19 ans après son prix d'interprétation à Venise, Catherine Deneuve, présidente du jury de la Mostra en 2006, est revenue sur le Lido pour recevoir un hommage de la marque Jaeger-LeCoultre, qui décerne également à Venise chaque année le prix « Glory to the Filmmaker » (cette année destiné au cinéaste britannique Stephen Frears).
Ce prix sert à "célébrer les talents et les performances iconiques qui façonnent et enrichissent l’univers du cinéma." Agnès Varda, récipiendaire en 2007, est la seule française à l'avoir reçu.
Pour cette soirée de gala annuelle, qui a eu lieu le 5 septembre, l’actrice Diane Kruger a été choisie comme remettante. Les deux comédiennes partagent l'affiche du prochain film de Thierry Klifa, Tout nous sépare (8 novembre).
"Peu d’actrices ont su mener une carrière aussi riche et variée que Catherine Deneuve. Dès ses débuts, dans les années 60, elle tourne avec les plus grands noms du cinéma : Luis Buñuel, François Truffaut, Jacques Demy, Raul Ruiz... Depuis toujours, elle ne cesse de relever des défis cinématographiques et à étendre les possibles de son art en mettant son talent au service de réalisateurs à l’univers particulier et fort de créativité. Célébrer Catherine Deneuve, c’est rendre hommage à un talent iconique du cinéma, qui a toujours su se réinventer à travers des rôles uniques" explique le joaillier.
La nouvelle est tombée il y a quelques heures : Colin Trevorrow ne réalisera finalement pas l’Épisode IX de Star Wars. Le communiqué officiel explique ainsi : "Lucasfilm et Colin Trevorrow ont mutuellement choisi de se séparer pour Star Wars: Episode IX. Colin a été un merveilleux collaborateur tout au long du processus de développement, mais nous sommes tous arrivés à la conclusion que nos visions pour le projet diffèrent. Nous souhaitons à Colin le meilleur et partagerons bientôt plus d'informations sur le film."
Devenu le roi du box-office après le carton de Jurassic World (1,6 milliards de recettes mondiales), Colin Trevorrow s'est malheureusement crashé cet été avec The Book of Henry qui n'a rapporté 4,2 millions de dollars aux États-Unis. Le nom de Rian Johnson est néanmoins déjà évoqué pour le remplacer. Et si la nouvelle de cette séparation n'est pas pour rassurer les fans de Star Wars, elle ne les étonne pas non plus. Pour rappel, en juin dernier, Lucasfilm s'est séparée de Phil Lord et Christopher Miller, les deux hommes qui devaient réaliser le standalone consacré à Han Solo. Avant cela, Tony Gilroy avait été engagé en urgence pour retourner certaines scènes du Rogue One de Gareth Edwards.
Malgré le carton de Rogue One et ses critiques dithyrambiques, ces changements de réalisateurs et ces désaccords artistiques ne présagent rien de bon pour les films à venir. Pour rappel, l’Épisode IX est toujours calé au 22 mai 2019 tandis que le spin-off sur Han Solo doit sortir le 23 mai 2018. Enfin, notez que Les Derniers Jedi, l'épisode VIII de Star Wars sera en salles le 13 décembre 2017 et qu'un standalone sur Obi-Wan Kenobi est en préparation.
Certains films sont attendus parce qu’on se doute qu’ils vont être bien, d’autres sont attendus parce qu’on doute de ce que ça va être. Mother! dont la première mondiale a eu lieu à Venise, est de cette deuxième catégorie. Pour l’occasion Darren Aronofsky, accompagné de ses acteurs, Jennifer Lawrence, Javier Bardem et Michelle Pfeiffer, avait fait le déplacement en Italie. Rappelons qu'Aronofsky a reçu sa plus prestigieuse récompense sur le Lido avec un Lion d'or en 2008 pour The Wrestler.
