Oscars 2018: les perdants et les gagnants

Posté par vincy, le 23 janvier 2018

La forme de l'eau domine largement les nominations aux Oscars avec 13 citations, devant Dunkerque (8), 3 Billboards, les panneaux de la vengeance (7), Phantom Thread et Les heures sombres (6). Dunkerque et Phantom Thread sont sans doute les élus les moins attendus, boudés par les palmarès des critiques comme par les Golden Globes. Au total, l'Académie a retenu 28 films dont 17 reçoivent au moins 2 nominations.

Studios

Grand vainqueur, la Fox, dans l'attente d'être rachetée par Disney. La filiale Fox Searchlight et le studio 20th Century Fox cumulent 27 nominations. C'est loin devant les autres majors que sont Universal/Focus Features (18), Warner Bros (14), Sony / Sony Classics (11) et Walt Disney (10). Les nouveaux venus Netflix et A24 obtiennent 7 nominations chacun. Amazon n'a été retenu qu'une seule fois. Mais le séisme c'est du côté de la Paramount qui repart avec un zéro pointé.

Genres

Ce qu'il faut retenir de ces Oscars 2018 c'est le surgissement du film de genre dans les catégories reines du meilleur film et du meilleur réalisateur avec le fantastique (La forme de l'eau) et l'horreur (Get Out). C'est une vraie reconnaissance. A ces deux films, les votants ont choisi un polar noir, un mélo gay, un film de guerre, un drame élégant, un thriller politique, une comédie dramatique, un biopic historique. Une véritable diversité de styles, qui couvre aussi bien le film d'auteur qui a gagné moins de 20M$ au box office que le blockbuster mondial.

Femmes et diversité

En s'invitant dans la course pour l'Oscar du meilleur réalisateur, l'actrice Greta Gerwig a éjecté quelques favoris avec Lady Bird. C'est seulement la 5e femme à avoir été nommée dans cette catégorie après Lina Wertmüller, Jane Campion, Sofia Coppol et Kathryn Bigelow. C'est aussi la première fois qu'une femme concoure dans la catégorie meilleure image grâce à la chef op' Rachel Morrison (pour Mudbound).

Cette année, les Oscars ont décidé en effet d'innover: la preuve avec Logan, premier super-héros nommé pour une catégorie majeure (le scénario adapté qui plus est). Là encore les genres se diversifient. Leur LGBT-philie se prolonge après l'Oscar du meilleur film pour Moonlight en 2017: Call Me By Your Name et Une femme fantastique n'ont pas manqué à l'appel.

Plus globalement, on peut noter que sur les 9 films nommés à l'Oscar suprême, 4 sont portés par des rôles féminins principaux (et des femmes fortes), et autant par des personnages "jeunes". Et hormis deux films, tous ont un discours politique soutenu.

Habitués

Ils aiment aussi les valeurs sûres: le compositeur John Williams reçoit sa 51e nomination (un record tout juste dépassé par Walt Disney. Meryl Streep bat son propre record avec sa 21e nomination. L'actrice comme Daniel Day-Lewis, lui aussi nommé cette année, a déjà gagné trois Oscars. D'ailleurs parmi les comédiens (premiers et seconds rôles), six ont déjà été Oscarisés sur vingt. Mais 8 comédiens et comédiennes sont nommées pour la première fois.

Not so whites

Et là pas d'#OscarsSoWhite avec 4 afro-américains (mais aucun asiatiques en l'absence de Hong Chau pourtant très attendue en second-rôle féminin, ni latino-américains). Côté réalisateurs, on compte un latino-américain, Del Toro qui rejoint Cuaron et Inarritu dans le club des mexicains oscarisables, et un afro-américain, Jordan Peele (c'est la cinquième fois seulement qu'un cinéaste afro-américain accède à ce club). Côté scénaristes, là encore, la diversité est très présente avec Dee Rees, Virgil Williams, Kumail Nanjiani, Guillermo del Toro et Jordan Peele.

