Des propositions pour promouvoir le cinéma en Afrique francophone

Posté par vincy, le 2 juillet 2014

Lundi 30 juin, Unifrance a publié un rapport passionnant, qu'on aimerait lire pour d'autres secteurs culturels comme la musique ou le livre. Pour l'instant, il s'agit de cinéma.

Le groupe de travail Francophonie, présidé par le producteur Eric Névé, constate, d'après les chiffres de l'Organisation Internationale de la Francophonie que 50% des 220 millions de francophones dans le monde résident sur le continent africain. Ce chiffre devrait grimper à 85% à l'horizon 2050 avec 750-800 millions d'habitants. La croissance économique suivra la croissance démographique avec un PIB multiplié par 15 entre 2020 et 2040 (selon la Banque mondiale).

Autant dire que les opportunités sont énormes pour l'industrie culturelle française, surtout avec le numérique qui permet d'abolir les frontières géographiques au profit de territoires linguistiques. Les Anglais ont toujours profité de leur langue pour s'exporter, certes, aidés par la puissance américaine, mais aussi en profitant du Commonwealth. Les Espagnols ne sont pas en reste en ayant vampirisé le continent latino-américain (à l'exception du Brésil). Face à la concurrence américaine, turque, indienne et chinoise, le cinéma français doit s'engager auprès de la filière naissante d'un cinéma en Afrique francophone pour bénéficier d'un relais de croissance à fort potentiel.

Mais l'Afrique francophone souffre de multiples carences que n'ont pas l'Amérique latine ou les puissances émergentes asiatiques. En Afrique francophone, il n'y a pas de distribution et peu de production de films, des salles de cinéma très rares et finalement un public à "former". Il faudrait donc investir dans un réseau complet, des films à l'exploitation en passant par la promotion.

Le rapport d'Unifrance montre cependant que tout évolue très vite.

L'insuffisance des salles de cinéma

Les pays se ressaisissent : il faut bien divertir les nouvelles classes moyennes. Au Maroc, la fréquentation n'a jamais retrouvé ses scores des années 80 (45 millions de spectateurs, 241 salles dans le pays. Alors on reconstruit. En 2012, il n'y avait que 61 salles dans le pays et deux millions de spectateurs. Mais Megarama et ses deux nouveaux multiplexes (Casablanca et Marrakech) a contribué à la construction de 23 de ces 61 écrans et capte la moitié des entrées du pays. En Tuinisie, le CinéVog vient d'être inauguré près de Kram et d'autres salles comme le CinéMadart à Carthage ont récemment émergé.  A Kigali (Rwanda), un multiplexe de 8 salles s'est également ouvert.

Dakar, Abidjan, N'Djamena, Bamako... autant de villes où des salles équipées en numérique ont éclos. A Dakar, le Sea Néma (3 salles) s'est installé dans le centre commercial le plus moderne de la capitale sénégalaise. A Abidjan, on a restauré l'antique salle Ivoire qui est ainsi passée à l'ère numérique. A Bamako (Mali), les deux salles du Ciné Magic sont flambant neuves. L'Institut français numérise aussi ses écrans d'Abidjan, Libreville (Gabon) et Yaoundé (Cameroun). Le Cameroun justement va réouvrir et contruire des salles dans les principales villes du pays. Le Burkina Faso veut réhabiliter 50 salles.

Le petit écran peut-être une solution

La Vidéo à la Demande reste balbutiante mais elle peut aider à la diffusion de films francophones dans un si vaste territoire. Un hit en VàD c'est 1400 téléchargements. Le rapport constate qu'Orange Sénégal a 7,5 millions de clients, mais seulement 1000 en IPTV et 100000 en ADSL. Africafilm.tv est passé à une formule d'abonnement avec un objecif de 10000 abonnés cette année. Une chaîne très populaire comme TV5 Monde est un relais inestimable. Et Canal + Afrique peut aussi servir de tremplin à la promotion et la diffusion de films francophones.

Reste le plus gros problème du continent : la nocivité du piratage. Comme en Asie, les DVD piratés se vendent au grand jour. Cela condamne un segment déjà très fragile de la chaîne du cinéma : la vidéo physique.

