Vesoul 2011 : un palmarès accro à l’amour

Posté par kristofy, le 16 février 2011

Le 17ème Festival international des Cinémas d’Asie de Vesoul a une nouvelle fois été un succès : la richesse de la sélection et la convivialité des organisateurs ont réunit cinéphiles curieux et cinéphages fidèles (28 700 spectateurs soit 10% de progression). Tout comme l’année dernière ce sont surtout deux films en particulier qui ont séduit les différents jurys : le chinois Addicted to love de Liu Hao, et plus rarement en lumière en provenance Ouzbékistan le film P.S. de Elkin Tuychiev, ils remportent chacun plusieurs prix.

Pour Addicted to love de Liu Hao (photo), déjà présenté au Festival de San Sebastian, les jurys ont reconnu un film parfaitement abouti, sensible et enthousiasmant, avec des personnages émouvants et un traitement cinématographique original, d’où se dégagent pudeur, tendresse et humour. Le réalisateur est félicité pour la justesse et la délicatesse avec lesquelles il peint ses personnages, et pour sa façon d'aborder avec subtilité la vieillesse et sa place au sein de la famille.

Pour P.S. de Elkin Tuychiev le film aborde les mythes et la folie en une construction cinématographique qui traduit les réalités complexes de la vie contemporaine. Quand différents facteurs comme une dictature du pouvoir, dictature de l'esprit, pression médiatique, pression sociale, pression familiale... conduisent à une privation de libertés alors la seule issue possible devient la folie. En multipliant métaphores et énigmes, le film est une source de questionnement pour le public.

Le Jury International était présidé par le réalisateur coréen Lee Myung-se (Mon amour mon épouse, Sur la trace du serpent, Duelist…), et composé de l’actrice libanaise Darina Al Joundi, du réalisateur iranien Mojtaba Mirtahmasb et de la réalisatrice cambodgienne réalisateur Roshane (L'important c'est de rester vivant).

Cyclo d’or (ex-aequo) :
P.S. de Elkin Tuychiev (Ouzbékistan) et Addicted to love de Liu Hao (Chine)

Grand Prix du jury :
Running among the clouds de Amin Farajpoor (Iran)

Mention spéciale du jury :
Where are you going? de Park Chur-woong (Corée)

Prix du Jury NETPAC (Network for the Promotion of Asian Cinema):
P.S. de Elkin Tuychiev (Ouzbékistan)

Prix Emile Guimet (du Musée National des Arts Asiatiques de Paris) :
Addicted to love de Liu Hao (Chine)

Coup de cœur Emile Guimet (du Musée National des Arts Asiatiques de Paris) :
P.S. de Elkin Tuychiev (Ouzbékistan)

Prix Langues' O (Institut National des Langues et Civilisations Orientales) :
Addicted to love de Liu Hao (Chine)

Coup de cœur Langues' O (Institut National des Langues et Civilisations Orientales) :
Ridding the dreams de Girish Kasaravalli (Inde)

Prix du public long métrage de fiction :
Voyage avec Haru de Masahiro Kobayashi (Japon)

Prix du public film documentaire :
Les égarés de Christine Bouteiller (Cambodge-France)

Prix Jury Jeunes :
Homeless in Japan de K.M. Lo (Singapour)

Prix du Jury Lycéen :
Running among the clouds de Amin Farajpoor (Iran)

Cyclo d’or d’honneur :
Kim Dong-ho, le fondateur et directeur du Festival International du Film de Pusan (Corée du Sud), pour l'ensemble de son action en faveur du cinéma.

Le choix du film de clôture est un symbole du soutien du FICA au réalisateur iranien Jafar Panahi : Le cercle, qui avait remporté le Lion d’Or à Venise en 2000. Jafar Panahi avait été le président du jury à Vesoul en 2004, et un Cyclo d’Or d’honneur lui avait décerné l’année dernière en 2010 quand déjà il ne pouvait plus sorti d’Iran. Durant le festival la situation de Jafar Panahi a été plusieurs fois évoquée (pétition à signer, minute de silence avant une séance), surtout lors de la journée de mobilisation internationale du 11 février. Le cercle racontait des histoires de femmes qui subissent diverses discriminations et violences en Iran, une dizaine d’années plus tard il est interdit pour Jafar Panahi de faire des films.

