Richard Linklater: 9 films à ne pas manquer au Centre Pompidou

Posté par vincy, le 26 novembre 2019

Du 25 novembre au 6 janvier, les Cinémas du centre Pompidou propose un rétrospective intégrale (dont quelques inédits), accompagnée d'une masterclasse et d'une exposition, consacrée au cinéaste américain Richard Linklater. A bientôt 60 ans, le cinéaste texan (décidément quel filon avec Wes Anderson, Ethan Hawke, Tobe Hooper, Tommy Lee Jones, Robert Rodriguez, ...) a réalisé pas loin de trente films, que ce soit dans l'animation (Waking Life, A Scanner Darkly, tous deux pas forcément aboutis), le documentaire, l'expérimental, ou le court métrage. Cherchant toujours la meilleure manière de raconter une histoire, il s'affranchit du temps, tournant sur 18 ans un film comme Boyhood, sérialisant une romance d'un jeune couple entre 1995 et 2013 (la trilogie Before), ou s'imposant le temps d'une journée pour raconter l'histoire de Slacker.

Voici 9 films qui montrent l'étendue de son cinéma, entre expérimental et film de studio, étude de mœurs et quête d'une vérité.

Boyhood. Sans doute son ouvre la plus maîtrisée et la plus magistrale. Ours d'argent de la mise en scène à Berlin, 6 nominations aux Oscars (et un récolté), une nomination aux César, 3 Golden Globes (sur 5 nominations), 3 prix BAFTA (sur 4), le film a été tourné sur une période de douze ans, de 2001 à 2013, avec les mêmes acteurs. Boyhood est une "ciné-réalité" qui suit une famille fictive, dans une Amérique traditionnelle, de l'enfance à l'émancipation du jeune Mason.

Rock Academy. La comédie culte, portée par un Jack Black au top de sa forme (et une nomination aux Golden Globes à la clé). Linklater revisite le "High School Move" et, dès 2003, invente les "Battles" si chères aux nouveaux télé-crochets. Sous ses apparences de comédie de studio hollywoodien, Rock Academy est en fait un film subversif sur la liberté. Comme dans Boyhood, le cinéaste plaide pour que la jeunesse s'empare de ses rêves, et tracent leur itinéraire sans se soucier des diverses autorités (parents, école, société). Le film a été adapté pour un musical sur Broadway.

Dazed and Confused (Génération rebelle). On est toujours au lycée, au texas, mais cette fois-ci on se transporte dans les seventies. Quentin tarantino en fait l'un des dix plus grands films de son panthéon. Et on y croise dans leurs premiers grands rôles Ben Affleck, Adam Goldberg, Milla Jovovich, Matthew McConaughey et Parker Posey. Cette comédie de mœurs, sélectionnée à Locarno, observe d'ajà une Amérique des classes moyennes, telle qu'on la voit depuis les années 1960 dans le cinéma américain (bagnoles, drague, baseball, ...). Ce "Summer Breakers", qui se place plutôt du côté des "bleus", est un digne successeur des films de John Hugues.

Slacker. Deuxième long métrage du cinéaste, ce film montre déjà l'intérêt de Linklater pour l'expérimentation: une ville (avec ses habitants, Austin), durant quelques heures, et les rencontres provoquées par ces croisements entre jeunes et vieux, complotistes et anticonformistes. Devenu culte, il installe le réalisateur dans une contre-culture, héritier du Nouvel Hollywood des années 1960-1970. Ce "new realism" à l'image s'accompagne d'un montage très fluide. Ce portrait de l'Amérique vaut aussi pour la mise en lumière sur les contrastes d'une société où coexistent marginaux et personnes sur-éduquées. Le film, sélectionné à Sundance, nommé deux fois aux Spirit Awards, n'a jamais été montré en salles en France, mais Splendor le distribuera en 2020.