"Fraichement" reçu - dans le tableau des étoiles de la presse, Mother! est l'un des films le moins aimé -, cette œuvre étrange est bien faite mais le rebondissement vers la fin du récit rend le film plutôt vain. Tout ça pour ça? Chacun sera libre d'interpréter cet épilogue énigmatique.
Darren Aronofsky : "Pour certains de mes autres films comme par exemple Black Swan ou Noé le développement du projet a duré pendant de longues années. J’ai eu une idée que j’ai commencé à visualiser et à entendre, et j’ai écrit l’histoire de Mother! en cinq jours environ. J’ai proposé le rôle principal à Jennifer Lawrence, elle a voulu le jouer, la production s’est faite assez vite. Faire un film c’est pour moi avant tout une histoire que je considère pouvoir filmer d’un point de vue personnel et unique. Il ne faut surtout pas faire un film pour viser un large public, c’est une erreur. Mother! c’est comme un roller-coaster, venez si vous êtes prêt à faire plusieurs tours…"
On n’en dira pas plus maintenant, sauf trois indices pour vous mettre sur la voie de Mother! et de son mystère à découvrir en salles dès la semaine prochaine :
- la bande-annonce peut faire penser à une histoire comme celle de Rosemary's baby de Roman Polanski… Darren Aronofsky aime beaucoup les films de Polanski, comme Repulsion qu’il serait possible de rapprocher de Black Swan. Ici non, ça n’a rien à voir : Mother! raconte une toute autre histoire…
- la bande-annonce indique "du réalisateur de Requiem for a dream et de Black Swan…" Peut-être qu’il s’agit de ses films les plus connus, en plus d'être liés par un trouble de l’identité. Pour être en phase avec le contenu de Mother! ça aurait été beaucoup plus pertinent d’indiquer le titre de deux autres de ses films… En voyant Mother! on pense davantage à Noé et La Fontaine: à cause de la religion, dont le film semble une allégorie...
-Il y a plusieurs affiches du films en circulation, qui sont très différentes… Les affiches sont graphiquement assez réussies, tout en mettant en avant le personnage de Jennifer Lawrence, ou Javier Bardem. Cependant l’une des affiches est particulièrement symbolique du contenu de Mother!... Cette illustration est un gros indice sur le twist final.
Le cinéaste sud-coréen lee Chang-dong va enfin pouvoir réaliser l'adaptation d'une nouvelle d'Haruki Murakami. Les granges brûlées, nouvelle publiée par l'écrivain japonais en 1983, et traduite en France dans le recueil L'éléphant s'évapore, raconte l'histoire d'un homme pyromane, qui, avec sa femme, rencontre un auteur au cours d'une soirée. Burning, titre du thriller, sera tourné à partir de la fin du mois, selon Variety. Il pourrait être prêt pour Cannes 2018.
Le film, qui devait être tourné l'automne dernier, a subit un retard à cause d'un conflit opposant Murakami et le producteur-diffuseur NHK, qui possède la plupart des droits de ses ouvrages. Finalement produit par la Corée, Burning sera le premier film du réalisateur, et ancien ministre de la culture de son pays, depuis Poetry en 2010.
Au générique, seul Yo Ah-in, star locale du petit écran, est confirmé. L'acteur Kang Dong-won (Secret Reunion) est pressenti pour l'autre rôle principale masculin tandis que le contrat avec l'actrice, toujours selon Variety, n'est pas encore finalisé.
Ce sera la dixième adaptation sur grand écran d'une œuvre littéraire de Murakami. La dernière en date était celle de La Ballade de l'impossible par Tran Ah Hung en 2010.
C'est aussi en 2010 que Lee Chang-dong avait réalisé son dernier film, Poetry, prix du meilleur scénario à Cannes et du meilleur réalisateur et scénario aux Asian Film Awards. Le cinéaste a aussi été trois fois primé à Venise en 2002 avec Oasis et autant de fois récompensé à Karlovy Vary en 1999 avec Peppermint Candy. Il était également en compétition à Cannes avec Secret Sunshine en 2007 (prix du meilleur réalisateur aux Asian Film Awards). L'an dernier, il a produit le drame familial U-ri-deul (The World of Us), sélectionné à Berlin.