La distribution condamnée à être innovante

Pas facile de diffuser des films quand le marché de la distribution est inexistant. Tandis que le belge Cinéart et le suisse Xenix tentent l'expérience, aucun gros distributeur français ne s'aventure sur ce terrain. Certes, la rentabilité est faible. Mais on peut aussi remarquer le manque d'entrain des distributeurs français à aller vers les marchés étrangers, même européens.

Le box office incite à la prudence. La pirogue, pourtant acclamé dans les Festivals, n'a séduit que 932 spectateurs au Sénégal et 949 au Burkina Faso. C'est grâce au cinéma itinérant, le système MobiCiné, qu'il a pu être vu par 8128 spectateurs au Sénégal.

Pour la sortie d'Aya de Yopougon, il a fallu inventer un système de distribution. L'agence Onyx s'est improvisée distributeur : elle a facturée des séances en extérieur (parfois jointes à d'autres événements comme un défilé de mode à Kinshasa) à des sociétés, institutions, etc... qui redistribuaient les tickets à leurs clients, partenaires ou sous forme de jeux concours. 21 273 spectateurs à Abidjan, 8200 dans le reste de la Cote d'Ivoire, 3898 à Dakar, 3350 à Kinshasa, 900 à Ouagadougou. Et le film va encore voyager : Libreville, N'djamena, Douala et Yaoundé.

La production très dépendante de la France

Les choses bougent mais lentement. On le voit chaque année dans les grands festivals, l'Afrique francophone propose deux à trois films par an quand il y a un bon cru. Le Maroc a cependant  augmenté sa production de 70% entre 2004 et 2012. Le Sénegal a annoncé une dotation de 1,5M€ pour le fonds de promotion de l'industrie cinématographique. Idem pour le Mali. Le Gabon vient de mettre en place un fonds d'aide à la production audiovisuelle. Et le Tchad a mis en place une taxe sur la téléphonie mobile pour financer le cinéma.

Mais plus généralement, ce sont les aides européennes et surtout françaises qui, par l'intermédiaire de coproductions, contribue à la surive d'un cinéma africain francophone, qu'il soit magrhébin ou sub-saharien. Les Emirats (Qatar, Emirats Arabes Unis) montent également en puissance avec l'objectif de favoriser un cinéma arabophone et surtout diffusable dans le monde musulman.

Pour l'instant, les grands succès africains de ces dernières années - Les chevaux de dieu, La pirogue, Timbuktu, Grigris - restent dépendants des fonds d'aides français. Au final, c'est loins d'une dizaine de films qui sont produits chaque année.

Deux propositions pour faire bouger le cinéma en Afrique francophone

Le rapport d'Unifrance affirme qu'il ne fait pas se contenter d'être un cinéma simplement exportateur, et de ne pas se contenter des films français. Il faut aussi inclure le cinéma belge, suisse et québécois dans la réflexion. d'etre français

Première proposition : un festival du film francophone itinérant (Dakar, Bamako, N'djamena, Abidjan) avec 2 films majoritairement français, 2 films africains, 2-3 films francophones, un film d'animation et un film de patrimoine. Un festival annuel et transnational destiné au public.

Seconde proposition : les rencontres du cinéma francophone, qui auraient lieu à Dakar en novembre prochain, afin de travailler "à la structuration d'un écosystème favorable à la cinématographie francophone". "Le Sénégal par exemple a fait un travail de titan en un an. Ils ont créé un fonds de production, lancé des rénovations de salles, ils sont en train de créer un centre national sénégalais (sur le modèle du CNC) et une cité du cinéma dans les nouvelles zones industrielles de Dakar!" explique Eric Névé. Dakar accueille un sommet de la Francophonie tous les ans : idéal pour des rencontres professionnelles. Dakar se veut le carrefour du cinéma francophone en Afrique de l'Ouest, comme le Nigéria a su bâtir un Nollywood.

L'objectif est évidemment de créer une Soft Power francophone à l'instar de la Chine, du Japon, de la Corée du sud. La culture est un parfait vecteur pour soutenir l'économie et étendre sa zone d'influence politique et diplomatique. Lire le reste de cet article »

A Rouen, 18e Regards sur le cinéma du monde

Posté par MpM, le 24 janvier 2013

Si l'on aime le cinéma, c'est aussi pour la faculté qu'il a de nous amener à la découverte de nouvelles contrées, de paysages inconnus, et de sociétés fascinantes. Quoi de mieux, pour rassasier cette faim d'ailleurs, qu'un festival qui ouvrirait une fenêtre sur le monde à travers une sélection plus particulièrement focalisée sur la culture des pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique ?!