Pas si Golden les Globes

Mais les Oscars 2018 ont aussi une autre particularité: l'émancipation croissante par rapport aux Golden Globes. Autrefois, un Golden Globe, voire une nomination suffisait à garantir une nomination aux Oscars. Dans la catégorie réalisateur, seuls deux nommés au Golden Globes sont nommés aux Oscars. Côté acteurs, le vainqueur du Golden Globe pour une comédie, James Franco, n'est pas nommé. Et le gagnant du Golden Globe du film en langue étrangère, In The Fade, n'a même pas été choisi parmi les cinq finalistes de cette catégorie aux Oscars. Dans cette catégorie, les films retenus viennent du Chili, du Liban, de Russie, de Hongrie et de Suède. Soit l'Ours d'or et la Palme d'or en face à face. Un film de Venise, deux films de Berlin et deux films de Cannes. Ne déformons pas trop ce prisme: la Mostra de Venise est la grande gagnante avec La forme de l'eau et 3 Billboards (20 nominations à eux deux). Le festival de Berlin ne cumule finalement que 6 nominations au total tandis que celui de Cannes n'en aligne que 3. Mais l'autre grand gagnant est sans doute Sundance avec Get Out, Call Me By Your Name, Mudbound et The Big Sick, soit 13 nominations à eux quatre.

Losers

James Franco a clairement payé les rumeurs de harcèlement sexuel qui le concernent. "Time's Up" pour ceux qui se comportent mal avec les femmes. Toute la question est de savoir si l'Oscar du meilleur acteur d2017, Casey Affleck, qui a souvent acheté le silence de ses "conquêtes" pas forcément consentantes sera le bienvenu pour remettre l'Oscar de la meilleure actrice. Plus étonnant, Armie Hammer s'est fait volé sa nomination par Woody Harrelson. Le second-rôle de Call Me By Your Name a semble-t-il été concurrencé par un autre second-rôle du film, Michael Stuhlbarg, très présent à l'écran cette année (Miss Sloane, La forme de l'eau, Pentagon Papers), qui a récolté plus de votes que prévu (et aurait mérité une citation pour son formidable monologue à la fin du film).

Parmi les snobés, on compte aussi au registre des actes manqués Tiffany Haddish, Diane Kruger, Helen Mirren, Judi Dench, Emma Stone côté actrices, Tom Hanks et Jake Gyllenhaal côté acteurs (où Denzel Washington parvient une fois de plus à créer l'événement avec sa 8e nomination pour un film qui n'a pas convaincu ni les critiques ni le public). Le vétéran Steven Spielberg (Pentagon Papers) et l'étoile montante Martin McDonagh (3 Billboards, l'un des deux favoris pour l'Oscar du meilleur film) ont été recalés côté réalisateurs.

Cela donne une indication d'ailleurs sur le vote final: les électeurs pourraient choisir Del Toro en réalisateur (comme ils ont choisi par le passé Ang Lee et Alfonso Cuaron sans les couronner par un Oscar du meilleur film) et 3 Billboards en film. Ce qui ferait, quoiqu'il arrive, un doublé pour Venise, où les deux films ont été primés (respectivement Lion d'or et scénario).

L'Académie a aussi préféré Phantom Thread de Paul Thomas Anderson, pourtant peu récompensé durant la saison des prix, à Wonder Woman, complètement absent de la liste des nominations y compris dans les catégories techniques. Ce n'est pas forcément une injustice. Mais assurément c'est une surprise, d'autant que Wonder Woman avait un bon buzz derrière lui. Phantom Thread et ses 6 nominations, dont film, réalisateur, acteur et second-rôle féminin, c'est au moins inattendu. D'autres films ont récolté moins de citations que prévu ou espéré comme The Florida Project et Moi, Tonya.

French touch

Finissons avec les Français: Florian Babikian, Vincent Bayoux, Victor Caire, Théophile Dufresne, Gabriel Grapperon, Lucas Navarro pour Garden Party, Max Porter et Ru Kuwahata pour Negative Space en court métrage animé, Agnès Varda en documentaire (Visages Villages), Alexandre Desplat en compositeur de musique (La forme de l'eau), Bruno Delbonnel en chef opérateur (Les heures sombres) et Emilie Georges en coproductrice de Call Me By Your Name ont été nommés aux Oscars cette année. Il faut ajouter Julie Gayet, Rachid Bouchareb, Genevieve Lemal et Jean Bréhat (L'insulte), Philippe Bober (The Square) et Pascal Caucheteux (Faute d'amour) s'ajoutent à la liste. Pas un grand cru en quantité, mais un excellent cru en qualité.

