Box office Chine : Le show de Stephen Chow

Posté par vincy, le 14 février 2013

En lançant son nouveau film durant la semaine fériée de la nouvelle année chinoise, Stephen Chow a célébré l'année du Serpent avec fastes. Journey to the West : Conquering the Demons a fracassé le record chinois détenu par Painted Skin : The Resurrection, de Wuershan, sorti en juin dernier. Painted Skin avait récolé 70 millions de Yuans (8,3 M€) lors de son premier jour d'exploitation ; Journey to the West a rapporté 78 millions de Yuans (9,3 M€) dès son jour de sortie, soit 1,9 million d'entrées le 10 février. Les leaders de ce début d'année 2013, Skyfall (10 millions d'entrées, 57,2 M$) et The Grandmaster (7,5 millions d'entrées, 45 m$), peuvent frémir. Toutes nationalités confondues, jusque-là, seul Transformers : Dark of the Moon avait fait mieux avec 102 millions de Yuans le jour de sa sortie, en juillet 2011.

Stephen Chow reconquiert ainsi son statut de star après une absence de 5 ans. Suite à ses cartons de Shaolin Soccer et Crazy Kung-fu, qui ont détenu jusqu'en 2011 les records de recettes à Hong Kong, il restait à transformer l'essai en Chine, où ses films ont souvent été censurés, piratés, ou vendus sous le manteau. De plus, son dernier film, CJ-7 n'avait pas rencontré le même succès que ce soit en Asie ou à l'étranger. La déception était d'autant plus grande que Crazy Kung-fu avait gagné les principaux prix aux Hong Film Awards et aux Golden Horse Film Festival Award.

Journey to the West est l'adaptation du célèbre roman Le Voyage en occident (connu aussi sous le titre du Singe Pèlerin), transposé dans les années 90. Les Shaw Brothers avaient déjà adapté ce livre, qui a inspiré de nombreux films, séries TV dessins animés et spectacles vivants. Notons que Chow avait joué le personnage principal de l'une de ses adaptations, Le Roi singe, de Jeffrey Lau, en 1994.

Le film, mélangeant comédie, aventures et action, est sorti dans une large combinaison de salles, occupant 2 écrans sur 5. Stephen Chow, cette fois-ci, n'apparaît pas à l'écran. On y retrouve Huang Bo, star de l'énorme hit local Lost in Thailand, Shu Qi, la plus sexy des actrices d'Hou Hsiao-Hsien, vue également dans The Transporter, et la star pop Show Luo.

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Lire aussi : 2012 : Et la Chine devînt le deuxième marché mondial du cinéma…

Berlin 2013 : la France envoie Huppert, Binoche, Deneuve… et des films sur l’enfermement

Posté par MpM, le 13 février 2013

binocheTrio gagnant pour le cinéma français : en l'espace d'une semaine, trois de ses plus grandes ambassadrices auront foulé le tapis rouge berlinois pour le plus grand bonheur de la presse internationale et du grand public. Réunir dans une même édition Isabelle Huppert (La religieuse de Guillaume Nicloux), Juliette Binoche (Camille Claudel 1915 de Bruno Dumont) et Catherine Deneuve (On my way d'Emmanuelle Bercot), même le Festival de Cannes aurait de quoi être un peu jaloux. D'ailleurs, nos trois comédiennes éclipseraient presque les (rares) Américaines à avoir fait le déplacement.

Curieusement, le hasard de la sélection et du planning font que les deux films français présentés jusqu'à présent en compétition ont beaucoup en commun. D'abord, tous deux s'inscrivent presque malgré eux dans l'histoire du cinéma français. La religieuse de Guillaume Nicloux arrive en effet après celle, magistrale, de Jacques Rivette. Pauline Étienne marche donc dans les pas d'Anna Karina, inoubliable Suzanne Simonin, à laquelle on ne peut cesser de penser. La jeune actrice est convaincante, apportant à la jeune religieuse une vitalité et une modernité très spontanées. Elle n'efface pas Anna Karina et son masque de douleur muette, martyr opprimée dans sa chair comme dans les tréfonds de son âme, mais offre une relecture sensible du personnage.

