La pionnière Mag Bodard (1916-2019), productrice de Demy, Godard, Deville, Varda et Bresson, nous quitte

Posté par vincy, le 1 mars 2019

La productrice Mag Bodard est décédée mardi à l'âge de 103 ans, a annoncé jeudi son associé Alain Bessaudou. Pionnière, elle était la première femme productrice française. Née en 1916 en Italie, Marguerite Bodard, communément appelée Maguy, tait plutôt destinée au journalisme, où elle fait ses débuts.

Elle avait commencé sa carrière un échec en 1962 avec La Gamberge de Norbert Carbonnaux (avec son amie) Françoise Dorléac son amie. Quand elle voit Lola de Jacques Demy, elle s'embarque dans le projet fou du jeune réalisateur: un drame musical. Les parapluies de Cherbourg obtient la Palme d'Or et lance la jeune Catherine Deneuve, sœur de la vedette Françoise Dorléac, consacre le musicien Michel Legrand et panthéonise Jacques Demy dans le cinéma français. Avec eux trois, elle produit ensuite Les Demoiselles de Rochefort en 1967 et Peau d’Âne en 1970.

La fondatrice de Parc Films Mag Bodard c'est aussi la productrice de la Nouvelle vague: elle accompagne Agnès Varda avec Le Bonheur en 1965 et Les Créatures en 1966, Robert Bresson avec Au hasard Balthazar en 1966, Mouchette en 1967 et Une femme douce en 1969, Jean-Luc Godard avec Deux ou trois choses que je sais d’elle et La chinoise en 1967, Alain Resnais avec Je t’aime, je t’aime en 1968 ou encore Maurice Pialat avec L’Enfance nue en 1968, Michel Deville avec Benjamin ou les mémoires d'un puceau en 1967, Bye-bye Barbara en 1968, L'ours et la poupée en 1969 et Raphaël ou le débauché en 1970.

Elle suit aussi fidèlement Nina Companez (Faustine et le bel été, L’histoire très bonne et très joyeuse de Colinot Trousse Chemise, Comme sur des roulettes, Je t’aime quand même pour le cinéma ; Les dames de la Côte, La grande cabriole et L’allée du roi pour le petit écran). Jusqu'en 2006, elle n'a cessé de faire ce métier avec passion.

"Persévérante, déterminée et moderne, Mag Bodard se vouait intégralement à chaque projet et à son réalisateur, l’aidant par tous les moyens à mener à bien son projet, tel que celui-ci l’avait imaginé. Telle était sa plus grande force, savoir magnifier les artistes et leur donner les moyens d’exprimer tout leur talent" rappelle l'Académie des César en lui rendant hommage.

Agnès Varda lui a dédié un texte, diffusé sur le site de la Cinémathèque française: "Cette petite femme avec sa silhouette de jeune fille et sa tête d'oiseau a pesé lourd dans nos vies de cinéastes." Elle se souvient: "Elle venait peu aux tournages, mais elle faisait impression, toujours accompagnée par un chauffeur, élégante, coiffée, manucurée (elle avait des mains particulièrement jolies). C'est curieux que son apparence délicate soit si présente dans mon souvenir, alors qu'elle avait et qu'elle a toujours une énergie farouche mise au service de ses projets, une obstination à les faire vivre et une énorme capacité de travail."

Bruno Ganz (1941-2019) a pris son envol

Posté par vincy, le 16 février 2019

L’immense acteur suisse Bruno Ganz - Nosferatu, Les ailes du désir, L’éternité et un jour, La chute, The house that Jack built... - est mort. Il avait 77 ans.

Parmi les nombreux prix reçus, le comédien avait été désigné acteur de l'année par le magazine allemand Thater Heute en 1973 avant de recevoir le Prix du cinéma suisse (2000), le prix David di Donatello (César italien) pour Pain, tulipes et comédie la même année, le European Film Award pour l'ensemble de sa carrière en 2010, un Léopard pour toute sa carrière, à Locarno, en 2011 et une Golden Kamera au Festival de Berlin en 2014, où il dispose d'une étoile sur le Boulevard des stars.

Bruno Ganz, né le 22 mars 19411 à Zurich est mort dans cette même ville le 16 février 2019. Il a fait sa carrière dans toute l'Europe et aux Etats-Unis, faisant de lui le comédien germanophone le plus connu dans le monde durant plusieurs années. Avant-gardiste sur les planches, il savait incarner au cinéma les personnages les plus complexes. On l'a vu dans des univers parfois radicaux, souvent exigeants, chez Jeanne Moreau, Eric Rohmer, Wim Wenders, Peter Handke, Werner Herzog, Volker Schlöndorff, Jerzy Skolimowski, Alain Tanner, Théo Angelopoulos, Lars von Trier, Bille August, Arnaud des Pallières, Barbet Schroeder, Sally Potter mais aussi chez Jonathan Demme, Francis Ford Coppola, Atom Egoyan, Ridley Scott ou Stephen Daldry.


Nosferatu, Fantôme de la nuit de Werner Herzog (1979)

Kalus Kinski et isabelle Adjani dans cette adaptation du Dracula de Bram Stoker. Herzog a voulu faire un film où le vampire annonce une révolution qui menace les Bourgeois. Si le film n'est pas une performance majeure de Bruno Ganz, sa place dans le 7e art en fait un film important de sa carrière.



