200 personnalités lancent un appel contre « un cataclysme planétaire »

Posté par vincy, le 3 septembre 2018

200 personnalités ont signé l'appel publié dans Le Monde aujourd'hui lancé par Juliette Binoche et de l’astrophysicien Aurélien Barrau pour une action politique ferme et immédiate face au changement climatique. Parmi les signataires du monde entier, on retrouve Adjani, Almodovar, Baye, Boorman, Campion, Cotillard, Cronenberg, Cuaron, Dafoe, Delon, Deneuve, Faithfull, Fiennes, Frémaux, Hawke, Huppert, Jaoui, Kapoor, Marceau, Rampling, Robbins, Rossellini, Santoro, Satrapi, Scott Thomas, Sissako, Stewart, Tarr, Trintignant, Turturro, Viard, Wenders ou encore Jia Zhang-ke.

Tribune. Quelques jours après la démission de Nicolas Hulot, nous lançons cet appel : face au plus grand défi de l’histoire de l’humanité, le pouvoir politique doit agir fermement et immédiatement. Il est temps d’être sérieux.
Nous vivons un cataclysme planétaire. Réchauffement climatique, diminution drastique des espaces de vie, effondrement de la biodiversité, pollution profonde des sols, de l’eau et de l’air, déforestation rapide : tous les indicateurs sont alarmants. Au rythme actuel, dans quelques décennies, il ne restera presque plus rien. Les humains et la plupart des espèces vivantes sont en situation critique.
Il est trop tard pour que rien ne se soit passé : l’effondrement est en cours. La sixième extinction massive se déroule à une vitesse sans précédent. Mais il n’est pas trop tard pour éviter le pire.
Nous considérons donc que toute action politique qui ne ferait pas de la lutte contre ce cataclysme sa priorité concrète, annoncée et assumée, ne serait plus crédible.
Nous considérons qu’un gouvernement qui ne ferait pas du sauvetage de ce qui peut encore l’être son objectif premier et revendiqué ne saurait être pris au sérieux.
Nous proposons le choix du politique – loin des lobbys – et des mesures potentiellement impopulaires qui en résulteront.
C’est une question de survie. Elle ne peut, par essence, pas être considérée comme secondaire.
De très nombreux autres combats sont légitimes. Mais si celui-ci est perdu, aucun ne pourra plus être mené.

Isabelle Adjani, actrice ; Laure Adler, journaliste ; Pedro Almodovar, cinéaste ; Laurie Anderson, artiste ; Charles Aznavour, chanteur ; Santiago Amigorena, écrivain ; Pierre Arditi, acteur ; Niels Arestrup, acteur ; Ariane Ascaride, actrice ; Olivier Assayas, cinéaste ; Yvan Attal, acteur, cinéaste ; Josiane Balasko, actrice ; Aurélien Barrau, astrophysicien (Institut universitaire de France) ; Nathalie Baye, actrice ; Emmanuelle Béart, actrice ; Xavier Beauvois, cinéaste ; Alain Benoit, physicien (Académie des sciences) ; Jane Birkin, chanteuse, actrice ; Juliette Binoche, actrice ; Benjamin Biolay, chanteur ; Dominique Blanc, actrice ; Gilles Boeuf, biologiste ; Mathieu Boogaerts, chanteur ; John Boorman, cinéaste ; Romane Bohringer, actrice ; Carole Bouquet, actrice ; Stéphane Braunschweig, metteur en scène ; Zabou Breitman, actrice, metteuse en scène ; Nicolas Briançon, acteur, metteur en scène ; Irina Brook, metteuse en scène ; Valeria Bruni Tedeschi, actrice, cinéaste ; Florence Burgat, philosophe ; Gabriel Byrne, acteur ; Cali, chanteur ; Sophie Calle, artiste ; Jane Campion, cinéaste ; Isabelle Carré, actrice ; Emmanuel Carrère, écrivain ; Anne Carson, auteure et professeure ; Michel Cassé, astrophysicien ; Laetitia Casta, actrice ; Bernard Castaing, physicien (Académie des sciences) ; Antoine de Caunes, journaliste, cinéaste ; Alain Chamfort, chanteur ; Boris Charmatz, chorégraphe ; Christiane Chauviré, philosophe ; Jeanne Cherhal, chanteuse ; François Civil, acteur ; Hélène Cixous, écrivaine ; Isabel Coixet, cinéaste ; Françoise Combes, astrophysicienne (Collège de France) ; François Cluzet, acteur ; Gregory Colbert, photographe, cinéaste ; Bradley Cooper, acteur ; Brady Corbet, acteur ; Béatrice Copper-Royer, psychologue ; Marion Cotillard, actrice ; Denis Couvet, écologue ; Camille Cottin, actrice ; Clotilde Courau, actrice ; Franck Courchamp, écologue (Académie européenne des sciences) ; Nicole Croisille, chanteuse ; David Cronenberg, cinéaste ; Alfonso Cuaro, cinéaste ; Willem Dafoe, acteur ; Philippe Decouflé, chorégraphe ; Sébastien Delage, musicien ; Vincent Delerm, chanteur ; Alain Delon, acteur ; Catherine Deneuve, actrice ; Lire le reste de cet article »

Cannes 2015: Carte postale d’Hongrie

Posté par vincy, le 15 mai 2015

cinema budapest hongrie
Le cinéma et la Hongrie, c'est une histoire de passion. Avec ses hauts et ses bas. Des cinéastes qui ont brillé dans les Festivals du monde entier, à l'instar d'István Szabó, Béla Tarr ou Miklós Jancsó, des figures historiques comme William Fox, le fondateur de la 20th Century Fox, Adolph Zukor, le findateur de la Paramount, Alexander Korda, qui a donné son nom au prix BAFTA du meilleur film britannique de l'année. Voilà pour les sommets. En ce moment, cela ressemble plutôt au calvaire: un pouvoir politique qui a pris la main sur l'industrie et les institutions (donc choisissant les films qu'il veut financer), production en baisse, cinéastes en exil ou en révolte, ... Tout ne va pas très bien à Budapest.