Bruno Dumont, lui, situe son film après celui de Bruno Nuytten dont il est en quelque sorte la suite et la conclusion. Juliette Binoche reprend quasiment le rôle là où Isabelle Adjani l'avait laissé, interprétant une Camille Claudel mature et presque apaisée dont le visage est le théâtre de toutes les émotions humaines. Sa composition est aussi habitée que la précédente, mais dans un registre totalement différent, incomparable. Le scénario exige d'elle une immense retenue corporelle, voire une douceur qui se mâtine parfois d'angoisse ou de douleur. Son regard semble alors le dernier siège du feu intérieur qui la brûlait. Ce regard qu'elle porte sur le monde et sur ceux qui l'entourent, observatrice insatiable de la réalité et des merveilles qu'elle peut engendrer.

Toutefois, au-delà du clin d'œil cinématographique, La religieuse et Camille Claudel 1915 sont surtout deux histoires de femmes empêchées, deux destins contrariés, contraints à l'enfermement, et aspirant à la liberté. Dans les deux cas, la foi catholique sert de caution morale, si ce n'est de prétexte, au confinement dans lequel on les tient. Une foi bafouée par ceux-là mêmes qui prétendent la défendre : d'un côté la mère supérieure du couvent qui veut inculquer vocation et amour de Dieu par la force et la violence, de l'autre l'écrivain Paul Claudel tout infatué de sa foi profonde et mystique, mais incapable de faire preuve envers sa sœur de la plus élémentaire charité chrétienne.

La folie dont on accuse les deux femmes trouve systématiquement son reflet hideux et déformé dans le comportement de ceux qui les dénoncent. La cruauté vengeresse de la première mère supérieure, la passion échevelée de la deuxième, l'exaltation mystique de "l'illuminé" Paul Claudel sont autant de manifestations d'une instabilité mentale bien plus dangereuse et néfaste que celle d'une religieuse cloîtrée contre son gré ou d'une grande artiste que l'on enferme arbitrairement avec des malades mentaux. L'atteinte impardonnable que l'on fait à leur liberté, et donc à leur existence, le climat d'oppression dans lequel on les maintient, l'injustice criante qui les frappe les condamnent donc à mourir à petit feu, ne serait-ce que de désespoir.

Curieux, comme deux films aux ambitions esthétiques, stylistiques et même cinématographiques aussi dissemblables en arrivent au final à créer le même climat anxiogène et presque claustrophobe. Peut-être est-ce là la grande universalité du cinéma. Car bien que les époques et les circonstances soient différentes, bien que le rapprochement entre les deux histoires ne soit dû qu'au hasard, les destins de Suzanne Simonin et de Camille Claudel demeureront désormais intimement et inextricablement liés.

Vesoul 2013 : Jiseul d’O Muel et With you, without you de Prasanna Vithanage se partagent le Cyclo d’or

Posté par MpM, le 13 février 2013

vesoul 2013

Le jury du 19e Festival international des Cinémas d'Asie, composé de Garin Nugroho, Goutam Ghose, Sam Ho et Baran Kosari, n'a pas su trancher entre Jiseul d'O Muel (Corée du Sud) et With you, without you de Prasanna Vithanage (Sri Lanka) qui se partagent donc la récompense suprême, à savoir le Cyclo d'or.

Le premier revient sur le massacre organisé en 1948 sur l'île coréenne de Jeju (voir notre rencontre avec le réalisateur O Muel) tandis que le second, également récompensé par le jury NETPAC, est l'adaptation d'une nouvelle de Dostoïevski transposée dans la réalité contemporaine, "portrait à la fois intense et poétique d'une vie conjugale traumatisante", reflétant "les ravages des conflits ethniques et de la guerre civile" a précisé le grand jury.

Les autres prix ont globalement été bien répartis entre les différents films, récompensant au final la majorité des longs métrages de fiction présentés.

Le palmarès complet

Cyclo d'or
Jiseul de O Muel (Corée du Sud)
With you, without you de Prasanna Vithanage (Sri Lanka)

Prix NETPAC
With you, without you de Prasanna Vithanage (Sri Lanka)

Prix Emile Guimet
Bwakaw de Jun Robles Lana (Philippines)

Prix INALCO
Atambua 39°Celsius de Riri Riza (Indonésie)

Coup de cœur INALCO
Modest reception de Mani Haghighi (Iran)

Prix du public long métrage de fiction
All apologies d'Emily Tang (Chine)

Prix du Jury Lycéens
Bwakaw de Jun Robles Lana (Philippines)

Prix du public du film documentaire
Le lotus dans tous ses états de Philippe Rostan (Vietnam - France)

Prix Jury Jeunes
Le cercle de Rémi Briand (Inde - France).