Bernie. Jack Black (une nouvelle fois nommé aux Golden Globes), Shirley MacLaine et Matthew McConaughey nous régalent dans cette comédie macabre inspirée d'un réel fait divers: l'homme le plus gentil de la ville est adopté par une veuve misanthrope qui le tyrannise, jusqu'à ce qu'il craque et la tue. Chose rare, la sortie du film a fait réviser le procès du vraie Bernie, qui fut libéré puis hébergé chez le réalisateur durant deux ans. Un nouveau procès l'a renvoyé en prison. Avec un style singulier, le cinéaste mélange le biopic hollywoodien et le documentaire sur un bled texan et de ses habitants, allant jusqu'à mêler le fake (des comédiens) et le réel (des citoyens) en guise de témoins.

Tape. Ethan Hawke et Robert Sean Leonard, duo révélé par Le Cercle des poètes disparus, ainsi qu'Uma Thurman, sont les trois (sublimes) jeunes stars de ce film présenté à Venise. Un triangle infernal amoureux où la rhétorique est aussi théâtrale que caustique (si on a du second degré). Linklater cherche à trouver une vérité à travers trois versions des faits, où le féminin surgit entre deux discours masculins binaires. C'est du théâtre car c'est un huis-clos, quasiment en temps réel. Cela permet la multiplication des points de vue (l'image comme les personnages).

Fast Food Nation. Le premier film de Richard Linklater à avoir eu les honneurs de la compétition cannoise en 2006. On y retrouve Greg Kinnear, Paul Dano, le couple de Boyhood, Patricia Arquette et Ethan Hawke, Catalina Sandino Moreno, Kris Kristofferson et Bruce Willis. Cette fois-ci Linklater se fraie un chemin dans le cinéma politique et engagé, contre la malbouffe et surtout contre la souffrance animale et l'exploitation de travailleurs clandestins. Clairement de gauche, le film n'use d'aucun artifice hollywoodien pour faire le spectacle, préférant là encore une forme de réalisme, en décryptant la mécanique d'un système toxique qui empoisonne la société.

Ses deux derniers: Everybody Wants Some!! et Last Flag Flying. Everybody wants some!! est une sorte de suite à Dazed and Confused, mais cette fois-ci dans les années 1980. Quasi autobiographique, le film prouve que Linklater a acquis une maturité en matière de direction d’acteurs, d’esthétique visuelle, de travail soigné de la musique (la BOF est formidable) en filmant une fois de plus cette jeunesse aussi joyeuse qu’angoissée. Last Flag Flying, avec Steve Carell, Bryan Cranston et Laurence Fishburne, est, au contraire, un film d'adultes, où la guerre du Vietnam croise celle d'Irak. Ici c'est l'entraide et l'amitié qui sont au cœur de son récit, seules valeurs capables de résister à une armée déshumanisée. C'est à la fois sincère et bouleversant.

Le musée Art Ludique renaîtra à la gare Saint-Lazare

Posté par vincy, le 26 novembre 2019

Moins de deux ans après sa fermeture rive gauche, dans la Cité de la mode et du design, faute de loyers impayables, le musée Art Ludique va renaître rive droite, en pleine gare Saint-Lazare à Paris. Il s'étendra sur 1300 m2 à partir de 2021, dans un lieu qui voit passer 100 millions de voyageurs par an. C'est une première en France pour un musée de s'installer de façon permanente dans un lieu de transport.

Le musée proposera une collection permanente, des ateliers d’initiations, et des expositions temporaires consacrées aux artistes et aux studios internationaux de l’Art Ludique, soit les industries créatives (jeu vidéo, film d’animation, bande dessinée, manga et design de cinéma). Encadré par l’association à but non lucratif Art Ludique, fondée par Jean- Jacques et Diane Launier, créateurs en 2003 de la première galerie au monde consacrée à l’art de l’animation, du jeu vidéo, du design de cinéma, de la BD et des manga, le musée Art Ludique avait ouvert en 2013 avec succès avant de connaître des difficultés financières liées à la gestion coûteuse du site, malgré une bonne fréquentation de ses expositions..

Le musée a présenté les expositions Pixar, 25 ans d’animation, L’Art des Super- Héros Marvel, Dessins du studio Ghibli : les secrets du layout pour comprendre l’animation de Takahata et Miyazaki, Aardman, l’Art qui prend forme, L’Art dans le jeu vidéo, L’Art de Blue Sky, L’Art des Studios d’Animation Walt Disney, le mouvement par nature et L’Art de DC, L’Aube des Super Héros.

