The square : polar à l’australienne

Posté par MpM, le 16 janvier 2009

The squareL’histoire : Ray et Carla entretiennent une liaison secrète qui leur donne totale satisfaction, jusqu'au jour où le mari de Carla revient à la maison avec un sac rempli de liasses de billets. La jeune femme n’a alors plus de cesse que de s’enfuir avec l’argent. Elle finit par convaincre son amant de l’aider.

Ce qu’on en pense : Pour son premier film, l’Australien Nash Edgerton a choisi le terrain balisé du polar traditionnel dont il a apparemment parfaitement intégré les codes et les règles. Privilégiant les rebondissements psychologiques, son film exhale une tension lourde et poisseuse renforcée par la quasi absence de scènes spectaculaires. Ce à quoi on assiste, c’est à l’implacable mutation des personnages qui basculent méticuleusement de la normalité ordinaire à la violence et au crime. Cette énième variation sur le thème de la fatalité (un seul grain de sable suffit à enclencher la machine infernale) se double d’une réflexion sur la part d’humanité de chacun. Jusqu’où est-on prêt à aller par amour, par appât du gain ou tout simplement pour sauver sa peau ? Même si la morale finale est prévisible (le crime ne paie pas), on passe un bon moment à observer la lente et cruelle déchéance d’un Monsieur Toutlemonde confronté aux simples mais explosives conséquences de ses actes.

Le prix de la loyauté: deux stars, sinon rien

Posté par geoffroy, le 1 décembre 2008

prideandglory.jpg"- 40 ans à voir mes gars crever. Il faut garder la rage en soi et oublier le reste"

Synopsis : Dans la famille Tierney, on est policier de père en fils. Pour ce clan, le code sacré des flics qui consiste à protéger les siens est bien plus qu'un code d'honneur, c'est un code familial. Pourtant, lorsque le scandale se fait plus fort que la loi du silence, chacun va devoir choisir son camp...

Notre avis: Réunir Edward Norton et Colin Farrell dans une sombre affaire de flics sur fond de meurtres, de querelles de famille, de code d’honneur et de fraternité à l’épreuve avait de quoi séduire tous ceux qui ont encore en mémoire l’opus crépusculaire de James Gray, La Nuit nous appartient. Car si la filiation est évidente d’un bout à l’autre du film, l’inefficacité dramatique des situations proposées en prend le parfait contre-pied. Les divers rebondissements, trop factuels dans leur traitement évènementiel, brouillent les pistes et peinent à susciter l’attention autour de cet imbroglio familial à la limite de la mauvaise caricature. En effet, quel que soit la façon dont on prend le film, celui-ci fonctionne presque toujours sur l’opposition classique et éculée du bon flic respectueux du code d’honneur (Edward Norton) et du mauvais flic embarqué dans la spirale sans fin de la corruption (Colin Farrell). Malgré le sérieux du cinéaste Gavin O’Connor, Le Prix de la loyauté ne peut éviter le piège de la boursouflure morale improductive en termes d’enjeux.   

Le pire des scénarii prend place au bout de quelques minutes et scelle définitivement l’orientation d’un long-métrage à la sociologie de cuisine dont le manichéisme primaire décrédibilise des individualités à la fois torturés (Colin Farrell), en proie aux doutes (Edward Norton) ou aux remords (Noah Emmerich). L’idée de monter les fils les uns contre les autres via une enquête policière courue d’avance extériorise l’impact psychologique d’une telle affaire sur la cellule familiale. Le film perd en route sa raison d’être pour devenir lisse, trop peu immersif et d’un banal affligeant. Et c’est sans doute là où le film achoppe le plus, dans son incapacité à créer un personnage tampon à même de décloisonner ces figures archétypales propre au polar. Francis Tierney Jr, le fils aîné, aurait dû servir d’encrage symbolique à une historie complexe où les pressions d’un job difficile voilent le discernement et battent en brèche l’éthique de ces flics de terrain. Pour cela, le réalisateur devait humaniser (quitte à en faire un poil de trop) la parole de ces policiers désabusés au bord de la rupture. Hélas le chemin emprunté par Gavin O’Connor est tout autre et s’articule autour d’un chassé croisé inutile entre deux stars fatiguées avant l’heure.