A Rouen, le Festival "Regards sur le cinéma du monde" propose chaque année depuis près de vingt ans une manifestation qui met à l'honneur ces cinématographies trop souvent confidentielles, tout en les confrontant à des œuvres géographiquement plus proches de nous.

Ainsi, pour l'édition 2013 qui se tient du 25 janvier au 2 février, la compétition de longs métrages réunit des films venus notamment des Philippines (Busong d'Auraeus Solito, remarqué à Cannes), du Brésil (Historias de Julie Murat, un joli conte sur le choc des cultures et des générations, primé lors du Festival Cinélatino de Toulouse), de Hongrie (Just the wind de Bence Flieghauf, quasi documentaire ultra naturaliste sur les exactions dont furent victimes plusieurs familles de Roms à la fin des années 2000, plébiscité à Berlin) et d'Algérie (Le Repenti de Merzac Allouache, récompensé à Cannes, à Chicago et à Angoulême). De quoi visiter du pays tout en réfléchissant aux problématiques propres à chacun, ou au contraire universelles.

Hors compétition, les festivaliers pourront (re)découvrir des oeuvres fortes venues elles-aussi de tous les continents, comme le singulier Aujourd'hui d'Alain Gomis (Sénégal), sur la dernière journée d'un homme qui va mourir, ou L’Autre rive de Giorgo Ovashvili (Géorgie), sur les conséquences de la guerre civile. En parallèle, la section documentaire regorge elle-aussi de nombreuses propositions de cinéma, dont on retiendra l'un des coups de coeur récents d'Ecran Noir : Le sommeil d'or de David Chou.

En tout, ce sont ainsi plus de quarante films qui seront présentés. Ils seront accompagnés tout au long des dix jours par des rencontres, des débats, des concerts, des soirées... en présence de nombreuses personnalités du cinéma mondial. Un partenariat en construction avec l'Université de Santa Fe permettra par ailleurs à plusieurs représentants du cinéma américain indépendant de venir partager leur expérience. Forte de tous ces événements, la 18e édition du festival s'annonce aussi captivante d'un point de vue cinématographique que riche en rencontres et échanges.

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18e Regards sur le cinéma du monde
Du 25 janvier au 2 février 2013
Informations et programme sur le site du festival

Cannes 2012 : un documentaire sur la guerre en Libye rejoint la sélection officielle

Posté par MpM, le 4 mai 2012

Le Serment de Tobrouk de Bernard-Henri Lévy rejoint la Sélection officielle du 65e Festival de Cannes. Ce documentaire sur la guerre en Libye, qui sera présenté le 25 mai en Séance spéciale, a été tourné pendant les huit mois qu'a duré la révolution populaire ayant conduit à la chute de Mouammar Kadhafi. Il suit plusieurs personnages en Lybie mais également dans d'autres pays du monde comme la France ou les Etats-Unis.

La direction du Festival de Cannes a souligné que la projection de ce document historique serait un "moment particulier". "Le Serment de Tobrouk montre comment des convictions et des idées peuvent infléchir le cours de l'Histoire et rendre possible une ingérence humanitaire et politique qui semblait jusque-là impensable. Il rend d'autant plus troublant, et d'autant plus révoltant, le spectacle de la tuerie quotidienne qui se déroule, depuis presque la même date et encore aujourd’hui, dans la Syrie de Bachar El Assad", explique le communiqué officiel.

En plus du réalisateur, quatre protagonistes du film seront présents à Cannes pour accompagner le film "parce qu'ils veulent dédier ce qu'ils ont fait, et réussi, à leurs amis syriens". Ils vont ainsi dans le sens de Gilles Jacob et Thierry Frémaux qui profitent de l'occasion pour rappeler qu’"un film peut être aussi le passage de flambeau entre des peuples que rassemble le même amour de la liberté".

