Juliano Mer Khamis (1958-2011) : un cinéaste et comédien assassiné

Posté par vincy, le 5 avril 2011

Juliano Mer-Khamis est mort hier, lundi 4 avril, assassiné. Acteur, cinéaste, documentariste, et militant engagé, ce Juif palestinien, né le 29 mai 1958, a été froidement tué par des hommes encagoulés près du théâtre, le bien nommé Freedom, qu'il avait fondé dans le camp de réfugiés de Jenin. Né d'une mère juive et d'un père palestinien, il avait toujours vécu sous la menace des conservateurs, des nationalistes, des israéliens comme des palestiniens. Il déclarait en 2009 : "Je suis 100% Palestinien et 100% Juif".

En 2004, il avait réalisé Arna's Children, un documentaire sur sa mère qui luttait contre l'occupation israélienne et prônait un système éducatif en faveur des enfants palestiniens. Le film avait reçu le prix de la critique au Festival canadien Hot Docs et le prix du meilleur documentaire au Festival de Tribeca, créé par Robery de Niro.

En tant que comédien, souvent crédité au générique sous le nom de Juliano Merr, il avait été cité parmi les meilleurs acteurs israéliens en 2002 pour son rôle dans Tahara, de Doron Eran. On l'a aussi remarqué dans des films d'Amos Gitai comme Esther, Berlin-Jérusalem, Yom Yom, Kippour, où il incarnait le capitaine, et Kedma. On l'avait vu récemment dans Le sel de la mer, d'Annemarie Jacir.

Il figurait aussi dans de nombreuses productions occidentales, dans des petits rôles.

Pacifiste, il avait créé le Freedom Theater en 2006 avec Zakaria Zubeidi, leader Palestinien souvent considéré comme un symbole de l'Intafada jusqu'à ce qu'il dépose les armes.

Selon les premiers éléments de l'enquête, l'Autorité Palestinienne suspecte le Hamas.

Kadoura Musa, le gouverneur de Jenin, a déclaré que Mer-Khmais "aidait à construire la Palestine et qu'il ne méritait pas de mourir de cette façon."

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Arna's Children sur YouTube

Berlin 2010 : Les français bredouilles, mais pas trop

Posté par vincy, le 21 février 2010

l illusionniste de sylvain chometPas un seul prix en repartant de la Berlinale, hormis l'Ours d'argent pour le cinéaste franco-polonais Roman Polanski. Le cinéma français, relativement absent de la compétition, était surtout présent au marché du film (avec 15 producteurs à l'European Film Market). Unifrance revendiquait pourtant 19 films qui avaient fait le déplacement dans la capitale allemande : Mammuth et The Ghost Writer en compétition, Henri IV, L'autre Dumas, L'illusionniste (le nouveau dessin animé de Sylvain Chomet), Moloch Tropical (de l'haïtien Raoul Peck), le documentaire Michel Ciment, le cinéma en partage hors compétition. Un hommage à Eric Rohmer, une masterclass de Claire Denis, les nouveaux Ducastel-Martineau et Lifshitz (section Panorama) complétaient la délégation.

Pourtant le business n'a pas été mauvais. StudioCanal a signé un accord avec la société belge nWave, de Ben Stassen, grand spécialiste de l'Imax, pour pouvoir mettre en ouvre des films en 3D. Le premier projet annoncé devrait être Les aventures de Samy (Around the World in 50 Years 3D), qui sort dans les salles cet été.

MK2 a négocié avec l'israélien Orlando Films qui va devenir son distributeur multi-plateformes en Israël. La merditude des choses (103 000 spectateurs en France) devrait être le premier film diffusé suite à cet accord.

Last but not least, trois firmes, la française Celluloïd Dreams, le financier bavarois Clou Partners et le Studio Babelsberg (qui est à côté de Berlin), ont décidé de créer un studio européen, TheManipulators (tout attaché), pour produire (et coproduire) des films à vocation internationale, à moyens et gros budgets. Le premier film qui bénéficiera de ce nouvel outil sera Waiting for Azrael, de Marjane Satrapi et Vincent Paronnaud (Persépolis). Le film sera tourné cette année à Babelsberg avant, sans doute, de faire son avant-première à Berlin 2011.

Proche-Orient : que peut le cinéma ?

Posté par MpM, le 3 décembre 2009

Proche-Orient : que peut le cinémaPlacer le cinéma au cœur d’une démarche d’information, de sensibilisation et de dialogue autour d’une question aussi sensible que celle du Proche Orient, tel est le défi lancé depuis 2003 par le festival biennal "Proche-Orient : que peut le cinéma ?" dont la 4e édition se tient jusqu’au 13 décembre prochain au cinéma les 3 Luxembourg (Paris 6e).

