Quinzaine 50 – naissance, balbutiements et réussites de la plus libre des sections cannoises

Posté par vincy, le 7 mai 2018

Héritière directe de ceux qui voulaient affranchir le cinéma de ses chaînes en 1968, la Quinzaine célèbre cette année sa 50e édition. L'occasion d'une promenade à son image - en toute liberté, et forcément subjective - dans une histoire chargée de découvertes, d'audaces, d’enthousiasmes, de coups de maîtres et de films devenus incontournables.

En partenariat avec Critique-Film. Retrouvez tout le dossier ici.

"La Quinzaine des Réalisateurs est la plus libre des sections cannoises" rappelle Edouard Waintrop, son actuel délégué général. "Elle n'est tenue par aucune obligation. Ses préoccupations sont de faire connaître de nouveaux talents, surprendre avec des aspects nouveaux et inconnus de talents reconnus, varier les plaisirs, en un mot, montrer ce qu'il y a de plus excitant dans le cinéma mondial et ce qui affleure de plus intéressant dans ses nouveaux courants" explique-t-il.

Née en 1969, la manifestation est organisée en à peine plus de deux mois, même si son origine remonte aux événements de mai 1968. Née sur la lancée de l'arrêt de l'édition 68 du Festival de Cannes, la Société des Réalisateurs de Films (SRF) a été créée par des cinéastes « rebelles » (Godard, Truffaut, Costa-Gavras, Malle… ). Déjà unis dans le combat contre la décision de déloger Henri Langlois de la Cinémathèque Française, ils voient leur envie d'agir plus en profondeur scellée par cette interruption. François Truffaut appelle à des États généraux du cinéma qui mènent à de longs débats réunissant de nombreux participants de toutes les branches pour de multiples revendications sur la liberté de création, de production ou de diffusion… Le 14 juin 1968, la SRF naît officiellement, portée ainsi par l'idée de « défendre les libertés artistiques, morales, professionnelles et économiques du cinéma » et d'être « un instrument de combat ».

Contre-festival

Pour contrer la censure cinématographique qui a marqué les deux premières décennies du Festival, les réalisateurs ont plusieurs doléances : ils veulent un Festival sans tenue de soirée, doté d’un palmarès du public, avec accès gratuit aux projections et demandent également que la sélection soit choisie de manière indépendante. Le Festival de Cannes rejette leurs revendications et, à l'initiative du réalisateur Jean-Gabriel Albicocco qui représentait la SRF au Conseil d'administration du Festival de Cannes, la jeune association de cinéastes décide de créer un « contre-festival ». Albicocco expliquait en quoi il se sentait légitime pour faire des reproches à la sélection officielle : «Étant Cannois, j'avais connu tous les festivals, et c'était à travers eux que j'avais découvert, aimé et appris le cinéma. J'étais donc à même de juger combien cette manifestation ne répondait plus aux réalités cinématographiques du moment, sentiment qui était partagé par l'ensemble des réalisateurs que nous représentions ».

La Quinzaine naît officiellement sur la Croisette le 9 mai 1969. Grâce à la modification du calendrier, sa cinquantième édition s'ouvrira le même jour, 49 ans plus tard. En présence de Martin Scorsese, excusez du peu.

Durant 30 ans, la Quinzaine sera entre les mains de Pierre-Henri Deleau, placé à ce poste prestigieux par le bon soin de Jacques Doniol-Valcroze. C'est à cet éminent membre fondateur de la SRF qu'on doit ce nom d'une simplicité biblique : «La Quinzaine des Réalisateurs». L'appellation «Cinéma en liberté» est pourtant choisie pour nommer la manifestation la première année. Il parvient néanmoins à accoler la mention «Quinzaine des Réalisateurs» sur l'affiche-programme. L'histoire donnera raison au réalisateur de La Maison des Bories, critiques et public adoptant rapidement ce nom aussi clair que celui des Cahiers du Cinéma dont il est également l'auteur. Jacques Doniol-Valcroze était un bon porte-bonheur.

Après le départ volontaire de Deleau du poste de délégué général après 1998, les crises de direction sont régulières. Certaines années sont jugées trop faibles, l’équipement de l’ex Hilton et désormais Marriott vieillit. Mais avec Olivier Père (2004-2009) puis Edouard Waintrop (de 2012 à cette année), la sélection « off » continue bon an mal an à avoir du flair, à attirer un large public et à recevoir de belles critiques.

Record de Caméra d'or

La particularité de la Quinzaine est de mélanger les vétérans (la liste serait trop longue, de Bresson à Chahine en passant par Breillat, Goupil, Ivory, Fassbinder, les frères Taviani, Sembene, De Andrade, etc…) avec les jeunes talents, les cinémas inconnus avec les cinématographies réputées. Depuis 1969, les grands noms s’y sont succédé : futurs grands talents comme cinéastes légendaires. Si on prend la Caméra d’or, prix qui récompense depuis 1978 le meilleur premier film toutes sélections cannoises confondues, la Quinzaine a été distinguée quinze fois. Un record célébré en 2016 avec Divines qui permettait alors à la sélection de passer devant Un certain regard et ses 14 lauréats de l'époque.

Une sacrée sélection pour la première édition

Cela constituerait en soi un palmarès flatteur. Mais cela ne suffirait pas. Dès sa première édition, on note la présence des premiers films de Bob Rafelson, Head, et d'André Téchiné, Pauline s'en va, le deuxième film de Luc Moullet, Les contrebandières, le troisième film de Bernardo Bertolucci, Partner, un film de Roger Corman, The Trip, ou encore deux films de Nagisa Oshima, qui deviendra un abonné régulier de la sélection.