Qui n’a jamais vu le clip de Thriller où Michael Jackson se transforme en loup-garou pendant que des zombies sortent de terre ? Il est considéré que la première superproduction de clip musical ayant bénéficié d’un budget et de conditions de tournage dignes d'un film de cinéma. Il y avait une raison à cela : dès l’origine Thriller a été conçu pour être un court-métrage diffusé en salle de cinéma. Son réalisateur John Landis propose de revivre une projection comme en 1983 : le making-of du clip (45 minutes) et donc une nouvelle version (avec sa durée de 14 minutes) du clip en 3D !
C’est Michael Jackson lui-même qui a souhaité que Thriller soit réalisé par John Landis, parce qu’il voulait se métamorphoser en créature tout comme dans le film Le Loup-garou de Londres de John Landis. C’est son deuxième très gros succès au cinéma juste après The Blues Brothers (que Jackson n’avait pas vu, pas plus que ses films précédents).
John Landis explique comment cette nouvelle version Thriller 3D est une belle manière de se souvenir du meilleur de Michael Jackson : "Je suis toujours fier du clip Thriller, je n’aime pas trop le voir comme il est sur Youtube, et comme j’avais accès aux négatifs c’était le moment de le montrer comme moi et Michael Jackson on voulait qu’il soit vu. C’est à dire dans une salle de cinéma, et dans sa meilleure version longue. On a fait une restauration des images en 4K, une conversion en 3D, et aussi un remix audio en Dolby Atmos. Michael Jackson avait 24 ans à l’époque, c’était déjà un pro de la musique avec plein d’années d’expériences depuis qu'il était gamin, il travaillait dur. Le Michael que j’ai rencontré était en fait plus comme un enfant de 18 ans qui s’amusait, mais il voulait le meilleur. L’idée de départ quand il m’a téléphoné c’était qu’il voulait être métamorphosé en monstre, comme dans mon film qu’il adorait. Quand je l’ai rencontré à Los Angeles j’ai vu qu’il était très fan de mon film Le Loup-garou de Londres, il m’a m’a posé plein de questions. Lui voulait faire un clip extraordinaire, il était d’ailleurs plus intéressé par ce projet que sa maison de disque. A l’époque il avait deux clips pour Billie Jean et Beat it, mais la télévision n’en voulait pas parce qu’il était noir. Au début le clip de Thriller a donc été projeté dans quelques cinémas, comme prévu. Le disque est sorti et ça marchait bien, et la maison de disque a vite compris que c’était mieux de le pousser à la télévision pour augmenter les ventes. Thriller est donc passé à la télé, et l’impact a été énorme, les ventes du disque ont monté en flèche. Michael Jackson a commencé à devenir la personne la plus célèbre du monde. Plus tard j’ai réalisé un autre de ses clips, Black or White, comme si je travaillais 'pour lui' plutôt que 'avec lui' comme c'était le cas pour Thriller. Durant la production de Thriller on est vraiment devenu ami. Revoir le making-of aujourd’hui c’est le revoir lui à son sommet, on y voit surtout Michael Jackson heureux et joyeux."
Le making-of montre qu'il s'agissait bien d'un tournage de cinéma : répétition des pas de danse avec un chorégraphe, préparation de moulage de la tête et autres prothèses pour la transformation, maquillage des figurants, le tournage dans une rue bloquée avec des fans venu l'apercevoir, le tournage en studio... On y voit un Michael Jackson en effet juvénile et rieur, à chaque étape il suit les directives de John Landis. D'ailleurs, on y voit aussi leur amitié avec Landis qui lui fait des blagues, le porter sur ses épaules ou même lui faire des chatouilles sous les pieds. De quoi avoir envie d'ailleurs de remuer les pieds avec la musique de Michael Jackson. A Venise, ce Thriller 3D a fait battre des mains avec beaucoup d'applaudissements nostalgiques.