Les critiques de New York couronnent Lady Bird, Timothée Chalamet, 120 BPM et Visages, Villages

Posté par vincy, le 30 novembre 2017

Le New York Film Critics Circle n'ont pas manqué d'audace dans cette course vers les Oscars où plusieurs favoris, principalement indépendants hormis les films de Steven Spielberg et Paul Thomas Anderson, rivalisent dans les palmarès.

Ainsi Call Me By Your Name et Get Out, favori des Gotham Awards, se retrouvent cités une fois de plus, même s'ils doivent laisser la "locale" de l'étape, Greta Gerwig, remporter le prix suprême, en plus du prix de la meilleure actrice pour la favorite des Oscars, Saoirse Ronan.

La bonne nouvelle pour le cinéma français est la reconnaissance de 120 battements par minute, dont c'est le premier prix récolté aux Etats-Unis, alors que le film y fait un bide, et de Visages, Villages, le documentaire d'Agnès Varda, tout juste auréolée d'un Oscar d'honneur. Sans oublier le jeune franco-américain Timothée Chalamet qui est sacré comme acteur, le plus jeune récompensé dans l'histoire de ce palmarès.

En revanche les critiques new yorkais ont boudé The Post, principal triomphateur des National Board of Review Awards, préférant un autre film présenté à Cannes, The Florida Project.

Cela donne une couleur très "indé" au Palmarès. Mais rappelons que depuis The Artist en 2012, leur choix du meilleur film n'a jamais été transformé en Oscar du meilleur film.

Meilleur film: Lady Bird de Greta Gerwig
Meilleur réalisateur: Sean Baker (The Florida Project)

Meilleure actrice: Saoirse Ronan (Lady Bird)
Meilleur acteur: Timothée Chalamet (Call me by your name)
Meilleur second-rôle féminin: Tiffany Haddish (Girls Trip)
Meilleur second-rôle masculin: Willem Dafoe (The Florida project)

Meilleur film en langue étrangère: 120 battements par minute
Meilleur premier film: Get Out
Meilleur film d'animation: Coco
Meilleur documentaire: Visages, Villages

Meilleur scénario: Phantom Thread
Meilleure photo: Mudbound
Prix spécial pour l'ensemble de sa carrière: Molly Jaskell, ancienne critique au NY Magazine et à Village Voice

« Three Billboards Outside Ebbing, Missouri » triomphe à Toronto

Posté par vincy, le 17 septembre 2017

Three Billboards Outside Ebbing, Missouri a remporté le très convoité prix du public au festival de Toronto qui s'est achevé ce dimanche 17 septembre. Il succède ainsi à 12 Years A Slave, Le discours d'un roi, Slumdog Millionaire, American Beauty, tous oscarisés, ou La La Land, Room, The Imitation Game, Happiness Therapy, Precious et Tigre et Dragon, tous finalistes aux Oscars.

Une semaine après son Prix du scénario à Venise, le film de Martin McDonagh s'était aussi fait remarqué pour l'interprétation de Frances McDormand, qui semble être promise de nouveau à être nommée à un Oscar (dix ans après sa nomination pour L'affaire Josey Aimes et 20 ans après avoir gagné cette statuette pour Fargo). Woody Harrelson et Sam Rockwell sont aussi au générique de ce polar, programmé pour le 17 janvier 2018 en France. Il raconte l'histoire d'une femme qui déclare la guerre à la police raciste et corrompue de sa ville suite au meurtre de sa fille.

Les deux autres films plébiscités par le public torontois sont I, Tonya, biopic sur la patineuse Tonya Harding, incarnée par Margot Robbie, réalisé Craig Gillespie et Call Me By Your Name, de Luca Guadagnino, avec Armie Hammer et Timothée Chalamet. Cette romance entre un jeune homme de 17 ans et un ami de ses parents lors de vacances d'été sur la Riviera italienne avait été l'un des films les plus remarqués à Sundance en janvier et à Berlin en février.

Côté documentaires, le public torontois a choisi Visages, Villages d'Agnès Varda et JR, présenté hors compétition au dernier Festival de Cannes.

Parmi les autres prix, Les affamés du québécois Robin Aubert, avec Marc-André Grondin, et Luk'Luk'I de Wayne Wapeemukwa ont remporté respectivement le prix du meilleur film canadien et du meilleur premier film canadien. Le prix FIPRESCI de la critique internationale dans la section découverte a été décerné à l'iranien Ava de Sadaf Foroughi, et dans la section Présentations spéciales à El autor (The Motive) de Manuel Martín Cuenca, d'après le roman de Javier Cercas. Le film est en compétition au prochain festival de San Sebastian.