La Quinzaine a vocation à explorer le cinéma. Son générique projeté avant chaque film (et légèrement modifié chaque année par Olivier Jahan) prouve cette diversité. Nombreux sont les cinéastes qui y ont fait leurs débuts à Cannes, quand ce n'est pas carrément leur premier court ou long métrage qui a été présenté à la Quinzaine, bien avant qu'ils ne reçoivent une Palme, un Oscar, un César, ou qu'ils ne soient promus en sélection officielle, ou même qu'ils touchent un large public avec un succès populaire. Ils ont été sacrés par cette présence à l'écart de la sélection officielle. La Quinzaine les a anoblis et souvent révélés à travers leurs courts, moyens ou longs métrages.

Ces 80 cinéastes remarqués à la Quinzaine

Florilège à la Prévert : Werner Herzog, Werner Schroeter, Paul Vecchiali, Arturo Ripstein, Claude Miller, Philippe Garrel, Danièle Huillet et Jean-Marie Straub, Lucian Pintilie, Volker Schlöndorff, Jacques Rozier, Alain Tanner, Laszlo Szabo, Ken Loach, Theo Angelopoulos, Otar Iosseliani, Patricio Guzman, Roy Andersson, Fred Schepisi, Benoît Jacquot, Michael Radford, Mike Newell, Wayne Wang, Spike Lee, Terence Davies, Mike Figgis, Michael Haneke, Roberto Benigni, Atom Egoyan, Bruno Podalydès, Guillaume Nicloux, Jacques Maillot, Bent Hamer, James Mangold, Todd Haynes, Catherine Corsini, Sergueï Bodrov, les frères Dardenne, Ferzan Ozpetek, Gaël Morel, Bruno Dumont, Djamel Bensalah, Todd Solondz, Jacques Nolot, Sébastien Lifshitz, Claire Simon, Paul Pawlikowski, Sólveig Anspach, Stéphane Brizé, Lee Chang-Dong, Alain Guiraudie, Mahamat-Saleh Haroun, Julie Lopes-Curval, Carlos Reygadas, Matteo Garrone, Lynne Ramsey, Pen-ek Ratanaruang, Bouli Lanners, Cristian Mungiu, Kornél Mundruczó, Eugène Green, Katell Quillévéré, Eric Khoo, João Pedro Rodrigues, Kleber Mendonça Filho, Corneliu Porumboiu, Yann Gonzalez, Nadine Labaki, Mia Hansen-Løve, Benny et Josh Safdie, Miguel Gomes, Albert Serra, Valérie Donzelli, Pablo Larrain, Michel Franco, Louis Garrel, Alice Rohrwacher...

Des signatures singulières, des cinéastes rattrapés et d'autres oubliés

Et puis on note des noms plus singuliers comme les chanteurs/auteurs/artistes John Lennon (1971) et Bob Dylan (1978), la photographe et écrivaine Susan Sontag (1969 et 1971), les romanciers Marguerite Duras (1976) et Emmanuel Carrère (2005), le metteur en scène de théâtre Robert Lepage (1995), l'acteur porno HPG (2006), l'auteur de BD Riad Sattouf (2009), les acteurs hollywoodiens Sean Penn, Tim Robbins, Steve Buscemi, Anjelica Huston, Tim Roth, Ethan Hawke ou John Turturro.

On remarque aussi que la Quinzaine a pris parfois le carrosse en marche avec des cinéastes tels Chantal Akerman, Brillante Mendoza, Aki Kaurismäki, Hou Hsiao-hsien, Hong Sangsoo, Takeshi Kitano, Jean-Pierre Mocky, Abderrahmane Sissako, Kiyoshi Kurosawa, Gregg Araki, Bertrand Bonello, Raoul Peck, Bong Joon-ho, Béla Tarr, Im Sang-soo, Amos Kollek, Sharunas Bartas, Shane Meadows, Ruben Östlund, Joachim Lafosse, Philippe Falardeau, Denis Villeneuve, Christophe Honoré ou Ang Lee.

On constate également que la Quinzaine a, comme les autres sélections cannoises, loupé de grands noms comme Pedro Almodovar, David Cronenberg ou ceux de la 5e génération chinoise des années 1980.
Qu'enfin, la section s'autorise à choisir parfois des films de genre (William Friedkin, Takashi Miike), des signatures arty (Alejandro Jodorowsky, Agnès Varda) ou à repêcher des auteurs réputés (Arnaud Desplechin, Céline Sciamma) pour remplir sa mission d'éclectisme.

De George Lucas à Ma vie de Courgette

Pour compléter cette longue liste de découvertes, il faut ajouter quelques très beaux coups qui ont frappé l'histoire de la sélection au fil des ans: George Lucas avec THX1138 en 1971, Michael Apted dès son premier film, The Triple Echo, en 1973, Jacques Rivette avec Céline et Julie vont en bateau en 1974, Martin Scorsese avec Mean Streets en 1974 toujours, Nagisa Oshima avec L'empire des sens en 1976, Manoel De Oliveira avec Francisca en 1981, qui amorce la renaissance du cinéaste portugais, Stephen Frears avec The Hit en 1984 puis The Snapper en 1993, Susan Seidelman avec Recherche Susan Désespérément (et Madonna dans son premier rôle) en 1985, Denys Arcand avec Le déclin de l'Empire américain en 1986, Shekhar Kapur avec La Reine des bandits et P.J. Hogan avec Muriel's Wedding en 1994 (sans doute l'une des plus belles années de la sélection), Sandrine Veysset avec Y aura t’il de la neige à Noël ? en 1996, Sofia Coppola avec The Virgin Suicides en 1999, Stephen Daldry avec Billy Elliot en 2000, Jean-François Pouliot avec La grande séduction en 2003, Michel Ocelot avec Azur et Asmar en 2006, Xavier Dolan et son premier long J'ai tué ma mère et Francis Ford Coppola qui signait son retour avec Tetro en 2009, Noémie Lvovsky avec Camille Redouble en 2012, les films d'animation Ernest et Célestine (2012) et Ma vie de Courgette (2016), Guillaume Gallienne avec Les garçons et Guillaume à table! en 2013, Damien Chazelle avec Whiplash en 2014, Philippe Faucon avec Fatima et Deniz Gamze Ergüven avec Mustang en 2015.

