui voulaient affranchir le cinéma de ses chaînes en 1968, la Quinzaine célèbre cette année sa 50e édition. L'occasion d'une promenade à son image - en toute liberté, et forcément subjective - dans une histoire chargée de découvertes, d'audaces, d’enthousiasmes, de coups de maîtres et de films devenus incontournables.

En partenariat avec Critique-Film. Retrouvez tout le dossier ici.

Maître d'oeuvre des trente premières éditions de la Quinzaine, Pierre-Henri Deleau est considéré comme «l'âme» de la Quinzaine, celui qui a su donner une identité à cette section marquée par son éclectisme et ses choix aventureux et un goût sur sur pour un cinéma audacieux, dénué du conservatisme qui plombait les premières années de la sélection officielle du Festival de Cannes.

Merci à lui pour le temps qu'il nous a accordé pour ce long entretien que nous avons dévoilé sous forme de feuilleton, sur plusieurs jours, et dont voici le dernier épisode.

Quels étaient vos rapports avec la SRF [Société des Réalisateurs de Films] lorsque vous dirigiez la Quinzaine ?

Je n'en n'avais pas. Vous voyez, ma grande erreur est de ne pas avoir créé une association Quinzaine des Réalisateurs. La maison mère et juridique de la Quinzaine, c'est la SRF dont le président à l'époque était Robert Enrico.

J'ai été tout de suite membre de la SRF quand elle s'est créée, parce que j'étais assistant de Jacques Doniol Valcroze qui a créé la SRF. Il a pris deux secrétaires généraux adjoints, Jean-Daniel Simon, communiste, et moi, gaulliste. Il disait, comme ça, ça va s'équilibrer. C'est Doniol qui a choisi le nom de Quinzaine des réalisateurs. Il disait, «moi quand j'ai créé Les Cahiers du cinéma, c'était un format cahier, donc j'ai appelé ça Les Cahiers du cinéma» mais les metteurs en scène ont eux choisi « cinéma en liberté ». Ça avait un côté révolutionnaire, du coup Valcroze a pris la décision de le sous-titrer quand même Quinzaine des réalisateurs parce que ça dure quinze jours et que nous sommes réalisateurs. Il avait dessiné un petit bonnet phrygien sur le I de liberté avec une cocarde. Pour se foutre d'eux. Il avait raison, il m'avait dit il faut un titre aussi simple que les Apiculteurs du Var. C'était gentil Cinéma en liberté, mais les gens ne le retenaient pas.

Très vite, au fur et à mesure que la Quinzaine a eu de plus en plus du succès, la SRF a commencé à me dire que je prenais pas assez de films français. Mais pour moi c'est une question de politesse qu'il n'y ait jamais plus de films français que la plus importante sélection étrangère. Pour être à Cannes, il faut être aussi bon que les films étrangers sélectionnés. Il y avait de plus en plus de candidatures. Moi, j'ai réduit le nombre de films français au fil des ans pour que les gens aient du temps pour rattraper les films. Ils ont alors commencé à me faire des emmerdements mais Doniol et Pierre Kast étaient là, donc ils me protégeaient, ils étaient ma garde rapprochée comme je disais. Alors du coup ils ont créé Perspectives du cinéma français au milieu des années 70, qu'ils ont confiée à Jacques Poitrenaud. Lequel Poitrenaud – qui n'était pas un grand metteur en scène au passage – s'est entouré d'une commission de réalisateurs pour choisir les films français. Évidemment, c'était des réalisateurs qui ne tournaient pas puisqu'il fallait être libre pour voir, entre mars et avril surtout, cinquante films français pour en prendre neuf-dix, mais ils avaient tendance à en prendre trop. Ils se servaient la soupe entre eux, si bien qu'au bout de cinq ans, Perspectives était totalement démonétisé. Les gens se demandaient mais pourquoi ont-ils pris ça ? Qu'est-ce que ça fait à Cannes ? Perspectives est mort de sa belle mort.

Vous ne vous en occupiez pas du tout ? Pourtant, vous aviez quand même des films français. Ça ne faisait pas doublon ?

Je n'avais rien à voir avec Perspectives. Au début, je continuais d'avoir le droit de prendre des films français et j'en prenais deux ou trois. Perspectives en prenait entre huit et dix. La critique à la fin faisait juste un papier récapitulatif de cette section en citant les rares qui étaient intéressants, si bien que Poitrenaud se défendait en disant que je prenais les meilleurs français – évidemment, les mêmes films étaient candidats aux deux – et que donc il ne pouvait pas exister. On m'a donc interdit de prendre des films français. Donc j'ai eu des années sans films français. La première année, j'ai hurlé. Et puis d'un seul coup je me suis dit «t'es complètement idiot ! te voilà complètement libre désormais !». Ça a en effet été la liberté absolue. Jusqu'au moment où Perspectives est mort de sa belle mort. Je suis rentré d'un voyage de prospection pour la Quinzaine, bien longtemps après. Le président était alors Denys Granier-Deferre qui me nomme soudain patron de Perspectives. Poitrenaud était viré. Il me l'avait déjà proposé et j'avais dit non, je ne reprends pas une image de marque si mauvaise. Ça le fait pas. Je suis allé le voir et lui ai dit 1) on change de nom, 2) je gère moi-même le budget, 3) il y a plus de commission, rien, ça n'existe plus, ça, sinon va te faire voir. Il a dit oui et j'ai fait cinémas en France. La première année, j'ai trouvé trois films et demi, parce qu'il y en avait un de 45mn de Bruno Podalydès. Pas plus que dans une sélection normale. Ça a hurlé mais ils étaient bons.

Vous avez suivi les sélections de vos successeurs ?

Non, pas tous. Et je ne suis jamais redescendu à Cannes. Je vois les films quand ils sortent à Paris. Pas tous, mais j'en vois un maximum. Je ne dis rien, mais il y a des films que je n'aurais pas pris. Mais quand j'aime comme I am not a witch l'an dernier, j'appelle Waintrop pour lui dire «là dis donc, tu m'en as bouché un coin ». Là j'étais fier de la Quinzaine. On a créé de vrais liens quand il a été nommé. Je vois 500 films par an, donc je vois des films de la Quinzaine, mais je n'ai croisé jamais les autres sélectionneurs.