La Hongrie a été l'un des premiers pays a découvrir les films des frères Lumière en 1896. Avant même l'avènement du parlant, le cinéma hongrois était déjà très structuré: salles de cinéma, studios de tournages, formations... Mais l'Histoire s'en est mêlée. L'exode des grands talents vers le Royaume Uni et les Etats-Unis, puis la tutelle de l'URSS ont transformé le 7e art hongrois.

A Cannes, quelques cinéastes ont continué à transmettre l'héritage d'un cinéma à l'identité très forte. Márta Mészáros, Grand prix du jury, prix de la mise en scène, Miklós Jancsó, prix de la mise en scène, István Szabó, prix du jury et prix du scénario, Pal Erdoss et Ildiko Enyedi, tous deux Caméra d'or... Mais tout cela remonte aux années 70-80. Pourtant, les cinéastes de la nouvelle génération sont rarement oubliés en sélection officielle: György Pálfi, Kornel Mundruczo (Grand prix Un certain regard l'an dernier), Béla Tarr...

Cette année, c'est même un premier film qui a les honneurs de la compétition. Hélas, cette bonne nouvelle masque une réalité beaucoup plus dure. Moins de 20 films sont réellement tournés chaque année. Les salles art et essai disparaissent ou sont très fragiles et empêchent la diffusion de la plupart d'entre eux. La part de marché des films hongrois est anémique. Ce cinéma autrefois grand ne compte désormais que sur une poignée de passionnés, et sur les festivals internationaux, pour exister face à un pouvoir qui veut contrôler la culture et les médias.

Commission européenne: La culture aux mains d’un proche du dirigiste Viktor Orbán

Posté par vincy, le 27 octobre 2014

La culture a un nouveau commissaire européen. Adoubé par les grands partis politiques, rejetés, notamment par des formations comme les écologistes. Jean-Claude Juncker, président de la Commission, a donné le poste au Hongrois Tibor Navracsics. Son portefeuille comprend également l'éducation, la jeunesse et les sports (on lui a retiré symboliquement la citoyenneté). Il est placé dans le bas de l'organigramme. C'est dire l'importance d'un tel portefeuille dans la nouvelle commission. Pourtant, le choix du commissaire n'est pas anodin à un moment où la culture européenne peine à se construire et se protéger.

Navracsics succède à Androulla Vassiliou. Pour résumer son parcours, il fut Ministre des Relations économiques extérieures et des Affaires étrangères de Hongrie en juin 2014, après avoir été Vice Premier ministre et Ministre de l'Administration publique et de la Justice de Hongrie entre 2010 et juin 2014. Il a débuté comme chef de cabinet de Viktor Orbán, président du Fidesz-MPSz, en 2003, avant d'être élu membre de l'Assemblée nationale de Hongrie en 2006.

Un cinéaste réputé qui voit son financement public amputé

Son parti le Fidesz est fondé sur le conservatisme et le protectionnisme économique, un mélange de traditionalisme et nationalisme. Côté culture, le parti a fait très fort. Pour ne parler que de cinéma, le gouvernement de Viktor Orbán a mis la main sur le Fonds national pour le film hongrois (17.6 millions euros de budget annuel), qui a récemment retiré son aide financière au prochain film de György Palfi.

Selon Le Monde, le fonds souhaitait imposer au cinéaste un réalisateur adjoint, en charge des scènes d’action. Le directeur du Fonds national pour le film hongrois, Andrew G. Vajna, ancien producteur de Rambo et Total Recall et désormais homme d’affaires à la tête de casinos en Hongrie, trouvait le projet trop artistique et manquant de scènes d’action. Ultra-libéral, il a été nommé pour financer des films populaires et divertissants. L'accent est mis sur les comédies, films d'aventures, l'animation.

De plus, le Fonds a décidé de conditionner ses aides en s'octroyant le droit de modifier la version finale après des projections tests. Pour l'instant quelques films ont réussi à recevoir des fonds publics, notamment White God, de Kornél Mundruczó, Grand prix du jury Un certain regard à Cannes cette année et candidat hongrois pour l'Oscar du meilleur film en langue étrangère. Heavenly Shift (meilleur film à Fantasporto), Land of Storms (sélectionné à Berlin) et Lily Lane sont passés entre les mailles du filet.

Béla Tarr en exil

Parallèlement, le régime hongrois a créé une Académie des cinéastes pour contrer l’Association des cinéastes, dont le président, Béla Tarr (lire notre actualité du 24 février 2012: Horizon sombre pour le cinéma hongrois : Bela Tarr mène la révolte). Tarr réside désormais à Sarajevo (Bosnie-Herzégovine).

Régulièrement, lors de projections de films hongrois dans des festivals comme Berlin, le gouvernement hongrois envoie des représentants pour tracter ou discourir sur l'aspect fictif des films et corriger la vision des cinéastes, qui ne reflète pas, selon le régime d'Orbán, la Hongrie.