Paradoxalement, Thriller n'a pas été numéro 1 aux Etats-Unis (son meilleur classement est la 4e place) ou au Royaume-Uni (10e), alors qu'il a été leader des ventes en France, avec un disque de platine. Mais il faut dire que le titre était le 7e single issu de l'album, sorti 18 mois plus tôt. L'album s'est vendu à 32 millions d'exemplaires aux USA et avec un total de 66 millions d'albums dans le monde, il reste le disque le plus vendu de l'histoire.
La justice russe a rejeté aujourd'hui l'appel du réalisateur et metteur en scène russe Kirill Serebrennikov. Cette décision confirme l'assignation à résidence décidée le 23 août. Elle doit durer jusqu'au 19 octobre dans le cadre de son inculpation dans une affaire de détournement présumé de fonds publics. Cette assignation à résidence peut aussi être prolongée tant que le procès n'a pas eu lieu.
Le tribunal a "généreusement" autorisé Kirill Serebrennikov à sortir de chez lui pour deux heures de promenade quotidienne dans son quartier, selon l'agence de presse Interfax reprise par l'AFP. Par ailleurs, il n'a pas été autorisé à se rendre sur son lieu de travail
Directeur artistique du théâtre contemporain moscovite Centre Gogol, Serebrennikov, 47 ans, a signé plusieurs films comme Raguine, Jouer les victimes, Un jour sans fin à Youriev (trois fois primé à Locarno), Izmena (L'adultère, en compétition à Venise) et Le disciple, sélectionné à Un certain regard à Cannes en 2016. Le film avait reçu le Prix François Chalais et plusieurs prix dans différentes cérémonies en Russie. Il avait aussi présenté "Les Idiots" au Festival d'Avignon en 2015.
Après trois mois d'enquête, le metteur en scène avait été interpellé dans la nuit du 21 au 22 août alors qu'il se trouvait en plein tournage d'un film à Saint-Pétersbourg et qu'il devait monter prochainement un opéra à Stuttgart, en Allemagne. Selon les enquêteurs, le réalisateur est soupçonné d'avoir, par un système de devis et factures gonflés, détourné 68 millions de roubles (un peu plus d'un million d'euros au taux actuel) entre 2011 et 2014 sur des subventions publiques de 214 millions de roubles (3 millions d'euros) accordées au projet "Plateforme" réalisé par son précédent théâtre, le Studio-7.
"Ces accusations sont impossibles et absurdes", avait estimé le 23 août le metteur en scène devant le tribunal.
Un artiste qui ne plaît pas au Kremlin
On sait surtout que Kirill Serebrennikov a plusieurs fois critiqué les pressions croissantes exercées par le régime russe sur la création artistique sous prétexte de promotion des valeurs conservatrices. Ses œuvres étaient également critiquées par les militants orthodoxes ou les autorités.
L'affaire s'étant propagée à l'extérieur des frontières du pays, le pore-parole du Kremlin s'est senti obligé de défendre une contre-attaque: ce n'est pas de la "censure" mais une affaire "purement financière", a déclaré mercredi le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov.
En juillet, le célèbre théâtre moscovite du Bolchoï a annulé quelques jours avant la première un ballet mis en scène par Serebrennikov consacré à Rudolf Noureev, danseur soviétique réfugié en France en 1961 et mort du sida en 1993, assurant que le spectacle n'était pas prêt. Pourtant les répétitions générales avaient bien eu lieu, avec succès, début juillet. L’agence d’information TASS a ensuite annoncé que la décision avait été prise par le ministre de la Culture Vladimir Medinski en personne, qui aurait estimé que le spectacle faisait “la propagande des relations sexuelles non traditionnelles” (rappelons que Noureev comme Serebrennikov sont homosexuels). Mais le ministre s'est empressé de démentir l’information et a juste qualifié de "mauvais" ce ballet. Sans l'avoir vu.