Que pensez-vous du départ d'Edouard Waintrop, l'actuel délégué général de la Quinzaine ?

Ça me scandalise profondément. Des cinq délégués qui m'ont succédé en vingt ans, Marie-Pierre Macia pendant quatre ans, François Da Silva une seule année, Olivier Père six ans puis Frédéric Boyer deux, et lui ce sera sa septième, c'est le meilleur que j'ai vu. Attention, je dis ça de l'extérieur. Il a fait exister la Quinzaine à nouveau. Le communiqué de la SRF pour annoncer son départ, en gros, c'était «il l'a tellement rendu vivante que ça nous permet l'alternance !». Vous avez une équipe de foot qui gagne, vous virez les joueurs, vous ? Autrement dit, a contrario, s'il avait merdé ses Quinzaines, peut-être qu'ils l'auraient gardé ? C'est grotesque de l'avoir viré alors que ça marche. Il n'est pas vieux, Waintrop, il n'a pas d'égo, c'est un historien, il a un réseau, la confiance des réalisateurs et a même a repris une partie de mon ancienne équipe. Je les ai tellement martyrisés ! François Da Dilva est parti de lui-même, il disait qu'il n'y arrivait pas. Marie-Pierre Macia, c'est Pascal Thomas qui l'a virée. Pascal, c'est un cinéphile. Cette année là, c'était sa quatrième année à elle. Il est descendu à Cannes, a vu tous les films de la Quinzaine puis, remonté à Paris, il m'appelle en me disant «mais tu ne peux pas savoir ce que j'ai vu ! C'est scandaleux, je veux la virer ! Est-ce que je peux le faire ?». Il n'avait pas regardé les statuts ! Je lui réponds qu'il peut, qu'il en a le pouvoir. Mais là c'était autre chose, c'était après coup. Il lui a dit qu'il ne renouvellerait pas son contrat.

Avec Waintrop, ça s'est passé avant sa dernière édition. La SRF l'a convoqué en amont de la cinquantième pour lui dire que, quoi qu'il arrive, ce serait sa dernière année. Et en plus le nom du nouveau délégué a été annoncé AVANT. Allez préparer une Quinzaine en sachant que vous êtes de tout façon viré et que votre remplaçant est déjà nommé ! Le procédé n'est pas élégant. Si, après la cinquantième, ils lui avaient dit, ben voilà, on ne te renouvelle pas, ok, mais pas comme ça et pas avant. Est-ce qu'il paye le fait d'avoir refusé des films de membres du conseil d'administration ? Je m'interroge. Ils lui reprochent d'avoir pris qui à leur place ? Philippe Garrel ? C'était son meilleur film ! D'avoir pris Bruno Dumont ? Mais ces gens là ne sont pas à la SRF, ce sont des indépendants. Vraiment, j'insiste, je trouve ça lamentable. Waintrop a été journaliste. Il avait de bons rapports avec la presse. Comme me le disait Michel Ciment, il y en a un qui doit être content, c'est Thierry Frémaux ! Car Waintrop lui résistait !

Vous avez arrêté de vous-même la Quinzaine ?

Oui, je suis parti car j'en avais marre. La SRF n'a jamais pensé à me foutre à la porte. Pas vraiment en tout cas. Après chaque édition, je devais faire un rapport moral et financier. Le rapport financier tenait en une ligne : « il n'y a pas de dette », tout comme le rapport moral : «c'était un bon festival, il a fait soleil, j'ai bronzé ». Je n'allais plus au conseil d'administration pour ne pas me faire engueuler. J'avais envie d'arrêter, j'avais moins d'appétence. À partir du moment où vous avez moins d'envie, vous ferez moins bien les choses. Et trente ans, c'était un chiffre rond. Le jour de la clôture de la Quinzaine, en 1998, j'ai annoncé à mon équipe que je m'en allais. Je suis revenu à Paris, j'ai fait ça légalement, avec lettre recommandée pour dire «trente ans, ça suffit, c'est beaucoup trop pour beaucoup d'entre vous, j'imagine, mais moi la vraie raison, c'est que j'en ai marre, allez, salut ! ». En plus la dernière année, j'ai tout raflé : la caméra d'or, le prix de la FIPRESCI, le prix des gaziers d'or. Il faut savoir partir, quoi. C'était une jolie aventure en tout cas. Moi, j'en garde un joli souvenir, malgré les problèmes avec le festival officiel. À la limite c'était stimulant, et pas grave au fond !

Propos recueillis par Pascal Le Duff de critique-film

Quinzaine 50 : un florilège de 49 années de cinéma en liberté – partie 1, les années Deleau

Posté par redaction, le 17 mai 2018

Héritière directe de ceux qui voulaient affranchir le cinéma de ses chaînes en 1968, la Quinzaine célèbre cette année sa 50e édition. L'occasion d'une promenade à son image - en toute liberté, et forcément subjective - dans une histoire chargée de découvertes, d'audaces, d’enthousiasmes, de coups de maîtres et de films devenus incontournables.

En partenariat avec Critique-Film. Retrouvez tout le dossier ici.

Plus d'un millier de longs-métrages ont été programmés en quarante-neuf éditions de la Quinzaine. Nous avons invité divers rédacteurs, critiques et autres amoureux du cinéma à évoquer en quelques lignes des films qui ont marqué l’Histoire de la Quinzaine ou qui les touchent, qui sont devenus de grands classiques du cinéma ou simplement de leur histoire personnelle. Des œuvres qui ont su émouvoir, faire frémir et réfléchir, nous ont poussé à nous interroger sur le sens de la vie et du monde, sur notre rapport aux autres et à nous-mêmes en apportant leur pierre à un renouveau de la grammaire cinématographique ou avec des ambitions formelles plus modestes. Multiplicité de formes et d’expressions, de styles et de propos, pour un voyage purement subjectif dans les 49 premières sélections de la Quinzaine.