Crédit photo : Michel Mollaret

Les sorties cinéma du 13 février 2013

Posté par redaction, le 13 février 2013

- La Poussière du temps (***) de Théo Angelopoulos (Grèce, 2H05) avec Willem Dafoe, Bruno Ganz, Michel Piccoli. Dernier film du cinéaste.

- Antiviral (***) de Brandon Cronenberg (Canada, 1H44, film interdit aux moins de 12 ans) avec Caleb Landry Jones, Sarah Gadon, Malcolm McDowell.

- Flight (**) de Robert Zemeckis (USA, 2H18) avec Denzel Washington, Don Cheadle, Kelly Reilly.

- Ici et là-bas (**) de Antonio Méndez Esparza (Espagne, 1H50) avec Teresa Ramírez Aguirre, Pedro De los Santos Juárez.

- Passion (**) de Brian De Palma (France/Allemagne, 1H41) avec Rachel McAdams, Noomi Rapace, Karoline Herfurth. Remake du film d'Alain Corneau, Crime d'amour.

- Les Misérables (*) de Tom Hooper (Grande-Bretagne, 2H30) avec Hugh Jackman, Russell Crowe, Anne Hathaway, Amanda Seyfried.

- Hôtel Transylvanie de Genndy Tartakovsky (USA, dessin animé) avec les voix françaises de Virginie Efira et Alex Goude.

Et aussi :

- Turf de Fabien Onteniente (France, 1H42) avec Alain Chabat, Edouard Baer, Philippe Duquesne - Quatre amis misent sur un cheval pour décrocher le jackpot. Un caïd des champs de courses vend aux trois amis le cheval "Torpille", un tocard.

- Scialla! de Francesco Bruni (Italie, 1H35) avec Fabrizio Bentivoglio, Barbora Bobulova, Filippo Scicchitano - De son talent passé d’écrivain, Il ne reste à Bruno que ce dont il a besoin pour écrire sur commande "les livres des autres", des biographies de footballeurs, de vedettes de la télé ou de pornostars. Sa passion pour l’enseignement a laissé place à un train-train de cours à domicile pour étudiants démotivés, parmi lesquels se démarque Luca, 15 ans.

- Des Morceaux de moi de Nolwenn Lemesle (France, 1H30) avec Zabou Breitman, Tchéky Karyo, Adèle Exarchopoulos - Un père lunaire et vieux avant l'âge, une mère malade et tyrannique, une soeur disparue et l'héroïne, Erell, qui filme tout, tout le temps.

- Goodbye Morocco de Nadir Moknèche (Maroc, 1H42) avec Lubna Azabal, Radivoje Bukvic, Faouzi Bensaïdi - Dounia, divorcée, un enfant, vit avec un architecte serbe à Tanger. Dounia se lance alors dans un trafic lucratif, espérant gagner très vite de quoi quitter le Maroc avec son fils et son amant.

- Naître père de Delphine Lanson (France, 1H20, documentaire) - Pacsés depuis 13 ans, Jérôme et François parlaient de leur désir d’enfant depuis le début de leur relation. Après un parcours du combattant qui les a menés de l’adoption à la coparentalité, ils avaient presque abandonné tout espoir de fonder une famille quand ils ont vu, il y a deux ans, un documentaire sur les mères porteuses.

- La Valise ou le cercueil de Charly Cassan, Marie Havenel (France, 1H35, documentaire) - La Guerre d'Algérie à travers de nombreuses interviews donnant la parole aux victimes et témoins de cette période, notamment des Français d'Algérie et des Harkis.

- D’une école à l’autre de Pascale Diez (France, 1H35, documentaire) - 45 enfants de quartiers différents ont mélangé leurs horizons et revu leurs préjugés au cours d'une année scolaire. Ensemble, ils ont créé un spectacle qui reflète la diversité de leurs origines, de leurs cultures et de leurs savoirs.

Wicked, prochain « musical » sur les grands écrans ?