Les ailes du désir de Wim Wenders (1987)

Il avait déjà tourné avec Wenders (L'ami américain, 1977), et il le retrouvera dans Si loin, s proche en 1993). mais c'est bien en ange déchu dans cet hymne à Berlin et à l'amour que Bruno Ganz trouve l'un de ses plus grands rôles, transcendant le désir d'aimer, capable de renoncer à ses ailes et de quitter son beau monde en noir et blanc. Dans ce poème mélancolique et existentiel, Bruno Ganz navigue entre deux mondes, celui du spirituel, invisible, et le réal, souvent dramatique. La dure condition humaine dans une ville divisée et meurtrie.

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L'éternité et un jour de Théo Angelopoulos (1998)

Palme d'or, Ganz interprète un écrivain en fin de vie qui fait son dernier voyage entre souvenirs du passé, visions oniriques et paysages embrumés. C'est sans doute le film qui lui ressemble le plus puisque la frontière est au cœur du sujet. L'artiste sans frontières trouve ici un personnage errant qui transmet, où le lien à l'autre est ce qui reste d'essentiel. On vit sans le brouillard avec la seule certitude de mourir. Angelopoulos et Ganz tourneront aussi La poussière du temps en 2008, dernier film achevé du cinéaste. Encore une histoire de quête et d'errance, et toujours ces frontières mentales et géographiques qui nous contraignent.

Pains, tulipes et comédie de Silvio Soldini (2000)
Dans u. registre plus rare, Bruno Ganz a aussi fait des comédies et des romances. Ce film italien, énorme succès dans le pays mais aussi joli hit à l'export, le montre sous un jour différent. Ce n'est certainement pas son plus grand film mais en homme amoureux et romantique d'une femme décidée à changer de vie, il dévoile un charme rarement aussi bien utilisé.

La chute de Oliver Hirschbiegel (2004)
Son rôle le plus emblématique: Adolf Hitler. Ou plutôt le crépuscule du dictateur. Autant dire une performance (jusque dans le ton de la voix), puisque le comédien ne renie jamais l'aspect monstrueux du tyran tout en lui insufflant un humanisme réaliste (ce qu'on reprochera au film). Le film est considéré comme l'un des meilleurs du cinéma allemand de ces trente dernières années. En 2016, Un Juif pour l’exemple de Jacob Berger, histoire vraie autour du meurtre d’un marchand de bétail juif que des paysans ont assassiné pour offrir son corps comme cadeau d’anniversaire à Hitler.

Le couteau dans la tête de Reinhard Hauff (1978)
Il s'agit de son film préféré. Le rôle qu'il a tant aimé, celui d'un biogénéticien qui perd la mémoire (mais pas les sens). Un thriller sur le réapprentissage, qu'il porte sur ses épaules, en tant que victime soupçonnée de fricoter avec les terroristes. Rien à voir avec un autre thriller, plus complotiste, Un crime dans la tête (2004), où cette fois-ci il est complice des criminels.

François Perrot (1924-2019): le métier d’acteur et rien d’autre

Posté par vincy, le 21 janvier 2019

François Perrot, habitué des seconds rôles au cinéma avec près de 150 films et pièces de théâtre pendant près de soixante ans, est décédé dimanche à l'âge de 94 ans. Nommé une seul fois aux César (La Vie et rien d'autre de Bertrand Tavernier) en 1990, le comédien se glissait dans tous les costumes, à la demande.

Certains cinéastes n'hésitaient pas à faire régulièrement appel à ses services. Pour Claude Chabrol, il tourne Nada, Les innocents aux mains sales, Alice ou la dernière fugue. Avec Tavernier, il embellit sa filmographie de titres comme Coup de torchon, La vie et rien d'autre, et Quai d'Orsay (son dernier rôle en 2013). Claude Zidi l'enrôle aussi deux fois (Inspecteur la Bavure, Banzaï) tout comme Claude Lelouch (La belle histoire, Une pour toutes), Bertrand Blier (La femme de mon pote, Merci la vie) ou Henri Verneuil, aux côtés de Jean-Paul Belmondo (Le corps de mon ennemi, Les morfalous). Bébel et lui c'est aussi L'inconnu dans la maison de Georges Lautner et Un homme et son chien de Francis Huster. On le voit aussi chez des cinéastes aussi différents que André Cayette (A chacun son métier), Jean-Louis Trintignant (Le maître-nageur), Jean Yanne (Je te tiens tu me tiens par la barbichette), Costa-Gavras (Clair de femme), Christian de Chalonge (L'argent des autres), Roger Vadim (Surprise Party), André Téchiné (Hôtel des Amériques), José Giovanni (Une robe noire pour un tueur), Jacques Deray (Trois hommes à abattre), Maurice Dugowson (Sarah)... Films policiers, comédies (parfois proches de la série Z), drames d'auteur: François Perrot n'avait pas de frontières.

Sans plan de carrière, il navigue ainsi de Laurent Bénégui à Diane Kurys (Je reste!). Sans oublier la télévision avec des séries comme Chateauvallon, Le château des oliviers ou La prophétie d'Avignon, en passant par des Maigret, Cordier et autres Cinq dernières minutes. Père, militaire, flic, juge, médecin, notable ou chef d'entreprise: ses personnages étaient très loin de son métier d'origine, ébéniste.