L'Afrique succède ainsi au Printemps arabe et aux cinéastes iraniens persécutés qui avaient bénéficié d'un coup de projecteur important lors de l'édition 2011. Outre Le Serment de Tobrouk de Bernard-Henri Lévy, trois films de la sélection officielle s'intéressent en effet à la situation actuelle du continent : Après la Bataille de Yousry Nasrallah sur la confiscation de la révolution égyptienne, Les chevaux de dieu de Nabil Ayouche sur le terrorisme et La Pirogue de Moussa Touré sur l'immigration.

Locarno 2012 aux couleurs de l’Afrique et du Mexique

Posté par cynthia, le 4 mai 2012

Pour la 65e édition du festival de Locarno (1-11 août 2012), qui depuis soixante-cinq ans a su se forger une importante et singulière place dans le paysage cinématographique, la sélection s'annonce des plus prometteuses et audacieuses.

L'Afrique subsaharienne francophone sera à l'honneur cette année. En effet, 12 projets ont été sélectionné par l'Open Doors, le laboratoire de coproduction du festival, qui consiste a mettre en lumière des films en provenance des pays dont le cinéma est en voie de développement.

Martina Malacrida, la responsable de la section, se dit "particulièrement satisfaite de la variété et des projets proposés". Ces 12 projets ont été choisis parmi 213 candidatures de 17 pays différents. Jugés du 4 au 7 aout prochain, les réalisateurs et producteurs sélectionnés pourront avoir le privilège de participer au festival de Locarno où ils seront mis en contact avec des professionnels afin de financer leurs projets.

Parmi les réalisateurs, citons les burkinabè Idrissa Ouédraogo, présent sur la Piazza Grande en 1989 avec Grand-mère (Yaaba), et Gaston Kaboré, César du meilleur film francophone en 1983 avec Wend Kuuni (Le don de Dieu). Deux autres figures de proue du cinéma africain, le malien Cheick Oumar Sissoko et le mauritanien Abderrahmane Sissako, respectivement réalisateurs de Guimba (sélectionné à Locarno en 1995) et de Bamako (sélectionné à Cannes en 2006), participeront aussi à Open Doors.

Par ailleurs, pour l’édition 2012, le Festival se prévaut également de la contribution d’Alex Moussa Sawadogo, expert du cinéma africain et directeur du festival Afrikamera de Berlin.

Cet été la ville Suisse italienne fera sans aucun doute grimper la température... D'autant que la Carte blanche cette année sera donnée au Mexique. Cette nouvelle proposition du Festival, lancée l'an dernier avec la Colombie, permet d’offrir chaque année à un pays d’Asie, d’Afrique, d’Amérique latine ou d’Europe du Sud-Est une visibilité sur des films en post-production. "Carte Blanche se déroulera le dimanche 5 août et, au terme de la journée, un jury composé de trois professionnels du secteur sera appelé à attribuer au meilleur projet un prix de 10’000 CHF, lui permettant ainsi d’achever sa production" explique le Festival. La sélection sera révélée en juillet.

La sélection Open Doors

Ailleurs (Away) de Leslie Tô (Burkina Faso)
Black Sunshine d’Akosua Adoma Owusu (Sénégal/Ghana)
De la rue à l'école (From Street to School) de Pape Tall (Sénégal)
Faso Fani, la fin du rêve (Faso Fani, the End of the Dream) de Michel K. Zongo (Burkina Faso)
Fragments de vies (Pieces of Lives) de Laza (Madagascar)
Il Faut Quitter Bamako (We've Got to Leave Bamako) d’Aïssa Maïga (Mali)
La prochaine fois, le Feu (Fire Next Time) de Mati Diop (Sénégal)
Le Président (The President) de Jean-Pierre Bekolo (Cameroun)
Lombraz Kan (Shadows of the Sugarcane) de David Constantin (île Maurice)
Nyè (The Eye) de Daouda Coulibaly (Mali)
Pakitalaki, portrait d’une famille (Pakitalaki, Portrait of a Family) d’Adama Sallé (Burkina Faso)
Toutes voiles dehors (Secret Faces) de Jean-Marie Teno (Cameroun)

George Clooney arrêté, menotté, révolté !