L’enquête, a priori secondaire, se transforme petit à petit en un prétexte scénaristique légitimant la rivalité morale sous-jacente des deux figures (les seules possibles?) du flic américain. Le subterfuge atteint son paroxysme grotesque dans un final d’une pauvreté dramatique consternante. A bien y réfléchir, le cinéaste Gavin O’Connor aurait sans doute été plus inspiré en attaquant de front les vrais maux d’un corps de métier en souffrance au lieu de s'embarquer dans une énième "guéguerre" d'égos mal ficelée.

La loi et l’ordre (Righteous Kill) : ça laisse froid…

Posté par geoffroy, le 6 octobre 2008

righteoustokill.jpgSynopsis: Après avoir passé trente ans ensemble dans la police de New York, les détectives Turk et Rooster sont prêts à tout, sauf à prendre leur retraite. Peu avant leur départ, plusieurs criminels ayant échappé à la justice sont assassinés selon un mode opératoire qui rappelle celui d'un serial-killer que les deux enquêteurs ont mis sous les verrous plusieurs années auparavant. Une insupportable question se pose alors : Turk et Rooster se seraient-ils trompés ?
L'officier Karen Corelli (Carla Gughino) s'interroge, et les détectives Perez (John Leguizamo) et Riley (Donnie Wahlberg) espèrent résoudre l'affaire avant Turk et Rooster. Très vite, le lieutenant Hingis (Brian Dennehy), leur chef, commence à craindre qu'un policier ne soit impliqué. C'est le début d'une enquête à hauts risques...

Notre avis: Douze ans après l’étourdissant polar urbain que fut Heat de Michael Mann, Jon Avnet signe les retrouvailles de Robert de Niro et Al Pacino dans La Loi et l’Ordre, improbable polar mou du genou et de la tête. Pour tout dire nous assistons, consternés, à un enlisement scénaristique digne d’un mauvais requiem de fin de carrière tant l’histoire est convenue, caricaturale et surtout dénuée d’intérêt. Le réalisateur ne nous épargne rien et passe complètement à côté de son formidable sujet, à savoir réunir sur la même affiche ces deux monstres sacrés. Au lieu de construire un polar tendu prenant en compte cette donnée indispensable, le scénario les ringardise outrageusement puis les enferme dans une intrigue absurde qui essaie sans une once d’intelligence de juxtaposer par effet d’opposition malhabile les carences d’une justice grippée et le recours, ainsi légitimé, de la loi du talion.

L’ensemble est si pauvre, si peu argumenté et tellement mal amené qu’il n’est pas surprenant de voir nos deux acteurs dérouler un jeu bien en deçà de leurs talents habituels. Pacino nous la joue sur du velours de supermarché en solde tandis que De Niro cabotine à qui mieux mieux en espérant épaissir la lamentable caractérisation de son personnage. Et pourtant, ils captent l’attention, bouffent chaque scène et sauvent ce qu’ils peuvent du naufrage. Le butin, bien maigre, s’accommode d’un scénario prévisible et ronflant qui pousse l’affront jusqu’au rebondissement final lui-même injustifiable, indigeste, grossier et, osons l’affirmer, inepte. La mise en scène ne rattrape aucune faiblesse et se trouve de toute façon incapable d’insuffler le moindre dynamisme à même d’explorer les psychologies en saillie.

Jon Avnet aurait dû revoir ses classiques. Il aurait compris qu’avec ce genre d’acteur il faut pouvoir créer des espaces de liberté, des lignes de fracture, des tonalités discordantes, des nervures dans le jeu afin d’autoriser l’éclosion d’interprétations en interaction. C’est ce que nous attendions, c’est ce que le public est en droit d’attendre. Le miracle n’a pas eu lieu, la saveur d’une rencontre mythique non plus. Après la désillusion des premières bobines, l’ennui pointera le bout de son nez lui-même remplacé, dès les lumières rallumées, par un sentiment violent de frustration nous faisant regretter le jour où De Niro accepta la proposition d’Avnet.

Jar City : enquête insulaire

Posté par geoffroy, le 8 septembre 2008

Jar citySynopsis : Inspecteur à Reykjavik, Erlendur enquête sur le meurtre d'un vieil homme apparemment sans histoire. La photo de la tombe d'une petite fille retrouvée chez la victime réveille pourtant une affaire vieille de quarante ans. Et conduit Erlendur tout droit à Jar City, surprenante collection de bocaux renfermant des organes, véritable fichier génétique de la population islandaise...