En 2013, le Festival du film hongrois, vitrine annuelle de la production nationale, a été annulé, pour la première fois depuis 1965, à cause du nombre insuffisant de films produits en Hongrie.

Le dirigisme dans ses pires excès. Le cinéma n'est pas le seul secteur mis sous la coupe du gouvernement: les médias, Internet, les manuels scolaires sont autant de domaines où l'Etat décide de tout contrôler.

On comprend mal le choix de Jean-Claude Juncker pour son commissaire à la culture. Une provocation qui risque de créer de sérieuses frictions avec les acteurs de la culture européenne, alors qu'ils se battent pour défendre des mécanismes de financements et pour maintenir l'exception culturelle.

La France, l'Allemagne et l'Italie interpellent l'Union européenne

À l'occasion d'une grande conférence sur l'audiovisuel à Rome, il y a quelques jours, Peter Dingues, de la FFA, Roberto Ciccuto, de l'Istituto Luce-Cinécittà et Jean-Paul Salomé, d'UniFrance, ont interpellé le Conseil de l'Union européenne sur l'avenir du 7e Art européen, rappelle Le film français. Ils constatent que "quelque chose à l'intérieur de ce système ne fonctionne plus, nous perdons du public." Ils s'interrogent: "A quoi ressemblera le cinéma européen dans dix ans ?"

"Responsables de la promotion de nos propres cinématographies, nous souhaitons afficher notre volonté de réfléchir ensemble pour soutenir notre production, renforcer nos coproductions, favoriser la diffusion de nos films en Europe et dans le monde" expliquent-ils. "Alors que le nombre de films produits n'a jamais été aussi élevé, nous regrettons qu'ils ne soient pas plus visibles au-delà de leurs frontières. Dans les salles, notamment les multiplexes, sur les chaines de télévisions publiques, sur les écrans et les plateformes numériques, nous constatons leur trop faible présence, hors de leurs frontières. Nous devons inverser cette tendance. C’est pourquoi l’augmentation de la fréquentation des films européens est une de nos priorités majeures. Un meilleur accès aux cinémas européens doit s'organiser et se décide au moment où les habitudes de consommation des films évoluent. Nous devons agir avant qu'il ne soit trop tard.
Au moment où une nouvelle commission se met en place, il nous semble urgent et nécessaire de réaffirmer la qualité, la valeur, l'attractivité, l'originalité du cinéma européen car nous refusons de le voir se fragiliser face aux films hollywoodiens
."

Ils proposent six pistes:
1 - Rétablir un dialogue constructif avec les élus et responsables européens,
2 - Renforcer la collaboration européenne dans l'écriture, le développement, la production et la distribution de nos films,
3 - Travailler, avec l'UE, à ce que, particulièrement, les chaines publiques assument leur responsabilité de diffusions des films européens non nationaux,
4 - Adapter la régulation et la réglementation aux médias numériques en assurant le maintien et la défense du droit d'auteur qui n'empêche en rien la diffusion des œuvres quel que soit leur support,
5 - Appliquer les mécanismes de régulation aux nouveaux opérateurs numériques qui profitent de leur dimension transnationale pour échapper à leur juste participation à la création audiovisuelle européenne,
6 - Mettre en place une politique commune contre la piraterie audiovisuelle.

Vaste chantier pour un Commissaire qui, jusque-là, a adhérer à un gouvernement hongrois qui, à défaut d'être sanctionné, est souvent condamné par différentes institutions pour une politique peu respectueuse des traités européens.

Horizon sombre pour le cinéma hongrois : Bela Tarr mène la révolte

Posté par vincy, le 24 février 2012

Entre l'élection présidentielle, la crise économique, Jean Dujardin, et la Syrie, on oublie qu'à une heure de vol de la France, un pays de l'Union européenne glisse lentement vers un régime autoritaire de plus en plus inquiétant. Si l'Europe commence à prendre des mesures de rétorsion (un blâme vient d'être prononcé par la Commission, accompagné de la suspension d'un versement de 495 millions d'euros pour l'aide aux régions les plus défavorisées), cela ne suffit pas à calmer les dérives du pouvoir.

Dernier acte en date : le cinéma. Le Monde a consacré un passionnant reportage sur un secteur qui connait aussi bien une crise économique qu'un conflit larvé avec le pouvoir en place. Il n'y a pas que la Russie, l'Iran, la Chine et la Biélorussie, entre autres, qui ont décidé de contrôler le 7e art. Depuis la nomination d'Andrew G. Vajna, ancien producteur des Rambo, Total Recall et autres Terminator au titre de Commissaire du gouvernement chargé du cinéma, rien ne va plus entre les cinéastes et le régime du premier ministre Viktor Orban. Ce dernier a donné à Vajna la mission de restructurer le secteur. Avec comme objectif souterrain de le calquer sur celui du théâtre ou de la presse, devenue muselée, censurée, pressurisée depuis son arrivée au pouvoir.

Les réalisateurs hongrois commencent à se rebeller. Bela Tarr a lancé l'idée de créer un fonds indépendant pour produire les films (sous entendu librement). Désormais président de l'Association des réalisateurs hongrois, Tarr avait organisé le 4 février dernier un débat au cinéma Urania à Budapest où des dizaines de cinéastes avaient répondu à l'appel. Ce forum s'est tenu dans le cadre de la 43e Semaine du film hongrois, qui ne dure que quatre jours, faute de moyen. L'ordre du jour était simple : survivre et déclarer la guerre contre la politique "arbitraire" du commissaire.