Au programme, 50 films inédits venus d’Israël, de Palestine, du Liban, d’Irak ou encore d’Iran et s’articulant autour de grands thèmes comme Gaza, les Etats-Unis et la guerre en Irak, la colonisation, ou les femmes au Proche-Orient. Chaque soir, un débat correspondant au thème du jour est par ailleurs proposé au public en partenariat avec le Monde diplomatique.

Dans la sélection (qui mêle courts et longs métrages, documentaires et fictions), on conseille vivement Les chats persans de Bahman Ghobadi, qui en s’intéressant aux nombreux musiciens underground de la ville de Téhéran, ausculte le malaise d’une jeunesse iranienne sur le point d’étouffer. Plusieurs documentaires retiennent également l’attention, à commencer par Gaza-Strophe, le jour d’après, réalisé à Gaza le lendemain du cessez-le-feu et Jesusalem the East side story, une somme de témoignages et d’images d’archives au sujet de la politique israélienne de confiscation de la terre et des biens des habitants de Jérusalem-Est.

En espérant qu’à l’issue de ces douze jours de rencontres et de partages, les festivaliers donnent un début de réponse à la question posée par la manifestation. Proche-Orient : que peut le cinéma ? Montrer que le dialogue est toujours possible.

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Festival "Proche-Orient : que peut le cinéma ?"
Du 2 au 13 décembre 2009
Cinéma Les 3 Luxembourg
Programme et informations sur le site du festival

Arras fait le plein pour ses 10 ans

Posté par MpM, le 11 novembre 2009

ArrasOn vous avait annoncé un programme alléchant pour la dixième édition du Festival international d'Arras, et l'on ne s'y est pas trompé. A mi-festival, le bouche à oreilles a déjà si bien fonctionné que l'on voit de grandes files d'attente se former devant le cinéma où ont lieu la plupart des projections. D'ailleurs, la manifestation affichait déjà 5 000 spectateurs sur les trois premiers jours, soit une augmentation de 60% par rapport à l'an dernier ! A ce rythme-là, le record de 2008 (environ 20 000 entrées) sera probablement dynamité à la fin de la semaine...

Pour expliquer un tel succès, il suffit de se pencher sur le détail de la programmation quotidienne. Un jour comme mardi, les spectateurs avaient le choix entre pas moins de 16 films dont un ciné-concert (Le fantôme de l'opéra), une comédie musicale hongroise déjantée (Made in Hungaria), une avant-première française (Le père de mes enfants de Mia Hansen-love) ainsi que plusieurs inédits et reprises.

Deux des pays adoubés par Gilles Jacob en mai dernier comme "nouveaux centres cinématographiques", Israël et la Roumanie, étaient également représentés avec des oeuvres fortes et denses qui sous prétexte d'intrigue policière, décortiquent le fonctionnement de leurs sociétés respectives. Ajami de Yaron Shani et Scandar Copti montre les différentes facettes de la ville de Jaffa, violente et étouffante, où de complexes hiérarchies s'érigent entre les communautés qui cohabitent tant bien que mal.

Moins sombre, avec l'humour et l'auto-dérision qui semble caractériser le nouveau cinéma roumain, Policier, adjectif de Corneliu Porumboiu suit un enquêteur lancé dans une filature minutieuse et répétitive d'un groupe d'adolescents  consommateurs de haschisch. Tiraillé par des questions de morale et de conscience, il est confronté à la fois aux rouages de la bureaucratie et à la rhétorique absurdement retorse de ceux qui l'entourent.

Et parce qu'un anniversaire est aussi l'occasion de faire la fête, la journée s'est achevée par la projection du cultissime Rocky Horror Picture Show animée par la troupe des Sweet transvestites bien connue des habitués du Studio Galande. Le spectacle était ainsi à l'écran, sur scène et dans la salle, avec jets de riz et de confettis, course-poursuites, blagues potaches et reprise en choeur des refrains. Quelques spectateurs ont même eu la "chance" de participer plus activement à l'action en devenant l'espace d'une scène l'un des protagonistes du film... Suffisamment déjanté, foutraque et au final bon enfant pour que toute la salle, constituée en grande partie de "néophytes", se laisse prendre au jeu.

Après tout, c'est aussi cela, la "magie du cinéma". Et si Arras fait habilement le grand écart entre la complexité de la situation israélo-palestinienne et les facéties d'un "transsexuel travesti", l'exercice a de quoi faire définitivement taire ceux qui ne croient pas que diversité, audace et exigence sont les meilleurs ingrédients pour obtenir un festival véritablement populaire et chaleureux.

