Johnnie To s’inquiète du déclin du cinéma de Hong Kong

Posté par vincy, le 31 juillet 2012

Ça ne semble pas briller très fort pour Johnnie To ces temps-ci. Pourtant, le cinéaste hong-kongais va recevoir un Prix honorifique pour l'ensemble de sa carrière à Locarno cette semaine, un mois après celui rendu par Paris Cinéma. Mais ses résultats au box office sont moins explosifs qu'auparavant. La vie sans principe, son dernier film, sorti le 11 juillet, aura du mal à dépasser les 20 000 entrées en France. A Hong Kong, le film s'est classé dans le Top 50 annuel, de justesse. A raison de deux films par an, comme réalisateur, To a déjà 55 films au compteur. Certains ont été choisis en compétition dans les plus grands festivals du monde, d'autres ont marqué le cinéma de genre contemporain.

Dans un entretien au Monde, Johnnie To confesse un certain pessimisme sur le cinéma de Hong Kong. La production est solide (40 à 50 films par an) mais bien moindre qu'avant la rétrocession chinois (200 à 300 à l'époque). La Chine accapare désormais l'essentiel des moyens : les productions les plus importantes se font à Shanghai. C'est aussi à Shanghai que les studios américains investissent (voir notre actualité sur le sujet).

Johnnie To fait figure de résistant en essayant de produire, via sa société Milky Way, un maximum de projets à Hong Kong. Mais face à l'explosion des budgets et des cachets durant la période faste (années 80 et 90), les financements sont devenus compliquer à trouver. D'autant que, paradoxalement, les films de Hong Kong ont touché le public occidental plus tardivement, au moment où le piratage explosait (on trouve des films à peine sortis en salles au coin de n'importe quelle rue asiatique en format DVD).

Dans son interview par la journaliste du Monde, Isabelle Régnier, Johnnie To explique que "dans le même temps, les producteurs hollywoodiens commençaient à s'intéresser aux personnalités étrangères, beaucoup de cinéastes et d'acteurs hongkongais sont partis là-bas. Aujourd'hui, on ne trouve pas de relève. Le cinéma hongkongais a pris une direction de plus en plus déclinante, et le niveau est devenu tellement bas qu'il lui est très difficile de se relever."

Pourtant Hong Kong ne manque pas d'argent ni de talents. Mais Johnnie To avoue qu'il va falloir que ce cinéma s renouvelle s'il ne veut pas être absorbé par un cinéma chinois de plus en plus ambitieux, aidé par son marché en pleine croissance. La vie sans principe, de Johnnie To, a déposé  les armes, pour se focaliser sur un contexte socio-économique. Son autre film de l'année 2011, Don't Go Breaking My Heart, est un triangle amoureux. Sorti en février, High Altitude of Love II est un drame romantique. Il vient de finir un polar, Drug war, et tourne actuellement un thriller plus social, Blind Detective. "J'aime bien diversifier mes sources d'inspiration" se justifie-t-il.

Il s'apprête surtout à produire le prochain film de Jia Zhang-ke, proptotype du cinéma d'auteur et documentariste de la Chine continentale. Johnnie To s'enthousiasme alors : "J'ai pensé que c'était un vrai gâchis de le voir cantonné dans un cinéma très art et essai. (...) Je voulais qu'il puisse se déployer, accéder à des budgets plus importants. Ça ne veut pas dire faire un cinéma plus commercial, mais plus ambitieux, aussi bien en termes de production que sur le plan artistique. (...) Il a pour l'instant un problème lié au planning des comédiens. Il devrait bientôt me communiquer un nouveau casting. Si ça marche, on lancera la production à la fin de cette année ou au début de l'année prochaine."

Fataliste sur l'avenir du cinéma de Hong Kong, malgré des cinéastes qui cartonnent au box office local, comme Ann Hui (A Simple Life) ou Chung Shu Kai (I Love Hong Kong) et des stars bankables comme Andy Lau, Johnnie To se résigne lui aussi à devoir composer avec le cinéma chinois. Même s'il le fera à sa manière.

