Edito: la panne américaine

Posté par redaction, le 18 février 2016

Qu'on ne se méprenne pas: le cinéma américain n'est pas mort. Mais on ne peut que constater son sur place depuis quelques années. A force de formatage, il a du mal à se renouveler. S'il n'y avait pas des cinéastes australien, mexicain, sud-coréen ou européen, on observerait un cruel sentiment de déjà vu aussi bien parmi les blockbusters qui répète les recettes de leurs prédécesseurs que parmi le cinéma dit indépendant qui a un aspect de plus en plus convenu. Cette impression de déjà vu permanente est inquiétante. A Berlin, les Coen et Jeff Nichols n'ont pas convaincu, sans doute parce que les deux ressassaient un cinéma "disparu", celui des années 1950 mélangé à du Mel Brooks pour les premiers, celui des années 1970-1980 teinté de Spielberg pour le second. A voir les deux leaders du box office de l'an dernier, Star Wars épisode VII et Jurassic World, on est davantage dans la réhabilitation du film culte (avec une touche de goût du jour), entre nostalgie et volonté de cibler plusieurs générations. Mais ce n'est en rien un gage d'innovation. Sur les 10 films en tête du box office 2015, seulement deux sont des films qui ne sont ni des suites, ni des reboots, ni des remakes, ni des spin-off. Il faut descendre à la 18e place pour trouver un film qui n'est ni d'action, ni une comédie, ni un dessin animé. Le premier film indépendant est 44e!

Certes, les recettes explosent, mais Hollywood paresse. La prise de risque est minimale. Les scénarios sont écrits avec des canevas pré-établis. L'image s'uniformise selon le standard de l'époque, ce qui singularise un The Revenant ou un Mad Max Fury Road. Et à chaque carton, on se dit que les studios vont exploiter le filon. Ainsi l'humour décalé et grivois des Gardiens de la Galaxie et l'humour noir de Deadpool vont sans doute entraîner de nombreux producteurs à mixer l'autodérision à l'action dans les prochaines adaptations de comics, comme la noirceur psychologique du Dark Knight avait poussé les décideurs à tourmenter un peu plus les superhéros qu'ils avaient dans leur catalogue.

Et ce n'est pas les succès moyens de bons films comme Spotlight, Sicario, Black Mass ou Le Pont des espions qui peut changer la donne, bien au contraire. Le divertissement pour adulte semble ne pas résister aux "tentpoles" pour adolescents. Le problème n'est pas une question de recettes ou de palmarès ou même de qualité (après tout Vice-Versa, 356M$, est excellent). Le souci provient surtout d'une lassitude. Difficile de faire le buzz, de faire monter le désir quand tout se ressemble, quand on sait ce que l'on va voir. Il faut déployer des trésors d'imagination marketing et signer de gros chèques pour la publicité afin d'être sûr que la visibilité du film sera optimale à défaut de créer une attente. De Gravity à Deadpool, c'est bien l'originalité du projet qui a conquis différentes strates de cinéphilie. Dès l'origine, c'est le traitement particulier à une banale histoire SF ou une énième adaptation de comics qui a fait la différence. Idem pour le cinéma "dit indépendant" qui ne parvient plus à se démarquer de son image "Sundance/Weinstein", autrement dit "drame social hérité de la nouvelle vague/films en costumes avec stars".

Il y a trente ans, le box office américain avait Platoon, La folle journée de Ferris Bueller, Stand by Me, La couleur de l'argent et Peggy Sue s'est mariée dans son top 20. Il n'y avait que 5 suites et aucun remake dans ce même Top 20. En trente ans, Hollywood a industrialisé son processus de création au point de lui faire perdre un peu de son âme, mais surtout de son génie. Coppola et Lucas l'ont souligné. Mais comme à chaque fois, le cycle va mécaniquement décliner et contraindre les "boss" californiens à se réinventer. Mais on n'en est loin: il est à craindre que, qualitativement, le cinéma américain, toujours le plus puissant du monde, se contente de son savoir-faire. Après tout, il reste le cinéma le plus fédérateur dans le monde. Et il n'a aucun rival à l'horizon. Pas étonnant alors que les Coen ou Jeff Nichols, Eastwood ou Damien Chazelle, Scorsese ou Charlie Kaufman fassent figure de résistants.