L'Australien Sweet Country, autre film récompensé à Venise (Prix du jury), a été distingué du prix du jury de la sélection Platform.

The Rider, A Ghost Story et Mary au palmarès de Deauville

Posté par vincy, le 10 septembre 2017

Le Jury de la 43e édition du Festival du Cinéma Américain de Deauville, présidé par Michel Hazanavicius a décerné son Grand prix à The Rider de Chloé Zhao, qui avait reçu en mai le Prix C.I.C.A.E. de la Quinzaine des réalisateurs.

Pourtant c'est un autre film qui s'est fait remarqué au palmarès: A Ghost Story de Dabid Lowery, qui remporte le Prix du jury (ex-aequo avec Brooklyn Yiddish de Joshua Z. Weinstein), le Prix Kiehl's de la Révélation et le Prix de la Critique, faisant ainsi l'unanimité des trois jurys principaux du festival. Ce film, avec Casey Affleck et Rooney Mara, avait été présenté à Sundance en janvier avant de faire une belle tournée de festivals (et de récolter un prix au Fantasia Film Festival). Cette histoire "romantique" entre deux fantômes qui hantent leur ancienne maison a su conquérir les festivaliers de Deauville, un peu sur leur faim avec un manque de grandes stars et d'avant-premières attendues. Coincé entre Venise, Telluride et Toronto, le Festival de Deauville a moins fait le buzz cette année.

De son côté, le public a préféré choisir le touchant Mary (Gifted) de Marc Webb, qui sort cette semaine dans les salles françaises. Ce film offre notamment un Chris Evans dans un rôle très différent de ses récentes prestations chez Marvel.

Notons enfin que le Prix Littéraire Lucien Barrière est revenu à Claire Vaye Watkins pour son roman Les sables de l’Amargosa et le Prix d’Ornano-Valenti a distingué Jeune femme de Léonor Serraille, qui avait fait le bonheur des cannois à Un certain regard. Le film sort en France le 1er novembre.

Cannes 2017: Qui est Taylor Sheridan ?

Posté par vincy, le 27 mai 2017

Taylor Sheridan, c'est le talent brut américain. Un touche-à-tout venu du Texas. A 47 ans - il a fêté son anniversaire au Festival il y a six jours - il est connu comme acteur en second-rôle, scénariste de premier plan et le voilà réalisateur. Wind River est son premier film. Un thriller présenté à Un certain regard, où un homme, Cory, traumatisé par la mort de sa fille, travaille comme chasseur de coyotes et autres prédateurs. La poisse : il trouve le corps violé d'une adolescente dans une région désertée, une réserve amérindienne, et décide d'aider un agent du FBI à trouver le coupable. Le film, avec Jeremy Renner dans le rôle principal, et Elizabeth Olsen, a déjà été présenté à Sundance cet hiver.

Avant de concourir à la prestigieuse Caméra d'or cannoise, Taylor Sheridan a parcouru un long chemin chaotique. En tant que comédien, il a joué les rôles secondaires dans des épisodes de série, de Walker, Texas Ranger à Docteur Quinn, femme médecin en passant par Star Trek: Enterprise, New York Police Blues, Les Experts: Manhattan. Malgré sa belle gueule et son regard perçant, sa carrière ne décolle pas avant 2005, quand il incarne Danny Boyd, en cousin d'un gangster et trafiquant de drogue maffieux irlandais, dans la série Veronica Mars. Mais c'est en flic dans trois saisons de Sons of Anarchy qu'il est acquiert enfin une certaine notoriété.

Au cinéma, en revanche, c'est disette. Il tourne en 2003 dans White Rush, de Mark L. Lester, polar inédit en salles, et ne retrouve le grand écran qu'avec Comancheria (High or Hell Water), présenté l'an dernier à Un certain regard, dont il a signé le scénario.

Car, voyant sa carrière de comédien faire du sur place, il décide de se lancer dans l'écriture de scénarios. Et pas des moindres. On lui doit Sicario, réalisé par Denis Villeneuve et en compétition au Festival de Cannes en 2015. Une autre histoire de drogue, de Texas et de flics, avec un FBI sans foi ni loi et des immigrés clandestins venus du Mexique. Pour le film, il se documente énormément, effectue un véritable travail journalistique et montre comment cette frontière bientôt murée est devenue une zone de non-droit. Le film reçoit trois citations aux Oscars et le scénariste est nommé aux prix de la Writers Guild of America. Il a écrit la suite, Soldado, centrée sur le personnage interprété par Benicio del Toro.