Posté par vincy, le 13 février 2013

La version cinématographique du spectacle musical Les Misérables sort sur les écrans en France. Cela fait dix ans que le projet était en gestation... La tentation était grande : "Les Misérables" fait partie du club fermé des trois comédies musicales les plus prospères (et les plus longuement exploitées) à Broadway comme à West End. Mais le passage au grand écran était périlleux.

Des hits...

Si aujourd'hui les producteurs doivent pousser un soupir de soulagement (le film a encaissé 400 millions de $ de recettes dans le monde), les récentes adaptations ne furent pas toujours couronnées de succès. Au rayon des hits : Mamma Mia! (600 millions de $), Chicago (un Oscar du meilleur film et 300 millions de $), Hairspray (200 millions de $), Dreamgirls (155 millions de $), le culte The Rocky Horror Picture Show (112 millions de $ à son époque, en 1975) ou Annie (en 1982).

... et des flops

Au registre des fiascos, on compte Evita, Sweeney Todd, Le Fantôme de l'Opéra, Rock of Ages l'an dernier, Rent, Nine, The Producers, ... Enormes hits sur scène, gros flops dans les salles.

On comprend donc qu'Hollywood hésite à donner un successeur aux Misérables malgré les cartons de Broadway. L'inverse est moins vrai quand on remarque les cartons sur les planches du "Roi Lion", de "Sister Act", de "Mary Poppins" ou de "Spider-Man".

Ce sacré business (il faut ajouter les produits dérivés et les disques/téléchargements) inciterait n'importe quel studio à se jeter sur les comédies musicales en vogue comme "The Book of Mormon".

Universal mise sur les sorcières

Universal, qui a distribué Mamma Mia! et Les Misérables, pencherait actuellement sur "Wicked", variation du Magicien d'Oz. La pièce a été créée il y a dix ans à Broadway et cartonne depuis 7 ans à Londres. Elle s'est jouée plus de 3000 fois à New York, a été nommée 11 fois aux Tony Awards, et a récolté plus de 700 millions de $ de recettes (!) fin janvier 2013.

Universal a contacté Stephen Daldry pour réaliser le film et Winnie Holzman, l'auteure du livret, pour écrire le scénario. C'est le seul projet dans le genre officiellement en cours de développement à Hollywood. Sony songe malgré tout au remake d'"Annie" avec les producteurs Will Smith et Jay Z et GK Films a acquis les droits de "Jersey Boys". Mais le manque de notoriété de ces pièces à l'extérieur des USA et du Royaume Uni reste un handicap pour investir dans un film. Pour cette raison, les studios préfèrent regarder du côté de la télévision. Après High School Musical, c'est la version cinéma de Glee qui est convoitée.

Berlin 2013 : Jafar Panahi, filmer pour rester en vie

Posté par MpM, le 12 février 2013

"Wo bleibt Jafar Panahi ?" (où est Jafar Panahi ?) interrogeait désespérément un panneau installé devant le Palais lors de la Berlinale 2012. Cette année, même si le réalisateur iranien n'est pas présent physiquement à Berlin, ce que déplore le comité Friedensfilmpreis dans un nouveau happening, on a enfin de ses nouvelles par l'intermédiaire de son nouveau film, Pardé (Closed curtain), coréalisé avec le réalisateur Kambuzia Partovi.

Le long métrage, qui mêle documentaire et fiction, a été entièrement tourné avec une équipe réduite dans une villa aux rideaux presque perpétuellement tirés. Jafar Panahi est en effet toujours sous le coup d'une interdiction de travailler à la suite des événements de 2009 (voir notre actualité du 17 octobre 2011). Officiellement, toute transgression pourrait lui valoir un emprisonnement d'une durée de six ans.

"Nous ne savons pas quelles seront les conséquences [de cette transgression]", a confirmé Kambuzia Partovi, qui a lui reçu l'autorisation de venir présenter le film à Berlin. "Nous ne pouvons pas prévoir ce qui va arriver. Nous sommes dans l'attente."

Pardé emmène le spectateur directement dans la tête de Jafar Panahi, tiraillé entre son désir de continuer à travailler et l'angoisse que tout cela soit vain. Son dilemme insoluble (travailler ou mourir) est matérialisé à l'écran par deux personnages aux réactions antinomiques qui se disputent sur la manière dont ils voient l'avenir du cinéaste.