Leurs deux noms réunis ensemble convoquent tout un pan de l’histoire du cinéma américain: Robert Redford et Jane Fonda ont reçu chacun un Lion d’or d’honneur pour leur carrière à cette 74e Mostra de Venise. Ils sont venus à Venise présenter leur 4ème film tourné ensemble : Nos âmes la nuit (Our Souls at Night) de Ritesh Batra.
Redford avec ses 81 ans est acteur depuis les années 60, magnifié par Robert Mulligan, Sidney J. Furie, Peter Yates, Alan J. Pakula, Richard Attenborough, Barry Levinson, Ivan Reitman, Adrian Lyne, Tony Scott, Lasse Hallström, J. C. Chandor…
Jane Fonda et ses 79 printemps est aussi sur les écrans depuis les années 60 sublimée par George Cukor, René Clément, Roger Vadim, Otto Preminger, Alan J. Pakula, Joseph Losey, Jean-Luc Godard, Hal Ashby, Delphine Seyrig, Norman Jewison, Sidney Lumet, Garry Marshall, Lee Daniels, Paolo Sorrentino…
Ils avaient déjà formé un couple de cinéma trois fois, dans La Poursuite impitoyable d’Arthur Penn 1966, Pieds nus dans le parc de Gene Saks en 1967, et Le Cavalier électrique de Sydney Pollack en 1979.
Jane Fonda, qui a d’ailleurs vécu et tourné en France, représente aussi une certaine contestation politique aux Etats-Unis en manifestant contre la guerre du Vietnam, pour les droits civiques des noirs, contre la guerre en Irak. De même Redford est connu pour avoir été un écologiste précoce et avoir créé Festival de Sundance pour valoriser le cinéma indépendant. Cette récompense d'un Lion d'or d'honneur peut également être vue comme un symbole anti-Trump... Mais ne cherchons pas du sens à tout. Redford et Fonda, ce sont avant tout deux monstres sacrés, multiprimés et oscarisés, en tête d'affiche de gros succès et de films devenus des classiques.
Ainsi Redford était dans Captain America: The Winter Solder, Proposition indécente, Out of Africa, L'arnaque, Butch Cassidy et le Kid, Les hommes du Président, L'homme qui murmurait à l'oreille des chevaux. Jane Fonda a aligné des hits comme Le retour, Le syndrome chinois, Comment se débarrasser de son patron, La maison du lac, Sa mère ou moi!, Le Majordome...
C’est Robert Redford qui a initié la production de Our Souls at Night, à la fois pour reformer avec Jane Fonda un couple à l’écran (environ 38 ans après leur dernière collaboration), mais aussi pour proposer un film destiné aux seniors car il considère que c’est un public désormais presque oublié par les studios (avec la submersion de films destinés qu'aux jeunes).
Le scénario est très classique, c'est en fait l'adaptation d'un roman de Kent Haruf, pour un film dans la lignée de Ainsi va la vie de Rob Reiner (Michael Douglas et Diane Keaton). Redford et Fonda sont tout deux voisins, veufs et seuls. Elle lui propose de venir dormir chez elle juste pour parler avant la nuit, et progressivement ils vont se découvrir des sentiments envers l’autre. Le début est amusant puisqu’il évoque avec légèreté un regain de désir amoureux à leur âge et la crainte du qu'en-dira-t-on. Ensuite il s’agit de partager ses fêlures intimes (adultère, décès, enfants trop loin…) jusqu’à essayer de recomposer un semblant de famille en gardant quelques temps un petit-fils (c'est d'ailleurs Matthias Schoenaerts qui joue le fils de Jane Fonda). Le film joue avec les personnalités des acteurs: comme dans la vie Jane Fonda est une femme volontaire qui ne craint pas de s'affirmer face aux autres et Robert Redford a une penderie de chemise à carreau tout en regrettant la bonne époque du passé...
D'ailleurs à ce propos le film ne sortira pas au cinéma : il sera diffusé sur Netflix. Vieux mais modernes.