Le prochain Festival International des Cinémas d'Asie de Vesoul aura lieu du 14 au 21 février 2012.

Quels héros au cinéma en 2011 ?

Posté par vincy, le 16 février 2011

Largo Winch II lance la salve des héros de l'année. Certes il n'est doté d'aucun super pouvoirs hormis celui d'être la quatrième fortune mondiale. Mais ses exploits à la James Bond (arts martiaux, chute libre, courses poursuites en BMW, ...) au service de la veuve et de l'orphelin (et de toute une tribu birmane) en font un héros contemporain, peut-êre plus réaliste (quoique) et en tout cas doté de capacité de survie hors normes.

Le film est calibré pour l'export (il sortira même au USA à la fin du printemps) : le premier épisode avait attiré plus d'un million de spectateurs hors de France, séduisant notamment les publics asiatiques et russes.

S'il est le premier à se jeter à l'eau, c'est aussi pour ne pas avoir à rivaliser avec la dizaine de héros hollywoodiens prêts à nous rabaisser à notre condition de misérable humain.

À temps pour coïncider avec la cérémonie des Oscars, 127 heures, le nouveau film de Danny Boyle, est nommé six fois (dont meilleur film) et sortira en France quelques jours avant la soirée hollywoodienne. Histoire vraie (avec une séquence choc sacrificielle) où James Franco incarne un aventurier escaladant une montagne et dont le bras va être bloqué par un rocher inamovible. Adaptation du livre qui retrace le calvaire de ce grimpeur, 127 heures a déjà couvert son budget de 18 millions de $ au box office nord américain. Un héros sans monde à sauver, sans exploit extraordinaire : juste sa vie en jeu, et un peu de matériel. Et surtout un dilemme psychologique qui vaut tous les périls qui peuvent menacer les "comics".

Le 27 avril, Thor, héros arrogant, tentera de défendre l'humanité. La particularité du film est d'être réalisé par Kenneth Branagh, réalisateur plutôt habitué à Shakespeare et qui s'est un peu planté avec Frankenstein. Dans la droite lignée des Spiderman et Batman, Paramount et Marvel ont décidé de choisir un cinéaste auteur pour donner de la profondeur à cette histoire "viking", qui a coûté la bagatelle de 150 millions de $. Avec Natalie Portman, l'actrice de l'année, déjà en tête d'affiche de deux succès depuis Noël, et Anthony Hopkins, sans oublier le bellâtre de service Chris Hemsworth et quelques second rôles comme Stellan Skarsgard et Rene Russo, le film promet d'être une variation moderne d'Henry V.

Pirates des Caraïbes : la fontaine de jouvence est, selon les sondages, le film le plus attendu de l'année par les spectateurs. Quatrième épisode de la saga qui a déjà rapporté 2,7 milliards de $ dans le monde, quatre ans après la fin de la trilogie, Johnny Depp revient dans la peau de son personnage le plus populaire, accompagné de Penelope Cruz et Geoffrey Rush, mais sans Keira Knightley ni Orlando Bloom. En salles le 18 mai, le film est contraint au carton. La 3-D aidera à gonfler quelques chiffres. Sans doute le plus drôle des héros de l'année...

X-Men : First Class est le premier des "comics" à être "régénéré" par les studios, en attendant Spider-Man et Superman. C'était déjà le premier à avoir conduit à un spin-off (Wolverine). Déclinable à l'infini, on revient ici aux origines des "mutants". Matthew Vaughn, un temps pressenti pour Thor, a remplacé Bryan Singer. La série a rapporté 1,54 milliards de $ dans le monde, la pression sera moindre que pour Pirates des Caraïbes. Il se dote surtout d'un casting très classe de jeunes talents : Jennifer Lawrence, citée aux Oscars pour sa très belle performance dans le drame Winter's Bone, January Jones (qu'on va voir dans Sans Identité), James McAvoy (Wanted) dans le rôle du Professeur Xavier, Michael Fassbender dans celui de Magneto, ou encore Kevin Bacon...