Sortie DVD : La Clepsydre de Wojciech J. Has

Posté par MpM, le 25 novembre 2019

Rendu célèbre par son adaptation du Manuscrit trouvé à Saragosse en 1965, le réalisateur polonais Wojciech J. Has a remporté en 1973 le prix du jury à Cannes pour La Clepsydre (ex-aequo avec L'invitation de Claude Goretta), oeuvre inclassable dont le point de départ est la visite que rend Jozef, le personnage principal, à son père, pensionnaire d'un sanatorium sinistre, et comme à l'abandon. Dans ce lieu hors du temps où les patients traitent un mal incurable, à savoir la mort, le jeune homme se perd dans une déambulation mentale

Ce film détonnant et étrange, qui ressort en DVD dans une copie restaurée, grâce aux bons soins de la société de distribution Malavida, est l'adaptation de deux oeuvres de Bruno Schulz : Le sanatorium au croque-mort et Les Boutiques de cannelle. Cette dualité d'origine ne suffit pourtant pas à expliquer le caractère singulier et déroutant du film, qui semble un voyage aléatoire dans les souvenirs, les fantasmes, les angoisses et les projections psychiques de Jozef. Comme si ce dernier avait soudain la faculté de traverser les temporalités et les réalités mais qu'incapable de maîtriser ce pouvoir, il était condamné à errer entre des passés révolus ou n'ayant jamais existé, et des futurs incertains et flous.

Cela se traduit à l'écran par une succession de séquences que l'on pourrait qualifier d'incohérentes ou de décousues, nous menant sans cesse d'un lieu à un autre (en passant sous une table, le personnage arrive dans un jardin ; en rampant sous un lit, il se retrouve dans un marché sud-américain), ou face à des personnages mythiques ou historiques.

Tour à tour baroque et inquiétante, anxiogène et débridée, poétique et désespérée, l'ambiance du récit oscille au gré de ces découvertes qui ne semblent jamais obéir à la moindre logique, si ce n'est celle de la pensée humaine. Des motifs, d'ailleurs se font écho et se répètent d'une séquence à l'autre, identiques ou travestis, à l'image de la figure du père, tantôt bienveillante ou tyrannique, fragile ou toute-puissante.

Le film fait ainsi l'effet d'un gigantesque jeu de pistes surréaliste, ou plutôt d'un puzzle constitué de sensations, de thèmes, de lieux, de détails infimes qui plongent le spectateur comme le personnage dans un labyrinthe foisonnant et hypnotique. Rêve éveillé, ou plutôt cauchemar dont il est impossible de sortir, La Clepsydre allie la thématique du temps qui passe (et qu'il est impossible de retenir, ou de retrouver) au désir cinématographique de l'expérimentation formelle.

Le spectateur, balloté au gré des circonvolutions de l'esprit de Jozef, n'a pas un instant de répit, immergé dans le fleuve virtuose des longs travellings, des plans-séquences et des raccords vertigineux qui l'emportent dans un tourbillon sans fin ni moments de répit. Extravagant, onirique et d'une incroyable maîtrise de mise en scène, La Clepsydre est une expérience sensorielle qu'il faut vivre pleinement, sans se soucier d'en comprendre à la première vision les innombrables clés de lecture.

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La Clepsydre de Wojciech J. Has, 1973. Malavida.
En DVD, version restaurée.
Visuels © Malavida

Yorgos Lanthimos se lance dans une mini-série

Posté par vincy, le 24 novembre 2019

Chouchou des festivals et des récompenses, le cinéaste grec Yorgos Lanthimos (La Favorite), va produire et réaliser The Man in the Rockfeller Suit, adaptation d'un essai de Mark Seal (2011) inédit en France.