Quel est le point commun entre George Clooney et les frères Joel & Ethan Coen ? Certes ils ont tourné quatre films ensemble. Mais ils ont aussi un même sens de l’humour sarcastique pour des (anti)héros pris dans une spirale criminelle, et surtout: ils sont amis et ils ont les même amis… C’est ainsi qu’est né le générique de Suburbicon, en compétition au 74e festival de Venise: au scénario, les frères Coen et George Clooney (et son co-scénariste Grant Heslov), et à l’écran Matt Damon, Julianne Moore, Oscar Isaac (qui ont d’ailleurs tous été dirigés par les Coen), mais aussi Alexandre Desplat pour la musique. Soit une dream team prête à tout pour le 6ème film de George Clooney derrière la caméra. Et c’est jouissif!
Suburbicon est le nom d’une ville idéale des Etats-Unis vers la fin des années 50. C’est même l’incarnation idyllique du rêve américain de cette époque, quand on découvrait le consumérisme, l'électro-ménager et la télévision. Le facteur et bientôt tout le voisinage vont se rendre compte d’un événement déplaisant pour eux : dans une maison vient d’arriver une nouvelle famille pas comme les autres, avec la peau noire. Tout le monde y va de son commentaire négatif et raciste… La maison juste à côté est celle de Matt Damon avec sa femme Julianne Moore (blonde), leur fils et la sœur de son épouse, toujours incarnée par Julianne Moore (mais rousse). Chez eux tout va basculer le temps d’une nuit : deux malfaiteurs se sont introduits chez eux, ils ont été immobilisés et brutalisés, et malheureusement la femme est décédée. Après l’épreuve des funérailles Matt Damon et sa belle-sœur Julianne Moore (la rousse si vous suivez) sont convoqués par la police pour une séance d’identification de suspects arrêtés : ils ne reconnaissent aucun de leurs agresseurs. On ne procède par conséquent à aucune arrestation. Mais leur fils est persuadé que les coupables étaient bien là, devant eux…
Ce début pétaradant va être le point de départ pour une implosion de la famille: mensonges et manipulations vont s’ensuivre à un rythme effréné. Les apparences ne sont pas seulement trompeuses, elles vont être mortelles. On y reconnaît bien l’humour noir particulier des frères Coen, en particulier le ton de leurs films Fargo et Burn After Reading. Alors qu’une machination dérape de pire en pire, pour la maison voisine, celle de la famille noire, les évènements empirent aussi : un mur est construit autour comme clôture, des dizaines de gens viennent les importuner en faisant du vacarme, puis une centaine de ‘citoyens’ fanatiques l'encercle…
Le contexte de la ségrégation raciale a particulièrement retenu l’attention puisque la présentation du film arrive quelques semaines après la dramatique actualité de Charlottesville, où le KKK, les néo-nazis, les suprémacistes blancs et autres groupuscules d'extrême-droite se sont confrontés à des antiracistes, notamment issus du mouvement Black Lives Matter, causant la mort d'une entre eux (Heather Heyer) et en blessant 19 autres.
George Clooney a dû évidemment apporter à Venise un commentaire politique : "Le slogan de Trump ‘Make America Great Again’ est tourné vers l’Amérique de Eisenhower, il s’adresse uniquement à un homme, blanc, hétérosexuel. Il a fallu environ deux ans pour mettre en route la production de ce film et le terminer, on ne se doutait pas que Suburbicon allait être autant en phase avec l’actualité. Oui, c’est un film de colère. Il y a beaucoup d’américains en colère aujourd’hui contre la façon dont le pays est dirigé."
Avec The Shape of Water, Guillermo del Toro a retrouvé son génie de conteur d'histoire, qui semblait perdu depuis Le Labyrinthe de Pan, en mélangeant une fois de plus monstre de légende, innocence de l’enfance et cruauté de la guerre. C’était il y a déjà dix ans, depuis les films qui ont suivis, - Hellboy 2, Pacific Rim, Crimson Peak - ont manqué de cette recette magique qui nous plaisait tant. The Shape of Water, en compétition à Venise, renoue avec cette forme de conte merveilleux. On y retrouve une créature légendaire, la bonté de petites gens et la sauvagerie des puissants, avec en prime une romance.