Harry Potter et les reliques de la mort, 2e partie. Si la première partie a frustré (intentionnellement), on est déjà persuadé que le jeune sorcier de Poudlard sera l'attraction estivale. Dix ans après le début de la saga, le final, annoncé comme spectaculaire, devrait combler les fans et attiré les curieux. Avec 950 millions de $ dans le monde pour la première partie, le milliard (d'autant plus qu'il sera en 3-D) est quasiment assuré. Difficile de louper le film. Mais sans doute, vaguement soulagé que cela s'arrête.

Avec Joe Johnston (Wolfman, Hidalgo, Jumanji) à la barre, Captain America : The First Avenger n'est sans doute pas le plus attendu des films du genre cette année. En misant sur un cinéaste de commande, Marvel et Paramount ont décidé de formater cette production proche, sur le papier, de G.I. Joe. Chris Evans sera, avec Ryan Reynolds, l'une des gueules qui feront les couvertures estivales des magazines. Entouré de Hugo Weaving, Tommy Lee Jones, Stanley Tucci et Dominic Cooper, le film attirera à coup sûr le public féminin comme masculin. À 140 millions de $ de budget, l'échec n'est pas envisageable.

Le 3 août, Green Lantern (rien à voir avec Green Hornet) confirmera, ou pas, l'impact commercial du comédien Ryan Reynolds. L'égérie Hugo Boss, qui a marqué les esprits avec Buried (même s'il s'est planté au box office) et a su séduire les romantiques avec La proposition, va devenir le nouveau  super-héros de science-fiction de la Warner. Pour blinder le projet, le studio a enrôlé Martin Campbell (Casino Royale), et mis le paquet sur les seconds rôles : Angela Bassett, Mark Strong, Peter Sarsgaard, Tim Robbis, Dennis Haysbert... Et l'atout sexy de Reynolds est déjà survendu côté marketing...

Comme pour Harry Potter, les producteurs de Twilight ont décidé de diviser l'ultime épisode en deux parties, l'une pour l'automne, l'autre pour l'été suivant. On retrouvera le trio infernal - Kristen Stewart, Robert Pattinson et Taylor Lautner - et les cris hystériques de leurs fans aux avant-premières. Les lecteurs devraient être rapidement déçus : la noirceur du bouquin de Stephenie Meyer a, paraît-il été édulcorée...

En l'absence de James Bond, Hollywood a accéléré la production du quatrième épisode de Mission Impossible, en négociant âprement avec sa star, Tom Cruise. C'est en effet avec le troisième opus que l'aura de l'acteur a fortement décliné. Sa campagne médiatique de l'époque, ponctuée de délires et de prosélytisme, l'avait coupé de ses fans. Le studio l'avait accusé d'avoir sabordé le potentiel de la franchise. Cependant, Cruise redevient Ethan Hunt dans ce Ghost Protocol, notamment pour prouver, de nouveau, qu'il est "bankable". Double enjeu donc. Une histoire de J.J. Abrams, une réalisation de Brad Bird (Les indestructibles), un casting cosmopolite (Jeremy Renner, Simon Pegg, Léa Seydoux, Michael Nykvist, Anil Kapoor) et des décors déjà vus (Prague, Dubai...) feront monter le désir, ou pas.

Enfin, finissons avec Tintin et le secret de la licorne. Steven Spielberg. Hergé. Une animation en motion capture. Et le reporter le plus courageux de la bande dessinée. Si le marché américain n'est pas le coeur de cible, le film pourrait cependant créer la surprise en cartonnant dans le reste du monde, après de multiples médiocres tentatives. Tout est affaire de scénario, de rythme, de plaisir. Mais, c'est certain, si ce héros belge et désuet parvient à séduire les cinéphiles de tous les pays (et de tous les âges), nul ne doute que les Captain America et autres Thor seront affaiblis, super pouvoirs ou pas.