L'auteur, après avoir enquêté sur Bernard Madoff, avait écrit The Man In The Rockefeller Suit: The Astonishing Rise and Spectacular Fall of a Serial Impostor, l'histoire de Clark Rockfeller, a priori héritier du clan milliardaire. Mais sa femme découvre finalement qui est son mari. En fait, il s'agissait de Christian Karl Gerhartsreiter, imposteur et meurtrier. Il est actuellement emprisonné pour une peine de 27 ans. Outre un meurtre au premier degré dans les années 1980, il a été accusé du kidnapping de sa fille.

La série sera produite par Fox Searchlight, à travers sa nouvelle filiale, Searchlight Television.  A l'origine, la série devait être réalisée par Pablo Trapero avec Benedict Cumberbatch pour le rôle principal. L'histoire avait déjà été adaptée pour un téléfilm, en 2010, avec Eric McCormack dans le rôle de Clark Rockfeller (Who is Clark Rockfeller?). Plusieurs livres ont été publiés sur le sujet, et deux documentaires britanniques sont revenus sur le sujet.

Cannes investit dans un pôle cinéma et confirme un musée du festival

Posté par vincy, le 23 novembre 2019

Le Festival de Cannes n'est pas pour tout de suite. Mais, avant les élections municipales, le marie David Lisnard, a confirmé un plan de transformation ambitieux pour la ville, y compris pour le palais des Festivals, surnommé le Bunker.

Pour 500M€, le projet "Cannes on Air" va améliorer de nombreux sites, dont 62M€ pour le Palais, qui disposera d'une nouvelle salle sur le toit (500 sièges) convertible en espace d'accueil, et rénovera le Salon des Ambassadeurs, un peu désuet, où se tiennent de nombreuses réceptions.

L'ambition du maire est d'attirer des sociétés de production et de post-production en adéquation l'éventuelle création d'un studio (sur une friche industrielle de près de 6 hectares), avec un pôle créatif des arts visuels et numériques, une université dédiée au cinéma, à la TV, aux jeux vidéos et à la création web (1200 étudiants dès 2020, 16 diplômes). Ce campus s'installera dans le parc technologique Bastide Rouge, situé à l'ouest de la ville, près de l'aéroport Mandelieu, dans le quartier de La Bocca. Bastide Rouge, qui coûtera au total 80M€, et comprendra également la cité des entreprises baptisée CréaCannes et un espace de coworking.

Cannes s'engage du coup à la construction d'une double voie protégée reliant La Bocca au palais des Festivals (5 kilomètres) avec un tram-bus et des pistes cyclables.

Enfin, un nouveau multiplexe va voir le jour. Cineum Cannes disposera de 12 écrans et de 2426 fauteuils. Il ouvrira en juin prochain au cœur de cette technopole. Le bâtiment a été conçu par l'architecte Rudy Ricciotti (MuCEM à Marseille) et l'exploitation a été confiée à deux locaux, Les Arcades et L’Olympia, réunis au sein de la Compagnie cinématographique de Cannes (CCC).

Enfin, le maire a confirmé la création d'un Musée - tant attendu  (on en parle depuis 2006!) - autour de l'histoire du cinéma et du festival de Cannes est désormais au programme. L'ouverture est désormais prévu en 2025 et fera l'objet d'un appel aux plus grands architectes. Il devrait se situer près derrière le Suquet (Vieux Cannes), à proximité du Studio 13, à 20 minutes à pieds du Palais. Le coût est estimé à 200M€ et la fréquentation évaluée à 500000 visiteurs par an. Le musée sera dédié au patrimoine cinématographique, aux effets spéciaux et au futur du cinéma et au Festival de Cannes, avec un centre d'archives. Christine Aimé, ancienne responsable presse du festival, est sur le dossier, désormais responsable du service du patrimoine.

Autrement dit, Cannes veut devenir un pôle cinématographique comprenant toute la chaîne du cinéma: une "Silicon Valley de l’audiovisuel sur la Côte d’Azur avec Cannes pour épicentre" selon ses mots. Et tout le cinéma français semble derrière lui pour constituer cette filière économique et créative.