Edito: Les histoires vraies finissent mal en général

Posté par redaction, le 4 février 2016

Les biopics et les histoires inspirées de faits réels ont le vent en poupe. Steve Jobs et le clown Chocolat débarquent dans les salles cette semaine. L'an dernier ce fut American Sniper, Marguerite (certes très revisité), The Big Short, Joy, Les chevaliers blancs, Danish Girl, L'Affaire SK1, L'enquête, Spotlight, entre autres. Pour les acteurs, c'est un vecteur à prix: Dallas Buyers Club, Une merveilleuse histoire du temps, Lincoln, Harvey Milk, Le dernier roi d'Ecosse, Truman Capote, Ray, La dame de fer, La Môme, The Queen, côté Oscars, Yves Saint-Laurent, Intouchables, Gainsbourg vie héroïque, L'instinct de mort, Le scaphandre et le papillon, Séraphine côté Césars... Et ce n'est pas terminé: Free Love, Room, Sully, Trumbo, Genius, Racen Free State of Jones, Snowden, Truth, Florence Foster Jenkins, La danseuse, Neruda, parmi d'autres, sont programmés pour cette année. Et on vient de confirmer le casting pour un film sur Dalida. N'en jetez plus. Le cinéma aime les grands destins, les histoires "bigger than life". Peu importe le traitement, classique ou innovant, la biographie ou l'histoire vraie est un matériau qui séduit. Un grand personnage permet de vendre plus facilement un film. Une vie méconnue que l'on ressuscite entraîne la curiosité des médias (et l'intérêt des éditeurs).

On pourrait croire qu'il s'agit d'un manque de créativité. Que nenni. L'actualité ne manque pas de sujets. On a hâte de voir un film sur l'association Promouvoir et son combat d'arrière garde pour censurer des films comme Antichrist, La vie d'Adèle, Ken Park ou Bang Gang. On a hâte d'imaginer Firmine Richard sur une bicyclette jaune incarnant Christiane Taubira. On a hâte de s'émouvoir devant l'histoire de Jacqueline Sauvage, ou Vincent Lambert, et de savoir qui osera un film sur David Bowie. Les possibilités sont infinies. Une chose est certaine, on souhaite bon courage à celui qui voudra retracer la vie de Robert de Niro. Tout y est: le génie qui en fera une référence dans son métier, la gloire qui le conduira aux Oscars, les plus grands cinéastes, et la déchéance dans des films populaires indignes de son talent. Ce serait une belle parabole sur la manière dont Hollywood a évolué entre les années 70 et aujourd'hui, sur la façon dont on pactise avec le diable au nom des dollars du box office et sur les moyens pour un grand acteur de conserver son pouvoir de star. On aurait pu écrire la même chose sur un(e) homme/femme politique (au hasard Clinton). Mais c'est bien de l'industrie du cinéma qu'il s'agit. Les communicants, les agents, les avocats, les manipulations, les trahisons... Gangs de requins. Bobby, qui incarna le boxeur Jake La Motta dans un biopic fabuleux, se perd aujourd'hui dans des comédies du samedi soir, sans la fièvre.

Comme souvent, les histoires vraies finissent mal en général. De Niro, Chocolat, Steve Jobs et autre Dalida ne sont finalement que des tragédies modernes. Pas étonnant que le cinéma aime ça.