Un palmarès finalement assez exceptionnel pour une sélection sans réel palmarès. Il y a  beaucoup de grands festivals qui aimeraient avoir ce catalogue cinématographique.

Pour plus de détails sur la création de la SRF et de la Quinzaine des Réalisateurs, nous recommandons les ouvrages «La S.R.F. et la Quinzaine des Réalisateurs : une construction d’identité collective» d'Olivier Thévenin, publié en 2008 l'année de la quarantième édition et «Quinzaine des réalisateurs : les jeunes années, 1967-1975» de Bruno Icher, édité cette année.

Avec la participation de Pascal Le Duff de Critique-Film

Cannes 2018: la carte (du Festival) et les territoires (du cinéma)

Posté par vincy, le 7 mai 2018

Le Festival de Cannes - Sélection officielle, Quinzaine des réalisateurs, Semaine de la critique et Acid - est vraiment mondial comme on le constate avec notre carte. Hormis l'Océanie (dignement représentée par Cate Blanchett présidente du jury), tous les continents sont représentés. Il y a bien quelques gros trous (Amérique centrale, Moyen-Orient, Afrique de l'Ouest et du Centre, Scandinavie), mais la représentativité des cultures est bien présente avec 36 pays différents. 17 pays ne sont sélectionnés qu'à travers un seul film (Syrie, Liban, Kenya, Maroc, ...).

La France domine largement le classement avec 27 films toutes sections confondues. Les Etats-Unis (8), le Portugal et l'Italie (5 chacun), et la Chine (4) complètent le Top 5.

Derrière ce classement brut, il y a des tendances plus certaines. Par continent, l'Europe domine largement avec 29 films de 13 pays. Cette année, l'Asie (hors Proche et Moyen Orient) est aussi en force avec 15 films de 6 pays. Un Certain regard devance la compétition et la Quinzaine en nombre de pays sélectionnés.

Par sélections, la France domine chacune des sélections, révélant quand même un tropisme national. Le Portugal est à triplement l'honneur à l'Acid, les Etats-Unis et l'Espagne font un doublé à la Quinzaine, l'Argentine est deux fois élue à Un certain regard, alors quatre pays sont doublement sélectionnés en compétition: Japon, Italie, Etats-Unis et Iran.

Cannes 2018: Laurent Cantet lance le 1er Prix de la citoyenneté

Posté par vincy, le 6 mai 2018

Un nouveau prix à Cannes: l’association Clap Citizen Cannes présidée par Laurent Cantet créé le Prix de la Citoyenneté. Il sera remis pour la première fois cette année à l’un des titres de la sélection officielle en compétition, défendant des valeurs humanistes, universalistes, et laïques. De quoi contrecarrer le prix œcuménique...

Autour de cet évènement, une table ronde sera organisée le 17 mai, avec RFI et France 24, au stand du Pavillon des cinémas du monde.

Il sera "choisi pour ses qualités artistiques et ses valeurs d’humanisme, d’universalisme et de laïcité", explique l’association dans un communiqué, qui précise: "son objet est de distinguer une oeuvre de qualité artistique de premier plan qui exalte les vertus de la richesse humaine individuelle et collective, les engagements solidaires en faveur des femmes et des hommes, ainsi que la préservation des ressources de notre planète associées à la défense de la qualité environnementale en faveur des générations futures."

Le prix a été créé pour deux raisons: "Celle de la citoyenneté telle qu’elle a été définie dans la Déclaration des droits de l’homme et du Citoyen de 1789 (Article 11 : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi. »)" et "celle de la résistance à l’oppression sous toutes ses formes que symbolise si bien Jean Zay, ministre de l’Education nationale et des Beaux-Arts qui a créé le premier Festival de Cannes en 1939, en opposition à la Mostra de Venise soutenue à l'époque par le pouvoir fasciste."

Pour sa première édition, le jury est présidé par le réalisateur Abderrahmane Sissako, entouré de l'inamovible journaliste et critique Danielle Heymann, du directeur général d’Audiens Patrick Bézier, de la réalisatrice et productrice Léa Rinaldi (Alea Films, Esto es lo que hay, chronique d'une poésie cubaine), et du directeur artistique de festivals Francesco Giai Via (Festival du Cinéma Italien d'Annecy).

La remise du prix aura lieu le 19 mai à 13h dans le Palais du festival, en présence notamment du délégué général du Festival de Cannes, Thierry Frémaux.

Netflix va-t-il tuer le Festival de Cannes ?

Posté par wyzman, le 6 mai 2018

Depuis avril 2017, le nom de Netflix est sur les lèvres de nombreux festivaliers et adeptes de la Croisette. Suite à la polémique sur la nature même des films qu'il produit et diffuse, Netflix a tout simplement été banni de la sélection officielle par les organisateurs du Festival de Cannes. Pas plus tard que le mois dernier, Thierry Frémaux rappelait néanmoins que le géant du streaming pourrait néanmoins proposer ses films hors-compétition. Mais rien y fait, Netflix ne sera pas de la partie cette année. Et il se pourrait bien que le premier à être pénalisé par cette absence ne soit pas l'abonné ou le festivalier mais bien ceux qui ont toujours soutenu les politiques et diverses règles du Festival !