Rencontres Henri Langlois 2011 : entretien avec Michel Hazanavicius et Ludovic Bource

Posté par redaction, le 10 décembre 2011

Venus présenter la traditionnelle "Leçon de cinéma" des Rencontres Henri Langlois 2011, consacrée cette année à la musique, Michel Hazanavicius et Ludovic Bource (récemment primé aux European Film Awards) ont accordé quelques minutes aux journalistes. L’occasion de revenir sur l’un des succès de l’année, le film muet The artist.

Ecran Noir : The Artist a dû être un véritable défi pour vous, dans la mesure où le spectateur du 21e siècle a évolué avec l’idée du « parlant ». Cela devait représenter un risque en soi pour ce film où la musique est omniprésente. N’aviez vous pas peur de la manière dont il allait être reçu ?

Michel Hazanavicius : Je n’ai pas vraiment peur en réalité…

Ludovic Bource : Moi si ! (rires) Michel m’a dit : « eh bien écoute, tu va être condamné à l’excellence ! »

MH : Je travaille personnellement plus sur le désir. Si on m’avait forcé à le faire, j’aurais sans doute eu peur. Je n’ai donc pas eu peur car je savais qu’il y avait un beau film à faire quoi qu’il arrive. A tout prendre, je préfère me planter avec un film que j’ai désiré plutôt qu’avec un film qui est le projet de quelqu’un d’autre. La notion de risque reste tout de même très relative. D’abord, il n’y a pas de risque réel ; au pire on fait un mauvais film et voilà ! Mais très honnêtement, je ne serais pas le premier à en faire un... Celui qui a réellement pris un risque, c’est celui qui a investi dans ce projet, à savoir le producteur Thomas Langmann. Et en troisième lieu, je considère qu’il est beaucoup plus « casse-gueule » de faire une comédie romantique aujourd’hui avec des trentenaires qui habitent à Paris que de faire un film muet en noir et blanc.

LB : C’était plutôt un projet qui présentait une part de risque par rapport au temps qui nous était imparti pour être en temps et en heure à Cannes pour le défendre. Ca a été une véritable course. C’est une chose que j’aime : lorsqu’un projet est atypique, ou présente quelque chose qui va me faire évoluer, avancer… Là,  c’était vraiment quelque chose d’extrême.

EN  : Pour la composition du film, vous êtes vous appuyés sur certains artistes ?

LB : Au départ, on s’inspire évidemment du climat général de l’époque. J’ai étudié certaines biographies, éventuellement la vie de certains compositeurs qui ont été influents pendant l’âge d’or du cinéma hollywoodien, en passant par les classiques et les grands compositeurs de l’Europe de l’est. Max Steiner et d’autres notamment qui maitrisaient la symphonie, qui sortaient du style romantique. C’était une ère totalement différente, donc une musique émotionnellement différente. Mais je pense aussi que The Artist n’est pas complètement désuet dans l’image, car certains caractères du film sont assez modernes. Il y a par exemple cette scène incroyable avec le rêve de George Valentin. A cet instant il y a du « sound design » (bruits intra-diégétiques), les gens trouvent ça génial mais à l’époque personne n’a jamais fait ça. Il y a donc plusieurs relectures différentes sur le film, presque actuelles et politiques.

J’ai donc suivi Michel par rapport à sa sensibilité musicale et cinématographique. Pendant plusieurs semaines, j’ai essayé de m’informer, d’ingurgiter des choses et à un moment donné, de m’arrêter, de me mettre au piano et de laisser faire les choses. Sans copier, sans s’influencer de ce patrimoine-là, car j’avais visité presque 50 années de la musique, jusqu’à Bernard Herrmann (musique de Vertigo) qui est en hommage à la fin. Il y a donc forcément un peu de musique contemporaine, parfois même de la pop des années 70 dans les love-thèmes entre Peppy et George.

EN : Vous avez travaillé pour ce tournage à Los Angeles avec des personnalités américaines comme John Goodman et James Cromwell. Comment ont-ils réagi à la lecture du scénario ?