Berlin 2011 : Asghar Farhadi, Miranda July, Bela Tarr, trio gagnant

Posté par MpM, le 15 février 2011

turin horseAlors que cette 61e Berlinale vient déjà d'entrer dans sa seconde partie, la compétition proposait aujourd'hui trois captivantes propositions de cinéma, quoi que chacune dans une direction très particulière.

Asghar Farhadi (A propos d'Elly) propose dans Nader et Simin, une séparation un regard aigu et profond sur la société iranienne contemporaine. On y découvre la mesquinerie de certains rapports  sociaux, l'hypocrisie des rouages administratifs ou judiciaires, ou encore la difficulté du "vivre ensemble", que ce soit entre homme et femme ou entre individus issus de classes différentes. Le film démonte les préjugés et oppose deux visions totalement opposées de la vie, l'une consistant à être prêt à tout pour sauver sa peau, tandis que l'autre conduit à privilégier la droiture et la vérité, même si les conséquences s'avèrent terribles.

Miranda July (You, me and everyone we know) explore elle-aussi les tréfonds de l'âme humaine en proposant une réflexion à la fois tendre, amère et pleine de dérision sur l'existence, le temps qui passe et la sensation de passer à côté de sa vie. Dans The Future, les personnages qu'elle met en scène ressemblent à un couple de pré-ados immatures qui jouent à se faire peur ("Et si... ?") pour masquer la réalité de leurs angoisses. Ils arrivent à ce moment de l'existence où l'on commence à compter les points, à faire la liste de ce que l'on ne sera jamais, à restreindre celle de ce que l'on fera un jour. Malgré leur finesse, l'humour et l'absurdité des dialogues et des situations ne parviennent guère à dissimuler l'aspect désespéré du constat.

Bela Tarr (Les harmonies Werckmeister), de son côté, propose The Turin horse (notre photo), une oeuvre à l'esthétisme envoûtant, portée par la musique lancinante et hypnotique de Mihaly Vig. On suit le quotidien austère et répétitif d'un fermier et de sa fille, filmé dans un noir et blanc riche en contrastes et en clairs-obscurs. La mise en scène est moins immédiatement impressionnante que dans L'homme de Londres, mais elle est entièrement au service du projet poursuivi par le réalisateur, capter le rythme de la vie et s'ouvrir à la conscience de chaque moment. On est ébloui (mais aussi effrayé) par la radicalité du cinéaste qui refuse toute concession à la narration traditionnelle.  Cet aspect jusqu'au boutiste confère au film un statut d'expérience sensorielle et esthétique qui ne s'appelle plus vraiment du cinéma. Il provoque un état de flottement, presque de léthargie, voire d'ennui pour les moins réceptifs, et s'avère pour le cinéphile un peu las un véritable bain de jouvence.

Berlin 2011: Taïwan et la Chine continentale en pleine mutation cinématographique

Posté par MpM, le 15 février 2011

L'absence de films taïwanais sélectionnés à Berlin cette année n'empêche pas le pays d'être bien présent sur Potsdamer Platz, et notamment au marché. C'est que Taipei a des films à vendre ! En 2010, 45 longs métrages ont été tournés dans l'ile. En tout, 278 films (incluant les téléfilms et courts métrages) ont été soutenus par la commission du film de Taipei. Les co-productions sont également nombreuses et concernent principalement Hong Kong et la Chine continentale. Cette dernière représente notamment un marché considérable, à condition de jouer le jeu et de ne pas aborder de questions taboues.

De son côté, la Chine continentale est confrontée elle aussi à de nouveaux enjeux. En dépassant les 1,5 milliards de dollars en 2010, le box-office chinois a gagné 64% par rapport à 2009. Il est aussi bien parti pour devenir le deuxième marché le plus important du monde.

Par ailleurs, de plus en plus de films sont produits en Chine (520 en 2010) mais peu d'entre eux bénéficient d'une sortie en salles. Paradoxalement, près de 1000 nouveaux écrans verront le jour en 2011, portant le total à plus de 7000, et il faut bien les alimenter.

