Story of Jen : inégale chronique adolescente

Posté par MpM, le 9 juin 2009

storyofjen.jpg"Cette différence, c’est comme quelque chose qu’ils savent et que je ne comprends pas."

L'histoire : Jen va avoir quinze ans. Encore sous le choc de la mort de son père, elle vit avec sa mère, immature et paumée, à l’écart de la ville de Covina, au nord des Etats-Unis. Un jour, Ian, le demi-frère du défunt, vient vivre près de chez elles. Jen est à la fois troublée et attirée par cet homme mutique et solitaire.
 

Notre avis : Ce portrait d’une jeune fille introvertie et complexe ressemble à l’adolescence : on sait précisément ce qui nous attend, en raison d’une intrigue cousue de fil blanc, et pourtant tout est à la fois inconfortable et déconcertant. A commencer par la voix off (particulièrement présente) qui raconte l’histoire du point de vue de Jen (Laurence leboeuf), mais plusieurs années après les faits. La manière qu’a l’héroïne de parler dans un souffle, presque sans expression ni émotion, fait osciller le spectateur entre intérêt (l’envie de dissiper le mystère) et agacement. Cette ambivalence se retrouve dans tout le film : tantôt on est séduit par une sèche séquence dramatique dénuée de pathos, tantôt on soupire devant une profusion de clichés maladroitement accumulés.

Peut-être plus que cette trouble histoire de famille, d’amour et de violence, c’est le contexte dans laquelle elle se déroule qui fascine. La communauté  fermée et méfiante de Covina est dépeinte très subtilement au détour d’une conversation entre mère et fille ("tu crois que quand ils disent que je pourrais être ta grande sœur, c’est pour me faire plaisir ? Parce que moi, c’est ce que je croyais, au début") ou d’une soirée ratée où la sollicitude empressée des hôtes donne rapidement froid dans le dos ("vous n’avez que des amis ici"). Les mentalités fermées, à la limite de la malveillance, ont induit le drame autant qu’elles ont prétendu l’éviter. L’amie de Jen, Ana, symbolise d’ailleurs ce puritanisme hypocrite qui impose ses principes aux autres et refuse en bloc tout élan du cœur ou du corps. Comment "ces gens-là" pourraient-ils comprendre les émotions complexes de Jen ? François Rotger, lui, a l’élégance de ne pas chercher à les expliquer. En laissant cette part d’ombre à son personnage, il rend indirectement hommage à la véritable Jen qui, en lui révélant son passé, lui a offert bien plus qu’une intrigue autobiographique.

Le nombre d’or : 1500

Posté par MpM, le 16 mai 2009

Et si finalement, ce n'était pas tant la crise que ça ? Cette année, le marché du film cannois annonce un total de 1500 projections, ce qui représente à peine trente séances de moins que l'an dernier. Pour l'instant, on dénote 9 100 accrédités et les  organisateurs pensent accuser une baisse de seulement 2% par rapport à 2008, dont la moitié est due à la plus faible représentation américaine.

DVD : Southland Tales ou le nihilisme salvateur

Posté par geoffroy, le 11 mai 2009

southland.jpgC’est un film étrange, déroutant, risqué, incompris, maîtrisé, envoûtant et proposant une vision fantasmée – ou cauchemardesque – d’une humanité courant à sa perte qui est sorti en DVD et Blu-ray le 25 mars dernier (achat sur alapage.com). Cet OVNI en celluloïd, ce Léviathan industriel crachant sa vapeur toxique, cet essai post apocalyptique d’un monde charriant sa propre décrépitude, ce maelström visuel où la contre-culture s’empale dans une bulle de poésie pure c’est Southland Tales, le dernier film de Richard Kelly, jeune prodige américain responsable d’un Donnie Darko à l’imaginaire de labyrinthe. Projeté au festival de Cannes en mai 2006 où il fut hué, remonté et amputé de vingt minutes peu de temps après, sortit dans l’indifférence coupable aux Etats-Unis fin 2007 et programmé en Europe avant d’être sans cesse repoussé, sa trajectoire, pour le moins chaotique, se termine donc dans les bacs froids de grands magasins.

