Locarno 2011 : portes ouvertes à l’Inde

Posté par Claire Fayau, le 25 novembre 2010

Le prochain Festival de Locarno (3-13 aout 2011) s'ouvrira à la cinéphilie indienne.

La patrie de Gandhi sera à l'honneur et pas seulement Bollywood. L'Inde est le plus gros pays producteur de films au monde, mais une infime partie arrive en Europe (sauf chez les vendeurs DVD des quartiers communautaires).

Qu'en est-il des petits films en dehors de Bollywood ? Le laboratoire de co-production Open Doors du Festival del film Locarno se penchera sur la question. Olivier Père, Directeur artistique du Festival, et Nadia Dresti, Responsable de l'Industry Office de Locarno, ont annoncé la nouvelle au cours d'une conférence de presse organisée dans le cadre de la 41ème édition de l'International Film Festival of India (à Goa).

Open Doors travaille avec le Film Bazaar India / Screenwriters' Lab du Festival de Goa. En deux ans, 12 scénaristes indiens ont ainsi participé aux deux dernières éditions du Festival de Locarno. Une belle façon de promouvoir  le Cinéma  indien  et ses multiples facettes ... Un appel est donc lancé aux projets en provenance d'Inde (inscription sur le site internet du Festival).

Les candidats retenus (une douzaine au total) seront invités à participer au laboratoire de co-production qui aura lieu pendant la 64ème édition du Festival.

Notons que Chakra, de Rabinda Dharmaraj en 1981, est le seul film indien à avoir reçu le Léopard d'or depuis la création du festival en 1946.

Le Sénat ne prend finalement que 20 millions d’euros au CNC…

Posté par vincy, le 25 novembre 2010

L'amendement proposé par le Sénat devait permettre de ponctionner 130 millions d'euros dans la "ganotte" du CNC, qui devrait recevoir un surplus de 174 millions à la fin de son exercice grâce à la croissance des ventes de DVD/Blue-Ray et l'augmentation des entrées en salles (voir notre actualité du 18 novembre dernier) .

Finalement, lors de l'examen du projet de la Loi de finances 2011, les Sénateurs ont adopté l'amendement mais celui-ci ne prévoit qu'un prélèvement exceptionnel de 20 millions d'euros, ce qui laisserait 154 millions d'euros au CNC. Mais, comme Canal + se voit aussi contraint de lâcher 20 millions d'euros pour contribuer au compte de soutien, les aides au cinéma ne seront pas affectées.

Surtout, le CNC va voir son budget sérieusement augmenter grâce à la contribution des Fournisseurs d'Accès à Internet.

La décision finale reviendra à la commission mixte paritaire (Assemblée Nationale + Sénat) qui devra statuer définitivement sur ce prélèvement.

Les 20 millions d'euros grattés sur l'aide au cinéma serviront, notamment, à financer l'Hadopi (12 millions d'euros de budget).

The swimmer : la course d’une vie ressort en salles

Posté par Sarah, le 25 novembre 2010

« Je dois rentrer à la maison à la nage. »

On nous avait prévenus avant le début du film, The Swimmer est un ovni magnifique. On s'attend donc à un film compliqué, métaphysique ou tout simplement incompréhensible. En fait, c'est le contraire. Certes, le film est original. Ned Merrill, interprété par l'imposant Burt Lancaster, un homme d'une quarantaine d'année habitant une banlieue huppée du nord de New York, apparaît dans le jardin de ses voisins. Il ne les a pas vus depuis longtemps, et tous ses amis lui font la fête. Soudain, il lui prend l'envie de rentrer chez lui à la nage, allant ainsi de piscine en piscine à travers la région. Il est athlétique, radieux et son idée l'enthousiasme dès le début. Mais, petit à petit, Ned va déchanter. Les voisins et la nature vont devenir de plus en plus hostiles, il va se fatiguer plus qu'il ne le pensait et les dernier kilomètres se feront dans la douleur.