MH : Bien étant donné qu’ils ont acceptés. Goodman a dit oui en 5 min, et Cromwell, qui voulait tout savoir, en deux heures. Il y a deux types de personnes à qui j’ai fait lire le scénario : ceux a qui j’ai demandé de l’argent, et ceux à qui j’ai proposé du travail. Ces derniers ont été ravis car c’est un film qui est très différent, et où ils n’ont rien à perdre.

EN : Tourner ce film à Hollywood, là où le cinéma muet avait connu sa plus grande effervescence, cela du vous procurer un léger pincement au cœur ?

MH : C’est surtout pendant la recherche et la préparation des décors qu’il m’est arrivé de me retrouver dans des endroits incroyables comme le bureau de Charlie Chaplin, les studios de la Ruée vers l’or et des Temps Modernes, la maison de Marie Pickford, des découvertes (toiles peintes de décors) qui avaient servi pour le film Casablanca... Toutes ces choses-là, comme tourner à la Paramount, sont très émouvantes. Après cela, il a fallu tourner le film en 35 jours, ce qui est relativement court, donc les pincements au cœur vous les avez surtout quand vous pensez que vous n’allez pas finir votre journée !

Lire l'intégralité de la rencontre

Propos recueillis par Yanne Yager

Eric Garandeau, président du CNC, va lancer « Le jour le plus court » (entretien)

Posté par vincy, le 18 septembre 2011

Ecran Noir a rencontré le nouveau patron du CNC, Eric Garandeau. L'ancien conseiller de Nicolas Sarkozy pour la communication a pris les commandes de ce "ministère bis" dont il fut le directeur financier. De gros chantiers sont en cours pour être à la hauteur des enjeux - défense d'un cinéma mondial diversifié, renouvellement des talents, nouveaux modes de diffusion... L'interview intégrale précise sa stratégie et le contexte dans lequel évolue le secteur.

Par ailleurs, il nous a annoncé la création d'une manifestation dédiée au court métrage : "Nous allons lancer « Le jour le plus court ». Dans le même souci de valoriser la production de courts métrages, qui est aussi une école de renouvellement des talents et des écritures, nous voulons promouvoir ce genre, qui est très varié. Ce serait le pendant de la fête de la musique mais pour l’image. Cela comprendra les productions communautaires des internautes, des films plus artisanaux aussi et puis tout le travail qui se fait dans les écoles et les milieux socio-éducatifs. Ce serait sur tous les écrans le 21 décembre, qui est le jour le plus court de l’année. Il s’agit d’être présent sur tous les écrans, ceux des cinémas, les chaînes de télévisions, les sites web… L’opération devrait être lancée officiellement cet automne."

Intégralité de l'entretien réalisé à Cannes.

La Horde en dvd et vod : rencontre avec Yannick Dahan et Benjamin Rocher

Posté par kristofy, le 9 juillet 2010

yannick dahan benjamin rocher la hordeLe film de genre français est comme un serpent de mer qui revient : il y a l’enthousiasme d’en faire et l’envie d’en voir mais il manque l’engouement. Pour fêter en avance la sortie en dvd de leur film La Horde les deux réalisateurs Yannick Dahan et Benjamin Rocher ont donné rendez-vous dans un bar parisien à dix internautes. Une rencontre autour de quelques verres pour parler autant du film que de cinéma en général, sans intervenant extérieur ni langue de bois, et des discussions improvisées pendant plus de deux heures dont voici un écho.