Rappelons qu'Ecran Noir avait été l'un des rares magazines à défendre cette vision originale et casse-gueule, à l'époque.

Pourtant le film existe et, malgré ce triste constat, risque bien de devenir culte comme indispensable à tout bon cinéphile qui se respecte. Long-métrage lunaire aux multiples entrées, Southland Tales brasse dans un faux rythme contemplatif une série de rencontres entremêlées dans un présent d’uchronie glamour, trash, délétère, extatique mais dont le décalage subtile se prête admirablement bien à la redéfinition d’une réalité aussi factice que terriblement actuelle. Gonflé, Richard Kelly accouche d’un film hybride aux plans séquences enivrants, aux ballets improbables (voir la danse conclusive entre The Rock et Sarah Michelle Gellar), comme aux digressions psychédéliques. L’expérience visuelle vaut à elle seule le détour…

Oeuvre prophétique au sens premier du terme, elle le demeure surtout dans la manière dont le cinéaste reprend les codes du cinéma hollywoodien pour mieux les exploser en vol (scène du Zeppelin) et dire, à sa façon, le danger d’une dictature de l’image et de ses soi-disant symboles. L’inter-relation entre virtualité et réalisme s’élabore en continu dans un patchwork détonant diaboliquement contemporain qu’il faut absolument découvrir, même sur disque vidéo.

Jeu concours du 5 au 15 mai : DVD La vie devant ses yeux

Posté par MpM, le 5 mai 2009

DVD La vie devant ses yeuxEn septembre dernier, nous vous recommandions La vie devant ses yeux de Vadim Perelman, dans lequel Uma Thurman incarne Diana, une jeune femme hantée par le souvenir terrible d’une fusillade qui eut lieu dans son lycée lorsqu’elle était étudiante. Un personnage grave et profond mais dénué de tout pathos ou tentation mélodramatique qui, peu à peu, se remémore les événements qui ont décidé de son destin.

Désormais, il est possible de (re)voir le film chez soi. Le DVD, qui sort le 5 mai, permet notamment de découvrir un making-off assez détaillé du tournage ainsi que des scènes coupées et une fin alternative.

Pour l'occasion, Ecran Noir vous permet de gagner 10 exemplaires du film en répondant à la question suivante :

Dans quel film ayant reçu le Lion d'or à Venise en 2008 pouvait-on voir la comédienne Evan Rachel Wood ?

Les gagnants seront tirés au sort parmi les bonnes réponses, à nous adresser par e-mail en indiquant votre nom, votre email et votre adresse postale.

_________________metropolitan Filmexport
La vie devant ses yeux, de Vadim Perelman, avec Uma Thurman, Evan Rachel Wood, Evan Amurri, Oscar Isaac…
Sortie DVD le 5 mai 2009.

Venise : Ang Lee président du jury 2009

Posté par MpM, le 4 mars 2009

Ang LeeAprès Wim Wenders, la Mostra de Venise choisit un autre habitué de l’île du Lido pour présider son grand jury international : le cinéaste taïwanais Ang Lee qui a déjà remporté à deux reprises le prestigieux Lion d’or.

La première fois en 2005 pour l’étonnant western sentimental Le secret de Brokeback mountain et la deuxième en 2007 avec un film tourné cette fois-ci en Asie, Lust, caution. Ang Lee, qui vit aux Etats-Unis depuis 1978, alterne en effet les tournages dans son pays natal (Salé sucré, Tigres et dragons) et dans son pays d’adoption (Raisons et sentiment, Ice storm, Hulk).

Difficile d’imaginer quel type de films sa présence au jury favorisera-t-elle, tant il a lui-même montré un intérêt pour des genres extrêmement différents (intimiste, fresque historique, actionner...). Toutefois, cela l’élimine de fait des réalisateurs en compétition à Venise cette année, renforçant la possibilité d’une sélection cannoise pour son nouveau film, Taking woodstock.