Notre avis : Des secrets de famille, il n’en sort jamais rien de bon. Déterrer des vieux démons enfouis depuis des années, c’est faire ressurgir les mensonges cachés, les trahisons coupables et les douleurs de ceux qui vivent dans l’ignorance. C’est mettre à mal des êtres en les poussant aux crimes dans le déchirement d’un corps social malade. Sans révolutionner le genre, Jar City scrute avec sobriété un existentialisme douloureux en confrontant nature et culture dans un univers implacable où l’acte prend toute sa valeur. La dimension sociétale s’en retrouve décuplée et si l’enquête peut paraître décevante dans son cheminement, elle étire le nœud des relations, des interactions et des pesanteurs au jour le jour dans un temps tellurique magnifié par les paysages désertiques d’Islande.

Réussite en ce sens, le troisième film de Baltasar Kormakur déjà responsable du très bon 101 Reykjavik, s’appuie essentiellement sur un sens du plan – d’un long-métrage tourné en dv – en accord avec une narration par emboîtement d’évènements et de rebondissements. Classique car linéaire, l’enquête passe de la ville (écrasement de la perspective) à la campagne (survol des terres arides rocailleuses) et spécifie une atmosphère sans doute propre au pays. Pourtant, le réalisateur ose destructurer son récit en y greffant deux évènements distincts mis en parallèle, comme s’il s’agissait de souffler un sombre écho sans cesse répercuté. Le meurtre d’un homme a priori sans histoire répond alors au décès d’une petite fille foudroyée par une maladie rare et héréditaire. En focalisant son attention sur une enquête peu ou pas assez ramifiée avec le deuxième évènement, Baltasar Kormakur oublie de creuser des thématiques aussi riches que les liens du sang, l’hérédité et surtout l’incroyable joyau qu’aurait suscité le traitement de la recherche génétique au service de la science.

Sans tomber dans la mauvaise fiction d’anticipation, l’art du cinéma de genre est de puiser sur des réalités en marche afin d’y déceler les perspectives qui seront cinématographiquement pertinentes. L’enquête se devait d’être le point de départ d’une réflexion sur les risques de dérapages d’un tel pouvoir à l'instar du film d'Andrew Niccol, Bienvenue à Gattaca. D’autant plus que le metteur en scène pouvait librement s’inspirer de la création bien réelle d’un fichage génétique et médical en Islande par une boîte privée « DeCode Genetics Inc. » pour y dessiner un scénario plus consistant et surtout ambitieux. Il y avait de quoi mettre en résonance l’enquête du flic Erlendur et les questions soulevées par cette cité des Jarres, bastion post-moderne d’un devenir palpable où la génétique opératoire deviendrait la science favorite d’apprentis sorciers en tous genre. Au lieu de cela, nous nous retrouvons devant un polar classique dans sa dimension sociale, l’histoire de famille banale prenant le pas sur l’expertise d’une société en train de basculer vers une ingénierie génétique instigatrice d'une nouvelle morale.

Séances de rattrapage

Posté par MpM, le 19 août 2008

Les vacances sont finies ? Le soleil s’est déjà fait la malle ? Les feuilles d’impôts se ramassent à la pelle dans les boîtes aux lettres ? Bonne nouvelle, la reprise peut aussi avoir du bon. Du 20 au 26 août, le Cinéma des Cinéastes prolonge l’été (et le plaisir) avec des séances de rattrapage permettant de (re)découvrir une sélection de films sortis au cours de l’année écoulée. Articulée autour des grands genres cinématographiques (polar, comédie, drame, comédie dramatique, documentaire…), la programmation fait le grand écart entre Un secret de Claude Miller, Boarding gate d’Olivier Assayas, Le système Poutine de Jean-Michel Carré ou encore Les amours d’Astrée et Céladon d’Eric Rohmer, histoire de satisfaire tous les goûts. La plupart des projections seront suivies d’un débat avec le réalisateur ou le producteur du film, et, par ailleurs, des séances de dédicaces seront organisées tous les soirs après 19h au Bistrot des Cinéastes (au 1er étage du cinéma) avec quelques réalisateurs-écrivains. De quoi se remettre dans le bain et attendre de pied ferme toutes les nouveautés de la rentrée.
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Programme détaillé sur le site du Cinéma des cinéastes.