Comancheria, réalisé par David Mackenzie, est par conséquent son deuxième scénario. Il l'avait écrit quelques années avant Sicario. Le script figurait sur la fameuse Black List, ces pépites que personne n'osent produire. Un autre récit texan, avec deux frères qui braquent des banques pour rembourser une dette. C'est le bingo. Quatre nominations aux Oscars, dont celle du meilleur film et du meilleur scénario original, deux nominations aux Golden Globes, dont une pour Sheridan à titre de scénariste et une nouvelle nomination aux prix de la Writers Guild of America.

Depuis deux ans, Taylor Sheridan ne chôme pas (il a même écrit le téléfilm Yellowstone, autour d'une famille du Montana qui se bat pour sauver son ranch). Il a été enrôlé pour écrire le remake de Maryland, le film d'Alice Winocour, présenté en 2015 à Un certain regard.

Il aime les histoires simples, les paysages arides, les personnages tourmentés et solitaires. Taylor Sheridan impose son style, en ancrant des récits réalistes et contemporains dans un cadre finalement on ne peut plus classique entre film noir et western. Un Texan qui a rêvé de la lumière et l'a trouvée dans l'ombre de l'écriture.

Cannes 2017: Nos retrouvailles avec Al Gore

Posté par vincy, le 22 mai 2017

Il n'a rien à voir avec le cinéma. Al Gore est un politique. Pourtant c'est son deuxième passage à Cannes en sélection officielle. La première fois c'était il y a onze ans. Il venait présenter Une vérité qui dérange, documentaire édifiant sur le réchauffement climatique et ses conséquences.

Écologiste convaincu, adepte des nouvelles technologies, il a définitivement abandonné la vie politique au sens électoral du terme. Depuis qu'il a échoué (de façon contestable, rappelez-vous les bulletins de vote qu'il a fallu recompter en Floride) face à George W. Bush, il a entamé une série de conférences grand public où il expose les constats, les dangers et les enjeux du réchauffement climatique. Son film était une sorte de manuel "L’écologie pour les Nuls" avec une présentation pédagogique, ludique, didactique, et avouons-le brillante. Sa vision globale, intelligente, rigoureuse, utile, jamais démago faisait le « le tri entre la vérité et la fiction.»

Prix Nobel de la paix

Al Gore, 69 ans aujourd'hui, député durant 8 ans, sénateur pendant 7 ans puis vice-président de Bill Clinton durant ses deux mandats, a une vraie prestance physique. Il en impose. Diplômé de Harvard, où il partage sa chambre avec Tommy Lee Jones, il a été journaliste pour l'Armée au Vietnam, et a d'abord été un reporter dans un canard local du Tennessee avant d'embrasser une carrière politique. Grâce à lui, Internet est devenue une stratégie numérique aux Etats-Unis, devenant un outil grand public tout en étant une priorité politique.

Mais son dada c'est l'environnement. Il prend conscience de l'urgence planétaire lors de la ratification du Traité de Tokyo. Après avoir quitté la politique, il redevient simple militant de la cause. Mais avec les moyens que peut avoir un ancien Vice-Président. Acteur et orateur d'Une vérité qui dérange, il se met en scène et joue les professeurs. Le film reçoit deux Oscars (Oscar du meilleur film documentaire et Oscar de la meilleure chanson originale) et Al Gore est le lauréat en 2007 du Prix Nobel de la Paix.

Lanceur d'alerte

Il revient à Cannes avec la suite de son documentaire, Une suite qui dérange: le temps de l'action, prévu en salles le 1er novembre (en France). Le film, comme le premier documentaire, a déjà fait l'objet d'une avant-première à Sundance. Réalisé par Bonni Cohen et Jon Shenk, il reprend les faits survenus depuis dix ans qui donnent raison au cri d'alarme poussé dans le premier film. Mais il semble que celui-ci soit davantage politique, avec en toile de fond le Traité de Paris et les décisions de Donald Trump. Al Gore n'est plus élu. Mais il conserve sa colère, continue à répandre son message, veut croire à une révolution énergétique et citoyenne et attaque bille en tête l'actuel Président des Etats-Unis, coupable à ses yeux de crime contre l'humanité, la nature, bref la planète.