Deux poulpes aux Oscars

Posté par geoffroy, le 5 février 2009

oktapodiLa qualité de l’animation française n’est plus à prouver. Outre une production nationale fort respectable depuis maintenant une bonne dizaine d’années, un nombre important de nos animateurs exercent leur talent à l’étranger, en Europe, au Japon et aux Etats-Unis chez les géants Dreamworks, Pixar ou encore Sony.

Vitrine de ce dynamisme créatif, l’école de l’image des Gobelins, considérée par tous comme la meilleure du monde, sera à l’honneur le 22 février prochain. En effet, Oktapodi, court-métrage de fin d’études 2007 réalisé par six étudiants des Gobelins, a été sélectionné pour concourir à la cérémonie des Oscars 2009 dans la catégorie du meilleur court-métrage d’animation. Tout simplement unique pour une école dont les moyens et le temps ne sont en rien comparables à celui d’un studio. Précédé d’une réputation élogieuse (le film a déjà récolté de nombreux prix), ce petit bijou d’inventivité de 2m30 sera, entre autre, en compétition face au géant Pixar et son Presto.

« J’ai du mal à comparer notre film à ceux de Pixar, leurs moyens sont mille fois supérieurs, et ça se voit » délivre Quentin Marnier, l’un des six étudiants responsable de cette savoureuse course poursuite de deux poulpes amoureux essayant d’échapper au « cuistot » d’un restaurant d’une île grecque. Le rythme et la qualité de l’animation ne trompe personne et il n’est pas surprenant d’apprendre que les six animateurs sont déjà sous contrat en France ou à l’étranger.oktapodi oscars

Si cette sélection vient renforcer la présence française aux Oscars (Entre les murs de Laurent Cantet dans la catégorie du meilleur film en langue étrangère, musique originale pour "L'étrange histoire de Benjamin Button" du compositeur Alexandre Desplat et Manon sur le bitume d'Elizabeth Marre et Olivier Pont dans la catégorie du meilleur court métrage), elle doit consolider la politique de re-localisation de la production en France. Cet effort d’investissement est indispensable pour garder ou faire revenir nos animateurs que tant de grands studios s’arrachent aujourd’hui.

Oktapodi réalisé par Julien Bocabeille, François-Xavier Chanioux, Olivier Delabarre, Thierry Marchand, Emud Mokhberi et Quentin Marmier est à visionner sur le site http://www.gobelins.fr. Il a déjà reçu de nombreux prix à casablanca, Anima Mundi, Hiroshima, Annecy, Imagina 2008...

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site officiel du court métrage d'animation

Campagne première : rêve américain en Eure et Loire

Posté par MpM, le 13 janvier 2009

Festival le Compa Campagne premièreQuelle part le mythe rural a-t-il joué dans le rêve américain ? C’est cette question que pose Campagne première, les 3e Rencontres cinématographiques du Compa qui se tiendront du 14 au 18 janvier prochains dans les cinémas de Chartres, Dreux et Senonches.

La sélection de 14 films (parmi lesquels Une histoire vraie de David Lynch, Les désaxés de John Huston, Into the wild de Sean Penn…) abordera notamment la conquête des grands espaces, les figures emblématiques du monde rural, la terre en crise et la fin du mythe américain. Les séances gratuites ouvertes à tous s’accompagneront de débats et rencontres avec différents intervenants historiens, scénaristes ou encore spécialistes de l’esthétique. Enfin, des extraits de films amateurs (réunis dans le cadre de l’opération "La mémoire des images d’Eure-et-Loir") seront projetés avant chaque séance afin de dresser un parallèle entre situations américaines et euréliennes.