Résumé ainsi, on comprend que l'histoire en elle-même est originale. Le film, réalisé par Frank Perry, est tiré d'une nouvelle écrite par John Cheever, et date de 1968. La mise en scène  est époustouflante. Tout est filmé dans le but de décrire l'état intérieur de Ned Merrill : la lumière, la nature et la musique rythment ses mouvements, illustrent ses pensées. La caméra suit le corps athlétique et le sourire charmeur de Burt Lancaster, alternant les champs, les piscines, la forêt et les fêtes mondaines. On comprend rapidement que Ned est un homme complexe. Il a une femme et deux filles, beaucoup de charme et d'argent. Même si personne ne le dit ouvertement, il a eu récemment de sérieux ennuis. Tout le monde le sait, sauf lui apparemment. A mesure qu'il se rapproche de chez lui, les gens se font hostiles, inamicaux. Il tombe sur sa maîtresse, qui le rejette violemment. Ned Merrill a beaucoup occulté la vérité sur sa propre vie.

La joyeuseté, la candeur, la vitalité et l'émerveillement du personnage au début du film donnent un étonnant contraste avec la fatigue, l'amertume, la peur et la tristesse de la fin. Ned Merrill a toujours voulu croire à son bonheur, mais peut-être que ce n'était qu'une vérité arrangée. Beaucoup de critiques de l'époque insistaient sur la suffisance et l'arrogance d'un personnage qui finit par payer les dettes de sa vie. Il n'a que ce qu'il mérite, penseront certains. On peut aussi voir ce retour à la nage comme le retour d'un homme sur sa vie. Quand on est jeune, les rêves et l'espoir font vivre en quelque sorte. Au fur et à mesure, la vie prend certaines routes, certaines impasses que l'on ne veut pas voir. Ned Merrill traverse sa vie à la nage, et le réveil se fait glacial. Oui, le temps passe vite, et l'être humain peut être cruel. On comprend mieux son cheminement lorsqu'il dit à un petit garçon laissé seul par ses parents dans une maison vide (est-ce son reflet?) : « si tu crois très fort que quelque chose est vrai, alors cela devient vrai pour toi ». Ned a certainement trompé son monde, mais il s'est surtout trompé lui-même. La scène finale en atteste, et c'est certainement une des plus tragiques qui soit.

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The swimmer de Frank Perry
Avec Burt Lancaster, Janet Landgard, Janice Rule...
Reprise en salles à partir du 24 novembre

Huit films en lice pour le Prix Louis-Delluc

Posté par vincy, le 24 novembre 2010

Huit films ont été sélectionnés par le jury du prix Louis-Delluc pour succéder à Un prophète, de Jacques Audiard. Le Beauvois apparaît comme grand favori, mais Polanski et Amalric peuvent jouer les troubles-fête. Notons que cinq films de la liste étaient sélectionnés à Cannes.

Le prix sera décerné le 17 décembre à Paris, ouvrant ainsi la saison des prix cinématographiques en France.

- Carlos d'Olivier Assayas dans sa version longue. Hors-compétition à Cannes

- Des filles en noir de Jean-Paul Civeyrac. Quinzaine des réalisateurs.

- Des hommes et des dieux de Xavier Beauvois. Grand prix du jury à Cannes.

- Mystères de Lisbonne de Raoul Ruiz. Festival de Toronto.

- La princesse de Montpensier de Bertrand Tavernier. Compétition à Cannes.

- The Ghost Writer de Roman Polanski. Ours d'argent du meilleur réalisateur à Berlin.

- Tournée de Mathieu Amalric. Prix de la mise en scène à Cannes.

- White Material de Claire Denis. Compétition à Venise (en 2009).

Par ailleurs, six films ont été retenus pour le prix Louis-Delluc du premier film:

- Belle Epine de Rebecca Zlotowski.