Il y a dix ans il alarmait sur le temps des conséquences. Aujourd'hui il alerte et réclame le temps de l'action.

Sundance 2017: un palmarès sans favoris réels

Posté par vincy, le 29 janvier 2017

Le Festival de Sundance a livré son palmarès annuel. Dans chacune des quatre catégories, le Grand prix du jury est différent du prix du public, ce qui ne permet pas, contrairement aux récentes éditions, de distinguer de favoris. Lors de la cérémonie où Donald Trump et ses décisions étaient omniprésentes dans les esprits et les discours, le festival de Sundance a laissé la part belle aux femmes et aux minorités.

Le premier film de l'acteur Macon Blair (Blue Ruin, Green Room, Gold), I don’t feel at home in this world anymore, a remporté le prestigieux et convoité Grand prix du jury en fiction américaine. Le thriller roller coaster et saignant avec Melanie Lynskey en femme dépressive qui veut se venger de ses cambrioleurs a conquis le jury. Mais le public a préféré le film de Matt Ruskin (producteur de Infiltrator), Crown Heights, inspiré de l'histoire vraie de Colin Warner, qui s'est battu contre la Justice durant 20 ans alors qu'il a été injustement condamné à mort.

Côté fiction internationale, le jury a opté pour The Nile Hilton Incident, un polar égyptien de Tarik Saleh (Metropia), entre film noir et drame social, qui se déroule juste avant la révolution de 2011. Le public a choisi I Dream in Another Language, quatrième long du mexicain Ernesto Contreras (Paupières bleues avait été présenté à la Semaine de la critique à Cannes en 2007). Dans ce thriller onirique, un linguiste part à la recherche d'une langue disparue.

Par ailleurs, des films en compétition et hors compétition ont fait l'événement, et on en parlera certainement dans les autres grands festivals, à l'instar de The Big Sick de Kumail Nanjiani, Call Me By Your Name de Timothee Chalamet, Novitiate de Margaret Qualley, primée comme nouveau talent dans la réalisation, Roxanne Roxanne de Michael Larnell, récompensé pour son actrice Chanté Adams en tant qu'espoir, Brigsby Bear, de Kevin Costello et Kyle Mooney, et avec Claire Danes, Mark Hamill, et Greg Kinnear, Thoroughbred de Cory Finley, Ingrid Goes West de Matt Spicer (prix du scénario) ou encore To the Bone de Alex Sharp.

Compétition fiction américaine
Grand Prix du Jury: I don’t feel at home in this world anymore
Prix du public: Crown Heights
Prix de la mise en scène: Eliza Hittman pour Beach Rats
Prix du scénario: Matt Spicer and David Branson Smith pour Ingrid Goes West
Prix spécial du jury de révélation: Chanté Adams pour Roxanne Roxanne
Prix spécial du jury du nouveau talent (réalisation d'un premier film): Maggie Betts pour Novitiate
Prix spécial du jury pour l'image: Daniel Landin pour Yellow Birds

Compétition documentaire américain
Grand Prix du Jury: Dina
Prix du public: Chasing Coral
Prix de la mise en scène: Peter Nicks pour The Force
Prix Orwell: Icarus
Prix spécial du jury pour le montage: Kim Roberts et Emiliano Battista pour Unrest
Prix spécial du jury pour la narration: Yance Ford pour Strong Island
Prix spécial du jury pour la réalisation inspirée: Amanda Lipitz pour Step

Compétition fiction internationale
Grand Prix du Jury: The Nile Hilton Incident
Prix du public: I Dream in Another Language
Prix de la mise en scène: Francis Lee pour God’s Own Country
Prix du scénario: Kirsten Tan pour Pop Aye
Prix spécial du jury pour ses visions cinétiques: Jun Geng pour Free and Easy
Prix spécial du jury pour l'image: Manu Dacosse pour Axolotl Overkill

Compétition documentaire internationale
Grand Prix du Jury: Last Men in Aleppo
Prix du public: Joshua: Teenager vs. Superpower
Prix de la mise en scène: Pascale Lamche pour Winnie
Prix spécial du jury pour la narration pleine de maîtrise: Catherine Bainbridge et Alfonso Maiorana pour Rumble: The Indians Who Rocked the World
Prix spécial du jury pour le montage: Ramona S. Diaz pour Motherland
Prix spécial du jury pour l'image: Rodrigo Trejo Villanueva pour Machines