L’accueil du film : Plusieurs mois après la sortie en salles on est toujours convaincus que notre film est 1000 % différent des autres productions françaises. Les anglais ont adoré et ça va sortir au Japon, la chose à laquelle on ne s’attendait pas la sortie directement en dvd (interdit aux moins de 18 ans) en Allemagne; en Australie et au Brésil. C’est notre premier film et il nous a apporté pleins de satisfactions même avec un nombre d’entrées en salles en deçà des espérances. En fait il y a un vrai public large pour le film de genre étranger comme The Descent ou Saw, mais il y a malheureusement une certaine défiance quand c’est fait par des Français. En plus quand 18 nouveaux films sortent la même semaine tout se joue entre le mercredi et le dimanche pour les ‘petits’ films, en face on avait Wolfman avec Benicio Del Toro et toujours Avatar. Il n’y a pas que La Horde qui n’a pas bien marché (48 000 entrées en première semaine, ndlr), c’est aussi le cas de films d’auteur plus classiques comme L’autre Dumas avec Depardieu qui a fait un flop, même Lovely bones de Peter Jackson s’est planté. Ce contexte difficile de sorties encombré fait que La Horde a été beaucoup plus vu à l’étranger qu’en France.

Est-ce qu’il y a un avenir pour le film de genre français ?
Il y a des producteurs qui ont vraiment une volonté pour ce qu’on appelle le film de genre, mais leur financement est toujours difficile. Il a bien fallu nous adapter au budget qu’on avait, en élaguant notre scénario et en supprimant des plans pour moins de jours de tournage. Si on n’avait pas eu le soutien de Canal+ le film n’aurait certainement pas vu le jour, c’est pareil pour Frontières, A l’intérieur ou Martyrs. Et puis comme il y a un vrai risque de perdre de l’argent car ce n’est pas facile à rentabiliser alors au bout d’un moment les producteurs baissent les bras, par exemple après les problèmes de distribution de Martyrs le producteur s’est tourné vers la comédie avec Safari… Après, la conséquence logique c’est qu'on nous propose de faire des remake aux Etats-Unis : je crois que tout le monde a été contacté pour celui de Hellraiser. Et encore il faut arriver à exposer son point de vue, il y a un très bon scénario d’un Dracula Year One (sur la découverte de ses envies de sang) qui circule et qui a été proposé à Xavier Gens, ça l’intéressait et il leur a expliqué sa vision du film avec une série de dessins, mais il y a Alex Proyas qui arrive avec carrément une dizaine de minutes de film déjà tourné, les américains, eux ils peuvent produire une bobine démo. A part Alexandre Aja qui sait ce qu’il veut, pour tout les français qui ont été engagés sur des films de commandes ça donne plutôt des produits que des films. Pour notre ami Xavier Gens il a réussit depuis à monter son nouveau film The Divide et il s’est vraiment éclaté, pas comme sur Hitman. Je viens d’en voir un montage, c’est un groupe de personnes coincées dans un immeuble après une explosion de fin du monde, et je peux vous dire que ça va être une bombe. Nous on a une structure de production ici et on veut faire des films en France, et on est en train d’écrire ; on a aussi un projet de série un peu comme Dead Set qui mélange comédie et horreur, on va voir si ça se concrétise cet été. Lire le reste de cet article »

Nouvelle donne, à l’heure norvégienne

Posté par MpM, le 11 juin 2008

L’équipe de Nouvelle donne

A l'occasion de la sortie de Nouvelle donne, premier long métrage norvégien bourré d'énergie, Ecran Noir a rencontré une partie de la joyeuse équipe du film. Au fond, Joachim Trier (le réalisateur) et Anders Danielsen Lie (qui interprète le personnage de Phillip), au premier plan Eskil Vogt (coscénariste et ami d'enfance de Joachim) et Espen Klouman Hoiner (Erik). Ne manque que la très charmante Viktoria Winge (Kari), arrivée plus tard. A lire, l'entretien accordé par les deux auteurs et le point de vue des acteurs sur le film.
Le soir même Malavida films organisait une avant-premère parisienne au goût de saumon, sur une péniche parisienne. Tout le casting était présent. Joachim Trier évoquait son émotion à l'avant veille de la sortie de son film à Paris. Nouvelle donne, qui date de 2006 dans son pays d'origine, découvert au Festival des films nordiques de Rouen et acquis l'an dernier à Cannes par l'équipe de Malavida, se déroule en partie à Paris et rend explicitement hommage à la Nouvelle Vague. Manière de boucler l'aventure en beauté de ce premier film.

Photo : Claire Fayau.