A sa manière, avec beaucoup d'humour, un brin de folie, et surtout une grande tristesse latente, Jafar Panahi nous fait sentir ce que c'est, pour un artiste, que de ne plus pouvoir créer, et réalise un hymne poignant à la liberté. Sur la forme, le cinéaste a visiblement travaillé avec les moyens du bord, dans un huis clos étouffant qui peut parfois accentuer la langueur des situations et des dialogues.

"Jafar Panahi a toujours essayé de réaliser des projets dans les limites de ce que permettent les circonstances" a rappelé Kambuzia Partovi. "Les conditions qui vous limitent peuvent également vous inspirer." Il a également rappelé à quel point il est difficile, pour un réalisateur, de ne pas être en mesure de poursuivre son oeuvre. Toutefois, il a tenu à rassurer les spectateurs du monde entier : "Jafar Panahi ne pense pas sans cesse à se suicider, sinon il n'aurait pas fait le film. Mais moi, si j'étais confiné et interdit de travailler, ce genre d'idées noires me passeraient parfois par la tête, inconsciemment. On finit par être déprimé et c'est je crois ce que montre le film."

Il le montre en effet, et avec une épure de moyens qui finit par s'avérer tout simplement bouleversante. On oublie l'austérité du procédé et les temps morts qui jalonnent le récit pour ne plus voir que l'ingéniosité cinématographique et la force dramatique du propos. Car si certains tournent pour le plaisir ou pour l'argent, Jafar Panahi, lui, tourne indéniablement pour demeurer vivant.

Photos : Happening organisé par le comité du Friedensfilmpreis 2013 / Kambuzia Partovi et l'actrice Maryam Moghadam lors de la conférence de presse

Crédit : MpM

Vesoul 2013 : Rencontre avec O Muel, le réalisateur de Jiseul

Posté par kristofy, le 12 février 2013

Présent en compétition de ce 19e FICA de Vesoul, le film Jiseul du réalisateur O Muel a su faire sensation auprès des spectateurs. Il aborde une page d’histoire méconnue de Corée où l’ordre fût donné aux soldats de tuer les résidents de l’île de Jeju désignés comme communistes : environ 30 000 civils ont ainsi été tués.

Les militaires ont pourchassé les villageois qui n’étaient pas partis jusque dans les grottes où ils se terraient, cachés pendant plusieurs semaines en subsistant avec quelques pommes de terre (que désigne le mot Jiseul). Le film Jiseul tout en noir et blanc très esthétique et très graphique joue avec différents éléments visuels : une fumée qui se dissipe montre plus de détails, des gros plans de visages se détachent sur un fond sombre qui fait abstraction du décors, des plans larges de paysages enneigés isolent les personnages...

On suit un groupe de villageois réfugiés dans une grotte et un groupe de militaires en opération. Jiseul est un film de guerre avec une dimension universelle, qui parvient à réunir dans certaines situations un peu d'humour noir burlesque et rendre compte à la fois des différents comportements face aux horreurs subies.

Il a reçu le Grand prix du jury au dernier Festival de Sundance et 4 prix à celui de Pusan.

Rencontre avec le réalisateur O Muel :

Ecran Noir : Le film évoque les massacres de Jeju dont l’histoire est quasiment ignorée par tout le monde, y compris par la majorité des coréens. Comment est-il possible qu'autant de milliers de morts aient été quasiment oubliés ?

O Muel : C’est un évènement historique pendant lequel les responsables qui ont ordonné ce massacre ont vu des proches de leur sensibilité politique se succéder au pouvoir. Le gouvernement ne voulait pas que l’ampleur de tout ceci soit révélée. Il ne fallait pas parler de cet évènement et son histoire a été oubliée, avant 1990 le fait de mentionner un massacre de tant de milliers de personnes était réprimandé. La Corée du Sud était gouvernée par un régime militaire pendant lequel il y a eu un autre massacre important plus tard, celui du la répression du18 mai 1980. La seule issue pour libérer la parole a été une alternance politique. A la tête du pays, en 1990, est arrivé au pouvoir un gouvernement de gauche, et on pouvait plus parler du passé. Puis il y a dix ans est arrivé le gouvernement aussi de gauche du président Roh Moo-hyun, qui a présenté au nom de l’Etat les excuses de la Corée pour ces morts de Jeju, environ cinquante ans après les évènements donc. Mais après son mandat, il y a eu de nouveau un gouvernement de droite qui a stoppé toutes les subventions promises par le gouvernement précédent au mémorial de Jeju.