Independent Spirit Awards 2020: Uncut Gems et The Lighthouse en tête

Posté par redaction, le 22 novembre 2019

Un film présenté à la Quinzaine des réalisateurs, The Lighthouse, et un polar qui sera diffusé sur Netflix, Uncut Gems, dominent, avec cinq nominations chacun, les nominations des Independent Film Awards, devançant Give Me Liberty (également présenté à la Quinzaine) et Honey Boy, quatre fois nommés. Netflix est également présent avec Marriage Story, qui remporte d'ores et déjà le prix Robert Altman.

Hormis The Lighthouse et Give me Liberty, on retrouve The Climb, Une vie cachée, Pour Sama, Les Misérables, Parasite, Portrait de la jeune fille en feu et La vie invisible d'Euridice Gusmao parmi les films montrés (et tous primés) cette année au festival de Cannes.

La cérémonie récompensant les films produits pour moins de 22,5M$, aura lieu le 8 février prochain.

Meilleur film: Une vie cachée, Clemency, The Farewell, Marriage Story, Uncut Gems.

Meilleur réalisateur: Robert Eggers (The Lighthouse),  Alma Har’el (Honey Boy), Julius Onah (Luce), Benny et Josh Safdie (Uncut Gems), Lorene Scafaria (Hustlers)

Meilleur premier film: Booksmart, The Climb, Diane, The Last Black Man in San Francisco, The Mustang, See You Yesterday

Meilleure actrice: Karen Allen (Colewell), Hong Chau (Driveways), Elisabeth Moss (Her Smell), Mary Kay Place (Diane), Alfre Woodard (Clemency), Renée Zellweger (Judy)

Meilleur acteur: Chris Galust (Give me Liberty), Kelvin Harrison Jr. (Luce), Robert Pattinson (The Lighthouse), Adam Sandler (Uncut Gems), Matthias Schoenaerts (The Mustang)

Meilleur second-rôle féminin: Jennifer Lopez (Hustlers), Taylor Russell (Waves), Zhao Shuzhen (The Farewell), Lauren “Lolo” Spencer (Give me Liberty), Octavia Spencer (Luce)

Meilleur second-rôle masculin: Willem Dafoe (The Lighthouse), Noah Jupe (Honey Boy), Shia LaBeouf (Honey Boy), Jonathan Majors (The Last Black Man in san Francisco), Wendell Pierce (Burning Cane)

Meilleur scénario: Noah Baumbach (Marriage Story), Jason Begue, Shawn Snyder (To Dust), Ronald Bronstein, Benny Safdie, Josh Safdie (Uncut Gems), Chinonye Chukwu (Clemency), Tarell Alvin Mccraney (High Flying Bird)

Meilleur premier scénario: Fredrica Bailey, Stefon Bristol (See You Yesterday), Hannah Bos, Paul Thureen (Driveways), Bridget Savage Cole, Danielle Krudy (Blow the Man Down), Jocelyn Deboer, Dawn Luebbe (Greener Grass), James Montague, Craig W. Sanger (The Vast of Night)

Meilleure image: Todd Banhazl (Hustlers), Jarin Blaschke (The Lighthouse), Natasha Braier (Honey Boy), Chananun Chotrungroj (The Third Wife), Pawel Pogorzelski (Midsommar)

Meilleur montage: Julie Béziau (The Third Wife), Ronald Bronstein, Benny Safdie (Uncut Gems), Tyler L. Cook (Sword of Trust), Louise Ford (The Lighthouse), Kirill Mikhanovsky (Give me Liberty)

John Cassavetes Award (film en dessous de 500000$ de budget): Burning Cane, Colewell, Give Me Liberty, Premature, Wild Nights with Emily

Prix Robert Altman (consacre un film avec le réalisateur, les directeurs de castings et les comédiens): Marriage Story

Meilleur documentaire: American Factory, Apollo 1, Pour Sama, Honeyland, Island of the Hungry Ghost

Meilleur film international: La vie invisible d'Euridice Gusmao, Les Misérables, Parasite, Portrait de la jeune fille en feu, Retablo, The Souvenir

Piaget Producers Award: Mollye Asher, Krista Parris, Ryan Zacarias

Prix du talent à suivre: Rashaad Ernesto Green (Premature), Ash Mayfair (The Third Wife), Joe Talbot (The Last Black Man in san Francisco)