Voici donc notre florilège de plusieurs dizaines de titres découverts à la Quinzaine par Pierre-Henri Deleau et ses successeurs Marie-Pierre Macia, François Da Silva, Olivier Père, Frédéric Boyer puis Edouard Waintrop qui quitte ses fonctions cette année. Il est évidemment trop tôt pour dire ce que nous réserve Paolo Moretti l'an prochain mais nous restons curieux de découvrir ce qui nous sera proposé en mai 2019. Nous sommes déjà impatients…

1969

Adam II de Jan Lenica

Le premier long métrage d’animation du réalisateur polonais Jan Lenica est aussi celui qui lui a apporté une reconnaissance définitive après ses débuts aux côtés de Walerian Borowczyk. On y retrouve les thèmes propres à Lenica comme la lutte pour la liberté individuelle et une forme d'absurdité qui construit un univers angoissé et burlesque. (Marie-Pauline Mollaret, Ecran Noir)

Mai 68, la belle ouvrage de Jean-Luc Magneron

Il advient qu’un faisceau d’événements concordants tient à souligner qu’un cycle ou une révolution vient de s’achever. Il nous aura ainsi fallu un demi-siècle pour revenir au sens originel de « ripostes »  entre les événements de Mai 68 et les actuels affrontements estudiantins avec les forces de l’ordre, ou il y a encore peu le mouvement Nuit debout régulièrement réprimé par la police. 50 ans nous séparent, et nous n’avons toujours rien appris, et ce, malgré le stupéfiant documentaire de Jean-Luc Magneron sur les dérives et les violences policières. En 2 versions de  117 et 52mn, Magneron propose sous forme documentaire de revenir peu de temps après les échauffourées ayant agité le mois de Mai 68. Le montage fait le choix économe d’artifices avec un défilé de séquences prises à vif lors des manifestations, ainsi que de témoignages laissant les raconteurs dérouler leurs souvenirs, encore brulants de douleurs ou d’effroi. Le spectateur s’immerge ainsi dans l’ingéniosité et la science de chaque partie à s’attaquer et à se défendre, des batailles aux armes inégales mais toutes astucieuses dans le désir d’efficacité : gaz au chlore, gaz lacrymogènes, fusil à grenades, matraques, cocktails Molotov, pompe à eau, arbres, cagettes, pavés, etc… Le film est d’autant plus remarquable pour la qualité et la diversité des témoins, que par la précision et l’élocution de leurs interventions. C’est alors que la plongée se fait insoupçonnée dans l’horreur : la description minutieuse des exactions commises par les CRS avec des matraquages répétés dans les « paniers à salade », les comités d’accueil féroces en commissariat, les agressions aveugles sur tout badaud traversant le quartier Latin, l’acharnement sur des victimes à terre,  les viols de femmes, les étrangers attaqués… En bref, une systématisation de la violence et une légitimation à son déferlement pour assouvir une frustration savamment entretenue par l’exécutif, que l’on n’arrive encore pas à endiguer de nos jours lors de nouvelles rixes. (Celia, twitter.com/artpasnet)

The Trip de Roger Corman

Roger Corman à la réalisation, Jack Nicholson au scénario, Peter Fonda, Susan Strasberg, Bruce Dern et Dennis Hopper à l’interprétation. Ajoutez un soupçon de sujet dans l’air du temps et un fond d’Electric Flag, vous obtenez un cocktail psychédélique. Roger Corman, dans sa volonté de bien faire, a trop bien fait. Trip en group, avertissement sur les méfaits de la drogue, qui essaye-t-il de convaincre ? Ni les adolescents et les hippies ni les figures d’autorité. Les bien-pensants frémissent, les accoutumés s’offusquent d’une intrusion abusive dans leur monde et d’une falsification de la réelle expérience qu’est le trip. L’histoire, résolument simple et secondaire, tourne autour d’un publicitaire en instance de divorce qui, poussé par un ami, prend la décision de s’évader au travers de la drogue. S’en suit une heure et vingt minutes de scènes colorées, kaléidoscopiques et acidulées entre-coupées de quelques retours à la réalité pour resituer l’action. Une curiosité néanmoins, grâce à quelques plans surprenants, étouffée par le self-control envahissant de Corman qui atténue l’intérêt majeur de l’œuvre : vivre l’expérience du LSD sans contrainte ni limite. (Clara Sebastiao, The Jelly Brain)

1970

Macunaima de Joaquim Pedro de Andrade

Ce film de Joaquim Pedro de Andrade, œuvre majeure, est un conte noir et un surprenant mélange de grotesque et de cruauté placé sous le signe du paradoxe et d’une perpétuelle opposition bonheur/souffrance. De la naissance du héros, séquence d'anthologie où il est quasi déféqué par une mégère interprétée par un homme, jusqu’à sa disparition finale tout n'est que succession de joyeuses peines et de pénibles joies. Macunaïma est un mal aimé, souvent châtié qui se transformera en un grand beau blanc trop admiré. Durant son parcours picaresque, il rencontrera une magicienne, un géant, un gnome, une source magique, une guerrière hors pair… mais tout est déformé, exagéré, libéré des contraintes. En ceci, paré de ses atours réalistes-magiques, Macunaïma est un héros de notre époque : une parodie d’humain ; mais aussi une critique du Brésil contemporain : violent, inégalitaire et consumériste. (Nicolas Thys, Revue 24 Images)

Othon de Jean-Marie Straub et Danièle Huillet

La tragédie de Corneille filmée in extenso, dans des décors naturels (les collines de Rome, avec la ville moderne visible en contrebas), et jouée par des comédiens en toge parlant souvent avec un accent étranger fortement marqué. De ce dispositif radical et distancié, marque de fabrique des « Straub », nait un grand film politique qui paradoxalement redonne vie et puissance à un texte finalement peu connu. (Laurent Aknin, critique et historien de cinéma)