Edito: Nos coeurs en hiver

Posté par redaction, le 28 janvier 2016

On est au coeur de l'hiver. Les sorties en salles cette semaine pourront vous réchauffer un peu. Dans un cottage anglais, un ranch américain, sur un bateau en route pour le Pôle Nord, dans des paysages luxuriants thaïlandais, au milieu des maisons en briques rouges de Boston ou dans un paisible quartier de Tokyo. Avec un couple qui aime les Platters, une mère courage, des jeunes intrépides, des journalistes qui ont la foi, ou une vieille femme qui vous cuisinera des gâteaux succulents à base d'haricots rouges confits. Vous avez le choix.

Car si les César se concentrent sur quelques films tant le système semble verrouillé, même si on se félicité de la présence de femmes et de minorités dans les nominations, si les Oscars sont dans la tempête à cause d'un panel trop uniformisé qui exclut les femmes et les minorités, le cinéma continue à offrir le choix aux cinéphiles grâce à sa diversité. Mais qu'on se comprenne bien. Puisque janvier n'est pas terminé, c'est le temps de faire encore de bonnes résolutions, à défaut de vouloir faire la révolution. Pour que cette variété si chère aux spectateurs puisse exister, pour que l'égalité si souhaitée par les professionnels puisse se concrétiser, il va bien falloir changer quelques règles, et surtout les mentalités.

Briser le plafond de verre

Ce ne sont pas quelques breloques dorées qui sont en cause. Un film ou un acteur ne doit pas être jugé en fonction de son sexe, de sa sexualité, de son origine ethnique ou même de ses moyens financiers ou des épreuves physiques qu'a subit son film. C'est en amont que se situe le problème. C'est un problème d'offre et pas de demande. Il est nécessaire de faire émerger des talents et de leur donner la visibilité qu'ils méritent. Femmes ou hommes, blancs ou noirs, peu importe tant que le sexe, ses goûts amoureux ou la couleur de peau n'est pas un obstacle "invisible" et "inconscient" pour un producteur, un studio, un financier. Aux Etats-Unis, il semble impossible pour une réalisatrice de prendre les commandes d'un blockbuster. Evoquer un James Bond noir semble encore tabou. En France, un film comme Made in France, récit ancré dans la réalité de jeunes de banlieue tentés par le djihadisme, dès cette semaine en vidéo à la demande, se voit finalement refuser l'accès aux salles.

A trop "censurer" économiquement ou médiatiquement ces voix différentes, ces tons nouveaux, ces sujets contemporains, le risque est que le 7e art se coupe d'une réalité, ou pire, soit gagné par une forme d'uniformité. Ce qu'on demande au cinéma c'est de la haute couture artisanale et quelques basics casuals mondialisés, pas du prêt à porter made in China.

6 films que l’on a hâte de voir en 2016

Posté par vincy, le 1 janvier 2016

Midnight Special de Jeff Nichols - MPM

"Le film que j’attends le plus en 2016 ? C’est un film dont je n’ai pas encore entendu parler, dont je n’attends rien, et que je reconnaîtrai le cœur battant en le voyant, parce qu’il me bousculera et me donnera la sensation que le cinéma a encore tout à dire et à inventer. S’il faut absolument citer un titre, ça pourrait être Midnight special de Jeff Nichols, parce qu’il a les capacités pour provoquer ce genre d’émotions."

Batman v Superman de Zach Snyder - Wyzman

"S'il y a bien un film que l'on est en droit d'attendre avec impatience, c'est sans conteste Batman v Superman : L'Aube de la Justice. Le film le plus cher de toute l'histoire réunira en effet les deux plus grands héros de bande dessinée qui soient, ou du moins mes préférés. Réalisé par Zack Snyder (le papa de 300 et Watchmen), ce Batman v Superman devrait être son Réveil de la Force… Ou ne sera pas !"