- Domaine de Patrick Chiha.

- Gainsbourg (Vie héroïque) de Joann Sfar.

- Une exécution ordinaire de Marc Dugain.

- Un poison violent de Katell Quillévéré.

- La vie au ranch de Sophie Letourneur.

Roberto Saviano envahit le petit écran italien

Posté par vincy, le 24 novembre 2010

Roberto Saviano, l'auteur de Gomorra, Grand prix au Festival de Cannes en 2008, devient omniprésent sur le petit écran italien. Le film de Matteo Garonne va être décliné en une série de douze épisodes pour la télévision italienne. Saviano est directement impliqué dans l'écriture de cette adaptation, qui devrait voir le jour en 2012 sur la petite lucarne.

Par ailleurs, Saviano a investit les plateaux télés avec une nouvelle émission, "Viena via con me" (Pars avec moi). Deux heures trente de talk show sans paillettes mais avec beaucoup de paroles. Dopée par des polémiques lancées par des proches de Berlusconi, l'émission cartonne (dix millions de téléspectateurs au deuxième numéro, le 15 novembre dernier). Pour l'instant la RAI 3 n'a prévu que quatre numéros. Chaque invité est appelé à lire une liste : les raisons de quitter l'Italie, les raisons d'y rester,  ce qu'on aimerait ne plus voir, les valeurs de la droite, et celles de la gauche. Ou encore 27 mots qui désignent en italien un homosexuel. L'idée est empruntée à Umberto Eco et à son livre Vertige de la liste.

Roberto Benigni a même accepté de participer gratuitement.

Julien Guiomar, second rôle tragi-comique, est mort (1928-2010)

Posté par vincy, le 23 novembre 2010

Avec sa voix grave, sa rondeur et sa gueule, Julien Guiomar, était un second-rôle idéal pour un cinéma de dialogues, pouvant donner une tonalité tragique ou désespérée à des dialogues comiques comme ceux d'Audiard qu'il a souvent mis en bouche. Décédé en Dordogne d'un malaise cardiaque lundi 22 novembre à l'âge de 82 ans, il a pourtant une trajectoire plus variée qu'on ne le croit.

Ainsi Guiomar, de 1966 à 2003, a tourné chez les plus grands : Louis Malle (Les voleurs), Nelly Kaplan (Duc inoubliable dans La fiancée du pirate), Luis Bunuel (curé espagnol dans La voix lactée), Jacques Deray (Borsalino), Jean-Paul Rappeneau (Les mariés de l'An II), André Téchiné (Souvenirs d'en France, Barocco), Claude Sautet (Mado). Il joue même Dieu le père chez Arthur Joffé (Que la lumière soi!) et tourne sous l'oeil de Serge Gainsbourg (Equateur). Capable de jouer le désespoir comme la monstruosité, il a ce talent de faire passer l'horreur de manière douce, la colère avec désespoir, à la manière d'un Marielle, George Wilson, Michel Galabru ou d'un Pierre Brasseur. Il peut tenir tête aux monstres sacrés.

C'est évidemment Costa-Gavras qui lui offre son plus beau rôle, celui d'un colonel dans Z. Ils se retrouveront dans Section spéciale 6 ans plus tard.

Mais sa filmographie se remplira aussi des comédies à succès de Claude Zidi et Philippe de Broca, où il incarnera avec délectation des personnages truculents. On le croise ainsi, familièrement dans La moutarde me monte au nez, L'incorrigible (film culte où il est démesuré face à son complice Belmondo), L'aile ou la cuisse, L'animal, La zizanie, Inspecteur la Bavure, ou encore Les Ripoux, en patron de flics hilarant à force d'être cocaïné. Des films du dimanche soir.

Mais ce breton s'est aussi expatrié. Outre Bunuel, on le voit chez Elio Petri, Dino Risi, et dans le Carmen de Francesco Rosi.