1971

Les Anges Violés de Koji Wakamatsu

Quelles sont les motivations de ce jeune homme pour commettre le massacre d'infirmières dans leur dortoir ? Au final, le mystère reste entier, malgré quelques pistes plus symboliques que concrètes. Une succession d'images de violence ou de nudité illustrent la pensée confuse du meurtrier alors qu'il s'entraîne à tirer sur une plage. Le questionnement sur ses motivations par l'infirmière en chef ancre cette histoire terrifiante dans un réalisme bouleversant. Elle prend la parole dans l'espoir vain de survivre et de sauver ses camarades. Chacune des tentatives des jeunes femmes est vouée à l'échec : la fuite, les lamentations pour amadouer l'assassin par des paroles calmes et sensées, feindre la peur ou l'absence de peur, rien ne semble susciter la moindre réaction d'empathie. Koji Wakamatsu détourne les codes du pinku eiga (roman porno), en filmant les scènes de sexe ou de violence attendues du genre mais dénuées du moindre attrait, pour un geste éminemment politique : dénoncer la violence des hommes contre les femmes, boucs-émissaires faciles de leurs impuissances et de leur incapacité à agir. Le titre désigne le surnom des infirmières, ces Anges Blancs dont l'appellation ne touche pas le meurtrier. La mise en scène, le sens du montage très personnel de cet admirateur de Godard, le travail sur les effets sonores (surtout ce que seul le tueur entend) nous font pénétrer dans un cerveau torturé mais terriblement humain. Ce qui est peut-être la part la plus terrifiante de ce film. (Pascal Le Duff, critique-film)

La Salamandre d'Alain Tanner

Une constantes du cinéma d'Alain Tanner est le voyage immobile. Ses personnages (féminins souvent, masculins aussi) marchent beaucoup et ne vont au final pas très loin, au moins physiquement. Intérieurement pourtant, elles ou ils changent, vivent, aiment, souffrent et vont mieux, ou pas. Un sondeur de l'âme humaine résumé par ce film qui a longtemps hanté le Saint-André-des-Arts grâce à la persévérance de son «père» Roger Diamantis et lancé les carrières d'un auteur et de trois grands comédiens : Bulle Ogier, Jean-Luc Bideau et le regretté Jacques Denis. (Pascal Le Duff)

THX 1138 de George Lucas

Impossible de ne pas penser à George Orwell et à 1984 à la vision de cette dystopie cruelle où les êtres humains ne sont plus que les rouages abêtis d’une société où les machines (et donc la technique) ont pris le dessus. Pour son premier long métrage, George Lucas fait le choix du minimalisme, de l’épure et d’une narration quasi inexistante.  Le cinéaste y flirte avec le cinéma expérimental tout en proposant une version déformée et terrifiante de notre propre société accro aux programmes télé et aux psychotropes. (Marie-Pauline Mollaret, Ecran Noir)

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Quinzaine 50 : entretien avec Pierre-Henri Deleau – épisode 7, la salle de la Quinzaine

Posté par redaction, le 17 mai 2018

Héritière directe de ceux qui voulaient affranchir le cinéma de ses chaînes en 1968, la Quinzaine célèbre cette année sa 50e édition. L'occasion d'une promenade à son image - en toute liberté, et forcément subjective - dans une histoire chargée de découvertes, d'audaces, d’enthousiasmes, de coups de maîtres et de films devenus incontournables.

En partenariat avec Critique-Film. Retrouvez tout le dossier ici.

Maître d'oeuvre des trente premières éditions de la Quinzaine, Pierre-Henri Deleau est considéré comme «l'âme» de la Quinzaine, celui qui a su donner une identité à cette section marquée par son éclectisme et ses choix aventureux et un goût sur sur pour un cinéma audacieux, dénué du conservatisme qui plombait les premières années de la sélection officielle du Festival de Cannes.

Merci à lui pour le temps qu'il nous a accordé pour ce long entretien que nous dévoilons sous forme de feuilleton, sur plusieurs jours.

La quinzaine a mis du temps à trouver son lieu de prédilection

La première année, on a retenu 65 films, présentés chacun une seule fois dans l'un des deux cinémas aujourd'hui disparus?: le Rex (une salle de quartier dégueulasse) et l'Olympia. L'année d'après j'ai choisi la meilleure salle de la rue d'Antibes possible. Au fil des ans, on a changé plusieurs fois. Il y a eu le Français, le Star puis l'ancien palais dont j'ai hérité lorsque la sélection officielle s'est installée dans le bunker actuel. Cette salle était magnifique. J'avais supplié Jack Lang [alors ministre de la Culture] de le classer mais il m'a dit qu'Anne Marie Dupuy [alors maire de Cannes] était couverte de dettes avec la construction du nouveau palais et donc devait vendre le bâtiment. Ça a été un bonheur, pendant cinq ou six ans. Une salle de 1200 places, pas une seule mauvaise, même au balcon ou sur les côtés. Et vous sortiez sur la mer tout d'un coup ! Quand l'ancien palais a été détruit pour faire un hôtel, j'ai exigé du festival qu'ils m'hébergent dans la salle Debussy. Je ne vous dis pas les tractations. Je n'avais plus de salle pour la Quinzaine. Je ne pouvais pas retourner dans une des salles de la rue d'Antibes après, les salles avaient changé et ce n'était plus la même configuration. C'est pour ça que j'ai exigé d'avoir la salle Debussy et nous avons eu quelques entrevues pour l'obtenir. Les réunions se passaient en présence d'un représentant de la SRF, Serge Leroy, membre du conseil d'administration du festival, de Pierre Viot, le président du festival, de Gilles Jacob et de moi. Serge Leroy était présent pour arbitrer car la SRF ne voulait pas rompre les ponts avec le festival et Francis Girod, alors président de la SRF l'avait missionné. Mais il n'avait pas le droit d'intervenir car je lui ai dit que le patron de la quinzaine, c'est moi. Donc moi, je discutais, lui, rapportait nos paroles.