Carol de Todd Haynes - Cynthia

"Le cru 2016 semble alléchant et devant ces mets cinématographiques qui donnent l'eau à la bouche, mon choix s'est porté sur Carol de Todd Haynes. Comment ne pas être impatient face à un film qui met en scène l'iconique Cate Blanchett et l'étoile montante Rooney Mara et sa légèreté qui lui est propre dans des tenues sublimes des années 50. Ajoutons à cela une histoire d'amour qui fait triompher la différence dans un monde cruellement fermé d'esprit et cela donne un cocktail sulfureux que j'ai hâte de dévorer au cinéma en 2016."

The Neon Demon de Nicolas Winding Refn - Kristofy

"Nicolas Winding Refn a su imposer sa marque (NWR) et son style (l'art est un acte de violence). Après Drive, Only God Forgives et Bronson et la reconnaissance de ses pairs dans le circuit des festivals même si l’adhésion du public n’est pas toujours au rendez-vous, on attend vraiment The Neon Demon avec Elle Fanning, Keanu Reeves, Christina Hendricks, Jena Malone : une jeune mannequin qui sera l'objet de désirs d’autres femmes prêtes à tout pour 'prendre' sa beauté et sa vitalité... Comment sera racontée ce genre d'histoire dans le Los Angeles d'aujourd'hui avec le goût de Nicolas Winding Refn pour une sophistication très graphique ? The Neon Demon sera aussi son premier film où des femmes seront les personnages principaux. Grosse attente pour cette année 2016, avec une présence probable au prochain Festival de Cannes..."

Jodorowsky's Dune d'Alejandro Jodorowsky - Geoffroy

"Puisqu'il est si difficile de ne citer qu'un seul film pour nommer le plus attendu de l'année 2016, celui qui m'inspire le plus, en dehors des quelques événements ciné incontournables, est un film qui ne s'est jamais fait. Ce paradoxe, non rédhibitoire, est l'occasion de visionner sous la forme documentaire la préparation de l'adaptation avortée du roman Dune de Frank Herbert par le réalisateur Chilien Alejandro Jodorowsky. Jodorowsky's Dune relate, bien avant le long-métrage culte de David Lynch, l'incroyable projet - fou dira t-on par la suite - aussi pharaonique que don quichottesque d'un artiste au service de son art."

Julieta de Pedro Almodovar - Vincy

"Trois ans que Pedro Almodovar n'a rien sorti. Après une série d'oeuvres majeures (et dramatiques) au début des années 2000, le cinéaste espagnol a moins convaincu avec successivement un film passionnel et tragique, un thriller glaçant et tendu et une comédie loufoque mais un peu ratée. C'est dire si l'attente est grande avec ce Julieta (anciennement Silencio) qui naviguera entre les années 80, qui lui furent si inspirantes, et aujourd'hui. En allant chercher de nouvelles têtes (muses), en retrouvant un récit mélodramatique et une histoire de femmes (ses deux marottes), on espère forcément voir un grand Almodovar sur les écrans, et sans doute sur les marches à Cannes. Le plus surprenant sera sans doute le style qu'il nous promet plus intime, plus sombre, moins drôle. Le rouge ferait place au vert et au brun. C'est tout ce qu'on souhaite d'un maître du cinéma: qu'il nous étonne encore et toujours."

Edito: La guerre n’aura pas lieu

Posté par redaction, le 17 décembre 2015

Il n'y a eu aucun combat. Toutes les nouveautés ont capitulé devant l'Empire. Le 7e épisode de Star Wars a déversé sa propagande (énorme) et plus de 4 spectateurs sur 5 ont rempli les salles hier. C'était attendu. Comment les autres films auraient-ils pu résister tant l'espace médiatique était saturé à longueur de journée?

Le blockbuster des fêtes va donc cartonner. D'autant qu'il n'est pas raté. Mais comment ne pas se désoler face à l'hécatombe de bons et très bons films qui sortaient en face? Nul besoin de trouver des responsables. On peut juste se demander comment un pays aussi cinéphile, qui vante sa diversité culturelle, qui nargue le monde avec son exception culturelle, peut se soumettre aussi facilement à la Force, sans même combattre. Désarmés?