EN : Jiseul est filmé en noir et blanc avec quelques effets graphiques, en quoi l’impact est plus fort que des images en couleurs plus réalistes?

O Muel : Les spectateurs ont une certaine habitude de voir l’histoire du passé en noir et blanc. Par ailleurs je voulais parler de ces évènements au-delà de l’apparence de Jeju, qui est en fait une île touristique pleine de couleurs splendides. Je voulais tendre vers une vérité qui dépasse les couleurs d’une reconstitution. Dans la peinture coréenne, où on utilise une encre noire, il y a en fait dans le noir et blanc beaucoup de nuances. Ces degrés de variations en noir et blanc pour les images du film sont aussi synonymes de tristesse.

EN : Le film semble rythmé avec différents sous-titres (‘la recherche spirituelle’, ‘là où les esprits reposent’, ‘nourriture à la mémoire des morts’), c’est une forme de prière en hommage aux morts ?

O Muel : Cette structure du film vient en effet d’un culte traditionnel pour les morts, ce culte est encore suivi aujourd’hui. A la fin du culte on fait brûler une bande de papier avec dessus le nom du défunt et son métier, c’est un signe pour laisser l’esprit partir en paix. Le film raconte autant sur le fond que sur la forme l’histoire de ces milliers de personnes qui ont trouvé la mort.

EN : Jiseul a gagné de multiples prix à Busan avant d’être découvert à l’étranger comme à Sundance (grand prix), Rotterdam et maintenant Vesoul avant même la sortie du film en Corée fin mars…

O Muel : J’espère que ces expériences de festivals vont aider à une meilleure distribution du film. Certains spectateurs vont apprendre quelque chose sur un aspect inconnu de la Corée à partir du film. Mais Jiseul n’est pas seulement un film qui décrit ce qui s’est passé, ce n’est pas une leçon historique. C’est les violences d’une guerre. Je suis ravi que ça soit un film de cinéma qui puisse plaire autant dans d’autres pays.

Berlin récompense le singulier Richard Linklater

Posté par vincy, le 12 février 2013

En pleines festivités, la Berlinale 2013 a remis hier soir une Berlinale Camera surprise à Richard Linklater. Le réalisateur américain rejoint ainsi Isabella Rossellini et Rosa von Praunheim dans le palmarès de ce 63e Festival de Berlin.

La Berlinale Camera récompense des personnalités du cinéma ou des institutions auxquelles le Festival se sent particulièrement redevable en exprimant ses remerciements.

Richard Linklater avait reçu l'Ours d'argent pour Before Sunrise en 1995 ; la suite, Before Sunset, avait également été présentée à Berlin en 2004. Il revient cette année, hors compétition, avec un troisième volet, Before Midnight, qui a enchanté les festivaliers par son rythme effréné et ses dialogues à la fois justes et pleins d'humour. Le cinéaste a reçu son prix en marge de la projection officielle. Cette trilogie, qui a la particularité d'avoir été écrite par le réalisateur et ses deux comédiens principaux, Ethan Hawke et Julie Delpy, suit l'histoire d'amour tumultueuse d'une Française et d'un Américain sur une période de presque vingt ans.

Linklater, texan de 53 ans refusant de migrer à Hollywood, est incontestablement l'un des réalisateurs les plus intrigants du cinéma américain de ces trente dernières années. Par des scénarios singuliers et une mise en scène variant selon les sujets, il a séduit public et critique avec des films comme le culte Dazed and Confused (1993), le film animé Waking Life (2001), le déjanté Rock Academy (2003), le fabuleux et inégal Fast Food Nation (2006, sélectionné en compétition à Cannes) ou encore l'expérimental film animé A Scanner Darkly (2006). D'autres films, en revanche, ont manqué leur cible et n'ont pas convaincus (Me and Orson Welles, The Newton Boys, Tape...).

Son récent Bernie (2012), avec Jack Black, Shirley MacLaine et Matthew McConaughey, a été un joli succès surprise dans la catégorie art et essai aux USA, recevant quelques prix fin 2012 ; il a, notamment, été sélectionné parmi les 10 films de l'année du National Board of Review.