Le quota de films étrangers (limités à 20 chaque année) pourrait ainsi être remis en question, d'autant que la demande pour les films étrangers est de plus en plus forte. En 2010, Avatar a rapporté 210 millions de dollars contre 100 millions pour le meilleur film chinois, Aftershock de Feng Xiaogang. En tout, les films locaux ne représentent que 56% du box-office chinois.

Si les quotas sont modifiés, la marge de progression du box-office pourrait atteindre des sommets, dans la mesure où avec un écran pour 200 000 personnes, la Chine a encore un gigantesque potentiel de croissance. De quoi inciter ses voisins les plus proches, comme Taïwan ou Hong Kong, à la fournir en films, mais également Hollywood ou le marché européen. Et parmi eux, la France, qui occupe actuellement six des vingt places disponibles pour des films étrangers, a indéniablement une carte à jouer.

Vesoul 2011 : le tour de l’Asie en 90 films

Posté par kristofy, le 15 février 2011

Ce sont pas moins de 90 films qui sont programmés à Vesoul et, si certains nous sont déjà connus, les œuvres présentées sont autant de films anciens très rares et inédits sur grand écran ou de films récents découverts ici en avant-première. 90 films en provenance de toute l'Asie et qui délivrent un regard atténuant finalement les différences culturelles...

Tout d’abord le regard de l’enfant est toujours un point de vue qui interpelle. Dans La petite fille de la terre noire de Jeon Soo-il on découvre une petite fillette qui grandit avec des responsabilités qui ne sont pas de son âge : prendre soin de son grand frère attardé mental et de leur père qui a perdu son travail, sombrant dans l’alcoolisme alors que la famille doit être expulsée de leur maison. Dans La rivière Tumen de Zhang Lu c’est la fragile amitié entre un garçon nord-coréen immigré clandestin et un garçon chinois qui va être mise à mal avec les conflits entre les réfugiés de Corée du Nord affamés et les villageois de Chine. Susa de Pirveli Rusudan est un des films très remarqué de la compétition : un gamin de douze ans, vendeur ambulant de bouteilles de vodka, est sous la pression des policiers et d’adolescents qui font du racket ; le retour de son père qu’il ne connaît pas vraiment sera peut-être l’opportunité d’aller vers une vie plus agréable.

Le déracinement est aussi sources de nombreux drames humains. Autre favori de la compétition, Where are you going ? de Park Chur-woong montre les dilemmes de cinq membres d’une famille dont le logement dans un bidonville est menacé par des promoteurs immobiliers : le gouvernement veut réaménager cette zone et souhaite voir les habitants partir ailleurs alors que la mégapole voisine est une ville riche où ils n’ont pas leur place. Dans Le brouillard de Kim Soo-young un homme fuit Séoul pour revenir dans son village natal, il regrette son mariage sans véritable amour et séduit une femme qui espère  découvrir une autre vie dans la capitale. Ensemble, ils vont vivre une parenthèse de passion ardente (avec notamment une scène sensuelle assez osée pour l’époque en 1967).

La condition de la femme provoque de multiples questions, et cela très tôt d’ailleurs dans le cinéma coréen. Si Im Kwon-taek est reconnu comme un cinéaste majeur (avec plus d’une centaine de films !), son chef d’œuvre de 1986 n’a quasiment jamais été vu en France. Il s’agit de La mère porteuse (Sibajee) où il y a déjà plusieurs siècles (au temps de la dynastie Lee) un notable et riche seigneur et son épouse ne peuvent avoir d’enfant, son devoir est absolument d’être le père d’un fils (pas d’une fille) pour pérenniser le nom et la succession de la famille. Il ‘achète’ contre des arpents de rizière la fertilité d’une jeune campagnarde de 17 ans, mais alors qu’elle doit seulement procréer et donner son bébé commence une histoire d’amour interdite… En 1968 dans Les pommes de terre, q’unique film et chef d’œuvre du réalisateur de Kim Sung-ok (scénariste de Le brouillard), on revient dans les années 1920 sous l’occupation japonaise, une jeune fille quitte son village et sa famille pour suivre un mari qu’on lui a choisi ; il va se révéler être particulièrement fainéant et elle devra travailler pour entretenir son époux : les situations drôles et injustes se suivent pour en faire déjà un manifeste féministe.