Posté par vincy, le 16 mars 2012

George Clooney est un acteur engagé. Il se bat depuis 6 ans pour donner une visibilité au Darfour, ce territoire entre Soudan et Tchad où sévit une forte famine. La star a été arrêtée ce vendredi à Washington alors qu'il manifestait devant l'ambassade du Soudan afin de protester contre les crimes de guerre commis selon lui par Khartoum dans le sud du pays, récemment divisé en deux. Le Soudan et la République du Soudan du Sud, né en juillet dernier, se disputent leurs frontières (et le pétrole enfoui sous ces territoires).

Clooney et plusieurs membres de la Chambre des représentants et des militants associatifs, ont été menottés et emmenés dans une fourgonnette de la police. De vulgaires manifestants? L'affaire fait grand bruit aux USA : les images passent en boucle sur les chaînes d'infos.

Selon Reuters, George Clooney a expliqué devant de très nombreuses caméras qu'il exigeait que le gouvernement soudanais autorise la communauté internationale à envoyer une aide humanitaire «avant que cela ne devienne la pire crise humanitaire à la surface du globe». «L'autre chose que nous demandons est très simple: que le gouvernement de Khartoum arrête de tuer au hasard des hommes, des femmes et des enfants innocents», a-t-il lancé, «arrêtez de les violer et arrêtez de les affamer, c'est tout ce que nous demandons».

L'acteur a effectué une mission récente au Kordofan-Sud, un Etat du Soudan (1/4 de la France, 1,2 millions d'habitants) où des combats entre l'armée de Khartoum et des rebelles favorables à un rattachement au Soudan du Sud ont entraîné une famine. Des rebelles ont même récemment enlevés 29 ouvriers chinois. Les combats ont commencé en juin dernier, avant l'indépendance de la République du Soudan du Sud. Il y a deux jours, Clooney au Council of Foreign Relations, une commission d'étude sur la politique étrangère, qui s'est réuni à New York, il témoignait : « Il y a une différence entre deux armées qui combattent et ce que la convention de Genève appelle les crimes de guerre ». « Nous avons constaté cela spécifiquement à deux reprises: des viols, la famine, le manque d'aide humanitaire. Le régime soudanais terrorise les gens et les tue en espérant que cela va les faire fuir».

George Clooney travaille également pour la Not on Our Watch organisation, qui œuvre à l'éveil des consciences et à mettre un terme aux massacres.

Le documentariste Tim Hetherington (1970-2011) tué en Libye

Posté par vincy, le 21 avril 2011

Photographe, reporter, chef opérateur et documentariste : le britannique Tim Hetherington a été tué hier, mercredi; en Libye. Habitué des lignes de fronts et des conflits guerriers, il avait acquis une renommée internationale avec son documentaire Restrepo. Le film avait rapporté 1,3 million de $ au box office américain. Sorti en juin 2010, il était resté à l'affiche plus de six mois. Outre sa nomination à l'Oscar du meilleur documentaire, il avait glané quelques prix : meilleure première réalisation aux prix du National Board of Review et surtout Grand prix du jury catégorie documentaires à Sundance.

Il venait de finaliser un documentaire en format court, Diary (voir le court métrage sur sa chaîne Viméo), oeuvre subjective sur son quotidien et la manière dont il gérait les grands écarts de sa vie professionnelle et personnelle.

Né à Liverpool en 1970, il avait étudié la littérature à Oxford avant de revenir à l'Université pour apprendre le photojournalisme. Contributeur régulier de Vanity Fair, il résidait à New York. Il a publié des livres de photos. Il collaborait aussi avec l'ONU.

Il a vécu longtemps en Afrique (notamment pour couvrir la guerre civile au Libéria et les massacres du Darfour). Il fut chef opérateur d'un docu sur le Libéria en 2004, Liberia : An Uncivil War et sur le Darfour en 2007, The Devil Came on Horseback.

Puis il partit en Afghanistan, à la frontière du Pakistan, où il tourna Restrepo avec Sebastian Junger. Il avait reçu en 2007 le World Press Photo Award, parmi de multiples récompenses, pour ses images de soldats américains. Ces mêmes soldats étaient les vedette de Restrepo, qui suivait le quotidien d'un groupe de soldats américains dans une région talibane. Ce qui frappait c'était l'honnêteté de son travail, que ce soit face à la violence ou face à l'intimité des images. "Parfois la question n'est pas de savoir s'il faut tout filmer, mais plutôt quand filmer ou pas".