Prix Truer Than Fiction: Khalik Allah (Black mother), Davy Rothbart (17 Blocks), Nadia Shihab (Jaddoland), Erick Stoll & Chase Whiteside (América)

Annual Bonnie Award: Marielle Heller, Lulu Wang, Kelly Reichardt

L’incinérateur de cadavres de Juraj Herz : une hallucination cinématographique à (re)découvrir en version restaurée

Posté par MpM, le 21 novembre 2019

Tourné en Tchécoslovaquie en 1968 et rapidement frappé par la censure, L'incinérateur de cadavres de Juraj Herz (adapté du roman éponyme de Ladislav Fuks) ressort sur nos écrans dans une version restaurée 4k de toute beauté grâce aux bons soins de la société de distribution Malavida. Cette terrible fable antinazie décortique avec un mélange d'humour froid et de lucidité cruelle le processus conduisant un père de famille à embrasser, et même devancer, l'idéologie nazie.

Monsieur Kopfrkingl, employé d'un crématorium sobrement intitulé "le temple de la mort", est un bourgeois rangé et tranquille que l'on jugerait plutôt insipide s'il ne cultivait une dévotion envahissante pour son travail, et surtout pour l'acte de "libérer" les âmes des défunts par la "purification" de la crémation. A de multiples reprises, il explique que la mort est une bénédiction, venant abréger les souffrances terrestres des individus, et que le four qui transforme en 1h15 seulement leurs dépouilles mortelles en cendres leur permet d'accéder plus rapidement que par le biais de la décomposition naturelle à l'apogée de leur existence : redevenir poussières parmi les poussières.

Un personnage qui, dans le contexte de la montée du nazisme et de l'occupation de la Tchécoslovaquie par les nazis, ne semble pas seulement dérangé, mais s'avère carrément terrifiant, et cristallise en lui toute l'ambivalence d'une époque. Tout ce qui, dans le film, a trait aux fours et aux corps réduits en cendres a par ailleurs un aspect extrêmement malaisant, évoquant sans cesse, avec une ironie d'autant plus insoutenable, l'indicible tragédie en cours.

L'incinérateur de cadavres n'en est pas moins une inclassable comédie noire, sorte d'hallucination cinématographique qui plonge le spectateur dans une spirale vertigineuse de violence et de mort (l'élaboration de la machine d'extermination nazie) à travers la figure ambigüe d'un homme à la banalité exemplaire. Kopfrkingl n'est pas, et ne deviendra jamais au cours du récit, un nazi convaincu. Il se moque de la pureté de la race ou des discours d'Hitler. Envoyé comme émissaire dans une fête juive, il s'extasie sur la mélancolie absolue et sur la douceur des chants qu'il y entend. Et pourtant, cet homme en apparence sensible n'hésite ni à alimenter sciemment la haine contre les Juifs, ni à assassiner sa famille, ni même à fantasmer sur des fours pouvant accueillir jusqu'à mille corps, tant que cela vient nourrir son objectif obsessionnel de crémation généralisée.

Le film nous oblige alors à regarder en face des manifestations transparentes et continues d'une horreur tangible dont le spectateur sait qu'elle n'est justement pas fictionnelle. La visite guidée dans le crématorium, comme les propos répétitifs de Kopfrkingl sur la "purification" des corps, sont par exemple des échos insupportables de la réalité concrète de la Shoah. La facilité avec laquelle le personnage se laisse convaincre d'adopter les idéaux nazis (et notamment son revirement face à la question de cette "goutte sang allemande" qui courrait dans ses veines) est elle un rappel des effets rapides et pervers de la propagande. Si c'est pour Juraj Herz une manière de rappeller sans fard à ses compatriotes leur part de responsabilité dans la machine de mort nazie, on peut aussi y lire une mise en garde face aux balbutiements de l'Histoire, au moment même où l'URSS envahissait la Tchécoslovaquie. Ce qui, on le comprend, a irrémédiablement conduit à l'interdiction du film dont le succès en salles était une provocation pour Moscou et ses partisans.