Absence de stars

Les plus teigneux d'entre nous pourraient arguer que l'absence de Netflix va profiter aux autres films, leur permettre de gagner en visibilité médiatique. Mais ils auraient tort (enfin presque). La non-présence de films produits ou acquis par Netflix va très certainement permettre à d'autres sélectionnés d'avoir quelques jolis papiers dans la presse mais cela n'aide pas vraiment les organisateurs du Festival dont l'attitude ne cesse d'être critiquée par les médias américains. Cette semaine, le très sérieux Variety posait d'ailleurs la question "Avec Netflix out et les stars absentes, Cannes restera-t-il influent ?"

Cette dernière peut faire sourire mais elle s'avère extrêmement pertinente. L'année dernière, les deux films de Netflix présents en sélection officielle avaient permis d'amener Tilda Swinton, Jake Gyllenhaal, Ben Stiller, Dustin Hoffman et Emma Thompson sur le tapis rouge. Rien que ça ! Cette année, les deux films américains à briguer la Palme d'or (Blackkklansman et Under the Silver Lake) devraient rameuter Adam Driver, Laura Harrier, Topher Grace, Riley Keough et Zosia Mamet. A l'exception d'Adam Driver, tous les autres sont loin, très loin d'être de stars de classe A. Et si vous espérez voir Andrew Garfield en smoking pour Under the Silver Lake, il faudra repasser : l'acteur de 34 ans joue actuellement dans le remake d'Angels in America à Broadway.

La presse française ravie

Bien évidemment, l'absence de grandes stars américaines n'est pas directement responsable du manque d'engouement outre-Atlantique pour cet événement. Mais à y regarder de plus près, on constate rapidement que cette 71e édition sera avant tout marquée par des montées de marches où les acteurs français seront plus qu'à l'honneur. L'an dernier, 120 Battements par minute nous avait apporté Nahuel Pérez Biscayart, Arnaud Valois, Adèle Haenel et Yves Heck, Le Redoutable Louis Garrel et Bérénice Bejo, Rodin Vincent Lindon et Izïa Higelin et L'Amant double Marine Vacth, Jérémie Renier et Jacqueline Bisset.

Cette année, les Gala, Voici et autres VSD devraient se délecter des apparitions de Vincent Lindon, Mélanie Rover pour En guerre de Vincent Brizé, Vanessa Paradis, Kate Moran et Nicolas Maury pour Un couteau dans le cœur de Yann Gonzalez, Vincent Lacoste, Pierre Deladonchamps et Denis Podalydès pour Plaire, aimer et courir vite de Christophe Honoré et enfin Golshifteh Farahani et Emmanuelle Bercot pour Les Filles du soleil d'Eva Husson.

Car du côté des films étrangers non-américains, seul Everybody knows devrait retenir toute l'attention. Le film d'Asghar Fahradi a été choisi pour faire l'ouverture du festival, permettant ainsi à Penélope Cruz, Javier Bardem, Ricardo Darín et Eduard Fernandez de laisser à penser que le glamour de celui-ci est intact. Mais personne n'est dupe !

L'intérêt est ailleurs

Parce que l'affaire Netflix a marqué un tournant pour le plus grand festival de cinéma au monde, il n'est pas vraiment étonnant de voir que les films les plus attendus à l'heure actuelle sont ceux qui devraient repartir bredouille. Parmi les films hors-compétition, il semble impensable de manquer Solo : A Star Wars Story de Ron Howard et The House that Jack Built de Lars Von Trier et L'Homme qui tua Don Quichotte de Terry Gilliam.

Côté séances de minuit, le téléfilm de HBO et Ramin Bahrani Fahrenheit 451 ainsi que le documentaire Whitney de Kevin MacDonald devraient faire sensation. Et autant ne pas commencer à évoquer la curiosité que suscitent les nouveaux films de Romain Gavras, Gaspar Noé, Philippe Faucon, Guillaume Nicloux à la Quinzaine des réalisateurs et de Alex Lutz et Paul Dano en à la Semaine de la critique.

L'aura de Netflix intacte

L'avenir du Festival de Cannes n'est sans doute pas en danger à cause de Netflix mais il devient de plus en plus évident que son halo s'en est allée et qu'il devient jour après jour une simple devanture pour ses partenaires. Le festival survivra très certainement sans films américains en compétition officielle mais la question est de savoir s'il peut rester compétitif et pertinent sans la hype qui entoure tous les projets de Netflix. Plus qu'attachés à la chronologie des médias et à un certain cinéma, les organisateurs pourraient bien être en train de passer à côté de l'essentiel : l'ouverture sur le monde.

Malgré le bad buzz provoqué par la présence de son entreprise en compétition l'an dernier, le fondateur et PDG de Netflix, Reed Hastings demeure confiant pour la suite. Actuellement au festival Séries Mania, il a ainsi précisé : "Concernant le festival de Cannes, nous avons créé une controverse plus importante que nous ne le souhaitions. Nous n’avons pas l’intention de perturber le système cinématographique. Tout ce que nous voulons, c’est rendre nos souscripteurs heureux grâce à nos créations." Tout cela avant de démentir les rumeurs d'achat d'une chaîne de cinémas par Netflix.

Avec déjà 125 millions d'abonnés en poche, Netflix pourrait bien finir par devenir "le grand producteur mondial" que son fondateur ambitionne d'être, qu'il s'agisse de ses séries ou de ses films. En refusant de voir concourir ses productions en sélection officielle, le Festival joue un jeu dangereux et prend le risque de passer pour l'oncle archaïque trop obsédé par sa chronologie des médias obsolète pour voir ce que la révolution numérique a de meilleur à offrir. Enfin, en l'absence d'accord, les deux partis pénalisent celui qui a toujours soutenu le Festival : le distributeur indépendant !