Il faut le craindre: le marché se concentre de plus en plus. Et désormais, un film d'auteur qui dépasse les 500 000 entrées est un triomphe. La part de marché du cinéma français n'est d'ailleurs pas brillante. 5 productions françaises sont dans le Top 20 de l'année, aucune ne sera dans le Top 5. Et finalement, seul Kev Adams est bankable. Voilà le bilan.

Autant dire, qu'on se consolera avec les palmarès qui, eux, continuent à promouvoir des oeuvres plus audacieuses et qui trouvent, parfois, grâce à ces prix, leur public, à l'instar de Fatima, Mustang, Le Grand jeu ou Much Loved. Ils sont toujours en salles.

Edito: Avant l’invasion

Posté par redaction, le 10 décembre 2015

Y aura-t-il de la place pour d'autres films que Star Wars à Noël? On l'espère.

Certes, les chiffres de pré-ventes sont astronomiques.

Certes, le marketing en a fait l'événement de l'année, éclipsant toute tentative de résistance.

Certes, la critique, hormis quelques happy fews ne pourra pas le voir avant sa sortie, mais "who cares" puisque le public est déjà acquis.

Certes, la saga est phénoménale, transgérationnelle, attendue comme le messie. Et même si ce 7e opus déçoit, l'argent coulera à flots.

On espère juste que les spectateurs indifférents défendront d'autres films, d'autres styles. Qu'il n'y aura pas que Star Wars et le Disney en dessous du sapin. On peut espérer. Car, lorsque un bulldozer envahit l'espace médiatique, écrase toute forme d'autres cultures, prend le monopole des esprits, il y a forcément des résistants. Mieux, si les salles sont pleines, les spectateurs se rabattront sur les autres films programmés, et, qui sait, auront une heureuse surprise à voir. La guerre des étoiles a déjà gagné la bataille des chiffres. Mais côté cinéma, d'autres étoiles chercheront à briller.

PS: Puisque Au coeur de l'océan sort sur les écrans, inspiré de l'histoire vraie d'un baleinier, l'Essex, qui fut romancer dans Moby Dick d'Herman Melville. Citons l'auteur et son roman: "Pour si grande que soit la supériorité intellectuelle d'un homme, il ne peut pratiquement et durablement dominer d'autres hommes sans jouer une sorte de comédie toujours un peu vile." C'est d'actualité.

Edito: Prophètes de malheur

Posté par redaction, le 3 décembre 2015

Le bien et le mal. Un espion du camp ennemi, un amour illégal, un tyran qui rejette l'esprit libre, la fin qui justifie de sales moyens, un attentat terroriste, la mort tout simplement, celle qui enrage, ou bien notre capacité à nous auto-détruire... On peut tout voir en noir. Le verre à moitié vide.

Mais on peut aussi voir le verre à moitié plein. Un homme qui contourne le système, un amour absolu et éternel, un poète qui diffuse sa pensée, ode à la liberté, un élève qui dépassera le maître, une initiation à la survie, et donc le goût de la vie, par delà le deuil, et bien sûr des hommes et des femmes qui font tout pour  sauver la planète.

C'est tout ce qui est proposé en salles cette semaine. le cinéma reflète plus que jamais nos angoisses mais délivre également un beau message: il y a toujours de l'espoir. A condition de ne pas fermer les yeux, de ne pas vouloir rester dans le noir, de se fier à l'humain et pas à nos peurs, de se satisfaire d'un moindre bien plutôt que d'être tenté par un moindre mal.

Demain |****<
Kill Your Friends |***
Le Pont des espions |**
Le prophète |**
Marguerite et Julien |***
Mia Madre |**
Taj Mahal |****

Edito: Et maintenant, on va où?