Mais au-delà de sa force politique, L'incinérateur de cadavres bouleverse par son écriture cinématographique en toute liberté, qui vient à chaque scène apporter visuellement un contrepoint à l'intrigue, ou au contraire appuyer la singularité fulgurante du propos. Dès la séquence d'ouverture qui se déroule dans un zoo, le montage ultra découpé qui alterne de gros plans sur les yeux des personnages et des plans tout aussi rapprochés sur les animaux, suivi par des plans en plongée sur les personnages aux visages déformés, annonce à la fois la tonalité étrange du récit et le contraste évident entre la voix-off lénifiante de Kopfrkingl (qui vante sa "famille bénie") et la réalité déjà a priori glaçante. Dans le générique, qui nous fait littéralement pénétrer dans le crâne du personnage, c'est une succession de corps morcelés qui disent tout azimut les fantasmes sexuels du bon père de famille et son absence absolue d'empathie pour ses semblables, morceaux de corps qu'il faut réduire en cendres.

Tout au long du récit, des inserts très brefs viennent ensuite régulièrement nous informer sur les pensées du personnage, flashs presque subliminaux sur des femmes nues, des poitrines en gros plan, ou... la salle de bains dont Kopfrkingl est si fier. Les plans déformés (par le biais du fish eye) se répètent aussi, nous donnant sans cesse l'impression d'évoluer dans une réalité dégradée et absurde, reflet de la Psyché dérangé de celui qui regarde.

Mais ce qui déroute sans doute le plus le spectateur, apportant au film cette sensation de ronde incessante et vertigineuse qui ne s'arrête jamais, exactement comme si on était dans la tête du personnage, ce sont les effets de transition qui semblent abolir tout effet temporel entre les séquences. Ainsi, lors de la séquence de la réception qui a lieu au début du film, la caméra qui filmait en gros plan le visage de Kopfrkingl effectue tout à coup un lent zoom arrière qui dévoile de manière inattendue un tout autre contexte, celui d'une galerie d'art dans laquelle se déroule la séquence suivante. A plusieurs reprises, de la même manière, et sans que le spectateur puisse le prévoir puisque le son continue lui de courir d'une scène à l'autre, le récit subit ainsi des ellipses brusques et déconcertantes, donnant la sensation persistante que chaque moment est comme "fondu" dans le suivant, dans une logique et un ordonnancement qui nous semblent purement subjectifs.

Cette mise en scène inventive et audacieuse, alliée à la beauté d'une image en noir et blanc quasi hypnotique, contribue à faire de L'incinérateur de cadavres une expérience sidérante, dont la singularité est toujours aussi étourdissante 50 ans après sa sortie. C'est une chance inouïe que de pouvoir (re)découvrir ce chef d'oeuvre sur grand écran, surtout à une époque où son message politique intrinsèque a quelques raisons de résonner en nous.

Focus sur Wang Quan’an dans le cadre du festival Un état du monde

Posté par MpM, le 20 novembre 2019

Pour sa 11e édition, le festival Un état du monde qui bat son plein jusqu'au 24 novembre au Forum des images tente une nouvelle fois de décoder le monde en "croisant problématiques géopolitiques et expressions cinématographiques contemporaines".

Cette année, les questions de l'habitat, de l'écologie et des luttes sociales courent en fil rouge à travers les différents volets du festival, qui comprend notamment un panorama du cinéma brésilien contemporain et un coup de projecteur sur le Maroc à travers le regard de la réalisatrice, scénariste et comédienne Mariam Touzani (Adam, qui était sélectionné à Cannes cette année), mais aussi de nombreuses avant-premières (Notre-Dame du Nil d'Atiq Rahimi, Nuestras Madres de César Diaz...)

Le Festival met enfin l'accent sur Wang Quan'an, réalisateur chinois passionnant dont le nouveau film, La femme des steppes, le flic et l'oeuf (précédemment intitulé Ondog, sortie prévue le 24 avril 2020) était en compétition à Berlin cette année. Inspiré par les vastes espaces de la Mongolie extérieure, le film raconte une histoire d’amour singulière, bercée par l’atmosphère propre au lieu. Dans des plans larges d’une grande beauté plastique, semblant souvent observer les personnages de loin, le cinéaste alterne l’humour et la poésie, pour créer une forme de fantaisie burlesque qui tient à la fois de la magie et de l’ultra-quotidien.