Cannes 2018: Hommage à Marin Karmitz

Posté par vincy, le 5 mai 2018

"A l’occasion du dîner des professionnels de l’industrie cinématographique mondiale organisé par le Festival de Cannes le vendredi 11 mai, un hommage sera rendu à Marin Karmitz pour l’ensemble de son œuvre en faveur du cinéma d’auteur et alors que son film Coup pour coup (1972) sera projeté dans le cadre de Cannes Classics le même jour" annonce le Festival dans un communiqué à trois jours de l'ouverture de la manifestation.
Marin Karmitz sera présent salle Buñuel le vendredi 11 mai à 14h30 et rencontrera le public à l’issue de la projection de son film.

Auteur, réalisateur, producteur, distributeur, exploitant (et militant), "Marin Karmitz a produit plus d’une centaine de films, en a distribué près de 400, a réuni un catalogue de droits de plus de 600 films, créant également et développant un réseau de cinéma de 12 salles et 68 écrans à Paris et désormais de 10 salles et 128 écrans en Espagne" rappelle le Festival à propos du fondateur de MK2.

C'est aussi une manière de faire un lien avec les commémorations de Mai 68. Après avoir crée mk2 productions en 1967, il devient membre du mouvement maoïste la Gauche prolétarienne (et réalisera trois films engagés: Sept jours ailleurs (1969), Camarades (1970) et Coup pour coup (1972)), revendiquant un "cinéma de lutte".

Coup pour Coup, une chronique d'une usine textile en grève jouée par des ouvrières, avait été alors refusé par les distributeurs, poussant Marin Karmitz à fonder son propre réseau: "Je revendique plus que jamais Mai 68, et j'ai d'ailleurs construit mon entreprise comme un militant".

Pierre Lescure, Président du Festival de Cannes précise: "En cette année-anniversaire de Mai 68 dont il est l’un des héritiers, c’est Marin Karmitz que nous souhaitons honorer et dont nous voulons saluer l’œuvre, l’engagement et l’inlassable défense du cinéma d’auteur."

Karmitz préfère se définir ainsi: "Je ne suis pas un producteur de cinéma, mais un éditeur et un marchand de films."

L'homme de cinéma s'est tourné vers la création contemporaine et la photographie. Il a toujours été transdisciplinaire, dès ses débuts avec Nuit Noire Calcutta (1964), d’après un scénario de Marguerite Duras, et Comédie (1966), adapté d’une pièce de Samuel Becket

Marin Karmitz a travaillé avec quelques-uns des plus grands metteurs en scène de l’histoire du cinéma contemporain : Jean-Luc Godard, Alain Resnais, Claude Chabrol, Louis Malle, Krzysztof Kieslowski, Paolo et Vittorio Taviani, Pavel Lounguine, Theo Angelopoulos, Gus Van Sant, Jacques Doillon, Hong Sang-soo, Michael Haneke, Olivier Assayas, Xavier Dolan et Abbas Kiarostami qu’il a accompagné jusqu’au bout.

Au Festival de Cannes, Marin Karmitz a obtenu une quarantaine de prix dont trois Palmes d’or, il a également obtenu trois Lions d’or à Venise, un Ours d’or à Berlin, trois nominations aux Oscars et vingt-cinq César.

Cannes 2018: Patty Jenkins recevra le Prix Women in Motion

Posté par vincy, le 4 mai 2018

Scénariste et réalisatrice, Patty Jenkins recevra le prix Women in Motion 2018 au prochain festival de Cannes. La réalisatrice de Monster, qui a valu à Charlize Theron un Oscar de la meilleure actrice, a été la première femme à avoir un budget de plus de 100M$ en filmant Wonder Woman, 3e plus gros succès de l'année 2017.

Avec cette performance, il devient le film d’action dirigé par une femme ayant généré le plus de recettes dans l’histoire du cinéma, aux Etats-Unis et dans le monde. Patty Jenkins réalisera la suite de Wonder Woman, actuellement en cours de tournage. Elle vient par ailleurs de terminer la production de la série limitée One Day She’ll Darken, diffusée sur TNT et composée de six épisodes, pour laquelle elle occupe les postes de réalisatrice et de productrice exécutive.

Pour la 4e édition cannoise de Women in Motion, Patty Jenkins, qui a permis des avancées significatives dans le combat pour l’égalité femme-homme, recevra son Prix à l’occasion du Dîner officiel Women in Motion le 13 mai des mains de François-Henri Pinault, Président-Directeur Général de Kering, Pierre Lescure, Président du Festival de Cannes, et Thierry Frémaux, Délégué général du Festival de Cannes.

Gros clash pour beaucoup de cash autour du film de Terry Gilliam

Posté par vincy, le 3 mai 2018

Après le soutient virulent apporté par le Festival de Cannes à Terry Gilliam, dont le dernier film L'homme qui tua Don Quichotte doit faire la clôture de la manifestation, Paulo Branco a réagi rapidement, rappelant que "Trois décisions judiciaires ont confirmé les droits exclusifs de Paulo Branco et d’Alfama Films Production sur le film de Terry Gilliam, The man who killed Don Quixote. Ces décisions ont l’autorité de la chose jugée et empêchent toute projection ou exploitation du film sans l’accord de son producteur."