Montrer les gens tels qu'ils sont. Il twittait au coeur des combats: "Dans la ville libyenne assiégée de Misrata. Bombardements aveugles des forces de Kadhafi. Aucun signe de l'OTAN". Et puis un tir au mortier l'a tué, ainsi que le photographe de l'agence Getty Chris Hondros. La ville de Misrata est assiégée depuis plusieurs semaines par les forces du Colonel Khadafi et au pouvoir, et sert de base avancée de la rébellion. Ironiquement c'était son premier tweet depuis le 28 février, lors de la soirée des Oscars.

Annulation de la 1ère édition du Festival International du Film des Droits de l’Homme de Yaoundé

Posté par MpM, le 18 avril 2011

FIFDH YaoundéAu milieu des annonces cannoises, l'information est un peu passée inaperçue. Pourtant, elle est d'importance, et surtout éminemment symbolique à une époque où démocratie et soif de libertés individuelles font une percée spectaculaire dans nombre de pays d'Afrique et du Moyen-Orient.

Le 12 avril dernier, la préfecture de Yaoundé (Cameroun) a purement et simplement suspendu la première édition du Festival international du film des droits de l'homme qui devait s'ouvrir tout à fait légalement le soir même au Centre culturel français.

Les organisateurs ont immédiatement annoncé qu'ils annulaient les différentes animations et projections prévues tout en s'insurgeant contre cette décision des autorités camerounaises. "Face aux raisons invoquées, nous pensons qu'il s'agit d'un refus politique de traiter les problèmes relatifs aux droits de l'Homme au Cameroun. Nous déplorons cette situation, et regrettons que le dialogue sur les Droits de l'Homme ne puisse pas avoir lieu sereinement au Cameroun", a notamment déclaré Vincent Mercier, le directeur du Festival.

La manifestation, qui  se voulait un "moment de dialogue, de rencontres et d'échanges", ainsi qu'un "lieu d’expression de la culture démocratique", proposait des films déjà diffusés sans aucun problème dans plusieurs pays d'Afrique. En tout dix-sept projections gratuites qui devaient avant tout offrir un espace de réflexion et de discussion citoyennes aux spectateurs. C'est sans doute ce qui a fait peur aux autorités, inquiètes de voir un vent de contestation se lever au Cameroun.

L'actuel président, Paul Biya, qui est en place depuis près de 30 ans, a en effet été critiqué à plusieurs reprises par Amnesty international pour "restriction des libertés fondamentales des Camerounais" et "violations des droits de l'homme". Pas très étonnant qu'il ait craint d'éventuels "débordements" provoqués par la diffusion subversive de films en faveur de valeurs qu'il bafoue allégrement.

C'est une maigre consolation, mais cette interdiction a au moins le mérite de prouver que le cinéma est un vecteur de démocratisation et d'incitation à l'action suffisamment dangereux pour avoir besoin d'être bâillonné.

Ben Affleck au Congo

Posté par vincy, le 5 décembre 2010

Le retour en grâce de Ben Affleck? Le succès de sa dernière réalisation, The Town (140 millions de $ au Box office international, plus d'un million d'entrées en France), le remet sur le devant de la scène. Même le National Board of Review ne l'a pas oublié dans ses dix meilleurs films de l'année.

Et après Clooney, Pitt et son copain Damon, lui aussi se met à s'intéresser à l'Afrique, et particulièrement au Congo. Ce qui change du Darfour ou du Rwanda.

Il a confié lors d'un long reportage sur le pays qu'il voulait faire un  film sur la République démocratique du Congo. Mais à Hollywood, les portes sont closes :  selon lui, la réponse est toujours la même, "personne ne veut voir de film sur l'Afrique".