L’Anniversaire de Leïla, une journée en enfer

Posté par geoffroy, le 21 juillet 2009

anniversaireleila.jpgL'Histoire : Pour le septième anniversaire de sa fille, Abu Leila ne désire qu'une chose : rentrer pour une fois de bonne heure à la maison afin de partager cette soirée en famille. Mais rien n'est moins simple pour cet ancien juge qui, alors qu'il rentrait en Palestine avec la ferme volonté d'aider son pays à sa reconstruction, a du se reconvertir en chauffeur de taxi. Confronté à l'irrationalité et le manque d'organisation de la société palestinienne, notre juge devra entreprendre un long et pénible chemin, véritable parcours du combattant, pour finalement retrouver sa maison.

Notre avis : En nous embarquant dans le taxi jaune de Abu Leila (interprété par l'excellent Mohamed Bakri), ancien juge autrefois rappelé par Arafat lui-même afin qu’il participe au futur Etat unifié de Palestine, le cinéaste palestinien Rashid Masharawi aborde sous l’angle de la fiction réaliste la vie quotidienne dans les Territoires occupés. Cette approche narrative assez inédite nous ouvre un territoire habituellement fermé, survolé ou tout simplement caricaturé. Une seule journée suffit pour offrir aux spectateurs un encrage à la fois drôle, acerbe, ironique, instructif et grave de ces habitants subissant depuis un demi-siècle l’occupation.

Pourtant Rashid Masharawi ne fait pas de son long-métrage une tribune contre Israël et renvoie dos à dos la responsabilité d’une situation symbolisée par l’absurde. Un peu à la manière d’un Suleiman, il n’hésite pas à recourir à la parabole, écrivant par touche successive sa vision d’une Palestine dominée par le chaos, les contradictions, les excès mais également les forces de vie. La poésie en moins. Tout à la fois réaliste et fantasmée, cette Palestine représente le poumon d’un film jouant habilement du paradoxe. En effet, le réalisateur oppose sciemment l’ordre et l’intégrité de cet ancien juge au bout du rouleau, au désordre d’une société confuse. Les pérégrinations d’Abu Leila au cours de cette journée « ordinaire » rythment alors le tempo d’une représentation imbriquant à merveille le sujet du film (il s’agit, au-delà de la question du statut, de montrer un « pays » bouillonnant de vie malgré une situation géopolitique unique) aux notions de temps (course folle à travers la ville dans l’espoir de rentrer à l’heure pour l’anniversaire de sa fille) et de lieux traversés.

Si la Palestine est le poumon du film, Abu Leila en est assurément son oxygène. Son travail conditionne les rencontres, les évènements et les nombreux rebondissements du film. Outre le ressort scénaristique concernant l’anniversaire de sa fille, l’attitude de Abu Leila résume à elle seule le sentiment du cinéaste. En refusant de se rendre aux checkspoints, de prendre des clients armés, de demander de ne pas fumer dans son taxi ou bien d’attacher sa ceinture, il suscite, sans aucune hiérarchisation, des réactions de gravité, d’amusement, de désespoir, d’espoir.

En fin de compte, le réalisateur nous dit quoi ? Que la paix, difficile mais possible, ressemblerait un peu à cette journée incroyable voyant un Abu Leila absent et épuisé touché par la providence.

Julian Schnabel enrôle Hiam Abbas pour un film autour du conflit israélo-palestinien

Posté par vincy, le 20 février 2009

hiam abbasAprès Le Scaphandre et le Papillon, Julian Schnabel revient à un film mélangeant politique et passion, à l'instar de Avant la nuit, qui se déroulait dans le Cuba de Castro. Comme d'habitude, il a choisi un biopic pour évoquer, ce coup-ci, le conflit israélo-palestinien. Miral raconte la vie de Hind Husseini, décrite dans un livre de la journaliste isarélo-italienne Rula Jebreal, inédit en France.

Ce sera l'actrice Hiam Abbas qui interprétera ce rôle en or. On l'a récemment vue dans des productions aussi diverses que The Visitor, Les citronniers, Espion(s), Munich, La fiancée Syrienne... Elle sera à l'affiche du prochain Jim Jarmusch (The Limits of Control).

Cette femme palestinienne, née en 1916, sauva 55 orphelins d'un massacre à Jérusalem, au moment de la création d'Israël. Le scénario que Schnabel a écrit s'étalera jusqu'à sa mort en 1994. Elle fut corrdinatrice de l'Union des femmes arabes et fondatrice du Foyer de l'enfant arabe.