Il avait débuté avec Louis Jouvet avant de rejoindre le TNP de Jean Vilar. C'est d'ailleurs au théâtre qu'il a le plus brillé, interprétant Molière, Gogol, Brecht, O'Neill, Camus, Wilde, Buzzati, Dard, ou même la pièce de Maria Pacôme, disparue il y a peu, Les Seins de Lola. Lui même metteur en scène, il a été dirigé par André Barsacq, Georges Vitaly, Robert Hossein, Jean-Louis Barrault et Jean-Luc Moreau.

Ringo Lam (1955 – 2018) : rien de sert de mourir, il faut partir à temps

Posté par kristofy, le 29 décembre 2018

Le réalisateur Ringo Lam, qui a marqué de son nom autant les films d'action Hongkongais que ceux de Jean-Claude van Damme, est mort le 29 décembre à l’âge de 63 ans, sans doute suite à une intolérance médicamenteuse.

C'est avec son quatrième film Rien ne sert de mourir qu'il s'est imposé comme un expert du film d'action. Il s'agit là du quatrième volet de la saga Mad Mission qui en compte six (les autres films d'avant étant ceux de Eric Tsang et Tsui Hark).

Le film suivant inscrira son nom au panthéon des films cultes : City on fire en 1987, lui vaudra le Hong-Kong Film Award du meilleur réalisateur en 1988 (et meilleur acteur pour Chow Yun-fat). Quelques années plus tard City on fire allait être la source d'inspiration pour un jeune scénariste américain fan qui se lançait à la réalisation de son premier film : Quentin Tarantino avec Reservoir Dogs.

Au début des années 90 le polar Hongkongais devient populaire en occident; en France certains films sont en salles et beaucoup d'autres édités en vidéo, notamment ceux de John Woo, Tsui Hark, Johnnie To et Ringo Lam. En 1993 Ringo Lam connaît un autre énorme succès avec son Full Contact, avec, au générique, les stars du moment Chow Yun-fat, Simon Yam et Anthony Wong (ces deux là devenant les figures habituelles de Johnnie To). Il se faisait remarquer par une vision assez morne de la nature humaine et de la société hongkongaise. Techniquement, il préférait aussi les scènes d'action réalistes à celles utilisant divers effets et technologies.

Cela en faisait un virtuose, à l'ancienne. Ringo Lam a réalisé de nombreux polars avec des scènes d'action inédites, violentes ou spectaculaires : déjà en 1987 c'était Prison on fire avec Chow Yun-fat et Tony Leung (qu'il refait tourné en 1999 dans The Victim), en 1994 Le temple du lotus rouge, semi-échec, en 1997 avec Full Alert , gros succès consacré par 5 nominations aux Hong-Kong Film Awards.

En parallèle Jean-Claude Van Damme s'exporte aux Etats-Unis et devient une star mondiale des films d'action, trois de ses films ont été réalisés par Ringo Lam qui alterne entre tournages américains et les siens à Hong-Kong. Avec Jean-Claude Van Damme en tête d'affiche Ringo Lam réalise Risque maximum en 1996, Replicant en 2001 puis In Hell en 2003.

Le savoir-faire de Ringo Lam pour les polars et les scènes d'action avait été célébré en compagnie de ses compatriotes Johnnie To et Tsui Hark au Festival de Cannes en 2007, en séances spéciales, avec leur film en commun Triangle, dont ils ont réalisé chacun l'une des trois parties.

Après un long silence, un peu déprimé de voir comment l'industrie évoluait, il était de retour en 2015 avec Wild City, en 2016 avec Sky on Fire et il s'était engagé sur Eight & a Half, une ambitieuse fresque produite par Johnnie To, sur l'histoire de Hong Kong, coréalisée avec sept des plus grands noms du cinéma local.

Fin des tribulations de Maria Pacôme (1923-2018)

Posté par vincy, le 1 décembre 2018

La comédienne Maria Pacôme est morte samedi à l'âge de 95 ans, a annoncé son fils à l'AFP.

Née le 18 juillet 1923, après le cours Simon, où elle côtoie Michèle Morgan (qui est déjà une actrice connue) et de Danièle Delorme, elle épouse l'un des grands acteurs de l'époque en 1950, Maurice Ronet. Par amour pour lui, elle sacrifie sa carrière pour faire de la peinture et de la poterie. Finalement elle divorce en 1956 et revient à ses premières passions: la comédienne débute en 1958 au théâtre dans "Oscar", avec Pierre Mondy et Jean-Paul Belmondo. Elle sera aux côtés de Bébel au cinéma en 1965 dans Les tribulations d'un Chinois en Chine de Philippe de Broca. Elle y joue la future belle-mère bourgeoise de Belmondo.

Elle tourne déjà un peu depuis quelques années, des petits rôles dans des comédies comme Les jeux de l'amour du même de Broca, Le tracassin d'Alex Joffé, Le Gendarme de Saint-Tropez de Jean Girault.

Sur les planches ou sur les plateaux, elle incarne parfaitement les bourgeoises tantôt coquines tantôt excentriques, parfois délurées, parfois au bord de la crise de nerf, dans la lignée des Jacqueline Maillan. Au théâtre, elle devient vite une tête d'affiche des comédies populaires, comme celle de Jean Poiré, Joyeuses Pâques en 1981. Au ciné, on la voit dans les films de Girault, de George Lautner, de Jean Becker (Tendre voyou), de Pierre Richard (Le distrait). Mais après 1980, et l'énorme succès des Sous-doués de Claude Zidi, où elle campe une directrice aussi dingue que dictatoriale, elle s'absente du grand écran. On l'aperçoit sur le petit, qu'elle n'aimait pas: "Non, je ne vais pas regarder la télé, je vais l'allumer, mais sans la regarder pour bien lui manifester mon mépris" écrivait-elle dans son autobiographie. Elle était lucide et explique en partie son insuccès cinématographique: "Je ne suis pas photogénique. Dans une piscine, quand j'ai la tête mouillée, j'ai l'air d'un rat saucé dans l'huile."