Fractures sociale et familiale

L’ensemble de ces films cités histoires et personnages les plus divers comportent tous en filigrane une observation sociale de l’interdépendance entre des plus riches et des plus pauvres, mais aussi une critique politique (envers le gouvernement ou à l’aristocratie en place) plus ou moins allusive.

Mais cette édition 2011 est sous le signe la famille dans toutes ses composantes, comme l’indiquent Martine et Jean-Marc Thérouanne du FICA de Vesoul : "La famille est soit encensée comme pilier de la société, foyer de solidarité, centre d’épanouissement ; soit décriée comme milieu d’aliénation de l’individu, lieu de lutte d’intérêt ente fratries, instrument d’oppression du système familial patriarcal. Les films d’hier et d’aujourd’hui reflètent l’image de ce que furent les familles traditionnelles et dessinent les formes nouvelles qu’elles prennent". Ces différentes facettes se reflètent notamment avec des films aussi divers que L’enfant de Kaboul de Akram Barmak, Une famille chinoise de Xiaoshuai Wang, Le mariage de Tuya de Quan’an Wang, Shower de Yang Zhang, Le mariage des moussons de Mira Nair, Les Sept jours de Shlomi et Roni Elkabetz, 4:30 de Royston Tan, Serbis de Brillante Mendoza.

Tous les chemins mènent à Monte Hellman, qui fait étape au Nouveau Latina

Posté par Claire Fayau, le 15 février 2011

À l’occasion de la sortie du premier livre d’entretien en français avec le cinéaste culte Monte Hellamn et de la sortie prochaine de son nouveau film Road to Nowhere (le 6 avril, l'histoire d'un réalisateur de films embarqué malgré lui dans une conspiration criminelle), Le Nouveau Latina et Capricci Films organisent ce mardi 15 février une soirée exceptionnelle autour du cinéaste et en sa présence.

Accro au bitume, fan de contre-culture américaine, désenchantés du flower power, si vous aimez les road movies, American Graffiti et Easy Rider (et si vous aimez Reservoir Dogs !), programmez votre GPS destination le Nouveau Latina :

- à partir de 19h : Signature de son livre "Sympathy for the Devil" au salon de thé du Nouveau Latina (1er étage)

- 20h : Macadam  à deux voies (sa réalisation la plus connue dont on fête les 40 ans) . Outre la présentation du film, une rencontre avec Monte Hellman est prévue, orchestrée par Emmanuel Burdeau.

- 22h10 : Reservoir Dogs, le film culte de Quentin Tarantino, produit par Monte Hellman.

Hellman a fait ses débuts sous la direction de Roger Corman, producteur de série B, qui a également fait débuter Scorsese et Coppola, en réalisant une parodie de film d'horreur, Beast from Haunted Cave, en 1959. Il deviendra aussi monteur sur des films de Peckinpah, Raffelson et Demme.

Après le pastiche de film d'horreur, Monte Hellman se lance dans des westerns nouveaux genres, avec Jack Nicholson pour deux d'entre eux.

Il enchaîne les flops, et autant de films devenus cultes ou de curiosités entre initiés. Road to Nowhere sera sa première réalisation en 21 ans. Il avait reçu un Lion spécial à Venise en septembre dernier, alors que Tarantino présidait le jury. Road to Nowhere y était présenté en compétition, où, à 76 ans, il faisait figure de vétéran. Il y évoquait la difficulté qu'il avait eu à développer ses projets, puisqu'aucun ne s'est concrétisé. Trente ans d'écritures stériles. "Je préfère un bon film hollywoodien à un film indépendant. Il y en a peut-être cinq par an, mais ils valent toujours la peine" expliquait-il. "Il fallait sortir de là, ne plus dépendre du bon vouloir d'autrui, en finir avec les compromissions. Ma fille a pris les choses en main et a réuni des investisseurs privés. Le film, avec tous les salaires en participation, s'est monté pour environ 5 millions de dollars."