Celui-ci était présent. Il a du encaisser toutes les critiques à son encontre. Depuis l'entrée en vigueur en septembre dernier du Fonds national du cinéma, qui remplace la Fondation publique MMKA, il est au centre des mécontentements. Doté de 20 millions d'euros de budget, ce Fonds semble très opaque. Les réalisateurs s'interrogent sur les critères décidés par l'Etat pour choisir les films qui seront aidés. D'autres se demandent pourquoi les professionnels du cinéma ne sont plus impliqués dans le processus de sélection? Poser la question c'est y répondre. Le pouvoir politique veut décider lui-même, sans forcément retenir les qualités cinématographiques d'un projet.

Pire, l'Etat veut s'introduire jusque dans la salle de montage. Un des cinéastes présents confie : "Quand un réalisateur signe le contrat, une clause stipule que l'Etat financeur a le dernier mot sur le montage. Pour contrebalancer ce pouvoir, il va falloir trouver des coproductions étrangères." Les jeunes cinéastes, trop effrayés à l'idée de ne pas pouvoir faire leurs premiers films, sont absents : c'est la vieille garde qui monte au créneau. Bela Tarr, primé dans tous les festivals du monde et reconnu comme le plus grand cinéaste vivant du pays, n'a en effet rien à perdre.

Les Festivals internationaux comme vitrine

" Je voyais mes amis pleurer, attendre de l'argent qui ne venait pas. Je leur ai proposé de tourner un film à zéro budget, pour raconter la situation. Tout le monde a travaillé gratuitement, les comédiens, les techniciens ", raconte Béla Tarr au journal Le Monde. Il a décidé de produire Hongrie 2011, un film sur la détresse des réalisateurs hongrois, présenté en ouverture de la Semaine du cinéma hongrois. 11 courts métrages compilés qui ont été projetés à Berlin.

C'est aussi à Berlin que Juste le vent, de Bence Fliegauf, en compétition, a reçu le Grand prix du jury. De quoi redonner du baume au coeur à la profession, un an après l'Ours d'argent du meilleur réalisateur pour Bela Tarr.

A Cannes, on devrait voir le prochain film de György Palfi, Final cut. Ladies & Gentlemen. Sans financement pour son nouveau projet, il a décidé de puiser dans 450 films du cinéma mondial, de Chaplin à Cameron, pour créer des histoires d'amour entre les plus grands comédiens du 7e art, faisant ainsi rencontrer les légendes de l'âge d'or avec les stars actuelles. Pour que le film soit projeté, il faut cependant résoudre le délicat problème des droits d'auteur.

Pour l'instant, le cinéma hongrois est en suspens : entre désespoir et angoisses, entre méfiance et vigilance. Vajna a décidé de financer quatre films d'auteur. Mais nombreux y voient un subterfuge pour endormir les esprits révoltés. Car pour le pouvoir, il s'agit avant tout de dynamiser la part de marché des films nationaux (entre 5 et 10% selon les années) dans un marché plutôt en croissance. Complètement dominé par Hollywood, le marché local a, par exemple, été absent des trente plus gros succès de l'année 2011.

Le rare Béla Tarr sur les écrans, au Centre Pompidou et en librairie

Posté par geoffroy, le 4 décembre 2011

Le Cheval de Turin, dernier opus cinématographique du réalisateur hongrois récompensé par l’Ours d’argent et le Prix de la Critique internationale au dernier festival de Berlin, est actuellement en salles. Il a séduit 800 spectateurs dans seulement 12 salles lors de son premier jour d'exploitation, soit la meilleure moyenne par copie pour une nouveauté du 30 novembre pour un film exploité dans moins de 200 salles.

Selon les dires du cinéaste, il n’y en aura pas d’autre. A 56 ans, Béla Tarr a décidé d’arrêter le cinéma, de clore une œuvre magistrale commencée il y a un peu plus de trente ans. En septembre 2008, pour la sortie de L’Homme de Londres, il déclarait déjà aux Cahiers du Cinéma : « Quand vous le verrez, vous comprendrez pourquoi ce ne peut être que mon dernier film ».

Béla Tarr, né en 1955 à Pecs en pleine Hongrie communiste, est un artiste pour le moins atypique et qui aura construit sans l’ombre d’une déviation un cinéma exigeant traversé par la condition humaine. En alliant pureté esthétique et force émotionnelle brute, il a su rendre captivant sa vision d’une humanité enchaînée ou l’espoir ne serait qu’un leurre. Son cinéma s’est déplacé avec le temps, passant de la ville aux champs et de l’intime des corps à ceux, plus lointains, des labeurs au cœur d’un paysage froid, pauvre et avilissant.  Le désespoir est de mise, ses influences sont les cinémas de Tarkosky et de Cassavetes. Pas étonnant, alors, de retrouver l’utilisation d’un noir et blanc sublime transcendé par des plans-séquence inoubliables.

-  Pour ceux qui voudraient (re)découvrir l’œuvre de Béla Tarr, le Centre Pompidou lui consacre une rétrospective intégrale du 3 décembre 2011 au 2 janvier 2012. Tout le programme

-  A l’occasion de la sortie en salle du Cheval de Turin, la maison d’Editions Capricci a sorti le 29 novembre un essai critique, Béla Tarr, le temps d’après, par le philosophe français et professeur Jacques Rancière. Une autre façon d’appréhender le maître hongrois au-delà de la simple vision de ces films. Pour l’auteur, le temps d’après est « notre temps et Béla Tarr est l’un de ses artistes majeurs ». Rancière a aussi publié Scènes du régime esthétique de l'art aux éditions Galilée en octobre. (Béla Tarr, Le temps d’après, de Jacques Rancière, Editions Capricci, collection "Actualité critique" 96 pages. 7,50€)

Le livre se conclut sur un espoir. Celui de voir un autre film de Béla Tarr : "Le dernier film est encore un matin d'avant et le dernier film est encore un film de plus? Le cercle fermé est toujours ouvert."