Mais c'est au théâtre qu'elle consacre tourte son énergie.

Auteure

Car depuis 1977, sans doute frustrée de se voir confier toujours les mêmes rôles, elle écrit aussi ses pièces: Apprends-moi Céline avec un jeune Daniel Auteuil, Le Jardin d'Eponine, On m'appelle Émilie avec un très jeune Patrick Bruel, Les Seins de Lola, Et moi et moi, Les Désarrois de Gilda Rumeur et enfin L'Éloge de ma paresse, qui lui valu une nomination au Molière du one man show.

Au cinéma, elle a reçu une seule nomination aux César, dans la catégorie de la meilleure actrice dans un second rôle pour La Crise. C'est en 1992. Coline Serrau la choisit pour être la mère de Vincent Lindon, où elle transporte une scène de ras-le-bol général contre son époux et son fils en grande embardée féministe. La séquence devient culte. Le film est un succès populaire.

Sa rousseur, sa voix, son style de femme classe et déglinguée lui permettent de se singulariser et de devenir au fil des décennies un visage familier pour les Français. Même si le cinéma ne lui a jamais vraiment déclaré sa flamme. On la voit chez de Chalonge, Zeitoun, Alessandrin ou, en 2012, l'adaptation d'Arrête de pleurer Pénélope de Juliette Arnaud et Corinne Puget.

Sur scène, elle avait fait ses adieux en 2009, avec La Maison du lac, remplaçant Danielle Darrieux, qui ne peut plus jouer, aux côtés de Jean Piat, décédé il y a deux mois. La pièce avait été un triomphe.

Comme elle le disait si bien: "Drôle de carrière: tout le monde me connaît et personne ne parle de moi!"

Les super-héros sont tristes: Stan Lee est mort (1922-2018)

Posté par vincy, le 12 novembre 2018

Stan Lee, créateur de personnages légendaires de l'univers Marvel, est décédé lundi 12 novembre à l'âge de 95 ans, selon la presse américaine. Il a révolutionné la bande dessinée de super-héros en leur donnant une psychologie et une humanité. Tous lui doivent leurs histoires et leurs personnalités. Malgré leurs pouvoirs, malgré leurs différences, ce sont des êtres normaux, qui tentent de survivre à un quotidien pas toujours facile.

Né le 28 décembre 1922, Stanley Martin Lieber a été précoce: à 19 ans, il écrit un texte dans Captain America, à 20 ans, il devient rédacteur en chef de Timely. Cette expérience, avec celle accumulé sous les drapeaux, en font à la fois un conteur et un publiciste. Il maîtrise la propagande, le discours choc mais aussi la dramatisation. Malgré cette précocité dans un "art mineur", il faut attendre 1961 pour qu'il créé Les Quatre Fantastiques avec Jack Kirby. Suivront, avec les dessinateurs Kirby ou Steve Ditko, une ribambelle de personnages de super-héros: Spider-Man, Hulk, Docteur Strange, Daredevil, Iron Man, Ant-Man, Thor, les mutants de X-Men, Black Panther... Ils font aussi revivre Captain America et Captain Marvel.

Très vite Stan Lee s'intéresse davantage aux dialogues qu'aux histoires puis se focalise sur la marque Marvel plutôt que sur ses co-créations. Il migre à Los Angeles et supervise les déclinaisons télévisuelles de ses personnages. Conscient de sa notoriété, généreux avec ses fans, Stan Lee devient lui-même une marque. Au début des années 2000, il cofonde la société Pow ! Entertainement, spécialisée dans la production de contenus dérivés de Marvel pour la télévision ou le cinéma, avec Disney.

Car c'est bien Mickey Mouse qui va assurer sa notoriété, au cinéma qui plus est. En 2000 sort le premier X-Men chez la Fox, premier carton au box office pour un film Marvel. Deux ans plus tard, Sony fait encore mieux avec le Spider-Man de Sam Raimi. Les quatre fantastiques, Hulk montrent aussi le regain d'intérêt pour les comics. Ces "vieux" super-héros attisent à la fois la nostalgie d'une génération post sixties et se modernisent pour les ados du nouveau millénaire grâce à des effets numériques permettant de déringardiser les adaptations jusque là peu convaincantes. La Paramount, Universal, la Fox et Sony se partagent l'univers Marvel jusqu'en 2012. Entre temps, en 2008-2009, Marvel a été absorbé par Disney, qui lance le MCU.

Au total, une cinquantaine d'adaptations durant 20 ans au cinéma ont totalisé 12,3 milliards de dollars de recettes en Amérique du nord et 30,7 milliards de dollars dans le monde. On comprend que Stan Lee ait son étoile à Hollywood. De nombreuses stars actuelles lui doivent avec ses personnages leur célébrité et leur carrière. Stan Lee rêvait d'être acteur. Au point de faire un passage dans tous les films issus de l'univers Marvel. Vendeur de hot dog ou lecteur de journal, facteur ou journaliste, bibliothécaire ou livreur, barman ou gardien de musée, coiffeur ou astronaute: ces caméos étaient aussi attendus que ceux d'Hitchcock.