La télévision ne sera pas en reste, passant de Molière à Capitaine Fracasse, tout comme le théâtre l'a longtemps comblé. L'aventure avait commencé rue Blanche puis continué avec Jean Vilar en Avignon avec Shakespeare, Strindberg et Brecht.

Finalement son premier rôle au cinéma le définissait bien. Le Roi de coeur (De Broca) est une histoire de fou, de rêveur sur la Grande Guerre. Un tragédie né qui avait marqué les esprits avec sa faconde et son burlesque. Un clown, pas toujours triste, apte à jouer Corneille, Racine et fanfaronnant chez Jean-Marie Poiré.

Mords-moi sans hésitation : un pastiche parfois incisif

Posté par elodie, le 23 novembre 2010

L'histoire : Le cœur de Becca est écartelé entre deux garçons ; l’un, mystérieux, ténébreux et trop pâle pour être en bonne santé, et l’autre équilibré et gentil qui lui fait penser à « un petit frère gay ». Dans sa quête amoureuse pour les départager, Becca va devoir affronter un dîner de famille (sans en devenir elle-même le plat principal), et échapper à un groupe de vampires aux allures de Black Eyed Peas qui aimeraient eux aussi la déguster !
Comme si ses difficultés sentimentales (et gastronomiques) ne suffisaient pas, Becca doit aussi compter avec un paternel obsédé du contrôle, qui la voit encore comme une petite fille et insiste pour la transporter partout dans un porte-bébé…
Le bal de fin d’année approche, et Becca va devoir faire des choix difficiles.

Notre avis : C’est devenu un peu une religion aux Etats-Unis. Lorsqu’un film fait un carton au box-office, il a droit à sa parodie. Après la longue (trop longue) série des Scary movie (quatre au compteur et bientôt un cinquième) c’est au tour du film phénomène Twilight d’en faire les frais. La saga qui a réuni des millions de fans à travers le monde est donc sérieusement tournée en dérision par les réalisateurs, Jason Friedberg et Aaron Seltzer, déjà bien expérimentés dans ce genre cinématographique (Spartatouille, Big Movie).

Le scénario est un pur copier-coller des deux premiers volets de la série Twilight. Ne prenant aucun risque, les deux réalisateurs ont tout simplement repris les scènes cultes des films qui, mises bout à bout et agrémentées d’un humour plus ou moins trash, donnent au final Mords-moi sans hésitation (Vampire suck en anglais : les Vampires sucent, jeu de mot  bien plus incitatif comme titre). Un clin d’œil est tout de même fait à d’autres succès de l’année comme Alice au pays des merveilles et Lady Gaga. Et puis le succès de l’original a inspiré la scène où les jeunes fans d’Edward et Jacob se battent à coup de pelles et de battes de Baseball pour savoir qui est le plus beau des deux, probablement l’une des meilleures idées du film.

Dès la première scène, le ton est donné. En voiture avec son père à l’entrée de la ville, Becca est témoin d’une poursuite entre une jeune fille et un vampire. La pauvre victime se fait croquer toute crue devant les yeux de Becca, incrédule qui malgré cet exemple flagrant n’arrive pas à comprendre que la ville est peuplée de vampires. Les chinois sont aussi pris en grippe dans ce film. En effet, losrqu’ils ne servent pas de bouclier pour arrêter une voiture folle, ils sont donnés en pâture à des vampires assoiffés de sang. Dernier détail qui stigmatise toujours les Etats-Unis,  la jeune fille est obsédée par le bal de fin d’année et le titre de reine du bal, prête à tous les vices pour arriver à ses fins (même truquer les votes). Les garces à la Nelly Olsen ont toujours plus la cote que les gentilles petites filles de La maison dans la prairie.