Le guide de la rentrée (1) : 15 films incontournables venus du monde entier

Posté par MpM, le 2 septembre 2011

L'automne sera cinématographique ou ne sera pas. D'ici fin 2011 vont en effet défiler sur nos écrans certains films parmi les plus alléchants de l'année. Derrière la caméra, on retrouve de grands cinéastes, dont chaque nouvelle œuvre est un événement en soi, et des auteurs plus "récents" avec lesquels il faudra désormais compter. Pour commencer ce petit florilège forcément subjectif des incontournables de la rentrée, quinze longs métrages venus du monde entier (et classés par date de sortie) que l'on a d'ores et déjà très envie de (re)découvrir.

Et maintenant on va où ? de Nadine Labaki
Sortie le 14/09
Un de nos coups de coeur de Cannes. Mélange de comédie musicale et de fable politique, le 2e film de la jeune réalisatrice-actrice libanaise parle de tolérance, d'humanisme et de solidarité avec des accents si sincères et justes qu'il nous bouleverse. On veut croire en son utopie intelligente et optimiste pour régler les conflits religieux et ethniques.

Attenberg de Athina Tsangari
Sortie le 21/09
Depuis Canine en 2009, le cinéma grec suscite chez le cinéphile à la fois curiosité et désir. Comme si les cinéastes du pays avaient le secret pour nous livrer des oeuvres audacieuses et atypiques réinventant à elle seule un univers d'étrangeté, de sensualité et d'intimité auquel le langage cinématographique apporte une véritable universalité. C'est en tout cas exactement l'impression provoquée par Attenberg, conte plus doux qu'amer sur l'être humain, la jeunesse et l'existence en général.

We Need to Talk About Kevin de Lynn Ramsay
Sortie le 28/09
Si l'on ne devait retenir qu'une chose de cette adaptation du roman de Lionel Shriver, ce serait le regard au-delà de toute douleur de son actrice principale, Tilda Swinton, qui réalise une performance violente et subtile à la fois en mère d'un adolescent assassin. A voir aussi pour l'audace esthétique et formelle de la réalisatrice, qui ose une proposition de cinéma radicale, étouffante, et au final envoutante.

Ceci n’est pas un film de Jafar Panahi
Sortie le 28/09
Tourné alors que le réalisateur iranien est en résidence surveillé, frappé d'une interdiction de tourner, ce journal filmé en forme de déclaration d'amour au métier de cinéaste prend forcément un relief particulier. On y sent l'absolue nécessité qu'a Panahi du cinéma, et à quel point ce besoin est réciproque.

Drive de Nicolas Winding Refn
Sortie le 05/10
Le jury présidé par Robert de Niro a logiquement récompensé d'un prix de mise en scène ce thriller brillant, esthétique à outrance et ultra-violent où la musique, le cadre et l'image subliment une intrigue minimaliste mais terriblement efficace. Nicolas Winding Refn s'inspire à la fois des polars US des années 80 et du cinéma d'action asiatique, pour mieux réinventer un genre dont on ne se lasse pas.

Love and bruises de Lou Ye
Sortie le 2/11
Film après film, le réalisateur chinois nous intrigue, entre récits intimistes, sensualité feutrée et propos politique. Pour raconter cette nouvelle histoire d'amour violente et passionnée, il est venu tourner à Paris, avec un casting principalement français : Jalil Lespert, Vincent Rottiers, et surtout Tahar Rahim, la brûlante révélation du Prophète de Jacques Audiard. On est curieux de découvrir ce que l'exil, et la totale liberté d'action, vont apporter à son travail.

Contagion de Steven Soderbergh
Sortie le 9/11
Un virus mortel se répand à la vitesse de l'éclair, laissant la communauté médicale démunie et impuissante... Un point de départ classique mais prometteur pour le nouveau thriller de l'insatiable réalisateur américain, qui réunit devant sa caméra rien de moins que Matt Damon, Kate Winslet, Jude Law, Marion Cotillard, Gwyneth Paltrow et Laurence Fishburne. De quoi frôler l'épidémie de talent...

A Dangerous Method de David Cronenberg
Sortie le 30/11
Viggo Mortensen en Sigmund Freud, Michael Fassbender en Carl Jung, et Keira Knightley en patiente "hystérique". Le cinéaste canadien s'attaque au père de la psychanalyse, et à ses relations complexes avec l'un de ses plus célèbres collaborateur, et il n'en faut pas plus pour faire fantasmer les cinéphiles.

Le Cheval de Turin de Bela Tarr
Sortie le 30/11
Pour son dernier film annoncé, le cinéaste hongrois réalise une oeuvre-somme qui peut être prise comme un testament, ou un ultime pied de nez. On y suit le quotidien austère et répétitif d'un fermier et de sa fille, filmé dans un noir et blanc riche en contrastes et en clairs-obscurs. Couronné d'un Ours d'argent à Berlin, cet envoûtant (et radical) Cheval de Turin incarne  la quintessence d'un cinéma esthétique et sensoriel qui réinvente l'expérience même du cinéma.