Il y a eu trois réunions qui ont duré deux heures. Alors au début on nous proposait deux séances par jour pour la Quinzaine, puis trois et je refusais car avec deux films par jour, un ne passerait qu'une fois et l'autre deux ! Finalement, j'en ai obtenu quatre, ce qui a fait diminuer Un Certain Regard. Mais ça a été à l'arrachée. Lors de notre troisième séance de discussions, j'ai prévenu Francis Girod en lui disant, «vire-moi Serge Leroy, et viens car tu es le président en exercice. Et j'ai l'intention de claquer la porte ! Et on arrête la quinzaine ! ». Francis me dit qu'on ne peut pas faire ça mais évidemment, c'était un coup de bluff. Quand Pierre Viot a vu Francis Girod arriver, il a cru qu'on était d'accord pour trois séances pour Un Certain Regard et trois pour la Quinzaine, à égalité. Et je leur ai dit : «j'ai fait venir Francis pour vous prévenir que voilà, trois ça le faisait pas. On a décidé qu'il ne pouvait plus y avoir de Quinzaine et que je vous en rendrai responsable. Nous allons faire une tribune dans Le Monde, c'est tout ce que j'ai à vous dire. Au revoir, monsieur le président». Je me lève, Girod me suit et on a marché dans le couloir, lentement. Il s'est écoulé une minute - on marchait vraiment très lentement - et d'un seul coup la porte s'est rouverte et Viot a dit « quatre, quatre, ça va, ça va ? ». La peur du scandale ! Sans la complicité de Girod, je n'aurais pas pu le faire.


Vous pensez que la Quinzaine a permis de faire évoluer le festival de Cannes ?

Ah oui, s'il n'y avait pas eu la Quinzaine, elle n'aurait pas évolué comme ça. Aucune raison puisque personne ne la remettait en cause ! Elle a d'abord été contestée par les réalisateurs, en 68, pas uniquement parce que la France était en grève, mais aussi parce qu'ils trouvaient les sélections académiques. Mais c'est sur que la Quinzaine, ça a été comme une pierre dans la chaussure du festival qu'il a fait évoluer en disant "on est ridicule si on continue comme ça". Finalement la Quinzaine a été une bonne chose pour le festival. Et on a profité et de l'un et de l'autre. Moi j'ai évidemment profité énormément du festival. Si j'avais fait la Quinzaine ailleurs dans une autre ville, même avec cette programmation là, il aurai fallu que j'ai un budget triple pour inviter les journalistes du monde entier. Là, je les détournais d'une manifestation existante. Il y avait des papiers dans le New York Times par exemple et dans de journaux du monde entier.

Propos recueillis par Pascal Le Duff de Critique-Film

Quinzaine 50 : montrez ces films qu’on ne saurait voir !

Posté par redaction, le 16 mai 2018

Héritière directe de ceux qui voulaient affranchir le cinéma de ses chaînes en 1968, la Quinzaine célèbre cette année sa 50e édition. L'occasion d'une promenade à son image - en toute liberté, et forcément subjective - dans une histoire chargée de découvertes, d'audaces, d’enthousiasmes, de coups de maîtres et de films devenus incontournables.

En partenariat avec Critique-Film. Retrouvez tout le dossier ici.

La Quinzaine des réalisateurs, grande prêtresse du cinéma indépendant, du cinéma contestataire, du cinéma underground, moderne, ouvert, libre. La Quinzaine faite par le monde, pour le monde. Une révolte contre l’élitisme cannois, contre la censure systématisée, et contre toute forme d’institutionnalisation. C’est en cessant de cacher ces films qu’on ne saurait voir que nos agitateurs vont ouvrir la porte, jusque-là verrouillée, d’un cinéma nu et sincère. Le 10 mai 1968 s’ouvre le 21e Festival de Cannes. Et c’est en 69, année érotique, qu’on assiste à la naissance d’un immense Fes[se]tival. La première édition de la Quinzaine a le [cul]ot de projeter Le Joujou chéri de Gabriel Axel.

Film documentaire et long-métrage de fiction s’entremêlent dans cette audacieuse production danoise. Le Joujou chéri traite de la production de magazines et de films érotiques et dénonce une censure bien trop présente (surtout en France !). On découvre en une heure et demie la diversité de l’érotisme sur grand écran, du cinéma moderne au cinéma muet. Gabriel Axel réalise ce premier documentaire sans salaire, et sans réel financement. Fort d’une envie de transgression et de liberté, Axel nous interroge sur la présence de l’érotisme dans l’art. Pourquoi un artiste peintre, proposant un nu, offre de l’Art au spectateur, tandis qu’un photographe (ou un cinéaste) représentant un même nu est classé immédiatement comme pornographe ? Ce message passe directement par l’affiche du film : une gravure libertine. Art, ou pornographie ?

Par son interdiction, la pornographie se fait sombre, glauque, étouffante. Gabriel Axel, lui, veut présenter un univers lumineux, léger, joyeux, et bon enfant. A force d’interdire et de censurer, l’impression que le sexe est un danger pour l’homme se fait de plus en plus forte. Mais où est le danger ?

C’est grâce à un Danemark bien plus libéral que la France que Le Joujou chéri passe la frontière. Rappelons d’ailleurs que cette œuvre aidera à supprimer la censure adulte en 1969 dans son pays. Malgré cette hardiesse, le film sera interdit en France et ne sera distribué en province qu’en 1974 via un circuit allemand, sous le nom de Das Geliekte Spielzub. Le Joujou chéri passera ici d’une heure et demie, à une heure et quart.

Tandis que la demande de suppression de la censure de la part des Etats Généraux du Cinéma suit son cours, deux nouvelles œuvres culottées s’emparent de la Quinzaine : Le Hurlement de Tinto Brass en 1970, et Mais ne nous Délivrez pas du mal de Joël Séria en 1971.

Le Hurlement est un cri de joie et de colère, une folie douce parfaitement représentative de l’air du temps. Film psychédélique soixantehuitard, L’Urlo explore une société changeante. Les repères sont flous, la jeunesse ne sait plus à quoi se raccrocher, et erre au travers d’un milieu hostile et incompréhensible tout comme Anita (Tina Aumont) et son amant Coso (Gigi Proietti) principaux protagonistes. Anita, activiste de gauche, fuit son fiancé et rencontre un parfait inconnu avec qui elle va voyager dans une Italie étrange et grotesque, rencontrant tour à tour une famille de cannibales et des fanatiques explorant différentes facettes de leur sexualité. Le message est clair : c’est en quittant les conventions que l’individu explore et nourrit son être intérieur.