Le réalisateur espère le tourner en Israël et en Palestine. Il a récemment confié qu'il était devenu urgent pour lui de faire aboutir ce projet, tandis que le plus récent conflit a tué plus de 1 300 personnes dans la bande Gaza.

Pathé s'est engagé sur ce film dont le premier clap devrait claquer le 19 avril.

20e festival de Rennes : travelling sur Jérusalem

Posté par MpM, le 29 janvier 2009

Festival Travelling20 ans, pour un festival de cinéma, c’est déjà un bel âge, dénotant maturité et capacité à durer, tout en promettant un regard résolument tourné vers l’avenir. C’est pourquoi, en lieu et place d’une commémoration un peu plombante, les organisateurs ont-ils choisi de s’offrir pour cette 20e édition un voyage dans une ville ô combien symbolique, Jérusalem.

Le principe du Festival Travelling de Rennes est en effet de s’intéresser chaque année à la cinématographie générée autour d’une ville en particulier (Buenos Aires en 2008, Téhéran ou Tokyo par le passé) ou d’une thématique liée au cadre de vie urbain ("Une ville la nuit" en 2007). "Nous choisissons la ville entre un et deux ans à l’avance, en fonction d’une envie d’équipe", explique Anne Le Hénaff, responsable artistique. "L’idée est d’abord de voir s’il se passe des choses cinématographiquement, c’est-à-dire si la ville a souvent été portée à l’écran, s’il y a matière pour la dérouler dans le temps. On commence par les œuvres majeures puis on emprunte les chemins de traverse." Commence alors un long travail de recherche, presque de fouille, qui permet de dénicher "de petits bijoux", nouveaux comme anciens, mais aussi de déborder le cadre du cinéma pour appréhender les spécificités sociales, géographiques ou culturelles d’une ville.

"Dans le cas de Jérusalem, nous voulions dès le départ aller au-delà des images toutes faites de la ville, de celles que montrent les médias. Il est souvent difficile d’imaginer comment on y vit, donc c’était notre première ambition : simplement entrer dans la vie des uns et des autres", se souvient Mirabelle Fréville, la co-programmatrice. "Très honnêtement, nous ne pensions pas trouver 53 films ! Mais Jérusalem a une consistance incroyable, avec des genres très différents. Tous les films que nous avons choisis ont un aspect esthétique ou artistique qui nous a intéressés."

Les festivaliers pourront ainsi découvrir toute une programmation déclinée en divers thèmes : rétrospective Jérusalem de plus d’un siècle de cinéma, coups de cœur du cinéma israélien contemporain, coups de cœur du cinéma palestinien au présent et cartes blanches à la productrice israélienne Yaël Fogiel et au cofondateur du Festival, le Palestinien Hussam Hindi. On retrouve bien sûr de grands noms comme Amos Gitaï et le troublant Kadosh, Elia Suleiman (Intervention divine, Chronique d’une disparition), Chris Marker (Description d’un combat), Hany Abu-Assad (Paradise now, Le mariage de Rana…), mais aussi des œuvres plus confidentielles comme Jérusalem est fier de présenter de Nitzan Gilady, un documentaire sur la tentative d’organiser une gay pride internationale dans la ville.

Parmi l’ensemble, Anne Le Hénaff et Mirabelle Fréville recommandent tout particulièrement Fragments de Jérusalem de Ron Havilio, un film inédit en 7 parties qui permet Travelling juniorde remonter le fil de l’histoire de la ville en parallèle avec celle d’une vieille famille de Jérusalem ; Quelqu’un avec qui courir de Oded Davidof, sur la vie nocturne et troublée de la cité et Ford transit de Hany Abu-Assad, jamais sorti en France, sur les incessants passages aux checkpoints de ceux qui doivent se déplacer dans Jérusalem. "Nous espérons ainsi donner une autre vision de la vie à Jérusalem et renvoyer le spectateur à des interrogations plus larges".

En parallèle, le festival organise un concours d’adaptation de nouvelles, des ciné-concerts, des séances "ciné-baby" pour les 18 mois / 2 ans et des compétitions de courts métrages. L’idée est de faire de la manifestation le point d’orgue d’une action culturelle qui a lieu au long cours toute l’année au travers de séances en plein air et d’éducation à l’image, afin d’impliquer le tissu local rennais. "La star, c’est Rennes. Il faut la faire vivre un minimum !", conclut Anne Le Hénaff. Et quoi de plus normal pour un festival qui met la ville à l’honneur ?!