The Lady de Luc Besson
Sortie le 30/11
Avec ce film, Luc Besson surgit sur un terrain où on ne l'attendait guère, celui du film biographique. The lady retrace en effet une période de la vie d'Aung San Suu Kyi, célèbre opposante à la junte militaire birmane, en mettant l'accent sur la relation extrêmement forte qui l'unissait à son mari, décédé en 1999. Michelle Yeoh, qui a parlé la première du projet à Luc Besson, incarne la prix Nobel de la paix aux côtés de David Thewlis.

Take shelter de Jeff Nichols
Sortie le 7/12
Plongée paranoïaque dans le quotidien d'un homme tiraillé à la fois par la peur de la folie et par la peur d'avoir raison contre tous, Take shelter est un thriller poisseux et minimaliste, anxiogène et étouffant, qui laisse le spectateur exsangue et à bout de souffle. Devant la caméra implacable de Jeff Nichols, Michael Shannon est exceptionnel en homme submergé par l'irrationnel.

Sur la route de Walter Salles
Sortie le 7/12
On ne sait pas ce qu'il y a de plus excitant dans cette adaptation ambitieuse du roman culte de Jack Kérouac : le frisson de voir transposé à l'écran le manifeste de toute une génération ?  Le bonheur de retrouver Walter Salles derrière une caméra ? Ou encore la curiosité de découvrir Sam Riley, l'inoubliable Ian Curtis de Control, dans un rôle une fois encore mythique ?

Carnage de Roman Polanski
Sortie le 7/12
Avant même le triomphe de The ghost writer, Roman Polanski avait décidé d'adapter la pièce de Yasmina Reza (Le Dieu du carnage) qui met en scène deux couples réglant leurs comptes après une bagarre entre leurs enfants. Transposé à New York avec l'aide de la dramaturge elle-même (et préparé pendant l'assignation à résidence du cinéaste à Gstaad), Carnage réunit Kate Winslet, Jodie Foster, Christoph Waltz et John C. Reilly.

Hugo cabret de Martin Scorsese
Sortie le 14/12
Chaque nouveau film de Martin Scorsese est un événement en soi... Mais on est d'autant plus excité par ce nouvel opus qu'il lorgne du côté du film d'aventures pour adolescents, s'attaque à la D et se veut en même temps un hommage à l'un des pères fondateurs du cinéma moderne, le génial Georges Méliès. Tout simplement irrésistible.

Shame de Steve McQueen
Sortie le 14/12
Après le choc Hunger, on attend beaucoup du deuxième film de "l'autre Steve McQueen". Shame aborde de manière frontale la question de l'addiction sexuelle, et met en scène un trentenaire new-yorkais ayant de plus en plus de mal à dissimuler sa vraie vie à sa soeur venue vivre chez lui. Le cinéaste, qui retrouve son acteur de Hunger, Michael Fassbinder, ainsi que son directeur de la photographie, Sean Bobbit, et son monteur, Joe Walker, pourrait bien transformer l'essai et revenir tout sauf honteux de Venise où il est sélectionné.

Pina, Le Havre et Les Mystères de Lisbonne sélectionnés par le Parlement Européen

Posté par vincy, le 4 juillet 2011

Le prix Lux du parlement européen a révélé sa premier sélection lors du Festival international du film de Karlovy Vary (Rép. Tchèque). Créé en 2007, ce prix valorise le cinéma européen et ses forces créatives. Les dix sélectionnés seront réduits à trois lors du festival de Venise avant de connaître le gagnant en novembre. Celui-ci gagnera le soutien financier nécessaire pour que les copies du films soient sous-titrées dans les 23 langues officielles de l'Union Européenne.

Les 10 sélectionnés :

Morgen, de Marian Crisan - Festival de Locarno

Les neiges du Kilimandjaro, de Robert Guédiguian - Festival de Cannes

Le Havre, d'Aki Kaurismaki - Festival de Cannes

Habemus Papam, de Nanni Moretti - Festival de Cannes

Play, de Ruben Ostlund - Festival de Cannes

Mystères de Lisbonne, de Raul Ruiz - Festival de San Sebastian

Essential Killing, de Jerzy Skolimowski - Festival de Venise

Le cheval de Turin, de Bela Tarr - Festival de Berlin

Attenberg, d'Athina Rachel Tsnagari - Festival de Venise

Pina, de Wim Wenders - Festival de Berlin

Berlin 2011 : retour sur la compétition

Posté par MpM, le 18 février 2011

Berlin 11Le maître-mot de cette 61e Berlinale aura sans conteste été l'hétérogénéité. Hétérogénéité des sujets et des styles mais aussi des films qui vont du très bon au médiocre. A plusieurs reprises pendant cette quinzaine, on se sera interrogé sur les critères de choix des sélectionneurs. Les très bons films étaient-ils si peu nombreux cette année, ou se réservent-ils tous pour Cannes ? Toujours est-il que pour le festivalier, la frustration le dispute à l'excitation. Car si ce n'était pas un millésime d'exception, on a malgré tout vu de bonnes choses, et une poignée de films profitent indéniablement de l'absence sérieuse de concurrence pour s'affirmer comme favoris au moment de la distribution des prix.

Asghar Farhadi et Bela Tarr bien placés

Deux longs métrages ont notamment fait forte impression sur la critique internationale, jusqu'à obtenir la note record de 3,6 étoiles (le maximum est de 4) dans le classement effectué par le quotidien 'Screen' à partir du vote de plusieurs journalistes internationaux. Il s'agit de Nader et Simin, une séparation d'Asghar Farhadi et du Cheval de Turin de Bela Tarr (voir actualité du 15 février). Le premier est iranien, ce qui peut influencer favorablement le jury : quel meilleur symbole de l'engagement en faveur de Jafar Panahi ? D'autant que sous ses dehors de drame familial, le film parle sans fard de l'Iran d'aujourd'hui.