Or Hollywood n'a pas toujours fait la fine bouche sur cette région des Grands Lacs : Hôtel Rwanda, de Terry Geroge, avec Don Cheadle, en est un bon exemple. De même, Blood Diamond, réalisé par Edward Zwick avec Leonardo Di Caprio, a su mêler l'aventure, l'action, la romance, un tournage sur le continent noir et un fond politique.  On peut aussi citer l'excellent Le dernier roi d’Ecosse de Kevin MacDonald, qui dessine le portrait du dictateur de l’Ouganda des années 70, Amin Dada, avec Forest Whitaker. On se souvient aussi que la série télévisée Urgences avait  délocalisé certains de ces épisodes au Congo, puis au Darfour, pour évoquer les conflits en Afrique. Ou encore que Jack Nicholson évoquait la famine et les orphelins en Afrique dans une correspondance touchante avec un enfant africain qu'il parrainait dans Monsieur Schmidt.

Selon l’AFP, le rapport rendu public par Ben Affleck met en évidence la violence persistance, notamment la récurrence des viols, dans l’est du pays, où deux millions de personnes sont encore déplacées tandis que deux cent mille se sont réfugiées dans les pays voisins.

L'acteur, qui a visité la RDC plusieurs fois, a fondé l'organisation Eastern Congo Initiative (ECI) qui a appelé à un effort redoublé des Etats-Unis pour stabiliser la région Est du pays où sévissent encore viols et violences. "Dans l'est de la RDC, l'insécurité et les conflits se poursuivent alors que les armes se sont tues dans d'autres parties" du pays, affirme un rapport réalisé par ECI. "Tout peut basculer",a-t-il déclaré lors de sa venue à Washington pour présenter son rapport, rappelant qu'après des décennies de guerres et la signature de l'accord de paix en 2002 mettant fin à un conflit qui a tué quelque 3,5 millions de personnes, il était temps de reconstruire.

L'acteur, qui a diffusé sur le site de vidéo YouTube un clip sur la RDC il y a deux ans, a déjà réalisé deux courts documentaires sur l'est du pays.

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À découvrir sur le web :

Clip caritatif avec Ben Affleck et la musique de Mick Jagger
Reportage : Ben Affleck au Congo (1ère partie)
Reportage : Ben Affleck au Congo (2ème partie)
Interview de Ben Afleck sur le sujet

Le fonds Hubert-Bals sélectionne 24 films dans 13 pays

Posté par MpM, le 18 octobre 2010

Le fonds de soutien Hubert-Bals, créé par le Festival international de Rotterdam, a par le passé aidé des films comme Oncle Bonmee..., Palme d'or à Cannes, et Winter Vacation, Léopard d'or à Locarno, ou encore Uzak (Loin) et Japon. Encouragé par un tel succès, il vient lors de sa session automnale de répartir 349 000 euros à des projets venus principalement d'Asie, d'Afrique et d'Amérique latine.

Les films soutenus dans cette sélection d'automne se répartissent en plusieurs catégories :

- section post-production : Ausencias de Milagros Mumenthaler (Argentine, Pays-Bas), Black Blood de Zhang Miaoyan (Chine), Flying Fish de Sanjeewa Pelanwattage (Sri Lanka),The Old Donkey de Li Ruijun (Chine) et Paraísos artificiales d'Yulene Olaizola (Mexique) ;

- section numérique : If It Is Not Now, Then When ? de James Lee (Malaysie), Steel is the Earth de Mes de Guzman (Philippines) et Las voces de Carlos Armella (Mexique) ;

- section "aide à l'écriture" : Mai morire d'Enrique Rivero (Mexique), Rey de Niles Atalla (Chili), Plemya de Myroslav Slaboshpytskiy (Ukraine), Cactus Flower de Hala Elkoussy (Egypte), Conurbano de Gregorio Cramer (Argentine), Dos disparos de Martín Rejtman (Argentine), Marustali de Geethu Mohan Das (Inde), La mujer de barro de Sergio Castro San Martín (Chili), Oxhide 3 de Liu Jiayin (Chine), Sombra del arbol de Pedro Gonzalez-Rubio (Mexique) et While Waiting for You de Prasanna Vithanage (Sri Lanka) ;

- section "aide à la distribution" : Qarantina d'Oday Rasheedin (Irak), Amakula Mobile Cinema d'Amakula Kampala IFF (Ouganda) et Year Without a Summer de Tan Chui Mui (Malaysie).