Tinto Brass, auteur, scénariste et monteur, abandonne ici les traditions narratives et invite le spectateur à vivre son œuvre comme une expérience sensorielle. Il ne raconte pas mais dénonce la condition tragique de l’homme moderne seul face à la misère, à la mort, et à l’esclavagisme de la société, en continuant ainsi son travail amorcé en 1964 avec Who Works ?. Contrairement à Who Works ?, L’Urlo sera interdit par la censure en Italie pendant pas moins de sept ans.
Bizarre, surréaliste, et radicalement ancré dans la contre-culture, Le Hurlement reste tout de même proche de réalisations dans la même veine, aussi bien au niveau du scénario, qu’au niveau de la réalisation. On y retrouve des couleurs similaires, des scènes en extérieur peu surprenantes, et une révolte politique qu’on croise de partout.

Tandis qu’en 1971, Mais ne nous Délivrez pas du mal fera l’effet d’une bombe parmi les festivaliers cannois. « Une œuvres des plus malsaine […] en raison de la perversion, du sadisme et des ferments de destruction morale et mentale … » ainsi parlait la Commission de contrôle du premier long-métrage de Joël Séria.
Elevé dans un foyer à l’éducation religieuse stricte, et éduqué en pensionnat chez les curés pendant une dizaine d’années notre réalisateur est frappé par l’image idyllique d’une jeune fille qui inspirera l’aspect de ses deux héroïnes. Cette image est celle croisée au hasard d’un article de journal, celle d’une petite nymphette aux joues pleines et aux boucles rondes. Une petite fille modèle ayant décidé de jouer à la poupée avec sa meilleure amie. La poupée sera sa mère, le jeu : la lapidation. Fait divers néo-zélandais, cette histoire nourrira celle de Mais ne nous Délivrez pas du mal dans une certaine mesure. C’est d’ailleurs de ce film et de cet article que Peter Jackson tirera Créatures Célestes en  1994.

Ce long-métrage sera tourné sans l’accord du CNC, mais Joël Séria persiste. Ce scénario est ancré en lui, et il se doit de le coucher sur pellicule. Il réalise cet exercice avec brio et nous dévoile ses talents de poète. On retrouve dans ce film une mélancolie toute baudelairienne, mêlée à l’insouciance de la jeunesse et aux secrets de l’adolescence. Nos deux Lolitas, Anne et Laure, sont deux petites filles modèles en apparence mais, et ce dès les premières scènes, il se dégage d’elles une sainteté diabolique. Tout comme Joël Séria, elles se voient dès leur plus jeune âge cloîtrées chez les bonnes sœurs avec, pour seule distraction, leur imagination viciée et leurs loisirs sadiques. Anne et Laure se complaisent dans le mal comme d’autres se complaisent dans le bien ; elles œuvrent pour Satan en âme et conscience, en opposition à tout ce qui leur a été inculqué. Mais ne nous Délivrez pas du mal est un film fort, puissant, et étrangement doux. L’apparence bucolique de la campagne contraste avec la perversion des actes de nos héroïnes et nous rappelle curieusement nos propres étés. La torpeur estivale, les nuits fraiches, les balades à vélo donnent une sensualité prématurée à Anne et Laure qui se dénudent à toutes occasions.

Le scénario, puissamment anticléricale et légèrement éphèbiphile, fera interdire le film malgré sa présence à la Quinzaine. Ce n’est qu’après la coupe de quelques secondes d’une scène lesbienne entre religieuses que le film sera accessible au public. Joël Séria, sera alors l’un des derniers réalisateurs de long-métrage à avoir un film bloqué. Bien plus qu’une œuvre profane, Mais ne nous Délivrez pas du mal est une mise en garde contre le refoulement, la pression et l’oppression chez les adolescents. Autre sujet fort du début des années 70.

« 1973, on interdit. 1974, on libéralise. Avant de réprimer en 1975 puis de punir en 1976 »

(Entre deux censures, 1989, Tony Crawley et François Jouffa)

Le 28 avril 1974, Valérie Giscard d’Estaing, fraîchement élu président de la république, annonce la suppression de la censure en France et prône la liberté d’expression et de création. Cette décision révolutionnera le paysage cinématographique tout entier. A la capitale, en banlieue et en province, les cinémas affichent impudiquement des œuvres érotiques sur leurs façades et dans leurs halls. En une année, plus de 128 films voluptueux sortent en salle : Les Jouisseuses, Emmanuelle, et La Papesse (pour n’en citer que quelques-uns) embrasent les foules qui se précipitent pour voir le tabou en scope. Cette curiosité légère poussera 6 497 687 parisiens et banlieusards à se cloîtrer dans les pièces confinées, surchauffées et électrisées des exploitants de 74. Le secrétaire d’état, Michel Guy, dans un éclat de lucidité, ou dans un moment de faiblesse, autorisera même l’exploitation des films pornographiques !

Ce vent de liberté atteindra rapidement la croisette qui présentera à sa sélection officielle les sulfureuses Mille et une nuits de Pier Paolo Pasolini et les outrancière Neuf vies de Fritz le chat de Robert Taylor. La Quinzaine, quant à elle, ira chercher du côté de la Yougoslavie pour trouver LE réalisateur adéquat pour cette année toute en fesses : Dusan Makavejev, auteur et scénariste de Sweet Movie.

Carole Laure (Miss Canada) porte plainte contre Makavejev, Anna Prucnal (Anna Planeta) est exilée de Pologne pendant sept ans, le film est banni en Grande-Bretagne et, en France, il subit l’interdiction aux mineurs de moins de 18 ans. Tout ça pour quoi ? Pour un film-manifeste, une œuvre forte qui malgré elle a engendré un scandale plus grand que ce qu’elle envisageait. Pour un poème érotico-politique ou le socialisme et le capitalisme se contemplent d’un œil curieux et cherchent à s’apprivoiser. Contrairement aux autres films de Dusan Makavejev, Sweet Movie nous offre une confrontation sociale plus directe, sans soliloques gouvernementaux indigestes. Il cherche ici à établir une relation sensorielle écran-spectateur. La sensualité est la grande ligne directrice de la mise en scène et du scénario, toute la cohésion de l’équipe de tournage vise à prôner la joie de vivre, l’amour universel et la connaissance de soi par le biais du sexe. Makavejev fait tomber les masques de l’auto-censure, le spectateur est mis à nu, sa carapace se fend et fond face à l’humour chaleureux et à la moiteur sexuelle de Sweet Movie. On parle ici « d’effet thérapeutique » comme un « aphrodisiaque léger », une communication non-verbale poussant le public à s’observer, se sentir, se toucher, se goûter, et se découvrir à travers l’œuvre.