Brad Pitt, Javier Bardem, Mark Ruffalo et James Gandolfini font affaires

Posté par vincy, le 15 février 2011

Cogan's Trade, le nouveau film d'Andrew Dominik (voir actualité du 4 janvier), s'offre un casting chic et choc. Brad Pitt donnera la réplique à Javier Bardem, Mark Ruffalo, James Gandolfini (avec qui il avait tourné dans Le Mexicain), Sam Rockwell (déjà de l'aventure de Jesse James de Dominik et avec Pitt), Richard Jenkins (qui le connaît depuis Burn after Reading) et la très jolie Bella Heathcote. Le tournage débutera d'ici la fin du mois pour une sortie prévue dans un an.

Berlin 2011 : les mondes de Mindadze, Fiennes et Le Guay s’entrechoquent

Posté par MpM, le 15 février 2011

La collision d'univers ou de préoccupations opposés était un peu le maître-mot de cette quatrième journée de compétition.

Premier en lice, le russe Alexander Mindadze a trouvé le moyen de situer Innocent saturday le 26 avril 1986 sur le site de Tchernobyl et d'utiliser la catastrophe nucléaire comme une toile de fond légèrement grotesque plutôt que d'en faire le vrai sujet du film. C'est regrettable : cela aurait sans doute été plus intéressant que l'errance du personnage principal, qui a bien compris qu'il faut fuir, mais ne le fait pas. En revanche, il court beaucoup, boit encore plus et pratique même des solos de batterie. Le tout filmé caméra à l'épaule.

Dans la continuité, on a pu découvrir le premier long métrage de l'acteur Ralph Fiennes, Coriolanus (photo), une adaptation résolument moderne du Coriolan de Shakespeare. Moderne car située à notre époque et parsemée de scènes de guerre dignes de certains "actionners" musclés. Le texte original est là, mais le treillis remplace le costume d'époque, et certains thèmes abordés ont des résonances familières. Notamment la séquence d'ouverture (très réussie) où une foule mécontente réclame du pain devant un dépôt de blé gardé par l'armée. Les protestations et la répression qui les accompagnent évoquent immanquablement la Tunisie et l'Égypte tandis que les questions liées à la démocratie et à l'équilibre des pouvoirs gardent tout leur sens.

Présenté hors compétition, Les femmes du 6e étage de Philippe Le Guay s'empare quant à lui de la rencontre entre deux mondes que tout sépare (un patron bourgeois et sa domestique espagnole) pour en faire une fable drôle et humaniste. L'opposition entre les deux milieux n'est pas tant au coeur du film que leur rapprochement sincère et harmonieux, ce qui est plus intéressant.

Enfin, dernière collision de la journée, celle entre le planning de la Berlinale (qui propose plusieurs dizaines de films par jour) et l'état de fatigue des journalistes qui ne bénéficient pas du don d'ubiquité. Et là, en revanche, le choc peut faire des dégâts.

Berlin 2011 : Wim Wenders parle de Pina

Posté par MpM, le 14 février 2011

Wim Wenders est venu défendre son film devant une salle de journalistes enthousiastes et émus par la vision qu'il donne de son amie, la célèbre chorégraphe Pina Bausch, dans le documentaire en 3D, Pina. Florilège.

Le regard de Pina Bausch

"C'est un peu le thème de notre film. Elle avait un regard incroyablement précis, qui va jusqu'au fond de l'âme et elle en a fait des pièces. Et justement, ses pièces disent comment la regarder, elle. Mais on ne se sentait pas mis à nu quand elle nous regardait. C'était un regard plein d'amour."