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Plus d’informations sur le site du Compa

Hollywood, entre foi et pessimisme pour la fin de l’année

Posté par vincy, le 3 décembre 2008

curiouscase.jpgLa crise a atteint le moral des cadres de l’industrie cinématographique. Certains se rassurent avec les bons signes conjoncturels. Noël et le Jour de l’an tombent un jeudi, prolongeant ainsi le jour férié en grand week end de quatre jours. Le box office, pour le moment, et ce malgré un premier trimestre catastrophique et un début d’automne médiocre, atteint peu ou prou les mêmes niveaux que l’an dernier. Et Noël reste la période la plus prisée pour aller en salles. L’an dernier, le seul jour de Noël avait enregistré 63 millions de $ de recettes dans les caisses des cinémas. En 2006, le chiffre d’affaires avait été de 58,5 millions de $. La tendance est à la hausse.

Inflation de sorties
L’offre aussi d’ailleurs. De sept sorties majeures (nationales) en 2005, les distributeurs ont dû composer avec dix sorties majeures en 2007 et onze cette année. Auxquelles il faut ajouter des films art et essai.
Si bien que la saison débute désormais mi-décembre. A l’instar de l’été, qui commence dorénavant début mai, la multiplication des sorties a imposé aux studios un calendrier de plus en plus précoce. Les films ont à peine deux semaines pour faire 80/90 % de leurs recettes totales. En janvier, les films oscarisables prennent le dessus.
Cette année, Hollywood mise sur des stars (Will Smith, Jim Carrey, Meryl Streep, Adam Sandler, Keanu Reeves, Tom Cruise, Clint Eastwood, Leonardo di Caprio, Jennifer Aniston…), des films en tous genres (thrillers, comédies, science fiction, cartoon, drames, …) et paradoxalement aucune suite , contrairement à l'invasion de "sequels" en été.

Au total seize films ont une chance de tout gagner ou tout perdre. Parmi les plus exposés, des films ambitieux à très gros budgets comme Valkyrie (Brian Synger - Tom Cruise) et The Curious Case of Benjamin Button (David Fincher - Brad Pitt, photo). On regardera aussi de près ce que valent les cotes de Adam Sandler, Jim Carrey, Vince Vaughn et Jennifer Aniston dans le registre de la comédie, après, pour chacun, de gros passages à vide. Certains se neutraliseront peut-être. Il est certain que les films les plus ciblés auront plus de chance dans un contexte aussi concurrentiel que des films trop généralistes.
L’autre donnée qui concentrera tous les regards sera bien entendu la réception critique et publique de films comme Gran Torino, Doubt, Defiance, Revolution Road ou Australia, qui peuvent envisager des nominations aux Oscars et, par conséquent, une durée de vie plus longue en salles…

Récession économique
Hélas, il y a aussi le problème du contexte structurel qui rend tout le monde pessimiste : l’économie, avec sa récession, une chute brutale du pouvoir d’achat, une volonté instinctive d’épargner ses dollars… D’autant que les budgets de production ont augmenté. Mais surtout, avec autant de compétition dans les salles, les studios vont devoir surenchérir dans les dépenses marketing ; de quoi mettre en péril une rentabilité immédiate des films.
Cependant, le cinéma devrait être moins touché que les spectacles de Broadway - quatre (dont "Hairspray" de John Waters, "Kamelot" des Monthy Python et "Frankenstein Jr" de Mel Brooks) ont déjà annoncé qu’ils s’arrêtaient après les Fêtes, alors que "Shrek" vient de se lancer dans l’aventure de la comédie musicale cette semaine. Les ventes de DVD et de Blu-ray pourraient plonger au profit des jeux vidéos et des consoles. Des promos incroyables sont mises en place pour vendre des blockbusters comme Batman The Dark Knight et Kung Fu Panda. La musique et les livres connaissent aussi un fort déclin.
Si Noël soulagera les producteurs de cinéma et de comédies musicales, tout le monde s’accorde à dire que l’hiver devrait être atroce…

Chomsky et Cie : salutaire cours d’autodéfense intellectuelle

Posté par MpM, le 24 novembre 2008

Chomsky et cieL’histoire : En mai 2007, Daniel Mermet réalise une série d’entretiens avec Noam Chomsky pour son émission de radio engagée et militante, Là-bas si j’y suis, diffusée sur France Inter. Olivier Azam est derrière la caméra et Giv Anquetil à la traduction simultanée. Suite à une souscription lancée auprès des auditeurs et fidèles de l’émission, un film voit le jour. C’est la coopérative audiovisuelle et cinématographique Les mutins de Pangée qui l’a entièrement autoproduit. On y retrouve à la fois des extraits de la rencontre avec Noam Chomsky, des témoignages de chercheurs ou de journalistes en adéquation avec sa ligne de pensée, et également des images d’archives.