Toutefois, le mordant du film s’essouffle au fur et à mesure qu’on avance dans le scénario. Les multiples gags qui le ponctuent sont de plus en plus prévisibles lorsqu’on a vu les films originaux. Une chose est tout de même à souligner : la ressemblance assez troublante entre les acteurs de Twilight et ceux de la parodie. Peut-être une façon de vampiriser les spectateurs ?

Takers : il n’y a pas que le casse qui est foireux

Posté par geoffroy, le 23 novembre 2010

takersL'histoire : Amis de longue date, Gordon Jennings, John Rahway, A.J. et les frères Attica vivent dans le luxe. Leur secret ? Des braquages de banque ultra sophistiqués. Un seul par an, d’une extraordinaire audace et réglé dans les moindres détails. Mais leur dernier exploit a précipité l’inspecteur Jack Welles à leurs trousses. Flic de la vieille école, il a tout sacrifié à son job – femme, enfant et vie privée – et il s’est juré de les coincer avant leur prochain coup.
C’est alors que Ghost, un ancien complice de la petite bande, refait surface après un séjour en prison et leur propose le casse du siècle, celui qui leur permettra de raccrocher définitivement…  Ils n’ont que cinq jours pour se préparer. Ils ignorent alors qu’ils vont se retrouver sur le chemin de la mafia russe. Ils ne savent pas que Jack Welles les serre de plus en plus près. Entre vieilles rivalités, trahisons, ennemis dans l’ombre et coups du sort, l’opération se complique sérieusement, d’autant que personne ne peut imaginer ce qui se prépare…

Notre avis : Takers, du réalisateur John Luessenhop, n’est pas un mauvais film de gangsters : il est juste inutile. L’handicap est de taille. Pour être plus précis, il sonne faux, semble se construire en creux, un peu comme s’il n’arrivait jamais à créer sa propre musicalité sur fond de casse foireux. Takers ressemble à un produit manufacturé calibré pour plaire au plus grand nombre. Unique ambition d’un divertissement sans âme, le cinéaste use et abuse d’incohérences scénaristiques et de fautes de goût stylistiques pour exister. Paradoxal ? Non, puisque le film assume sans honte son lot de stéréotypes déjà vus mille fois. Pire, les gangsters ressemblent à des « Bisounours » sur pattes ce qui, pour ce genre de film, est un peu emmerdant.

Au lieu de se concentrer sur ce qui nous intéresse – à savoir le casse et la traque policière – le réalisateur essaye de nous la jouer façon Michael Mann. Sans succès. Les histoires parallèles deviennent le fardeau d’un script déjà pas très original et réduisant à zéro l’intensité d’une pseudo vengeance pour le coup vraiment mal exploitée. Le reste n’est que gesticulations, postures, caricatures, effets de mise en scène lourdauds. Rien ne fonctionne. Enfin presque. Car nous avons le droit à un Matt Dillon incroyable de réalisme. Mais c’est bien le seul. Takers est un film « Canada Dry ». Il voudrait avoir l’apparence, la texture et le ton des grands polars américains. Il se construit, hélas, par empilement, oubliant de lier ses éléments constitutifs. De fait, le spectacle est morcelé, ne prend jamais et devient monotone, scène après scène, jusqu’au dénouement, qui, il faut l’avouer, touche le fond.

Une dernière pensée pour Matt Dillon. Il devrait arrêter de perdre son temps dans ce genre de production insipide, inutile et indigne de son talent.

Cinéma du Québec à Paris : la formule doit changer selon l’organisateur

Posté par vincy, le 22 novembre 2010

La 14e édition de Cinéma du Québec à Paris (22-28 novembre, Forum des Images à Paris) est ambitieuse, avec une multiplication des rendez-vous : marché du film, rencontres de coproduction francophone, dont un panel dédié à l'adaptation littéraire, rencontres autour de films, la Leçon de musique... Pourtant, l'organisateur de la manifestation, la SODEC (Société de développement des entreprises culturelles), institution québécoise, songe à changer la formule.