Le polar s’ennivre de Bourgogne

Posté par vincy, le 11 juillet 2008

Comme nous vous le disions le 2 avril dernier, le festival du film policier de Cognac n'existe plus, lâché par les producteurs de Cognac, principaux subventionneurs. Les organisateurs ont finalement trouvé un nouveau point de chute : Beaune. On passe de la liqueur au (très bon) rouge (sang). Beaune avait, auparavant, accueilli les Rencontres (très professionnelles) de l'ARP, déménagées depuis 2006 dans la métropole voisine de Dijon (tenue par un baron socialiste).

L'édition 2009, la 26e donc, se tiendra du 1er au 5 avril.

Au bout de la nuit : sombre perdition

Posté par geoffroy, le 24 juin 2008

streetkings_keanureeves.jpgSynopsis: Tom Ludlow est le meilleur détective de l'Ad Vice, unité spécialisée de la Police de Los Angeles. Son supérieur, le capitaine Wander, ferme les yeux sur ses procédés souvent "hors normes" et le protège lors de l'enquête interne menée par le capitaine Biggs. Accusé à tort du meurtre d'un collègue, Ludlow doit lutter seul contre le système corrompu pour prouver son innocence.

Notre avis: La caution d’un grand nom au scénario – James Ellroy en l’occurrence – n’est pas toujours synonyme de qualité et encore moins de réussite. Référence avouée à la situation des flics de Los Angeles peu après les émeutes de 1992 qui firent 32 morts, Au bout de la nuit actualise une réalité sociale toujours aussi tendue et tente vainement d’investir des thématiques fortes comme la corruption policière, le fonctionnement du LAPD (Los Angeles Police Departement) et ses unités d’élite, le maintien de l’ordre et les tensions entre flics. Louable dans l’intention, inexistant à l’image.

Le réalisateur David Ayer (antérieurement scénariste de polars cyniques) est incapable de structurer un polar subtil faisant l’état des lieux d’une police à bout de souffle dépassée par des évènements extérieurs de plus en plus violents. Pire, il ne creuse pour ainsi dire jamais dans cette quête jusqu’au-boutiste d’un flic, Tom Ludlow (Keanu Reeves, plutôt bon), détruit aux méthodes expéditives. Polar noir gonflé à la mauvaise testostérone, Street Kings – titre anglais bien plus révélateur – survole tous ses enjeux pour devenir une vulgaire démonstration de force où l’épate se veut le fondement cinématographique d’une narration poussive. En clair, David Ayer en met plein la vue mais oublie en cours de route d’ancrer ses personnages dans une fonction et une psychologie qui auraient apporté ce brin de substance qui fait cruellement défaut au film. C’est un peu comme s’il suffisait de flinguer, de corrompre, de boire ou sniffer pour réaliser un film tendu et fort sur les violences urbaines, la corruption des institutions et les différentes formes de dépendances. Un peu plus de sinuosité n’aurait pas fait de mal à cet archétype mal dégrossi de film noir trop linéaire dans son traitement et son regard critique.

Cette direction scénaristique enferme l’immersion de Tom Ludlow dans la caricature et lisse jusqu’à l’os des axes de lecture pourtant pertinents. Rapports hiérarchiques, relation à la rue, démêlé avec les "bœufs carottes" made in USA ne sont ni magnifiés, ni développés, ni en interaction. Le film ne nous apprend rien sur l’institution que l’on ne sache déjà, tout en verrouillant son récit sur le mode esbroufe et révélations sans consistance. Il suffit de voir la psychologie du personnage interprété par Forest Whitaker pour en être assuré. L’emphase est telle qu’il frise à chaque plan le ridicule. A force de persévérance, il fini par le trouver à la fin du métrage dans un climax aussi absurde que grossier. Ne parlons pas de ce dernier plan saugrenu digne d’un film de super héros à la "Spider-Man" (sic).

David Ayer accouche sans nul doute d’un film basique assez bien photographié où le anti-héros devient un peu vengeur, un peu sauveur, un peu manipulé, mais seule réponse aux problèmes de corruption et de violences urbaines. La déraison l’emporte sur la cohérence et la violence engendrant la violence, la police de Los Angeles se voit dans l’obligation d’y répondre par la violence. Le monde est ainsi fait et Keanu Reeves étant Keanu Reeves, il aura le dernier mot et l’honneur sauf. Un conseil. Si vous voulez voir – ou revoir – un vrai grand film sur la corruption policière, faites un détour chez Mister Serpico.