Il vient également de produire et réaliser la série TV Up to Speed. Et prépare actuellement Boyhood, avec Patricia Arquette et Ethan Hawke.

Les frères Larrieu commencent le tournage de leur nouveau film

Posté par vincy, le 12 février 2013

Ce 12 février, à Megève, les frères Arnaud et Jean-Marie Larrieu commencent le tournage de Amour crime parfait, adaptation du thriller romantique de Philippe Djian, Incidences. Le tournage se déroulera dans la région et en Suisse jusqu'à début avril. Il s'agit de leur premier film depuis Les derniers jours du monde, en 2009, présenté en avant-première mondiale au Festival international du film de Locarno.

On retrouve au casting Mathieu Amalric, Sara Forestier, Maïwenn, Denis Podalydès et Karin Viard. Fim noir et comédie sont au programme.

Dans le film, Marc est professeur de littérature à l’université de Lausanne. Il a la réputation de collectionner les aventures avec ses étudiantes. Mais sa dernière conquête disparaît... Le professeur rencontre alors Anna, la mère de la jeune fille, qui fait son enquête pour en savoir davantage sur cette disparition. Marc est immédiatement séduit par la femme.

Ce sera la quatrième adaptation d'un livre de Philippe Djian au cinéma après Bleu comme l'enfer (Yves Boisset, 1986), 37°2 le matin (Jean-Jacques Beineix, 1986) et le récent Impardonnables (André Téchiné, 2011). Incidences est paru en 2010. Joli succès en librairie, le roman

Berlin 2013 : le cinéma taïwanais bien représenté, en attendant les lauréats de la Taipei factory à Cannes

Posté par MpM, le 11 février 2013

La fête battait son plein dimanche soir lors de la traditionnelle Taïwan party de Berlin (en présence de plusieurs stars dont le réalisateur Arvin Chen, voir notre photo), et tous les professionnels taïwanais présents avaient l'air content. Il faut dire qu'il y a de quoi. La Taipei Film Commission, créée en 2008, promeut le cinéma taïwanais à travers le monde, mais soutient également les productions internationales soucieuses de tourner à Taïwan ainsi que les coproductions locales. Résultat, en moins de quatre ans, la commission a aidé 645 films tournés à Taipei, dont 70 en partie financés par des fonds étrangers.

Avec une politique aussi incitative, il n'est guère étonnant de retrouver le cinéma taïwanais dans les plus grands festivals internationaux. Cette année, quatre films taïwanais sont ainsi présents dans la sélection berlinoise : Cutaways of Jiang Chun Gen - Forward and Back Again de James T. Hong (court métrage présenté dans la section Forum expanded) ; Together de Hsu Chao-jen (Forum) ; Touch of the light de Chang Jung-Chi (Generation 14plus) et Will you still love me tomorrow d'Arvin Chen (Panorama special).

Et ce n'est pas fini. Il y a peu, la Commisison annonçait la création d'une "Taipei Factory" permettant à de jeunes cinéastes taïwanais et internationaux de travailler ensemble. Cette résidence, qui se tient à Taïwan du 25 février au 15 mars, réunit quatre binômes de réalisateurs invités à écrire, tourner et finaliser un court métrage de 15 min. Ils auront également l'occasion de rencontrer des représentants de l’industrie cinématographique du monde entier (producteurs, distributeurs, représentants de festival…) susceptibles de les aider dans le développement de leurs projets de longs-métrages.

L'actrice et cinéaste français Joanna Preiss (Sibérie) fait partie des participants au programme. Elle travaillera en tandem avec le Taïwanais Midi Zhao. Les autres duos sont Chang Jung-Chi (Taïwan) et Alireza Khatami (Iran) ; Shen Ko-Shang (Taïwan) et Luis Cifuentes (Chili) ; Singing Chen (Taïwan) et Jero Yun (Corée du Sud).

La première projection mondiale des films ainsi réalisés aura lieu le 16 mai prochain à Cannes. En effet, la Quinzaine des Réalisateurs s'est associée à cette première édition de la "Taipei Factory" et invite les 8 réalisateurs à venir rencontrer public et professionnels présents pendant le Festival. Une initiative passionnante qu'il sera donc facile de suivre de près, et qui pourrait bien faire des émules parmi les pays les plus cinéphiles de la planète.