Le succès de l'événement - une centaine de professionnels québécois se déplacent dans la Ville Lumière cette semaine, environ 5 000 spectateurs attendus - permet aujourd'hui de le considérer comme installé. Mais il semble aussi nécessaire pour la SODEC  d'en réévaluer les objectifs et les missions.

Aucune menace. "Il s'agit de repenser la façon de faire, mais pas la semaine en tant que telle. Elle est là pour rester, mais peut-être pas de la même manière" explique François Macerola, récent patron de l'organisme. Avec le lancement de l'application iPhone cette année, il réfléchit à de nouvelles interactions avec Internet. Ce qu'Ecran Noir leur avait proposé il y a 8 ans. Il est toujours temps..

"Au lieu de n'avoir que des projections publiques, est-ce qu'on peut imaginer une nuit du cinéma québécois sur le Web", demande-t-il.

Car le cinéma québécois peine toujours à toucher un large public français. Hormis quelques films étalés sur une décennie (les comédies de moeurs de Denys Arcand, C.R.A.Z.Y., La grande séduction), seul le jeune Xavier Dolan, par ailleurs parrain de la manifestation cette année, a réussit à se faire un nom auprès des cinéphiles. Les amours imaginaires, son dernier film, a attiré 130 000 spectateurs dans les salles en deux mois.

Cinéma du Québec à Paris va présenter 14 fictions et 4 documentaires, dont Incendies, en clôture, de Denis Villeneuve, adapté de la pièce du libano-franco-canadien Wajdi Mouawad.

Mais derrière l'écran et la volonté de combler un public acquis (canadiens expatriés, cinéphiles, amateurs de culture québécoise), la SODEC ne cache pas qu'il s'agit d'ouvrir les films à un plus large public et de trouver des financements internationaux pour alimenter une industrie qui peine à se produire elle-même, subissant la faiblesse de son marché intérieur et des restrictions budgétaires fédérales (même si le Québec continue d'investir 35 millions de $ Canadiens dans ses productions). Sans parler des sociétés de distributions locales qui ont baissé les bras pour vendre leurs films sur les territoires étrangers, faute de rentabilité. Pourtant le potentiel est là, d'autant plus avec l'explosion de la V.O.D..

Cinéma du Québec à Paris coûte aussi cher que la présence du cinéma québécois à Cannes

Or François Macerola confie ce matin au Devoir, quotidien montréalais que la stratégie est confuse actuellement. "Nous sommes en train de revoir notre participation dans les festivals et les marchés; nous sommes trop éparpillés à l'international."  "Nous allons continuer d'aller à Karlovy Vary pour le rayonnement. À Toronto, on ira pour vendre" précise-t-il.  Concernant le rendez-vous parisien, il avoue : "on veut trop en faire. Nous avons voulu, je crois, justifier notre présence, et la meilleure façon de le faire a été de multiplier les avenues. Je pense que nous devrions revenir à une approche plus puriste et minimaliste en définissant clairement nos objectifs".

Comme toujours, la vision libérale l'emporte : cela coûte 400 000 $ Canadiens aux contribuables québécois. C'est semblablement la même somme dépensée par l'institution au Festival de Cannes, avec une visibilité autrement plus importante. De quoi en effet s'interroger sur la structure et l'impact des dépenses. Une manière d'optimiser celles-ci serait de tisser des liens plus étroits et plus cohérents avec Téléfilm Canada, dont la mission est de promouvoir le cinéma canadien à l'international. Macerola ayant été DG de Téléfilm Canada durant six ans, cette piste s'avère la plus logique.

Mais le cinéma québécois ne résoudra pas tous ses problèmes sans améliorer ses performances locales. La part de marché n'excèdera pas 12% des entrées cette année dans la Belle Province. Certes, une vingtaine de films ont trouvé leur public. Certes, une dizaine de productions ont été primées dans des festivals internationaux. Mais cela ne suffit pas. D'ici au printemps, Macerola espère faire des propositions, après avoir consulté l'ensemble des acteurs de la profession, à Montréal comme à Paris (les coproductions sont indispensables pour la plupart des projets). Surtout que le modèle n'est pas si mauvais. Le cinéma canadien anglophone se porte bien plus mal, avec à peine de 2% du marché national.