Le producteur, qui avait déjà reproché le passage en force du Festival, explique que "L’exploitation du film est impossible en l’absence de visa d’exploitation que le CNC, pour sa part respectueux du droit, ne peut délivrer. Le Festival de Cannes a décidé de passer outre ces décisions de justice qui avaient été portées à sa connaissance et c’est la raison pour laquelle c’est lui qui a été assigné en justice", ajoutant qu'il est "indécent" de comparer la situation de Terry Gilliam, "qui se refuse à respecter les décisions judiciaires dans un Etat de droit, à celle de réalisateurs victimes de la répression et de la censure dans leurs pays." Il ajoute: "Le Festival de Cannes n’est pas au-dessus de la loi et la virulence et l’agressivité de son ton n’y changeront rien", et dément avoir utilisé "des méthodes d’intimidation en saisissant la justice pour faire respecter ses droits."

Branco, qui risque de finir persona non grata à Cannes, se donne ainsi le beau rôle dans cette histoire: "pendant seize ans de 2000 à 2016, Terry Gilliam n’a trouvé aucun producteur acceptant de reprendre son projet." "Si ce film existe aujourd’hui, c’est grâce au travail et aux investissements réalisés par Alfama Films Production et Paulo Branco, quand personne ne croyait plus à ce film".

Aparté: On attendra sereinement le référé du 7 mai, demandé par le producteur, qui veut interdire la projection cannoise ET la sortie française du film. Et surtout la décision du tribunal attendue le 15 juin: Durant la préproduction du film, de nombreux désaccords, liés au budget, au casting, au calendrier de tournage ont opposés Paulo Branco à Terry Gilliam, qui a finalement renoncé au tournage avant de se tourner vers la société espagnole de production Tornasol, qui faisait partie de la structure de coproduction constituée par Alfama Films. Il a relancé la production une fois qu'Amazon, après s'être désisté de la coproduction d'origine, s'est investie aux côtés de Tornasol. Entre-temps, le réalisateur a ouvert une procédure auprès de la justice française pour faire résilier le contrat de cession de ses droits au profit de Paulo Branco. Mais il y a un an la justice française s'est prononcée en première instance en faveur de Paulo Branco, tout en rejetant la demande du producteur portugais de stopper le tournage alors en cours pour contrefaçon. Saisie par le réalisateur, la cour d'appel de Paris a examiné à son tour l'affaire début avril et rendra sa décision le 15 juin. Deux autres procédures sont en cours. En Angleterre, la Haute Cour de Londres a donné raison à Alfama Films aux dépens de RPC, pour les droits sur le scénario. En Espagne, la procédure qui oppose Alfama Films à Tornasol pour les droits du film est en cours.

Les producteurs du film et Océan films, distributeur français, ont à leur tour décidé de se défendre médiatiquement par communiqué.

"Afin d’éclairer le public qui suivrait cette affaire et tous les amoureux du cinéma de Terry Gilliam, nous voudrions porter une information aussi objective que possible sur le dernier volet rocambolesque de cette incroyable histoire de cinéma et expliquer pourquoi M. Branco n’est pas et ne sera jamais ce qu’il prétend être, à savoir le producteur de ce film. Parce qu’il ne détient pas les droits d’auteur sur le scénario du film : s’il a bénéficié d’une option pour acquérir ces droits auprès de leur titulaire, la société anglaise RPC, il ne l’a jamais levée car il était dans l’incapacité d’en payer le prix de 250000€.
Parce qu’il n’a jamais payé le prix des droits d’auteur-réalisateur du film, il n’a pas même versé 1€ à Terry Gilliam à ce titre.
Et parce qu’il n’a pas produit le film sélectionné par le Festival de Cannes
". Dont acte?

Le communiqué révèle quelques pièces (croustillantes) du dossier. Paulo Branco se serait livré à un véritable chantage, menaçant Terry Gilliam, à qui il écrit: "Soit tu fais ce film à ma façon, soit tu compromets irrémédiablement la faisabilité du projet et ton film est condamné, il ne verra jamais le jour". Sous le choc, Terry Gilliam refuse de céder. M. Branco lui répond: "Notre collaboration est impossible. Bonne chance avec un autre producteur".

"Terry Gilliam décide donc de résilier son contrat. (...) A cet instant précis, la préparation du film n’a pas commencé et M. Branco n’a pas versé un centime à Terry Gilliam. Et c’est toujours le cas aujourd’hui. En danger d’être à jamais enseveli, le film est alors sauvé par quatre producteurs : la britannique Amy Gilliam, l’espagnole Mariela Besuievsky, avec le soutien du belge "Entre Chien et Loup" et du français Kinology. Elles et ils sont les producteurs du film : ils ont réuni 16M€ de financement et convaincu les distributeurs. Ils sont les propriétaires du film dont la chaîne des droits est enregistrée dans quatre pays. Il leur faut neuf mois pour préparer et démarrer le tournage, le temps de rebâtir sur les décombres laissés par M.Branco qui, en moins de cinq mois de "collaboration", aura été incapable de redonner vie au projet tel qu’il était conçu par son auteur, et aura démontré sa volonté destructrice et autoritaire, dont la séquence que nous vivons en ce moment est une nouvelle illustration" détaillent-ils.

En fait les producteurs décident de ne pas reconnaitre Alfama comme détenteur de droits exclusifs et donc "l'autorité de trois procès gagnés" par Paulo Branco. Ils nuancent: "Le refrain "3 procès gagnés" repose sur l’interprétation spécieuse par M. Branco d’une décision rendue par un juge français et de deux décisions anglaises. " Pour eux c'est un problème d'interprétation: "Le juge du fond a écarté la prétention d’ALFAMA de détenir des droits d’auteur-réalisateur. La "victoire" que M. Branco s’attribue, c’est que le juge a également estimé que M. Gilliam n’aurait pas dû résilier ainsi son contrat. Pour autant, le juge a considéré que cela était sans incidence sur le processus de production du film en cours par les véritables producteurs." Côté anglais, selon eux, "les juges prorogent l’option sur le scénario dont bénéficiait M. Branco. Or, cette option ne peut plus être levée, puisque les droits ont été cédés légalement aux nouveaux producteurs. Et bien cédés, ajoutent les juges anglais qui considèrent que cette cession est valide et opposable à M.Branco, qui ne pourra donc jamais être cessionnaire des droits du scénario."