Ce que l’on en pense : "Douter de tout ou tout croire sont deux solutions également commodes qui, l’une comme l’autre, nous dispensent de réfléchir." Voilà une citation (signée Henri Poincaré, philosophe français) qui devrait guider le spectateur de Chomsky et cie tout au long du film. En effet, cette plongée dans la pensée du théoricien du langage et analyste politique ne se présente pas tant comme un point de vue objectif sur ses théories que comme une explication de texte destinée à les exposer. Aussi vaut-il mieux ne jamais se départir de tout esprit critique… après tout, n’est-ce pas le premier enseignement du philosophe lui-même ?!

Chomsky en appelle en effet au bon sens et à l’intelligence pour contrer les dérives de ce qu’il nomme "la fabrique de l’opinion" et "la fabrique du consentement". Sa thèse, qui n’est ni celle d’un complot international, ni celle d’un groupuscule surpuissant tirant les ficelles en coulisse, incrimine les comportements d’auto-censure de la presse (qui passe sous silence certaines informations par peur de déplaire ou d’être privée d’informations) ainsi que la façon dont l’utilisation d’un langage connoté ("frappes chirurgicales", "armes de destruction massive", "dommages collatéraux"…) peut amener l’opinion publique à pencher dans un sens plutôt que dans l’autre.

C’est d’autant plus passionnant que Chomsky comme Mermet donnent un tour éminemment pédagogique au film : chaque assertion est accompagnée d’un exemple édifiant et facilement vérifiable, et d’autres témoignages viennent compléter la pensée du chercheur américain. Sur la forme, c’est moins réussi, car on sent la scénarisation a posteriori, et les limites de cette transcription cinématographique d’un contenu radiophonique. Qu’importe, il se détache de l’ensemble une immense énergie (génératrice d’une volonté de comprendre, d’expliquer, de dénoncer et d’agir) et une certaine candeur, le film disant à la fois des choses que l’on sent confusément sans être capable de mettre un nom dessus et des évidences auxquelles on est fréquemment confronté. En complément, on ne peut que recommander la lecture de l’excellent manuel de Normand Baillargeon, Petit cours d’autodéfense intellectuelle, qui prend au mot l’idée de Chomsky : "si nous avions un vrai système d’éducation, on y donnerait des cours d’autodéfense intellectuelle".

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Monstres contre aliens : la 3D en relief envahit la terre

Posté par MpM, le 20 novembre 2008

Monstres contre aliensLe cinéma en relief serait-il vraiment la plus importante révolution qu’ait connu le 7e art depuis le passage du muet au parlant et du noir et blanc à la couleur ? C’est en tout cas ce qui ressort de la présentation faite par Jeffrey Katzenberg, responsable de Dreamworks Animation, dans le cadre des rencontres Parixfx dédiées à la création numérique et aux effets visuels. Après s’être copieusement moqué des tentatives passées de cinéma en relief (qualifiées d’assez "épouvantables" et "rudimentaires"), le grand manitou de l’animation a vanté les nouveaux procédés développés par DreamWorks : les lunettes "constituées de lentilles polarisées dernier cri, si confortables qu’on les oublie très vite" (mais toujours grosses et moches) et les images "nettes, éclatantes, synchronisées et stables".