Un roman policier : plus fort que MR 73?

Posté par geoffroy, le 14 avril 2008

unromanpolicier.jpg

Sortie : 16 avril 2008.

Synopsis: La banlieue, de nuit. Dans un petit commissariat, Emilie Carange, lieutenant de police en proie à des frustrations, voit débarquer Jamil Messaouden, jeune stagiaire, aux méthodes peu orthodoxes. Elle s'éprend de désir pour lui.
Une petite grand-mère arabe se dit témoin d'un grand trafic de drogue. Viard, le flic de la brigade des stups, qui devrait logiquement les traquer a "la tête et le coeur ailleurs".
L'équipe se retrouve dans une affaire qui les dépasse. Plus les nuits filent, plus le désir d'Emilie pour Jamil grandit.
L'affaire de drogue dérape, Emilie aussi...

Un roman policier est le premier long métrage de la réalisatrice Stéphanie Duvivier. Plongée étonnante au cœur d’un petit commissariat de quartier de la banlieue marseillaise, cette immersion territoriale est courageuse, bien foutue et ose décrire une réalité un peu à la manière du cinéma anglo-saxon. Sans artifices, ni digressions abusives sur les difficultés qu’éprouvent les flics dans le bon fonctionnement de leurs missions, la réalisatrice épuise le quotidien de ces agents de l’ordre confrontés aux pressions d’un environnement parfois hostile. Représentatif de la société d’aujourd’hui dans sa mixité sociale, identitaire et sexuelle, le commissariat devient un personnage à part entière dans lequel s’expose des fonctionnaires de l’Etat qui doutent, ont peur et répondent bien souvent aux urgences d’une situation sociale de plus en plus inextricable.

Un roman policier marque en continu un commissariat semblable à beaucoup d’autre dans la froideur de vestiaires vétustes. Quotidien d’un travail souvent plus administratif qu’opérationnel par manque de moyens et d’effectifs, les patrouilles s’enchaînent et les enquêtes font du sur place. Réalité d’une administration rigide laissée à la démerde de ceux qui sont sur le terrain, le moral des troupes de la commissaire Carange est au plus bas. Nous sentons la fatigue, le désespoir et même la résignation. Seul l’arrivée du stagiaire Messaouden redynamisera cette équipe moribonde. Si la mise en place d’une atmosphère tendue est maîtrisée par un choix de mise en scène direct, proche des corps dans leur frustration et leur humanité, elle occulte une partie enquête un peu redondante et manquant de rythme. Peu importe car tel n’est pas le propos de Stéphanie Duvivier. Ce qui l’intéresse c’est de filmer des gueules triturées par ce boulot hors norme, entre l’expérience désabusée des uns et la jeunesse frondeuse du stagiaire (Olivier Marchal, dans le rôle de l’inspecteur désabusé, évite la caricature pour nous livrer, in fine, un flic cassé terriblement attachant).

L’intimité de chacun est alors mise à nu. Ils répondent aux évènements qui traversent un quotidien chaque jour plus usant. Entre coup de blues, remontrance hiérarchique, rixes et autre beuverie d’un soir, leurs histoires de flics s’inscrivent dans celles du quartier et la vie du quartier déborde sur leur travail de flics. Mélange des uns avec les autres – le flic Viard a une relation avec Fati la patronne d’un bar au cœur de la cité –, attirance coupable de la commissaire pour son stagiaire, tout s’effrite et se modifie au rythme des nuits qui s’enchaînent. Cette prise de risque scénaristique vient renforcer les tensions, les solitudes… et les rapprochements.  La réalisatrice capte à merveille ce territoire français – souvent laissé à l’abandon par le cinéma – pour nous offrir des scènes sincères, fortes et terriblement humaines. Tout comme cette scène où les policiers de la brigade dansent avec les clients du bar de Fati. L’ombre de Kechiche n’est pas loin, la réussite du film est là.

Alors peu importe les quelques maladresses scénaristiques d’un long métrage qui remplit aussi bien les vides, les silences et les peurs de chacun. Ouverture sur une réalité de tous les jours, Un roman policier est plus que prometteur, il trace une voie qu’il faudra suivre.