Parmi les réalisateurs retenus, on note la présence de James Lee, dont on a pu découvrir la "trilogie de l'amour" (Before We Fall in Love Again, Things We Do When We Fall in Love, Waiting for love) ; le Srilankais Prasanna Vithanage, habitué notamment du festival de Vesoul (Soleil d'août, Flowers in the sky) ; Pedro Gonzalez-Rubio dont le premier long métrage, Alamar, a reçu le Grand prix du jury du Festival de Miami et le prix Tiger à celui de Rotterdam (sur nos écrans le 1er décembre)  ou encore Liu Jiayin, cette réalisatrice chinoise à qui l'on doit les deux premiers volets minimalistes d'Oxhide.

Le fonds Hubert Bals permet ainsi de soutenir des cinéastes souvent confidentiels ou ayant des difficultés à monter leurs films mais également de faciliter l'émergence de nouveaux talents dans les pays dits "du sud". Or, qui sait, peut-être se cache-t-il parmi eux la prochaine coqueluche des festivals internationaux...

Une affaire d’état : trahisons et magouilles au sommet

Posté par Morgane, le 24 novembre 2009

Une affaire d’état"Depuis quand les journalistes ont-ils besoin d’avoir quelque chose pour en parler??"

 L'histoire : Un avion chargé d'armes explose au dessus du Golfe de Guinée. Une escort girl est assassinée dans un parking parisien. Plusieurs milliers de kilomètres séparent ces deux événements et pourtant... Nora Chayd, inspectrice aux méthodes musclées, enquête sur le meurtre et bouscule sa hiérarchie. Victor Bornand, Monsieur Afrique officieux du gouvernement, tente d'étouffer la crise politique déclenchée par l'explosion. Quitte à avoir recours à son bras armé Michel Fernandez, un ancien des services de renseignements. Nora s'approche dangereusement des sphères du pouvoir. Les meurtres et trahisons s'accumulent. Au nom de la raison d'Etat ?

Notre avis : À l’heure du procès de l’Angolagate, Une affaire d’état tape dans le mille. Le Monsieur Afrique officieux du gouvernement (alias André Dussollier) se voit dans l’obligation de livrer des armes à des rebelles africains afin de faire libérer des otages. Mais rien ne se passe comme prévu et une réaction en chaîne va entraîner plusieurs événements apparemment distincts les uns des autres mais finalement reliés au même homme, Victor Bornand. Un avion avec une cargaison d’armes qui explose, une call-girl retrouvée assassinée dans un parking, un homme de main qui dérape, une maquerelle qui enquête, une flic qui ne sait plus à qui se fier…

Le scénario est bien ficelé et remplit son rôle, donnant à Une affaire d’état une petite allure de film à suspense. Voir de si près ce qui pourrait effectivement se passer au sein même d’un gouvernement démocrate se révèle même un brin flippant, et André Dussollier (à l’affiche de nombreux films en cette fin d’année 2009) est ici encore très habile en homme de pouvoir agissant dans l’ombre d’un président qui fait appel à lui si besoin, mais ne veut surtout rien savoir des méthodes employées.

Cependant, tout est loin de sonner juste. La mise en scène apparaît rapidement lourde, les plans trop appuyés, et l’enchaînement des situations manque de fluidité. La musique qui vient ponctuer le récit est beaucoup trop explicite. Elle impose plus qu’elle ne suggère, insistant fortement sur le côté suspense, au cas où l’on n’aurait pas vraiment compris de quoi il retourne. De plus, certains personnages valsent dangereusement avec les clichés : la flic beurette issue des banlieues ne rêvant que de justice, l’homme de main, bras armé de Bornand, loup solitaire nerveux et ultra-violent, etc.

Une affaire d’état aurait donc pu être un grand polar dans lequel le suspense tiendrait le spectateur en haleine du début à la fin, mais malheureusement, il dérape et joue trop avec les ficelles vues et revues de ce genre de film. Dommage, l’histoire était intéressante, un brin grisante et très en phase avec notre société actuelle, une de ces histoires dans lesquelles le spectateur est au prise avec tout ce que son propre gouvernement est capable de faire en secret. Mais c’était sans compter sur une mise en scène appuyée et insistante ainsi que sur des personnages manichéens, trop stéréotypés pour laisser place aux zones d’ombre de l’être humain.