"Les déclarations de son fils sur les réseaux sociaux y ajoutent une dose de grotesque, qui pourrait faire sourire si cela ne cherchait à mettre à nouveau en péril un film qui s’apprête à voir le jour". De fait, ça se déchaine sur les réseaux entre les déclarations du fils et avocat Juan Branco et les autres. On apprend d'ailleurs au fil des commentaires le nombre d'ardoises incalculables du producteur dans la profession, ses méthodes de paiement un peu folkloriques et la raison pour laquelle de nombreux professionnels ne veulent plus travailler avec lui, attachés de presse inclus.

"Quel en est l’enjeu ? De savoir si oui ou non, en résiliant son contrat, Terry Gilliam a eu raison de chercher à sauver son film, ou s’il aurait dû l’abandonner aux mains d’un producteur dont il savait qu’il était prêt à le sacrifier. Paulo Branco, rappelons-le, n’a pas payé, rien investi, ni n’a respecté ses engagement envers le réalisateur. Il n’a pas acquis et ne pourra jamais acquérir les droits du scénario n’ayant jamais levé l’option, ce qui l’empêchera à jamais revendiquer la qualité de producteur d’un film dont il s’est écarté de lui-même (voir courrier plus haut), neuf mois avant le début de tournage.
M. Branco soutient que la projection du film à Cannes porterait atteinte à ses droits. Mais à quels droits ? En quoi consisterait son préjudice si le film était projeté à Cannes ? Selon lui, il ne serait alors pas consacré comme celui qui a permis au projet d’être remis sur les rails. Voilà ce qui justifie sa demande d’enterrer The Man Who Killed Don Quixote et qui justifie selon lui une mesure de censure, qui ne lui apporterait rien à lui, mais détruirait la distribution de l’œuvre de Terry Gilliam et la réputation de son auteur avec elle. Pourquoi en est-on arrivé là ? Parce que, le 15 Mars 2018, les producteurs ont refusé l’ultimatum non négociable de M.Branco transmis en présence de tiers : cet ultimatum, c’est 3,5M€ pour lui, qui se répartiraient en 2M€ cash immédiatement et 1,5M€ sur les recettes à venir.
"

Voilà. Une banale histoire de cash qui se transforme en big clash. Peu importe finalement ces débats juridico-financiers. Si M. Branco était un passionné de cinéma, il n'interdirait pas la projection cannoise du film de Terry Gilliam. Rien n'empêche non plus la distribution du film: s'il gagnait, il recevrait sa part des recettes et ses dommages & intérêts. Non vraiment, Paulo Branco en fait une histoire d'orgueil. On ne préjugera rien. Mais pour le coup, les sentiments n'ont plus de raison.

Cannes 2018 : Gary Oldman, Christopher Nolan, Ryan Coogler et John Travolta en masterclass

Posté par wyzman, le 2 mai 2018

C'est sans aucun doute la nouvelle qui va ravir les festivaliers aujourd'hui ! Alors que l'on vous annonçait hier que Jessica Chastain serait sur la Croisette accompagnée de Marion Cotillard, Penélope Cruz, Lupita Nyong'o, Fan Bingbing et Simon Kinberg pour présenter leur thriller d'espionnage 355, les organisateurs du 71e Festival de Cannes ont décidé d'abandonner leur Leçon de cinéma pour privilégier les bonnes vieilles master class. Pour évoquer leur travail, leur cinéphilie et porter un regard moderne sur le cinéma américain et britannique, les acteurs Gary Oldman et John Travolta et les réalisateurs Christopher Nolan et Ryan Coogler répondront présent.

Des binômes déjà culte

Le jeudi 10 mai à 16h, c'est l'homme à qui l'on doit Fruitvale Station, Creed et plus récemment Black Panther qui lancera les festivités dans la salle Buñuel. Il sera accompagné du journaliste et critique de cinéma américain Elvis Mitchell. Le samedi 12 mai à 16 heures, Christopher Nolan reviendra sur ce qui l'a poussé à réaliser la trilogie The Dark Knight, Interstellar ou encore Dunkerque. Historien et critique de cinéma, le Fançais Philippe Rouyer aura la lourde tâche d'animer cette masterclass qui promet d'être exceptionnelle.

Le mercredi 16 mai à 16h45 cette fois, c'est John Travolta qui viendra répondre aux questions des festivaliers. L'acteur vu dernièrement dans Life on the Line et In a Valley of Violence évoquera ses 45 années passées dans l'industrie aux cotés de Didier Allouch, l'animateur complètement déjanté pendant l'awards season de Canal+. Enfin, le vendredi 18 mai à 16 heures, c'est le quasi légendaire Gary Oldman qui retiendra l'attention des plus chanceux. Oscarisé en février dernier pour son interprétation de Winston Chrchill dans Les Heures sombres, il sera accompagné de son ami de longue date et producteur Douglas Urbanski. A l'instar de Ryan Coogler, les master class de Christopher Nolan, John Travolta et Gary Oldman auront toutes lieu dans la salle Buñuel.