Un festival consommé et oublié

Posté par vincy, le 2 avril 2008

"Au cours de son Assemblée Générale Extraordinaire le 3 décembre 2007, l'Association pour le Festival de Cognac a décidé de procéder à sa dissolution anticipée, conformément à ses statuts. L’Association tient à remercier tous ses partenaires qui, au fil des ans, l’ont accompagnée dans cette aventure, commencée en 1982 et dont la 25ème édition, qui a eu lieu en juin 2007, a donc marqué la fin."

Le festival de Cognac était l'un des plus réputés dans le genre. Un rendez-vous qui faisait partie des étapes du calendrier annuel, au printemps, sans souffrir de la concurrence de Cannes. En Poitou-Charentes, il co-existait avec La Rochelle et Poitiers (on annonce un festival du film francophone à Angoulême). Cognac, c'était le polar, le film noir, des jurys de stars, et une réputation liquoreuse dans les médias, qui suivaient l'événement, ce qui reste rare pour un festival provincial.

Mais pas seulement. Car Cognac avait au moins une vertu : mettre la lumière sur un genre souvent oublié dans les autres festivals, le film policier (sous toutes ses facettes). Des cinéastes comme les Coen, Michael Mann, Curtis Hanson, John Dahl, Takeshi Kitano, Xavier Giannoli, Danny Boyle, Larry Clark, Alex de la Iglesia y ont été récompensés pour leurs premières oeuvres. Au fil des années, Cognac s'ouvrait au monde, aux formats.

Cognac, aujourd'hui, c'est finit, et peu de gens en font état. Un festival peut mourir ainsi, dans l'indifférence, même après 25 ans d'existence. D'autres pourraient suivre tant les financements deviennent difficiles (l'Etat se désengage), les sponsors peu intéressés, les médias peu curieux. Trop de festivals? Je pense plutôt qu'il y a une manière obsolète aujourd'hui de "monter" un festival. Que les organisateurs doivent trouver d'autres moyens, et notamment une mutualisation, des alliances, pour dynamiser cette industrie qui rapporte beaucoup en retombées économiques.

Vas-y, Johnnie, fais-nous des films !

Posté par MpM, le 5 mars 2008

Johnnie ToLors de l’avant-première de son film Mad detective, qui donnait le coup d’envoi à la rétrospective que lui consacre la Cinémathèque française, le réalisateur hongkongais Johnnie To a été accueilli par des tonnerres d’applaudissement, preuve s’il en était besoin de la réputation qu’il s’est taillée auprès des cinéphiles français. On est bien loin de l’époque où le polar made in Hong Kong était traité comme du cinéma de seconde zone, à peine bon pour des sorties vidéo réservées à un public pas spécialement réputé pour son bon goût...

Aujourd'hui, la virtuosité, l'esthétique et le goût de l'artisanat propres à une certaine branche du cinéma hongkongais sont même à la mode, copiés partout et par tout le monde. A Hollywood, bien sûr, qui s'est adjoint les services de John Woo avant de s'offrir le remake d'Infernal affairs par Scorsese, mais également en France, où Alain Corneau a donné à son remake du Deuxième souffle des accents purement hongkongais. Sans oublier le plus célèbre recycleur du monde, Tarantino, qui s’est nourri de ce type de films pour réaliser Kill Bill ou Reservoir dogs...

D’où l’importance que revêt le travail de Johnnie To, principalementt depuis le milieu des années 90 et la création avec son complice Wa Ka Fai de sa propre maison de production, la MilkyWay Image Ltd. Depuis plus de dix ans, il donne en effet une véritable impulsion à la production de la région, réalisant des films toujours plus personnels, et produisant dans le même temps les œuvres de jeunes cinéastes. "Le premier film produit par la MilkyWay image s’appelait Too many ways to be number one, de Wa Ka fai, avec Lau Ching-Wan", a ainsi rappelé le réalisateur lors de son intervention devant une salle comble. "Dix ans plus tard, nous sous sommes retrouvés tous les trois pour réaliser Mad detective, le film du 10e anniversaire de la société. Ce film symbolise donc une nouvelle étape dans notre travail."

Si les dix prochaines années sont aussi prolifiques et talentueuses que les précédentes, la Cinémathèque peut d’ores et déjà préparer un deuxième hommage aux alentours de 2018. Partis comme ils sont, Johnnie To et sa bande auront bien une trentaine de films supplémentaires à présenter…