Mais attention, le second est un concurrent de poids. Bela Tarr est un cinéaste envoûtant qui possède un véritable fan club... et Le turin horsecheval de Turin est annoncé comme son dernier film. Une oeuvre-somme qui peut être prise comme un testament, ou un ultime pied de nez. Pour les jurés, ce serait à la fois couronner une carrière magistrale et récompenser la quintessence d'un cinéma esthétique et sensoriel qui réinvente l'expérience même du cinéma. Chiche ? De toute façon, donner l'ours d'argent de la mise en scène à quelqu'un d'autre que Bela Tarr tiendrait du camouflet... à moins que le Maître n'obtienne carrément la récompense suprême.

Les oeuvres socio-politiques ont une carte à jouer

Bien sûr, le jury peut aussi partir dans une direction totalement opposée. On sait que les thématiques "lourdes", c'est-à-dire politiques, sociales ou historiques, font toujours leur petit effet. The forgiveness of blood de Joshua Marston entre dans cette catégorie (il raconte l'histoire d'un adolescent albanais contraint de vivre reclu chez lui pour éviter d'avoir à payer la dette de sang qui oppose sa famille à une autre) et a en plus l'avantage d'être maîtrisé et réussi. Sécheresse scénaristique, mise en scène nerveuse, acteurs qui sonnent justes... Le cinéaste américain  indépendant cumule les bons points.

Dans cette catégorie, Yelling To The Sky de Victoria Mahoney (sorte de Precious 2), Innocent Saturday d'Alexander Mindadze (avec la catastrophe nucléaire de Tchernobyl en toile de fond), Margin Call de JC Chandor (sur fond de crise financière) ou Coriolanus de Ralph Fiennes (adaptation moderne de Coriolan de Shakespeare) peuvent également avoir touché le jury. Enfin, If not us, who ? d'Andres Veiel s'attaque à l'histoire récente de l'Allemagne (l'après-guerre et la montée des idéaux révolutionnaires) sans lui donner suffisamment de souffle et de fond pour véritablement convaincre. Pourtant, il bénéficie d'un casting de choix, et August Diehl comme Lena Lauzemis pourraient être récompensés.

Intimité et histoires de couples

Dans un style plus intimiste, The future de Miranda July, même s'il a déçu les fans de la première heure, est suffisamment rafraîchissant et profond pour mériter de figurer dans un palmarès (voir actualité du 15 février). D'autant que l'on a vu pas mal de couples se séparer lors de cette compétition, et celui de The future est celui qui a à la fois le plus d'humour et de style. En revanche, Come Rain Come Shine de Lee Yoon-ki (un homme aide sa femme qui le quitte à emballer ses affaires) et A Mysterious World de Rodrigo Moreno (un homme se retrouve seul et largué lorsque sa petite amie décide de faire une pause dans leur relation) ont choisi un style non narratif et minimaliste qui réduit très largement leur portée. N'est pas Bela Tarr qui veut, et l'on s'ennuie ferme devant ces deux tentatives de capter des instants et des émotions ténues dans un quotidien banalisé.

Les histoires d'amour finissent mal en général, et en particulier dans cette compétition berlinoise, puisque deux autres films intimistes présentent des couples qui échouent à exister. Dans Lipstikka de Jonathan Sagal, deux Palestiniennes vivent une histoire d'amour intermittente, qui les conduit toutes deux à une forme de folie et de malheur. Dans Our Grand Despair de Seyfi Teoman, deux Turcs amoureux de la même femme font semblant de ne pas voir que c'est leur amour l'un pour l'autre qui s'exprime de manière détournée. Dans les deux cas, on peut imaginer un double prix d'interprétation, tant les acteurs apportent finesse et profondeur aux deux intrigues, ou alors un  prix de moindre importance.

Quoi qu'il en soit, on retiendra de cette 61e compétition la difficulté des cinéastes à raconter de bonnes histoires ainsi que le pessimisme ambiant. Les couples se séparent, mais sans  passion, comme si au fond tout cela leur était égal. L'avenir est compromis. La liberté est peu de chose face au destin tout tracé par la vie. Et bien sûr, l'apocalypse n'est pas loin...

C'est pourquoi le palmarès consacrera-t-il au final bien plus qu'un film ou un réalisateur. En faisant son choix, le jury optera en effet d'une certaine manière pour une vision du monde et une proposition cinématographique déterminées.

Berlin 2011 : Asghar Farhadi, Miranda July, Bela Tarr, trio gagnant

Posté par MpM, le 15 février 2011

turin horseAlors que cette 61e Berlinale vient déjà d'entrer dans sa seconde partie, la compétition proposait aujourd'hui trois captivantes propositions de cinéma, quoi que chacune dans une direction très particulière.

Asghar Farhadi (A propos d'Elly) propose dans Nader et Simin, une séparation un regard aigu et profond sur la société iranienne contemporaine. On y découvre la mesquinerie de certains rapports  sociaux, l'hypocrisie des rouages administratifs ou judiciaires, ou encore la difficulté du "vivre ensemble", que ce soit entre homme et femme ou entre individus issus de classes différentes. Le film démonte les préjugés et oppose deux visions totalement opposées de la vie, l'une consistant à être prêt à tout pour sauver sa peau, tandis que l'autre conduit à privilégier la droiture et la vérité, même si les conséquences s'avèrent terribles.