Quand il a créé Tony ou Peter, ou même La chose, son personnage préféré, il avait donné un coup de jeune aux comics. Les productions cinématographiques les ont remises au goût du jour. Ainsi l'œuvre de Stan Lee infuse dans toute l'industrie du divertissement, à l'instar de Star Wars, Disney ou Spielberg. Elle s'est diffusée mondialement, de la salle de cinéma au jeu vidéo en passant par les figurines. C'était une sous-culture, c'est devenu une hyper-culture. Tout comme il créait en "collaboration", comme une fabrique créative et collective, il a construit une œuvre labyrinthique, multi-supports, trans-générationnelle, et qui semble indéfiniment déclinable...

Le formidable Charles Aznavour prend le chemin de l’éternité (1924-2018)

Posté par vincy, le 1 octobre 2018

Les légendes ont fait leur temps. Charles Aznavour était de ces icônes qui ont traversé les décennies, toujours en haut de l'affiche pour des concerts, souvent honoré un peu partout, jamais avare de s'emparer d'une cause humanitaire. Désormais il est "là haut" comme le titre de son dernier film où il était la voix francophone de Carl Fredricksen, le vieillard du Pixar.

Chanteur, écrivain (une dizaine de livres autobiographiques), compositeur, auteur, acteur: il a su allier, comme Yves Montand en son temps, les arts avec ses performances a priori humbles. Un micro lui suffisait. Un tomber de rideau le ravissait.

Charles Aznavour était en fait la seule star mondiale française dans la chanson depuis la disparition d'Edith Piaf. Il était considéré aux Etats-Unis comme le plus grand chanteur du XXe siècle, toutes nationalités confondues. Il faisait des tours du monde, chantant en plusieurs langues. Ses tubes étaient évidemment célèbres: La bohème, La Mamma, J'me voyais déjà, Comme ils disent (la première grande chanson populaire sur l'homosexualité), Hier encore, Emmenez-moi, Ils sont tombés, Mourir d'aimer (qui lui valu un Lion d'or exceptionnel au Festival de Venise), et bien sûr For me ... Formidable qu'on a si souvent entendu dans les films américains (d'Ocean's 8 à Eyes Wide Shut) tout comme la mythique She, composé pour une série tv britannique à l'origine (et N°1 des ventes au Royaume Uni). Sans oublier les chansons qu'il a écrites pour les autres ou qui ont été reprises par les autres (Edith Piaf, Eddie Constantine, Eddy Mitchell, Serge Gainsbourg, Maurice Chevalier, Juliette Gréco, Johnny Hallyday, Nina Simone, Frank Sinatra, Liza Minelli, Elton John,  etc..).

César d'honneur et Victoire du meilleur chanteur en 1997, Charles Aznavour a été honoré partout dans le monde, du Canada aux Japon en passant par l'Egypte. Il a son étoile au Hollywood Walk of Fame, il a été ambassadeur d'Arménie, et héros natioanal de son pays, citoyen d'honneur de Montréal et de Cannes, intronisé au Songwriters Hall of Fame en 1996 (un seul autre français, Michel Legrand, y est). Il a même son musée en Arménie. Mais, même en étant résident fiscal en Suisse, il s'affirmait Français: "Je suis devenu Français d'abord, dans ma tête, dans mon cœur, dans ma manière d'être, dans ma langue… J'ai abandonné une grande partie de mon arménité pour être Français…"

Même en chantant, c'était un comédien. Sans doute pour cela qu'il passait de la scène aux plateaux avec une si déconcertante facilité. Sa filmographie débute après la guerre. C'est en 1958 qu'il obtient son véritable premier grand rôle avec La tête contre les murs de Georges Franju. Après un film avec Jean-Pierre Mocky (Les dragueurs, avec Anouk Aimée), il enchaîne ses trois plus grands films en 1959 et 1960.

Jean Cocteau l'enrôle pour un second-rôle dans Le testament d'Orphée. Puis c'est François Truffaut qui lui offre son plus beau personnage dans Tirez sur le pianiste. "Ce film de François Truffaut m'a beaucoup aidé. Il a notamment lancé ma carrière aux Etats-Unis. Quand je suis venu donner un concert au Carnegie Hall, les Américains ne m'avaient vu que chez Truffaut. Ils attendaient un pianiste de jazz, ils ont eu un chanteur !" Enfin, il rejoint Lion Ventura, Hardy Krüger et Maurice Biraud dans Un taxi pour Tobrouk, réalisé par Denys de La Patellière, dialogué par Michel Audiard. " C'est le script qui me détermine. Comme disait Jean Gabin, dans un film il y a trois choses importantes, l'histoire, l'histoire et l'histoire. Avec certains réalisateurs, j'ai noué des liens d'amitié. Avec Truffaut, par exemple. La première fois qu'il est venu me voir, nous ne nous sommes presque rien dit. Il était timide, moi aussi. C'était un bon début" expliquait-il.