Posté par redaction, le 30 novembre 2015

Bien des émotions se sont succédées en nous depuis la soirée du 13 novembre. Horreur, tristesse, angoisse, colère, accablement. On a écouté, incrédule, les hommes politiques prendre la parole. On a assisté à des démonstrations de force, des déclarations de guerre. On a essayé de suivre la pensée des penseurs, les observations des observateurs, les débats des débatteurs. Chacun semblait avoir un rôle si bien défini dans cet "après" que l'on s'est demandé lequel était le nôtre. On se sentait un peu mal face à ces grands mots, ces attitudes belliqueuses et ces décisions prises "pour le bien collectif".

Alors on a envisagé (si, si, sérieusement) d'aider les Anonymous à tracker les terroristes sur le web. On a bu un verre en terrasse (plusieurs, à vrai dire). On s'est même demandé fugacement, juste après cette fameuse soirée en terrasse, où trouver un drapeau tricolore. Et puis, parce que c'est dans notre nature, parce qu'on se sentait tristement inutile, parce que tout devenait déjà trop compliqué, ou au contraire trop simpliste, on a repris le chemin des salles de cinéma. On s'est assis, et on a regardé les films nous parler de nous, de notre monde, et de notre avenir. On ne peut pas dire que tout s'est éclairé, mais soudain on avait moins peur, on se sentait moins seul. A l'écran, de tout petits enfants apprenaient le vivre ensemble par la magie quotidienne de l'école. Un homme errait dans sa propre vie sans trop savoir quoi en faire. Une femme retrouvait le goût du désir, du plaisir et de l'existence.

Et puis il y avait les films de demain, ceux qui n'étaient pas encore arrivés jusqu'à nos cinémas : des expériences formidables pour sauver la planète, une histoire intime et épurée pour mettre des mots et des images sur un traumatisme qui n'est pas celui du 13 novembre et qui pourtant lui ressemble comme deux gouttes d'eau, une quête cinématographique éblouissante qui serait comme la somme de tous les films jamais tournés... et les autres, tous les autres, tous ceux qu'il reste à inventer, à rêver, à réaliser et à regarder. On s'est dit qu'on avait peut-être trouvé notre place, finalement, dans cet "après" qu'on n'arrivait pas encore à nommer. Rien de glorieux ni d'héroïque, rien d'intelligent ni même d'utile, mais juste un petit rouage dans le grand mouvement en train de se mettre en place : continuer.

Edito: Aimer, boire et sortir

Posté par redaction, le 19 novembre 2015

Les Français sont le peuple européen de la culture par excellence” écrivait Hermann von Keyserling en 1928. Voilà ce qui a été visé vendredi 13 novembre 2015 lors des attaques qui ont touché le Bataclan, où un concert de rock faisait vibrer les spectateurs, les cafés et restaurants des quartiers est de la capitale, où l'on refaisait le monde autour de pintes, de verres de vin ou d'un bon plat, et le Stade de France, où le football fédérait les supporters, sans distinction spécifique. La déflagration a été mondiale. Si à Paris, les cinémas, les salles de spectacle, les musées et les théâtres ont fermé, ailleurs les artistes et les humoristes ont rendu hommage à cette culture française, cet art de vivre si intriguant.

On avait presque oublier ce qui nous réunissait tant on nous survendait ce qui nous divisait. “La culture est un truc qui rassemble les gens, qui abat les différences”. C'est du groupe Public Enemy. C'était exactement ça qui était ciblé. Ce qui nous permet de vivre ensemble par delà nos différences et nos désaccords. Alors, oui, on peut avoir peur. Oui, on peut être en colère. Oui, nous sommes en deuil pour les 129 citoyens qui sont morts à cause d'une folie aveugle et assassine. L'ennemi n'aime pas la culture: il détruit des temples millénaires, rejette toute forme de musique, considère le cinéma comme un art satanique, refuse l'éducation et la lecture comme voies d'émancipation (“La salle de classe est le living room de la culture" faisait dire Quino à son héroïne Mafalda en pleine dictature argentine). A côté, le régime du Président Snow est modéré.