Inspiration

"C'est difficile de dire quelle inspiration Pina a été pour moi. En tant que réalisateur, on a l'impression d'avoir une certaine maîtrise de son métier. Quand j'ai vu Pina pour la première fois, mais aussi les fois suivantes, j'ai réalisé que je connais le mouvement au cinéma mais que je ne connais pas la réalité du mouvement tel que Pina le créait. Elle a aiguisé mon regard. Avec elle, je me suis senti comme un débutant, et je le suis encore."

Le film

"C'était notre rêve à tous les deux de faire ce film. Quand on a décidé de le faire quand même, malgré sa mort, j'ai eu l'impression que Pina regardait par dessus mon épaule. Tout le monde s'est effacé devant elle, nous étions tous conscients de faire le film pour elle. La principale difficulté, c'est que le film prévu n'a pas pu être réalisé. Pina devait être le personnage principal, on l'aurait accompagnée sur deux tournées à l'étranger, comme dans un road movie.  Nous avions discutés des détails avec Pina. Ce qui était très clair, c'est qu'elle ne voulait pas expliquer ou interpréter son travail, et je lui avais promis que ce ne serait pas le cas. On aurait filmé les répétitions, les corrections. Nous l'aurions observée au travail. Le film aurait été complétement différent. Finalement, nous avons eu l'idée que les danseurs puissent devenir sa voix. Sa méthode qui consistait à poser des questions est apparue comme une bonne méthode pour faire le film. On s'en est rendu compte pendant le tournage."

La 3D

"L'émotion réside dans le travail de Pina. Quand la possibilité d'un espace tridimensionnel s'est présentée, j'ai enfin trouvé le moyen d'approcher ce travail. La 3D est faite sur mesure pour la danse. Où mieux utiliser ce nouveau médium ? C'est formidable. Le langage de Pina était dénué de mots. La nouvelle dimension offerte par le relief permet en quelque sorte de compenser cette absence de mots."

Alain Resnais l’affirme : Vous n’avez encore rien vu

Posté par vincy, le 14 février 2011

Alain Resnais est de nouveau sur les plateaux, à 88 ans. Depuis deux semaines il tourne Vous n'avez encore rien vu, inspiré d'Eurydice, la pièce de Jean Anouilh.

Elle fut jouée la première fois en 1942, en pleine occupation, puis reprise, notamment, en 1991, mise en scène par Georges Wilson, avec Lambert Wilson et Sophie Marceau.

Le scénario de Alex Réval et Laurent Herbiet, déjà auteurs de l'adaptation des Herbes Folles, le précédent film de Resnais, réinterprète la pièce, mélange de scepticisme et de romance, de passion et de mysticisme. "Ah! que c'est difficile, que c'est difficile de toujours expliquer tout!..." est-il dit dans la pièce. Expliquons quand même :  Orphée revu et corrigé par Resnais qui y voit l'occasion de parler des mythes universels (la vie, l'amour et la mort). Eurydice, dans la mythologie grecque, était l'épouse d'Orphée, poète et musicien. Mordue par un serpent, elle meurt, et son mari va la chercher aux enfers. Ici Orphée est violoniste et Eurydice une comédienne en tournée : ils quittent pour vivre leur amour. Mais la jalousie d'Orphée va tout gâcher.

Sabine Azéma et Anne Consigny incarneront deux Eurydice. Les deux actrices étaient déjà partenaires sur Les herbes folles. Elles seront entourées d'Anny Duperey (la mère), Mathieu Amalric (Monsieur Henri), Pierre Arditi et Lambert Wilson (Orphée et son double). Ce dernier était déjà Orphée dans la pièce de son père. Duperey retrouve Resnais 38 ans après le tournage de Stavisky. Les autres sont des compagnons familiers du Maître.

Le casting est aussi étoffé par des rôles plus furtifs : Hippolyte Girardot, Jean-Noël Brouté, Michel Piccoli, Denis Podalydès, Andrzej Seweryn, et Michel Vuillermoz.

Le tournage s'achevant en avril, le film pourrait être présenté à Venise dès cette année pour une sortie avant les fêtes. À moins que Berlin ne l'optionne... De toute façon Resnais a été honoré dans les trois grands festivals...