Miranda July (You, me and everyone we know) explore elle-aussi les tréfonds de l'âme humaine en proposant une réflexion à la fois tendre, amère et pleine de dérision sur l'existence, le temps qui passe et la sensation de passer à côté de sa vie. Dans The Future, les personnages qu'elle met en scène ressemblent à un couple de pré-ados immatures qui jouent à se faire peur ("Et si... ?") pour masquer la réalité de leurs angoisses. Ils arrivent à ce moment de l'existence où l'on commence à compter les points, à faire la liste de ce que l'on ne sera jamais, à restreindre celle de ce que l'on fera un jour. Malgré leur finesse, l'humour et l'absurdité des dialogues et des situations ne parviennent guère à dissimuler l'aspect désespéré du constat.

Bela Tarr (Les harmonies Werckmeister), de son côté, propose The Turin horse (notre photo), une oeuvre à l'esthétisme envoûtant, portée par la musique lancinante et hypnotique de Mihaly Vig. On suit le quotidien austère et répétitif d'un fermier et de sa fille, filmé dans un noir et blanc riche en contrastes et en clairs-obscurs. La mise en scène est moins immédiatement impressionnante que dans L'homme de Londres, mais elle est entièrement au service du projet poursuivi par le réalisateur, capter le rythme de la vie et s'ouvrir à la conscience de chaque moment. On est ébloui (mais aussi effrayé) par la radicalité du cinéaste qui refuse toute concession à la narration traditionnelle.  Cet aspect jusqu'au boutiste confère au film un statut d'expérience sensorielle et esthétique qui ne s'appelle plus vraiment du cinéma. Il provoque un état de flottement, presque de léthargie, voire d'ennui pour les moins réceptifs, et s'avère pour le cinéphile un peu las un véritable bain de jouvence.

Berlin 2011 : la sélection officielle

Posté par MpM, le 18 janvier 2011

Berlin 11La sélection officielle de cette 61e Berlinale est désormais complète, à l'exception du film de clôture. Fidèle à ses habitudes, le grand festival allemand a choisi de privilégier son rôle de découvreur de talent en sélectionnant pas moins de six premiers films (dont 4 en compétition) , et peu d'auteurs "majeurs". Hormis les frères Coen qui ouvrent le festival (hors compétition),  ce sont donc surtout des réalisateurs ayant fait leurs preuves en festivals mais peu connus du grand public qui ont cette année les honneurs de la course à l'Ours d'or.

On retrouve ainsi Bela Tarr, le plus intrigant des cinéastes hongrois, sélectionné à Cannes à plusieurs reprises ; Joshua Marston, dont on avait remarqué Maria Full of grace (Ours d'argent de la meilleure actrice en 2004 et Prix-Alfred Bauer) ; Asghar Farhadi qui avait remporté l'Ours d'argent du meilleur réalisateur en 2009 avec A propos d'Elly ; Wolfgang Murnberger à qui l'on doit Bienvenue à Cadavres-les-bains ; Rodrigo Moreno, Prix-Alfred Bauer avec Le garde du corps en 2006 ou encore Miranda July qui avait fait sensation à Cannes en 2005 avec Moi, toi et tout les autres (Caméra d'or et Prix de la Semaine de la Critique).

La France est superbement représentée avec le nouveau film d'animation en 3D (ce qui monte à trois le nombre de films en relief dans le programme officiel) de Michel Ocelot, Les contes de la nuit, et bénéficie d'une deuxième sélection, hors compétition celle-là, avec Les femmes du 6ème étage de Philippe le Guay.

A noter également les débuts de Ralf Fiennes derrière la caméra avec Coriolanus, la première mondiale du très attendu Pina de Wim Wenders (hors compétition) et une séance spéciale consacrée à Jafar Panahi (Offside, ours d'argent en 2006) qui s'inscrit dans une action plus large du Festival en faveur du cinéaste emprisonné.

Ouverture

True Grit
des frères Coen (USA)

En compétition

Our Grand Despair
de Seyfi Teoman (Turquie)

Coriolanus
de Ralph Fiennes (Grande Bretagne) true Grit

Lipstikka
de Jonathan Sagall (Israël)

If not us, who ?
d'Andres Veiel (Allemagne)

Yelling To The Sky
de Victoria Mahoney (USA)

The Future
de Miranda July (USA)

The Turin Horse
de Béla Tarr (Hongrie)

The Prize
de Paula Markovitch (Mexique)

Nader And Simin, A Separation
d'Asghar Farhadi (Iran)

Les contes de la nuit
de Michel Ocelot (France)

Margin Call
de JC Chandor ( USA)

Come Rain Come Shine
de Lee Yoon-ki (Corée du Sud) Pina

Sleeping Sickness
d'Ulrich Köhler (Allemagne)

The Forgiveness Of Blood
de Joshua Marston (USA)

A Mysterious World
de Rodrigo Moreno (Argentine)

Innocent Saturday
d'Alexander Mindadze (Russie)

Hors compétition
Pina
de Wim Wenders (Allemagne)

Almanya - Willkommen in Deutschland
de Yasemin Samdereli (Allemagne)

Les femmes du 6ème étage
de Philippe Le Guay (France)

My Best Enemy
de Wolfgang Murnberger (Autriche)

Unknown
de Jaume Collet-Serra (Allemagne)

Séances spéciales

Cave Of Forgotten Dreams
de Werner Herzog (USA)

Hors jeu
de Jafar Panahi (Iran)