Sortie DVD : « L’arche de Monsieur Servadac » de Karel Zeman

Posté par MpM, le 2 mai 2018

En 1970, le génial réalisateur tchèque Karel Zeman adapte à sa manière le roman de Jules Verne Hector Servadac qui raconte l'aventure farfelue d'une poignée de personnages emportés malgré eux sur une comète géante qui a heurté la Terre. On est à la fin du XIXe siècle en Afrique du Nord et les guerres coloniales font rage. Mais face aux menaces nouvelles induites par leur situation précaire, le capitaine Servadac tente de convaincre les forces en puissance qu'une alliance est nécessaire.

On redécouvre le film aujourd'hui à l'occasion de sa sortie en DVD par le distributeur Malavida, et c'est un pur bonheur ! Karel Zeman était évidemment l'homme de la situation pour donner vie aux visions fantasques et aux inventions baroques de Jules Verne. Recourant à un émouvant mélange des genres (noir et blanc et couleurs, prises de vues réelles et marionnettes, peintures sur verre et dessins...), il recrée pour nous l'univers enchanté de l'écrivain, et y apporte une touche de poésie lunaire qui rappelle évidemment le pionnier Georges Méliès. On aime tout particulièrement les dinosaures et le monstre marin, qui donnent lieu à deux séquences à la fois drôles et émouvantes. La manière dont les héros parviennent à faire fuir leurs agresseurs est par ailleurs irrésistible, et se décline en une série de gags tout aussi savoureux, avec une mention toute particulière pour la "danse aux casseroles" sur le bateau.

Car ce qui est peut-être le plus formidable dans ce film fantaisiste et joyeux, c'est son irrévérence assumée face aux représentants de l'autorité, des diplomates aux militaires, tous traités comme des fantoches ridicules.

Le sous-texte politique n'en est que plus fort : Servadac se veut en effet l'instigateur d'une trêve qui conduit tous les ennemis d'hier à fraterniser (autour de quelques bouteilles, et de danseuses sensuelles). La belle utopie de la solidarité et de l'entraide entre les peuples et les classes sociales ne durera hélas qu'un temps. Et on pense, bien sûr, à la fin d'un autre rêve, celui que fut le Printemps de Prague, avorté par l’invasion des troupes du Pacte de Varsovie en 1968.

Profondément antimilitariste et anticolonialiste, L'arche de Monsieur Servadac frappe également par son féminisme. Son héroïne, la belle Angélique, n'a en effet pas son pareil pour se tirer seule des situations les plus délicates (elle s'évade de la cellule où elle était retenue prisonnière, s'enfuit par la mer, puis descend en rappel le long d'une falaise), et va même jusqu'à sauver Servadac de la noyade. Aux prises avec un diplomate libidineux qui veut l'offrir en cadeau comme une vulgaire marchandise, puis avec ses frères qui veulent à tout prix protéger sa vertu, elle résiste vaillamment et démontre la supériorité de l'intelligence et du cœur sur la brutalité et la bêtise.

Le film s'avère ainsi une oeuvre d'un étonnant modernisme, ironique et mordante autant que joyeuse et fantaisiste. Il ravira le jeune public par ses folles aventures et son humour potache, tout en séduisant un public plus mature par ses trouvailles visuelles et son message satirique éminemment pacifiste et fraternel. Sans oublier sa dimension patrimoniale, témoignage d'un pan de l'Histoire du cinéma que l'overdose d'effets spéciaux et de fonds verts actuelle ne parviendra jamais à faire oublier totalement.

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L'arche de Monsieur Servadac de Karel Zeman, en DVD le 2 Mai (Malavida)

3 raisons d’aller voir « Daphné » de Peter Mackie Burns

Posté par MpM, le 2 mai 2018

Ténu et fragile, Daphné de Peter Mackie Burns est le portrait peu complaisant d'une trentenaire insidieusement mal dans sa peau, en panne dans sa vie, dont on suit la trajectoire intime à travers une (longue) succession d'épisodes tantôt cocasses, tantôt désespérants. Le film, découvert au dernier Festival d'Edimburgh où il a reçu le prix de la meilleure actrice, puis au Festival du film britannique de Dinard où il a remporté le prix du scénario, s’inspire du court métrage Happy Birthday to Me de Peter Mackie Burns dans lequel Emily Beecham tenait déjà le rôle principal. Nico Mensinga en était également déjà le scénariste.

Portrait de femme. Peter Mackie Burns observe son héroïne dans son quotidien, entre excès et coups de folie, répliques mordantes et comportement borderline. Ce qu'elle recherche, et ce qui lui manque, n'est au départ pas réellement concret. Malgré l'humour des situations, la frénésie du scénario et l'ironie (mordante) du personnage, on a donc tendance à rester un peu extérieur à ses atermoiements, jusqu'à ce que la dernière partie du film éclaire subitement le personnage et ses aspirations, nous le rendant enfin plus compréhensible et attachant. Au final, il y a une profonde mélancolie dans ce beau portrait introspectif, tout en creux et en subtilité.

Révélation. Une comédienne est née ! Emily Beecham, aperçue à la télévision dans des séries britanniques comme The fear ou The village, est exceptionnelle en jeune femme tourbillonnante, misanthrope, insupportable et irrésistiblement drôle et intelligente à la fois, qui finit peu à peu par accepter le malaise qui la ronge. On la reverra forcément très vite, et vous l'aurez découverte avant tout le monde dans Daphné !

Féminisme. Ce qui est formidable avec le personnage de Daphné, c'est qu'elle ne se laisse jamais enfermer dans aucun des rôles généralement dévolus aux femmes : épouse, petite amie, mère, fille obéissante... Peter Mackie Burns et Nico Mensinga voulaient faire un film sur un personnage plus complexe que ces stéréotypes habituels, tout en la rendant à la fois singulière et attachante. Son charme réside justement dans sa volonté de se tenir à la marge, et dans son combat (parfois maladroit, mais sincère) pour rester elle-même coûte que coûte.