Prometteur, mais qu’en est-il en réalité ? En guise de démonstration, Jeffrey Katzenberg a présenté trois séquences du prochain film produit par DremWorks, Monstres contre aliens. Le fait est qu’on oublie très vite la présence des lunettes, de même que, rapidement, l’histoire prend totalement le pas sur les prouesses techniques. D’ailleurs, on est presque déçu par l’utilisation parcimonieuse (et assez naturelle) du relief, qui se manifeste plus dans des effets de profondeurs assez sobres (les silhouettes se découpant nettement sur le décor, les personnages en volume) que de jaillissements spectaculaires. On commence à croire Mr Dreamworks quand il assure que la 3D relief est au service d’un scénario, et non une fin en soi !

Des Monstres et des Aliens qui se battent en relief !

Ainsi, la première séquence met curieusement mieux en valeur le ton humoristique et décalé du film que les nouvelles technologies. On y découvre le président des Etats-Unis tenter de lier des liens pacifiques avec une sonde extra-terrestre… en lui jouant du synthétiseur. C’est tout de même l’occasion de lui faire gravir un monumental escalier dont chaque marche semble parfaitement réelle, et de nous emmener l’espace de quelques secondes dans un hélicoptère survolant la scène. Même chose pour la deuxième séquence, qui nous permet de faire connaissance avec les cinq "monstres" prisonniers du gouvernement et qui, face à l’imminence d’une attaque extra-terrestre, apparaissent comme la seule chance de survie de l’humanité. Un savant fou transformé en cafard (et "incarné" par le célèbre Docteur House himself, Hugh Laurie), un tas de gélatine indestructible, le "chaînon manquant" entre l’homme préhistorique et ses ancêtres subaquatiques, une grosse bestiole en peluche de plus de 100m de haut et enfin une jeune femme qui, suite à sa rencontre avec une météorite, fait désormais 15m de haut… les personnages s’avèrent immédiatement sympathiques et amusants, quoiqu’un peu stéréotypés (le glouton, le cerveau, la montagne de muscles…)

Enfin, le dernier extrait présenté par Jeffrey Katzenberg est sans doute celui qui donne l’aperçu le plus parlant des avantages de la 3D sur la 2D : on y découvre un affrontement mouvementé entre notre équipe de monstres et l’un des fameux émissaires aliens bien décidé à les déchiqueter en petits morceaux. Comme tout cela se passe dans la ville de San Francisco désertée par ses habitants, les animateurs s’en sont donné à cœur joie en termes de vues vertigineuses du haut des immeubles ou du Golden Gate Bridge. Indéniablement, le relief ajoute aux effets visuels déjà impressionnants, et apporte un souffle supplémentaire aux corps à corps. Le pari de Katzenberg semble pour le moment tenu : les vues en trois dimensions apportent quelque chose au film, mais n’en constituent pas l’essentiel.

Un investissement de près de 100 000 dollars ?

Il vaut mieux, car le film sera justement distribué dans les deux formats (2D et 3D), pour cause de manque de salles équipées avec les projecteurs adéquats ! En effet, Dreamworks prévoit qu’au moment de la sortie de Monstres contre Aliens (1er avril 2009 en France), seuls 600 à 800 écrans dans le monde seront capables de projeter le film en relief (contre 2500 aux Etats-Unis). Par contre, au moment de la sortie de Shrek 4 en 2010, le studio espère réaliser 75 à 80% des entrées américaines et 20% de celles du box-office international avec la version 3D. Car, toujours d’après Jeffrey Katzenberg, cela coûterait environ 75 000 dollars pour convertir un cinéma au numérique, et moins de 20 000 dollars pour passer du numérique au 3D… un investissement qui pourrait en valoir la chandelle, puisque les cinémas américains ont déjà prévu d’ajouter un supplément de 5 dollars par place pour les films en relief. A suivre, notamment en France, où à l’heure actuelle, à peine 140 salles sont équipées… Quoiqu’il en soit, on note la phrase de Katzenberg : "La 3D peut faire beaucoup de choses, mais elle n’est pas capable de rendre bon un film qui serait mauvais", il est fort probable qu’elle pourra resservir…