Il alterne alors ses tours de chant et les tournages: Le passage du Rhin d'André Cayatte, Les lions sont lâchés d'Henri Verneuil, Paris au mois d'août de Pierre Granier-Deferre, Le temps des loups de Sergio Gobbi, ... Sa carrière n'a pas de frontières. Il tourne aussi bien avec Lewis Gilbert (Les derniers aventuriers) qu'avec Claude Chabrol (Folies bourgeoises), des films de guerre (Intervention Delta de Douglas Hickox) que des comédies (Caroline Chérie), avec des stars comme Ryan O'Neal ou Robert Hossein. Aznavour déteste les étiquettes. Il est l'un des Dix petits nègres du film international de 1974. Mais on le voit aussi chez Claude Lelouch (Edith et Marcel, Viva la vie) ou Elie Chouraqui (Qu'est-ce qui fait courir David). D'apparence discrète, il jouait ainsi les séducteurs, les taciturnes, les introvertis, les tendres, les artisans ou les artistes.

Il aimait le cinéma. Dans Libération, il confiait: "J'aime les méchants. Ce sont les Américains qui ont su nous donner les plus beaux : James Cagney, John Garfield... ou Humphrey Bogart dans la Forêt pétrifiée, ce film sublime. Le film noir apportait une ambiance encore jamais vue au cinéma."

Il expliquait aussi sa façon d'appréhender un rôle: "J'ai toujours dit que quand je mettais la paire de chaussures qu'on m'avait destinée pour le rôle, j'avais gagné 50 % du personnage. Depuis les Dragueurs, avant chaque rôle, j'écris sur un bout de papier le passé de mon personnage. Et je suis tranquille avec lui : je sais quels seront ses tics, ce qu'il aime manger, ce qu'il aime boire, s'il a aimé sa mère ou non. Je dois connaître son passé pour le continuer."

Dans sa filmographie, trois autres films se dénotent. Les fantômes du Chapelier en 1982, avec Claude Serrault. Chabrol adapte Simenon dans cette sombre histoire criminelle. Dans Ararat d'Atom Egoyan, en sélection officielle à Cannes en 2002, il incarne un metteur en scène dans un récit où le génocide arménien hante les destins. Et bien évidemment, même s'il y tient un petit rôle, il y a Le tambour de Volker Schlöndorff, d'après le roman de Günter Grass, histoire qui se déroule de l'Allemagne nazie à la mort de Staline. Le film a reçu une Palme d'or et un Oscar.

Mais il avouait volontiers: "Je suis un bon comédien, d’accord, mais quand même meilleur chanteur. Il faut voir les choses en face." La semaine dernière encore, il alternait les maquettes de son futur album et les déjeuners avec son ami Jean-Paul Belmondo. Timide et curieux, vif et drôle, il reste aussi dans les mémoires comme un artiste impliqué dans l'actualité, lui, dont les chansons semblent atemporelles, si familières, comme autant de morceaux de vies qu'il nous racontait.

Combattant aussi bien le piratage numérique que toutes formes de discriminations, Aznavour était impliqué, engagé, mettant à profit sa popularité pour les grandes causes. Cela conduisait parfois à des polémiques, des paroles mal comprises ou trop vite dites.

On retiendra que cet "immigré" qui symbolise tant l'élégance et la culture française avait aussi de l'humour et une certaine lucidité: "Si j'avais été blond aux yeux bleus ,grand et élégant avec une voix pure ,je n'aurais pas fait la même carrière" disait-il. Il se rêvait centenaire, et même devenir l'homme le plus vieux du monde, tout en redoutant: "Je n'ai pas peur de la mort. Je redoute de ne plus vivre."

Jean Piat (1924-2018), une immense carrière à l’écart du cinéma

Posté par vincy, le 19 septembre 2018

Jean Piat, monstre sacré du théâtre français, est mort le 18 septembre 2018 à l'âge de 93 ans. Malgré son immense carrière, débutée en 1947, il est resté à l'écart du 7e art, ou presque.

Né le 23 septembre 1924; il commence en pratiquant le football tout en suivant une éducation catholique - qui le marquera toute sa vie. Il entre à la Comédie-Française il y a 71 ans, et y restera 25 ans. Là-bas, le Sociétaire jouera Victor Hugo, Marivaux, Molière, Beaumarchais, Labiche, Claudel, Feydeau, Giraudoux, Shakespeare, Druon, de Musset, Cocteau et surtout Rostand. Cyrano fut sa pièce emblématique, jouant d'abord un garde, puis Bellerose, un deuxième cadet, Brissaille, un quatrième cadet, Jodelet, et enfin Cyrano de Bergerac en 1964 (au total près de 400 fois). A partir des années 1970, il devient une star du théâtre privé, avec des pièces plus modernes, dont celle de sa seconde épouse, Françoise Dorin, mais aussi de son maître Sacha Guitry, de Neil Simon ou Barillet et Grédy. Plus récemment, il est sur les planches avec des transpositions de films populaires sur scène comme Amadeus, avec Lorant Deutsch et La maison du Lac, avec Maria Pacôme. Sa dernière prestation fut Love Letters, l'an dernier, avec Mylène Demongeot.

Jean Piat a aussi mis en scène une vingtaine de pièces et écrit une quinzaine de livres, principalement sur le spectacle et la langue française (dont Je vous aime bien, Monsieur Guitry).

Pour le grand public, c'est le petit écran qui en fit une vedette, avec Les Rois maudits (de Claude Barma), série légendaire des années 1970 où il incarna Robert d'Artois. Le cinéma, en revanche, ne l'intéressa pas, et vice-versa. Il fut Rouletabille en 1947 et 1948, dans deux films de Christian Chamborant, Lagardère en 1968 et 1968 dans deux films de Jean-Pierre Decourt. Sacha Guitry lui offre des rôles dans Le diable boiteux et Napoléon et Serge Cobbi l'engagea deux fois (La rivale, Ciao les mecs). Jean Piat a tourné avec des cinéastes renommés tels Henri Decoin (Clara de Montargis), Jean Girault (Les moutons de Panurge), Luis Bunuel (La voie lactée) ou René Clément (Le passager de la pluie), passant à côté de la Nouvelle Vague ou des cinéastes contemporains pourtant adeptes de vétérans du métier.