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20e Festival de Rennes Métropole
Travelling Jérusalem
Du 31 janvier au 10 février 2009
Informations et horaires sur le site du festival

Une deuxième valse avec Bachir ?

Posté par Morgane, le 18 août 2008

Fort de son succès cinématographique, Valse avec Bachir se retrouvera prochainement... en bulles ! Castermann va en effet publier une bande dessinée du même nom, dont les auteurs ne seront autres qu’Ari Folman (réalisateur du film) et David Polonsky (directeur artistique du film). La bande dessinée reprendra les images du film, redécoupées mais non redessinées. La sortie est prévue pour le début de l’année 2009, probablement pour le festival d’Angoulême qui se tiendra du 29 janvier au 1er février.

Regard sur les cinémas d’Asie contemporains

Posté par MpM, le 5 février 2008

Quels sont cette année les visages des cinématographies venues du continent asiatique ? Si l'on se base sur la compétition fiction, d'un point de vue géographique, on constate la prédominance du cinéma chinois et iranien (qui représentent une proportion importante des films proposés aux organisateurs) ainsi que le renouveau de la Malaisie et des Philippines qui bénéficient de la révolution numérique. L'Asie centrale n'est pas oubliée, avec deux oeuvres venues du Kirghiztan et du Kazakhstan, non plus que l'Inde, incontournable, et Israël, à la production relativement dynamique.

Sur le plan thématique, il apparaît que pour nombre de réalisateurs présents, le cinéma reste avant tout un formidable outil de témoignage sur les réalités sociales et politiques de leurs pays respectifs. Les deux films chinois en compétition abordent ainsi tour à tour la désertification des campagnes au profit des villes, la perte des valeurs familiales, la situation des femmes prostituées ou vendues (Les moissons pourpres de Cai Shangjun) ainsi que l'obsession de modernisation du pays et les bouleversements de la société chinoise (Le vieux barbier de Hasi Chaolu). Dans un genre assez proche, mais cette fois en Asie centrale, Le martinet d'Abai Koulbai suit l'errance d'une jeune fille kazakhe livrée à elle-même dans la capitale Almaty. Trop occupés à survivre, ou à monter dans le train du progrès, les adultes s'avèrent incapables de l'aider, ou ne serait-ce que de remarquer la prévisible et choquante descente aux enfers dans laquelle elle s'engage. Là aussi, les valeurs traditionnelles en prennent un coup.

Autre tendance de cette sélection, la volonté d'apporter un témoignage culturel ou historique inédit. Palme du sujet sensible, Boyz Salkyn aborde la question du vol des fiancées. Dans les campagnes kirghizes, lorsqu'une famille souhaite marier son fils, elle enlève tout simplement la jeune fille choisie, et s'arrange ensuite avec ses parents. Ernest Abdyjaparov, le réalisateur du film, avoue avoir lui-même procédé ainsi pour se trouver une épouse... C'est sans doute pourquoi il traite le sujet avec un regard très bienveillant, réussissant l'exploit de réaliser un film léger et même par moments burlesque sur une coutume archaïque et machiste. Trois mères de l'israélienne Dina Zvi-Riklis relate quant à lui la vie de trois soeurs du début des années 40 à Alexandrie aux années 2000 en Israël. Sous forme de fresque romanesque et familiale, la réalisatrice évoque le don d'enfants, qui se pratiquait en Egypte, et le tiraillement des juifs d'Egypte exilés en Israël. Enfin, l'hommage du réalisateur philippin Auraeus Solito à la comédie de teenagers (Philippine science) parle aussi des années d'instabilité du pays, dans les années 80, avant le renversement du dictateur Marcos.

Et puis, bien sûr, il y a les oeuvres atypiques et personnelles dont le point commun est sans doute de porter un regard humaniste et presque sociologique sur une poignée d'individus particuliers : un père et sa fille adolescente au Ladakh (Frozen de Shivajee Chandrabhushan), une poignée de militaires à la recherche de leur liberté individuelle dans une région glacée d'Iran (Those three de Naghi Nemati), des couples confrontés au doute ou au désamour (Waiting for love de James Lee).

Enfin, en terme d'esthétique, on retient le noir et blanc sublime de Frozen et sa mise en scène suffisamment inventive pour lui avoir valu le qualificatif de film indien "le plus novateur de ces dix dernières années", les cadrages au plus près du Vieux barbier, le technicolor soyeux et élégant de Trois soeurs, les interminables plans quasi fixes de Waiting for love, et encore le cinéma vérité du Martinet, film urbain par excellence, ou les images trafiquées de Those three.