Un état du monde présente par ailleurs une rétrospective du travail de Wang Quan'an dont Le mariage de Tuya, Ours d'or en 2007, et ses films moins connus comme La Tisseuse et Eclipse de lune. Le cinéaste donnera également une Masterclass ce jeudi 21 novembre à 18h30, suivie par la projection du formidable Apart together, récit intimiste dans lequel la destinée individuelle des personnages cristallise les tragédies de l’Histoire.

3 cinéastes français parmi les talents à suivre de « Variety »

Posté par vincy, le 20 novembre 2019

Variety a dévoilé sa liste annuelle des nouveaux cinéastes à suivre. Parmi les dix réalisateurs prometteurs, le magazine professionnel américain a retenu trois français: Mati Diop, Grand prix du jury à Cannes avec Atlantique, candidat aux Oscars pour le Sénégal, Ladj Ly, Prix du jury à Cannes pour Les Misérables, candidat aux Oscars pour la France, et Nicolas Bedos, pour La Belle époque, son deuxième long-métrage.

Les autres cinéastes sont les américains Esteban Arango (Blast Beat), Radha Blank (The 40-Year-Old Version), Chase Palmer (Naked Singularity), Janicza Bravo (Zola) et Nicole Riegel (Holler), le britannique Rupert Goold (Judy) et l'australienne Shannon Murphy (Babyteeth, qui a fait sensation à Venise).

Ces cinéastes seront honorés au festival de Palm Springs en Californie le 3 janvier.

Ces dernières années, des réalisateurs comme Ali Anbasi, Pippa Bianco, Greta Gerwig, Samuel Maoz, Chloé Zhao, Barry Jenkins, Kleber Mendonça Filho, Maren Ade, Laszlo Nemes, Ciro Guerra, Alex Garland, Matt Ross, Sean Baker, Ava DuVernay, Ruben Osltund avaient été cité dans les listes des réalisateurs à suivre de Variety. C'es la première fois que trois français sont nommés la même année. Xavier Legrand, Julie Ducourneau et Deniz Gamze Erguven avaient été sélectionnés au cours des années récentes.

Ladj Ly confirme sa trilogie sur la banlieue

Posté par redaction, le 20 novembre 2019

Les Misérables sort aujourd'hui avec un plan promo assez rare pour un premier film français. Ladj Ly et son équipe se sont partagés interviews pour les médias. Le film, prix du jury au festival de Cannes, prend le pouls de notre époque et d'une société française fracturée pour s'enfermer au final dans un face à face irréconciliable, pas loin d'un épilogue à la Carpenter. Candidat de la France pour l'Oscar du meilleur film international, soutenu par Kathryn Bigelow, Spike Lee et Michael Mann, entre autres, le film est en lice pour les European Film Awards dans trois catégories dont celle du meilleur film.

Dans une interview au Monde, Ladj Ly annonce que ce film sera le premier d'une trilogie. "L’idée de cette trilogie, c’est de raconter la banlieue sur les trente dernières années. Ces territoires sont abandonnés par l’Etat, par les pouvoirs publics, et j’ai envie de raconter cela de l’intérieur. Le deuxième volet sera un biopic sur Claude Dilain, l’ancien maire socialiste de Clichy-sous-Bois, qui s’est tellement impliqué dans la ville, pour que les gens vivent mieux… Le troisième volet portera sur les années 1990."

Il confirme qu'il travaillera avec la même équipe, y compris en production. Malgré le manque de moyens, et le désistement de partenaires financiers, Les Misérables a pu voir le jour. "Les producteurs ont beaucoup apporté au film. Tout ce qu’on écrivait, ils le relisaient, nous faisaient des retours, il y avait un vrai échange. Après, j’avais une liberté totale de raconter ce que je veux. Même s’ils n’étaient pas d’accord, on en discutait…" confie le cinéaste, qui plaide pour la fidélité.