Autres prix
Next Audience Award: Gook
Prix Alfred P. Sloan Feature Film: Marjorie Prime

Ewan McGregor rejoint Léa Seydoux dans Zoe

Posté par vincy, le 23 janvier 2017

Ewan McGregor remplace Charlie Hunnam dans le prochain film de Drake Doremus, Zoe. Officiellement, Hunnam a un conflit d'agenda. Il a enchaîné trois tournages (The Lost City of Z, qui sera présenté à Berlin, Papillon et Le roi Arthur: La légende d'Excalibur). Léa Seydoux reste confirmée sur le projet.

Drake Doremus (A la folie qui fut Grand prix du jury à Sundance en 2011, Breathe In, Equals, en compétition à Venise en 2015) a annoncé ce changement de casting alors qu'il présentait son nouveau film à Sundance, Newness, avec Nicholas Hoult, Laia Costa et Danny Huston.

Zoe doit être tourné à Montréal en avril. Le film, écrit par Richard Greenberg (scénariste de la série "The Beauty Inside", et ancien assistant réalisateur de Jumpin' Jack Flash), raconte l'histoire de deux collègues dans un laboratoire qui travaille sur une technologie permettant d'améliorer les relations romantiques. Au fil de leurs travaux, ils découvrent que leur produit va beaucoup plus loin que ce qu'ils imaginaient.

Ewan McGregor est attendu dans T2 Trainspotting, qui sera en avant-première à Berlin, et fera la voix de Lumiere dans La belle et la bête. Il vient de réaliser son premier film, American Pastoral. Il est aussi au générique de la série "Fargo" et est annoncé à l'affiche de The Land of Sometimes de Leon Joosen.

Léa Seydoux n'a rien tourné depuis Juste la fin du monde de Xavier Dolan, Grand prix du jury à Cannes l'an dernier.

Sundance 2017: une cyberattaque, une panne d’électricité et des gros contrats

Posté par vincy, le 23 janvier 2017

La billetterie du Festival de Sundance a connu une sacrée mésaventure: une cyberattaque qui a empêché le service de vente de tickets de fonctionner  samedi 21 janvier. Les séances prévues ont quand même été assurées.
La cyberattaque a eu lieu juste après le début de la marche des Femmes qui était organisée dans le monde entier, y compris à Park City où se déroule le festival. La coupure a duré moins d'une heure. Pour l'instant, on ne connaît pas l'origine de cette attaque...

Dimanche 22 janvier, c'est une panne d'électricité qui a conduit à l'annulation de trois projections au Redstone Theater (Mars Generation, Dolores, Landline). Les films ont été reprogrammés

Malgré ces avaries, cela n'a pas freiné l'activité du business. Le marché se porte bien.

Ainsi, Amazon Studios aurait signé les droits de distribution pour les Etats-Unis, le Royaume Uni, la France et l'Allemagne de The Big Sick pour la somme astronomique de 12M$. Depuis le début du festival, jeudi, c'est le plus gros deal enregistré. Amazon l'a emporté sur Sony Pictures Worldwide Acquisitions et Fox Searchlight. C'est un record pour le studio puisque l'an dernier, il n'avait déboursé "que" 10M$ pour obtenir les droits nord-américains de Manchester by the Sea. Ce film réalisé par Michael Showalter, avec Kumail Nanjiani, Zoe Kazan, Holly Hunter, Ray Romano et Anupam Kher, est produit par Judd Apatow. Emily V. Gordon et Kumail Nanjiani ont écrit cette histoire d'amour "hilarante et larmoyante" à partir de leur propre romance. Le comique né au Pakistan est tombé amoureux d'une étudiante mais les deux doivent affronter un problème de taille: leurs différences culturelles.

Son concurrent Netflix s'est associé avec Momentum Pictures pour les droits de Fun Mom Dinner. 5M$ pour cette comédie qui sera distribué en salles aux USA par Momentum et en SVOD sur une grande partie de la planète via la plateforme Netflix. Ce premier film de Alethea Jones, écrit par Julie Rudd, réunit Katie Aselton, Toni Collette, Bridget Everett, Molly Shannon, Adam Scott et Adam Levine. L'histoire est celle de quatre femmes dont les enfants sont dans la même classe de maternelle. Elle organisent un dîner en elles et s'aperçoivent qu'elles ont bien plus en commun que le mariage et la maternité.