Le film (qui sort en France le 17 janvier 2018) débute avec une longue séquence d’exposition pour nous présenter son héroïne (jouée par la fabuleuse Sally Hawkins) depuis son réveil jusqu’à son lieux de travail : elle vit toute seule, son appartement est au dessus d’une salle de cinéma, elle regarde des comédies musicales à la télévision, et elle est femme de ménage dans un centre de recherche scientifique. On va découvrir qu’elle est muette (une handicapée donc), qu’elle n’a pour seuls amis que son voisin âgé et tout aussi solitaire (Richard Jenkins) - il dessine des affiches dont on ne veut plus (un vieux donc) - et sa collègue (Octavia Spencer) femme de ménage comme elle (noire donc). Soit trois personnes qui sont victimes d’un manque de considération autour d’eux. Le film se déroule en fait aux Etats-Unis de 1962 : il faut être conquérant et avoir comme voiture une Cadillac. C’est l’époque de la ségrégation raciale mais aussi d'une homophobie culturelle (un gérant de restaurant le fera bien remarquer), et surtout c’est la guerre froide entre les américains et les communistes russes…
Guillermo del Toro accroche son récit dans un contexte historique (tout comme Le Labyrinthe de Pan ou L'Échine du Diable qui évoquaient la guerre d’Espagne), un ancrage bien réel pour donner une plus grande force de véracité à son histoire de monstre.
Cette histoire se déroule un jour où notre héroïne doit nettoyer un labo avec des traces de sang au sol et même deux doigts arrachés… Les militaires ont capturé un monstre qui est gardé ici dans le plus grand secret : il s’agit d’une grande créature amphibienne qui vit dans l’eau, avec une tête de reptile et des membres palmés (en fait très proche de L'Etrange créature du lac noir de Jack Arnold). Avec autant de curiosité que de naïveté, elle va proposer à la créature un œuf dur de son déjeuner, puis d’autres avec les gestes de son langage de muette. Elle lui fera même écouter des disques de jazz avec un électrophone... Elle est la seule à considérer la créature comme un être différent, et non pas comme un monstre à étudier comme les militaires. Parmi eux il y a le redoutable Michael Shannon qui après avoir torturé (une pratique de l’armée américaine controversée encore aujourd’hui…) le monstre à plusieurs reprises doit obéir à un général : l’ordre est donner de la tuer pour la faire disparaître. Cependant dans l’ombre œuvre un espion russe dont le réseau est intéressé par les capacités inconnues de la créature (on cherche comment envoyer un homme dans la Lune) et qui voudrait l’étudier de manière plus approfondie : cette femme de ménage muette arrive à communiquer avec le monstre ? La créature devient un enjeu de rivalité entre militaires américains et espions russes, mais en secret, elle devient surtout un séduisant ami pour la femme de ménage… Tandis que le monstre s’humanise progressivement au contact de la bonté de la femme, les hommes autour vont devenir des monstres ennemis prêt à tout.
On pourra bien faire quelques reproches à Guillermo del Toro, en premier celui étonnant d’être ici trop francophile avec un début au look un peu trop Amélie Poulain ou une scène de danse avec claquettes en noir et blanc beaucoup trop The Artist (le seul moment en trop qui aurait dû être coupé), mais bien peu en rapport avec ses nouvelles accentuations : il y a ici un peu de pastiche de film noir, un peu d’érotisme, et même un peu d’humour. The Shape of Water se révèle être une fable de monstre en surface qui révèle en fait la monstruosité de l'Homme en profondeur. C'est surtout un plaidoyer pour la différence, pour ceux qui ne sont pas comme les autres. Les Freaks tiennent ici leur revanche.