Soulignons le fait que Makavajev, culpabilisant de ce trop-plein de bonheur face à la misère du monde, inséra dans le film des séquences documentaires sur l’excavation de cadavres polonais par des officiers nazis. Triste monde cruel.

Nous finirons l’année, le 17 octobre 1974, par une suppression du fond de soutien pour les films pornos … Monsieur Giscard et Monsieur Guy seraient-ils en train de revenir sur leurs convictions ?

En 1976, les bonnes résolutions de nos deux compères sont mises au placard. Pornographie ? Erotisme dites-vous ? Du passé. La loi X s’impose insidieusement, feignant l’absence de censure et affichant une simple restriction. La TVA sur les films dit pornos passe de 17.6% à 33.33%, 161 films sont classés X et interdit d’exploitation … Les rares œuvres encore en circuit sont reléguées dans des salles spécialisées pénalisées fiscalement et financièrement. Si ça ce n’est pas de la censure …

Mais la Quinzaine résiste encore et toujours à la restriction, à l’enclavement, et au blâme, et elle le montre plus que jamais avec L’Empire des sens de Nagisa Oshima. Toute la France est ébranlée, le phénomène est sans précédent. De plus, L’Empire des sens n’est pas noyé dans la sélection, loin de là, il est le film d’ouverture de cette nouvelle programmation, l’œuvre mise en lumière, l’œuvre sous les projecteurs du public, de la critique, des journalistes, et de l’organisation.

Nous ne nous étendrons pas plus que nécessaire sur ce film qui a déjà fait couler beaucoup d’encre (et beaucoup d’autres liqueurs plus naturelles). Rappelons juste que celui-ci est un pied de nez aux tabous japonais. Nagisa Oshima c’est procurer une pellicule vierge française, l’a fécondé sur sa terre natale, et l’a renvoyé en France pour la mise à bas. L’Empire des sens est interdit au Japon, rn Allemagne, en Suède, aux Etats-Unis, en Belgique … Mais la Quinzaine relève le défi de présenter cette œuvre, et tente d’ouvrir le regard du public non pas sur un film érotique ou pornographique, mais sur un poème visuel digne des estampes japonaises. Tout ici est d’une minutie implacable, la mise en scène est épurée, les dialogues finement orchestrés, et les couleurs éclatantes renforcent le lyrisme de ce qui n’était à l’origine qu’un fait divers.

L’Empire des sens établi un seul et même discours : celui d’une scène d’amour en continu, le cadre change mais l’acte reste. Même si le sexe n’est pas simulé, même si la scène finale est d’une violence inouïe, le film reste immaculé grâce à sa perfection visuelle, et grâce à ce discours n’étant ni plus ni moins qu’une approbation de la vie jusque dans la mort, l’amour ultime et inconditionnel.
Les œuvres vue précédemment sont politiques, sociales, révoltées. Elle utilise la représentation du sexe pour faire passer des messages plus ou moins abstraits, mais elles négligent l’amour rencontré dans la relation sexuelle. Nagisa Oshima, lui, le sublime.

Mais si la politique vous manque rappelons que, en 1988, interviewé par Bernard Pivot, Jacques Chirac confessera : «  J’ai vu L’Empire des sens dans la salle d’un cinéma privé qui appartient au ministère de l’information. J’ai estimé que c’était un très beau film … »

Merci au ministère de l’information et merci à Jacques !

La Quinzaine nous réservera d’autres belles surprises telles que la coréalisation franco-japonaise des Fruits de la passion de Shuji Terayama en 1981, adaptation très libre de Retour à Roissy de Pauline Réage. L’adaptation encore plus libre en 1986 du Diable au corps de Marco Bellocchio et sa vraie fellation qui coûtera cher à la carrière de Maruschka. L’onirique, le lyrique, le diaphane Kissed, premier film de Lynne Stopkewich, fable nécrophile tirée d’une nouvelle de Barbara Gowdy. Et le très contemporain Année Bissextile de Michael Rowe explorant la mécanique d’un couple sadomasochiste.

Puis d'autres films oubliés : La Fille offerte d’ Helma Sanders-Brahms, Irezumi - Esprit de tatouage de Yoichi Takabayashi, L’Esquimaude a froid  de Janos Xantus, Annabelle Partagée de Francesca Comencini …

Tant de films autour d’un seul et même sujet, d’une problématique ancestrale qui semble régir le monde : le sexe. Le sexe politique, le sexe social, le sexe spirituel, les sexes, les sexualités. Parfois représenté avec pudeur, parfois avec exubérance, le sexe est mis à l’honneur dans ces œuvres qui ont su le magnifier avec respect.

La sexualité, même surreprésentée, reste encore tabou. Une petite partie de chacun d’entre nous dort dans une coquille de glace. Le rôle de ces films est, entre autre, de faire fondre cette armure pour que le spectateur découvre avec émotion une autre facette de sa personnalité, belle, pure, et lumineuse.

La Quinzaine est le réceptacle d’une sensualité venue du monde entier. Elle livre au sein de l’une des plus grandes institutions cinématographiques un havre de chaleur cotonneuse. Elle ne nie pas ce qui fait un pan tout entier de l’Homme, elle l’embrasse, elle se l’approprie, avec une programmation toujours précise et surprenante. La Quinzaine réinvente le sexe sur grand écran et le crédibilise.

Clara Sebastiao de critique-film

Quinzaine 50 : entretien avec Pierre-Henri Deleau – épisode 6, retour sur quelques films sélectionnés

Posté par redaction, le 16 mai 2018

Héritière directe de ceux qui voulaient affranchir le cinéma de ses chaînes en 1968, la Quinzaine célèbre cette année sa 50e édition. L'occasion d'une promenade à son image - en toute liberté, et forcément subjective - dans une histoire chargée de découvertes, d'audaces, d’enthousiasmes, de coups de maîtres et de films devenus incontournables.