La force du cinéma québécois tient en ses créateurs qui offrent des films variés : du polar à la comédie en passant par le cinéma d'auteur. Cinq films cette année ont dépassé le cap du million de $ canadiens de recettes : Piché : entre ciel et terre, Incendies, Filière 13, Les sept jours du talion et Le journal d'Aurélie Laflamme. Mais la plupart des projets vedettes en cours coûte plus de 6 millions de $ canadiens : une équation impossible à résoudre sans le développement à l'international.

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site internet de la manifestation

No mercy en DVD : nouvelle variation sur le thème de la vengeance

Posté par MpM, le 22 novembre 2010

Présenté dans le cadre de la carte blanche à Alejandro Jodorowsky lors de l'Etrange festival 2010, No mercy de Kim Hyoung-jun s'était vu qualifié par Jodorowsky lui-même de "tragédie adulte, démentiellement raffinée, avec un final digne de tous [ses] respects." Il est vrai que ce thriller coréen crépusculaire, sorti en DVD le 17 novembre dernier, s'inscrit dans la lignée d'un certain cinéma coréen actuel jouant avec les nerfs et l'imaginaire de son spectateur, à l'image de The chaser de  Na Hong-jin ou Memories of a murder de Bong Joon-ho.

Le créneau de No mercy est plus spécifiquement celui du film de vengeance, et il lorgne d'ailleurs assez ouvertement du côté de Park Chan-wook et plus précisément de Old boy, inoubliable grand prix cannois et en passe d'être refait sauce hollywoodienne. Trop ouvertement, probablement, car il laisse de ce fait rapidement entrevoir son jeu, à savoir la mise en place d'un piège infernal dépassant largement la simple enquête policière. On s'attend notamment trop au twist final pour ne pas être un peu déçu lorsqu'il finit par arriver.

Le scénario ménage malgré tout divers rebondissements qui génèrent une tension grandissante. Le mise en scène, elle, parait plus en retrait, très loin de l'élégance choc de Old boy. Pour compenser cette absence d'inventivité et la torpeur de l'ensemble, Kim Hyoung-jun se contente de plaquer une musique trépidante sur les séquences d'action. On peut en concevoir une certaine frustration, et même l'impression que l'intrigue n'avance pas, mais ce rythme inégal permet de renforcer l'isolement du personnage principal. Ce dernier ne cesse de parcourir la ville à la recherche de son salut. Or, plus il essaye d'agir, plus il s'englue dans une situation qui le dépasse. Comme un insecte pris dans une toile d'araignée, et que chaque geste rapproche de sa fin.

Décidément, la vengeance et ses raffinements complexes (voire pervers) sont une inépuisable source d'inspiration pour les réalisateurs de polar, et plus encore semble-t-il pour toute une veine du cinéma asiatique obsédée par la notion de faute originelle qui finit toujours par vous rattraper. Dans le plus pur esprit de la tragédie, les êtres humains deviennent de lamentables jouets entre les mains du destin. Le professeur Kang passe ainsi d'un dilemme à un autre, où il s'agit toujours de choisir entre son éthique professionnelle et son bonheur personnel. Non seulement le choix est impossible, mais en plus il est toujours mauvais. Lorsque le héros s'en rend compte, il est bien évidemment trop tard. Et le dénouement final laisse le spectateur frémissant :  qu'aurait-on fait à sa place ?

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No mercy de Kim Hyoung-jun
Avec : Sul Kyung-gu, Ryoo Seung-bum, Han Hye-jin...
En DVD depuis le 17 novembre (CTV international)