Pour sa première journée, la 74e Mostra de Venise présente deux films qui interrogent la religion : en compétition First Reformed de Paul Schrader ou avoir vraiment la Foi en Dieu devient incompatible avec la folie des hommes ; et hors-compétition The Devil and Father Amorth de William Friedkin où nos croyances sont défiées, qu'on soit d'un côté ou de l'autre... Dans les deux films la religion est soit un boulier soit une béquille face aux faiblesses de l'Homme, mais il s'agit surtout des deux dernières oeuvres de cinéastes cultes...
First Reformed, de Paul Schrader : Ethan Hawke est un homme d’église qui décide d’écrire un journal intime pendant un an. Il voudra détruire cette forme très personnelle de prière, peut-être parce qu’il sait que sa santé n’est plus bonne. Un jour à l’église Amanda Seyfried, enceinte, lui demande de passer à la maison pour parler avec son mari : un activiste écologiste très pessimiste à propos de l’avenir et des conséquences des changements climatiques, au point de ne pas vraiment souhaiter qu’un enfant naisse pour grandir sans espoir… Le révérend essaie de le réconforter "le courage est la solution au désespoir, la raison n’apporte pas de solution". Le film est composé jusque là uniquement de plans fixes avec deux personnages qui dialoguent ou avec seulement une voix-off. On se demande où tout cela va conduire mais il faut attendre la suite... First Reformed est le dernier film écrit et réalisé par Paul Schrader, célèbre comme scénariste (Raging Bull, La dernière tentation du Christ, À tombeau ouvert, et surtout Taxi driver) et en tant que réalisateur de films poisseux comme Hardcore où l’année dernière Dog eat dog (à Cannes). On s'attend à ce que First Reformed, surtout centré sur la religion dans sa première partie, glisse vers une forme de violence, et c’est ce qui va suivre. Plusieurs éléments vont conduire le révérend de l’église vers une réflexion extrême, la forme du film même évolue avec des plans en mouvements (dont une séquence mystique) et peu à peu c’est un plan mortel qui se met en place… Si les voies de Dieu sont impénétrables, le révérend va vouloir provoquer un choc parmi sa communauté. Pour Paul Schrader : "Une éducation catholique sous-entend que l'on peut être lavé de ses pêchés dans le sang : c'est intéressant ce concept pour un film. L'humanité est certainement un problème pour la planète, peut-être en particulier ma génération." Même si le festival de Venise ne fait que commencer, Ethan Hawke est déjà parmi les favoris à un prix d'interprétation.
The Devil and Father Amorth, de William Friedkin : William Friedkin réalise là un documentaire sur la pratique de l’exorcisme, une quarantaine d’années après son grand succès L'Exorciste qui était l’adaptation d’un roman inspiré d’un possible cas en 1949... Lui-même n’avait jamais assisté à ce rituel, et comme il paraît qu’environ 500000 personnes y ont recours chaque année en Italie, William Friedkin y est allé : pour filmer un exorcisme pratiqué par le prêtre Amorth sur une dame qui a fait appel à lui, pour la neuvième fois ! La femme bien que maintenue par des proches s’agite vivement avec un ‘jamais’ d’une voix gutturale quand le prêtre avec sa prière demande à Satan de quitter ce corps... La séquence est longue, trop longue et pénible, et on se demande si Friedkin a l’intention de convertir ses spectateurs avant que sa démarche ne trouve son intérêt dans la seconde moitié de son documentaire : il montre les images filmées de cet exorcisme à différents médecins (neurologue, psychiatre) pour leur demander leur avis : si une tumeur pourrait expliquer un état de délirium, si une éducation religieuse incite à croire qu’on puisse être victime d’une possession démoniaque… William Friedkin a directement interrogé la salle : "C'est tellement facile d'être sceptique. Est-ce que quelqu'un ici est certain qu'il n'y a pas de Dieu ?"
Un bien étrange documentaire dont le contenu autant que la durée (68 minutes) en ferait un élément de bonus pour une nouvelle édition vidéo de L'Exorciste...