Mais c'est bien notre culture qu'il faut défendre. Par la culture qu'il faut combattre. Les artistes en créant, en nous montrant la complexité du monde ou en nous évadant de la dure réalité de l'époque. Les citoyens en participant, c'est-à-dire en sortant: aller au cinéma, à un concert, au musée, au théâtre... et après s'installer en terrasse, en discuter ou sinon, parler de tout et de rien. Rester superficiels et légers, malgré la profonde tristesse qui nous imprègne après la blessure profonde infligée. Jouer les papillons de nuit, embrasser qui vous voulez. Sortez! La vie est courte et précieuse. C'est banal, mais il faut le rappeler. C'est aussi la meilleure manière de combattre. Notre arme de citoyen. Leur monde n'est pas le nôtre, alors, résiste. Prouve que tu existes. Cherche ton bonheur partout.

Edito: James rebondit en salles

Posté par redaction, le 12 novembre 2015

daniel craig james bond 007 spectreLe 24e James Bond va être un carton au box office. Personne n'en doute. A Paris, pour sa première séance, 22500 spectateurs se sont précipités pour aller voir ses dernières aventures. Daniel Craig, un peu las de son héros (les tournages sont longs et fatigants), est ainsi piégé: il touche une fortune grâce à 007, sa notoriété est liée à l'espion, et finalement, il a la chance d'avoir une franchise qui lui sert presque d'assurance-vie. Craig est plutôt chanceux. Contrairement à ses prédécesseurs, hormis Sean Connery, il est parvenu à trouver de beaux rôles au cinéma et au théâtre.

C'est, malheureusement, tout le problème des "stars" contemporaines. Les Studios hollywoodiens ont de plus en plus de réticences à se lancer dans des "blockbusters" originaux. La franchise est reine. Hélas, rares sont les comédiens qui parviennent à transformer cette popularité lié à un personnage dans une saga: nombreux sont ceux qui en deviennent dépendants. Si Daniel Craig a été à l'affiche de quelques hits, ses quatre plus gros succès restent ses James Bond ; sur ces dix derniers films, Tom Cruise n'a dépassé que quatre fois les 100M$ au B.O., dont trois fois avec Mission:Impossible ; Robert Downey Jr, dès qu'il n'est plus Iron Man ou Sherlock Holmes, fait un bide ; Idem pour Chris Evans qui ne peut compter que sur Captain America ; et la liste est longue... Le test pour Jennifer Lawrence approche: après Hunger Games et X-Men, la star féminine la mieux payée du monde restera-telle bankable?

Hollywood a presque rétablit l'ancien système du contrat: l'acteur/actrice signe pour une série de films, l'empêchant parfois d'aller se fourvoyer dans des choix plus personnels. Pour un comédien en devenir, comme ce fut le cas de Lawrence, c'est un accélérateur de carrière (à condition d'en négocier la sortie pour éviter un crash à la Shia LaBeouf). Pour une vedette avec de la bouteille, cela devient vite un piège, enfermé dans un rôle, incapable de rebondir ailleurs. Heureusement il y a ceux qui résistent à ce système: les Leonardo DiCaprio, Matt Damon, Brad Pitt, Angelina Jolie, Matthew McConaughey, Sandra Bullock, Bradley Cooper... Ils peuvent briller au box office, accepte parfois une suite pour le fun et le cash, regrette souvent le troisième épisode quand on leur impose, mais continue d'enchaîner des scénarios originaux, de chercher de nouveaux rôles, quitte à se planter. Aussi quand Le Loup de Wall Street, Seul sur Mars, World War Z, Maléfique, Interstellar, Gravity ou American Sniper, pour ne citer que les plus récents de leurs films, prennent l'ascendant sur les sagas, ils prouvent qu'une star n'est pas un personnage, mais peut-être la bonne étoile dans un bon film.