En partenariat avec Critique-Film. Retrouvez tout le dossier ici.

Maître d'oeuvre des trente premières éditions de la Quinzaine, Pierre-Henri Deleau est considéré comme «l'âme» de la Quinzaine, celui qui a su donner une identité à cette section marquée par son éclectisme et ses choix aventureux et un goût sur sur pour un cinéma audacieux, dénué du conservatisme qui plombait les premières années de la sélection officielle du Festival de Cannes.

Merci à lui pour le temps qu'il nous a accordé pour ce long entretien que nous dévoilons sous forme de feuilleton, sur plusieurs jours.

Parmi les réalisateurs que vous avez invité, quelques noms sont étonnants, comme ceux de John Lennon et Yoko Ono

J'ai pris leurs films car ça m'amusait. Celui de Yoko Ono c'était The Fly. Une fille nue étendue sur un matelas, on suit une mouche et on attend qu'elle se pose sur son sexe. Ça dure vingt minutes, jusqu'au moment où elle se pose. Celui de John Lennon, Apotheosis, c'était une montgolfière qui montait, qui montait. Ça se passait à Oulan Bator, en Mongolie, c'était pollué et tout à coup on dépasse les nuages et on retrouvait le ciel bleu. Ce n'était que ça. Je prends les films, je trouve ça rigolo comme tout. John vient avec Yoko, un autre Beatle mais je ne sais plus lequel, en avion privée, avec une trentaine de groupies. Ils déjeunent à la Colombe d'or, un restaurant de luxe en dehors de cannes, lui et toute sa bande, ils étaient une vingtaine au moins. Beaucoup de rosés, de vins, mais aussi beaucoup d'autres substances ! Si bien que quand ils sont revenus vers trois heures de l'après-midi, l'un d'entre eux s'évanouit devant la Malmaison où sont nos bureaux. Nous sommes allés le secourir et, comme on arrivait pas à le réanimer, il a fallu appeler les pompiers, ça a fait scandale. Jacques Doniol Valcroze et moi avons été convoqués par le maire qui disait qu'on est un repère de voyous. Doniol m'avait prévenu qu'il était fou furieux et j'ai donc mis une cravate et une décoration. On lui dit qu'on ne savait pas qui c'était mais qu'on l'avait secouru, sinon c'était non assistance à personne en danger. Doniol ajoute, malin, monsieur le maire, vous auriez fait pareil. L'atmosphère se détend et sur ces belles paroles, Richard Dembo entre en santiags, avec une robe comme les hippies, une rose dans la main et fait le signe peace… Doniol et moi on ne pouvait pas le croire, on a éclaté de rire, on n'arrivait plus à s'arrêter devant les trois membres du conseil municipal et on est parti en se disant advienne que pourra. Ils nous voyaient comme des voyous. Cette réputation ne nous a pas suivi longtemps heureusement. Les anglais ont mis de l'huile sur le feu en nous appelant «counter cannes festival». Ce qui n'était pas du tout le cas. C'était à côté, ce n'est pas pareil.

Comment avez-vous découvert Massacre à la tronçonneuse ?

Je l'avais vu à New-York. Il m'a foutu une trouille si épouvantable que je l'ai pris. Je me suis fait engueuler à la Quinzaine ! Par beaucoup de critiques qui me disaient ce n'est pas un film Quinzaine. Je leur ai répondu, ça fait X années que je fais la quinzaine, je n'ai jamais su ce que c'était qu'un film Quinzaine, expliquez-le moi alors ! C'était le premier du genre ! Je ne regrette pas du tout de l'avoir pris. La Quinzaine surprenait par rapport à la compétition, mais là d'un seul coup, un film qu'on dit de genre aujourd'hui, cette appellation est grotesque d'ailleurs.

Le joujou chéri ?

Un film sur les films érotiques de bordel, ça m'amusait, c'est insolent et on était aussi dans la veine d'une époque où il n'y avait pas le sida. Une veine libertine un peu partout, tout le monde s'envoyait en l'air, c'était une grande époque. L'année 68… ce qui se passait à la Sorbonne occupée par les étudiants ! Moi j'avais à l'époque une chambre près de là, j'ai passé des nuits dans le grand amphithéâtre Richelieu, je ne vous dis pas ce qu'on y faisait...

Hurlo de Tinto Brass ?

Rien à voir avec les films érotiques qu'il fera ensuite. C'est un film assez violent dans mon souvenir. Tinto Brass, c'est curieux car il avait travaillé à la cinémathèque chez Langlois, il déchirait les billets. Il était devenu cinéphile comme ça. J'ai le souvenir d'avoir été impressionné par le film et je ne l'ai pas revu depuis. Je n'en ai pas d'images sauf des couleurs violentes.

Viol d'Anje Breien ?

Elle vivait à l'époque avec Henning Carlsen. Elle a fait ce film que j'ai trouvé très bien mais c'était à l'époque où on découvrait le cinéma pornographique. En France, ce n'était pas autorisé, mais à cannes, il y a avait extraterritorialité, donc les gens allaient voir au marché rue d'Antibes - il n'y avait pas encore les salles au palais – et découvrir Derrière la porte verte. Des gens sont allés voir Viol en pensant que c'était érotique alors qu'il s'agissait d'un drame psychologique féministe, ce n'est pas du tout pareil ! Le malentendu a été complet ! Le cinéma norvégien d'ailleurs n'existait pas à l'époque. Suédois, oui, mais pas le norvégien.

De Scandinavie, qui vous a le plus marqué ?

Aki Kaurismaki ! D'abord parce que pochard comme ça, il tient bien la route avec son cinéma. Il est sympa, avec un humour à froid.  Les finlandais, ce n'est pas des gais. Helsinki, c'est une ville chiante, toute en béton pour résister aux tempêtes de neige. Franchement, ce n'est pas drôle, le protestantisme dur. Pas une statue, pas une peinture dans la cathédrale. On s'emmerde dans cette ville, à part boire ! Et ça, ils boivent !

Propos recueillis par Pascal Le Duff de Critique-Film