Ignoré des prix et des palmarès (sauf, étrangement, en littérature, et un Molière de l'adaptateur!), Jean Piat avait un jeu classique, basé sur la voix davantage que sur la métamorphose, avec un charisme humble plutôt qu'une présence excessive. Peut-être n'était)-l pas si à l'aise devant une caméra, malgré son esprit et son amour des mots. C'est d'ailleurs en tant que doubleur qu'il a excellé dans le cinéma: la voix de Peter O'Toole en vf dans Lawrence d'Arabie, Lors Jim et La nuit des généraux, celle de Michael Gambon dans Gosford Park, de Claude Frollo dans le film animé Le bossu de Notre-Dame. Mais on retiendra surtout la voix du méchant Scar dans Le Roi Lion, version animation, et celle de Gandalf (aka Ian McKellen) dans les deux trilogies de Peter Jackson adaptées de Tolkien, Le Seigneur des anneaux et Le Hobbit.

Marceline Loridan-Ivens s’en va dans la nuit (1928-2018)

Posté par vincy, le 19 septembre 2018

© grassetNée le 19 mars 1928 sous le nom de Marceline Rozenberg, Marceline Loridan-Ivens (elle avait accolé les patronymes de ses deux époux) est morte le 18 septembre 2018 à l'âge de 90 ans, a-t-on appris cette nuit. Survivante des camps de concentration - elle avait été déportée en 1944 avec celle qui allait devenir son amie pour la vie, Simone Veil -, libérée par les Soviétiques, elle sera découverte en 1961 par le public lors d'un monologue - témoignage sur les camps dans le film de Jean Rouch et Edgar Morin, Chroniques d'un été.

Dès l'année suivante, elle coréalise avec Jean-Pierre Sergent son premier documentaire, Algérie, année zéro. Internationaliste, universaliste, humaniste, pacifique, toujours libre et toujours en colère contre les diverses haines, elle signera ensuite quatre documentaires avec son mari Joris Ivens (Le 17e parallèle en 1968, Comment Yukong déplaça les montagnes en 1976, Les Kazaks en 1977 et Les Ouigours la même année). Toujours avec lui, elle coréalise un court métrage, Une histoire de ballon, lycée n°31 Pékin en 1976 - qui reçoit le César du meilleur court métrage documentaire. Elle coécrit aussi le docu-fiction de Joris Ivens, en 1988, Une histoire de vent. Les peuples des pays communistes sont au cœur de leur œuvre.

En 2003, elle réalise en solo son seul film de fiction, La Petite Prairie aux bouleaux. Avec Anouk Aimée dans le rôle principal, la cinéaste raconte l'histoire d'une déportée qui revient pour la première fois en Europe depuis la libération des camps à l'occasion de la commémoration annuelle des anciens d'Auschwitz.

Marceline Loridan-Ivens a aussi été actrice, on l'a vue dans Peut-être de Cédric Klapisch, Les Bureaux de Dieu de Claire Simon et Les Beaux Jours de Marion Vernoux. Elle fut aussi incarnée par Aurélia Petit dans le téléfilm La Loi (2014).

Elle a également été l'auteur de plusieurs livres de souvenirs et de témoignages, dont le plus récent, L'amour après, est paru en janvier.

Burt Reynolds, populaire et séducteur, nous quitte (1936-2018)

Posté par vincy, le 6 septembre 2018

C’est un des acteurs les plus populaires du cinéma américain qui vient de s’éteindre. Burt Reynolds est décédé à Jupiter (ça ne s’invente pas) en Floride ce 6 septembre à l’âge de 82 ans. Il était né le 11 février 1936.

Alors qu’il a été le champion du box office américain dans les années 1970, il n’a été nommé qu’une seule fois aux Oscars, en 1998, pour son rôle secondaire de réalisateur et producteur de film X dans Boogie Nights de Paul Thomas Anderson. Les Golden Globes l’avait sacré en second rôle pour ce même film, après l’avoir nommé deux autres fois pour The Longest Yard en 1974 et pour Starting Over en 1979 (à chaque fois en meilleur acteur de comédie).

Merci Brando

C’est peu dire qu’il fut respecté pour les recettes qu’il accumulait et beaucoup moins pour son talent. Le public ne s’en souciait pas. Il fut cinq fois récompensé par les People’s Choice Award comme acteur favori de l’année. Il a aligné d’énormes cartons en salles : Delivrance, The Longest Yard, Silent Movie, Hooper, The Cannonball run, The Best Little Whorehouse in Texas, avant de voir le public se désintéresser de lui dès 1983.

Une décennie flamboyante pour ce sportif qui rêvait de devenir footballeur professionnel, destin contrarié par une blessure. Il s’oriente vers la police quand, à l’Université, Watson B.Duncan III, professeur de théâtre, croit en son talent et lui offre un rôle dans une pièce.