Netflix a aussi signé un montant à sept chiffres, en équipe avec Vertical Entertainment, pour pouvoir diffuser en svod Berlin Syndrome, thriller psychologique de Cate Shortland). C'est apparemment la tendance: les droits en streaming sont négociés avec les droits de distribution au cinéma.

Toujours du côté de Netflix, le diffuseur a acquis les droits mondiaux du documentaire environnement Chasing Coral, qui, on s'en doute, concerne la destruction des barrières de corail à cause du réchauffement climatique. Le film est en compétition à Sundance. Alors que la nouvelle administration de Donal Trump, composée de climato-sceptiques, fait craindre un retour en arrière dans la lutte contre le réchauffement climatique, le film de Jeff Orlowski a intéressé de nombreux distributeurs. Netflix, avec sa force de frappe mondiale et son portefeuille épais, a fait la différence. L'environnement est un des grands thèmes du festival de Sundance cette année, avec notamment la première mondiale de An Inconvenient Sequel, suite du documentaire d'Al Gore, An Inconvenient Truth, Oscar en 2006.

Les documentaires ont d'ailleurs la côte puisque The Orchard et CNN ont acquis les droits nord-américains et télévisuels de Trophy, réalisé par Shaul Schwarz et Christina Clusiaupour 2M$. Trophy, autre film activiste, explore les relations entre l'industrie de la chasse et la sauvegarde de la faune, notamment les lions, les éléphants et les rhinocéros. Il est en compétition au festival.

Enfin, last but not least, Amazon a aussi signé un gros chèque de 6M$ pour le documentaire de 4 heures sur le groupe The Grateful Dead , réalisé par Amir Bar-Lev et produit parr Martin Scorsese. Il sera notamment diffusé sur Amazon Prime, en six épisodes. Une sortie cinéma est prévue également.

Edito: Chaleur humaine

Posté par redaction, le 19 janvier 2017

OMG! Il fait (très) froid. Et on ose nous parler de record de chaleur sur la planète en 2016! En même temps, du grand froid en hiver, c'est assez normal. Toujours est-il que pour se réchauffer, rien ne vaut une bonne salle de cinéma. Un multiplexe en Bosnie à Zenica a proposé des séances gratuites, avec le soutien de quatre distributeurs locaux. Les spectateurs de cette ville qui a subit une coupure d'électricité massive avaient le droit de découvrir des films européens, en plus de boire un thé chaud.  Dans un premier temps, cette opération était réservée à l'une des salles du complexe, du lundi au vendredi, lors des trois séances de matinée et d'après midi. Elle fut ensuite prolongée d'une semaine, avec des films européens à redécouvrir.

Et même si on paye les séances, le cinéma permet de s'évader au soleil, tout en se réchauffant au contact des autres: celui de la Floride dans Live by Night, celui de la campagne française d'Un sac de billes, celui de Marseille dans Corniche Kennedy, celui du Chili dans Neruda, celui du Texas dans Nocturnal Animals... Aucune vitamine D assurée. Mais au moins la température monte de quelques degrés.

En ce début d'année, où les films endeuillés se ramassent à la pelle (Manchester by the Sea, Dalida, Fleur de Tonnerre, Jackie à venir), on attend avec impatience le lumineux, coloré et romantique La La Land. Car, du fabuleux Moonlight à l'aventureux Premier contact, de Lion à 20th Century Women, en passant par les sus nommés Manchester by the Sea, Jackie et La La Land, le cinéma américain indépendant s'avère en pleine forme, et bien plus singulier, intéressant et passionnant que la plupart des productions à Oscars des studios. Le temple du cinéma indépendant c'est Sundance, qui, justement, se lance aujourd'hui,  la veille de l'investiture de Donald Trump. Un Festival qui sera par conséquent, sous le signe de la résistance. Et nul ne doute que le 7e art échauffera les voix et fera monter le désir...

Pas besoin de chauffage ou de soleil, avec tous ces films, l'hiver est réconfortant. La machine à rêves fonctionne à plein régime, sans mettre en péril les ressources énergétiques. Avec de si belles histoires, tragiques ou enchanteresses, aller au cinéma c'est comme s'installer devant une cheminée, avec son plaid et un bon livre, pendant que, dehors, le froid polaire règne.