Parallèlement à une riche décennie en séries télévisées, notamment en incarnant un amérindien dans Gunsmoke, ses premières armes au cinéma sont des films modestes, westerns spaghettis et autres séries B. C’est John Boorman qui l’expose en pleine lumière et fait de lui une star en lui offrant l’un des rôles principaux de Delivrance, aux côtés de Jon Voight. Boorman avait proposé le personnage de Reynolds à Marlon Brando, qui se trouvait trop vieux pour le rôle. Le film étant assez fauché, les comédiens durent faire leurs propres cascades. Et Reynolds y prendra goût pour ses films suivants. Film culte, la brutalité et la sauvagerie de ce « survival » en ont fait l’in des grands classiques du cinéma américain.

L'acteur le plus populaire des seventies

On est en 1972. Sa belle gueule, son corps athlétique (dont il savait s'amuser) font vite des étincelles. Par contraste. Les cinéastes émergents – Scorsese, Coppola, Spielberg… - ont peu d’affinités avec les bourreaux des cœurs. Redford et Newman choisissent essentiellement des grands drames populaires de qualité. Burt Reynolds a cet avantage d’occuper un créneau assez disponible : la comédie et l’aventure. Il tourne pourtant des films très variés, avec quelques grands noms du cinéma. The Longest Yard de Robert Aldrich n’est pas loin d’un film avec Pierre Richard. Aldrich le redirige dans La cité des dangers (Hustle), film noir et sensuel avec Catherine Deneuve. On le voit ensuite chez Peter Bogdanovich (At Long Last Love), Stanley Donen (Lucky Lady), Mel Brooks (Silent Movie), ou encore Alan J. Pakula (Starting Over). De la pure comédie ou de la comédie de mœurs, tout lui va. Il réalise même deux films (Gator, 1976, et la comédie noire The End, 1978).

Son plus gros hit reste Smokey and the Bandit (Cours après moi shérif !) qui eut le droit à deux suites médiocres, sorte d’équipée sauvage et burlesque, un peu crétine, où les « contrebandiers » sont les héros et les shérifs de sombres abrutis. Le film fut la 2e plus grosse recette aux Etats-Unis en 1977, derrière La Guerre des étoiles. Il recruta une fois de plus sa compagne de l’époque, l’actrice oscarisée Sally Field (avec qui il tourna trois autres films).

Le long déclin

Sa réputation de tombeur est accentuée par le choix de ses partenaires féminines, parmi les actrices les plus courtisées d’Hollywood, de Jill Clayburgh à Julie Andrews. Mais il manque tous les grands cinéastes et passe à côté de la mutation d’Hollywood et l’arrivée de l’ère des blockbusters. Le comédien n’a pas encore dit son dernier mot avec les années Reagan. Don Siegel s’essaie à la comédie policière (Rough Cut). En tête d’un casting quatre étoiles, de Roger Moore à Jackie Chan en passant par Farrah Fawcett, il devient pilote de course dans la distrayante Équipée du Cannonball (et sa suite, moins intéressante). Avec Dolly Parton, en mère maquerelle, il joue les shérifs au grand cœur dans La Cage aux poules (The Best Little Whorehouse…), où la chanteuse country inaugure I Will Always Love You. Blake Edwards en fait son Homme à femmes. Et puis de polars en comédies mal écrites (sauf peut-être Scoop, un peu au dessus du lot), sa carrière décline jusqu’à toucher le fond en 1996, avec Demi Moore, dans Striptease qui leurs valent une razzia de Razzie Awards. Il valait un million de dollars par film dans les 70s et 20 ans plus tard on pouvait l’avoir pour 100000$.

L'homme qui a refusé Star Wars et James Bond

Malgré Boogie Nights, qui prouva s’il le fallait, qu’il était un bon comédien, avec une certaine audace, il ne retrouva aucun rôle majeur par la suite, même s’il n’a cessé de travailler (avec Renny Harlin et Mike Figgis, en apparaissant dans des caméos, ou pour le petit écran). On ne voyait en lui qu’une espèce disparue d’un cinéma un peu honteux. On le cantonnait inconsciemment dans le registre des vedettes has-been, avec ou sans moustache (et sur le tard avec barbe). Il a aussi refusé des rôles qui auraient pu donner un tout autre visage à sa carrière comme Tendres passions, qui valu finalement un Oscar à Jack Nicholson. Mais il a aussi refusé Han Solo et James Bond.

Tarantino, épilogue manqué

Burt Reynolds vieillissait pourtant bien. Il avait ouvert un théâtre dans sa ville de Jupiter. Certes, il jouait dans des films qui passent rapidement en salles comme Shadow Fighter, dans le milieu de la boxe, sorti en mars aux USA. Il continuait de tourner. Il a terminé la comédie de Stephen Wallis, Defining Moment, prévue pour Noël. Mais ironiquement, il avait enfin trouvé un grand cinéaste avec Quentin Tarantino qui devait lui offrir un rôle dans Once Upon a Time in Hollywood, aux côtés de DiCaprio et Pitt. Malheureusement, les scènes n'avaient pas été tournées.

Le dernier film où il était à l’affiche était celui d’Adam Rifkin (en salles le 30 mars derniers aux USA). Il incarnait une ancienne star de cinéma qui devait faire face à sa réalité : une gloire déclinante et le temps qui passe. Presque autobiographique ? Ironiquement, ce film s’intitule The Last Movie Star. Personne ne l’a vu. Mais on sent que Burt Reynolds n’a pas fait les choses au hasard pour clore sa longue filmographie. Hormis cet acte manqué avec Tarantino qui aurait couronné une longue carrière à Hollywood.