Cannes 2015: un film colombien, Arnaud Desplechin et Mustang au palmarès de la Quinzaine

Posté par vincy, le 23 mai 2015

Hier soir, la Quinzaine des réalisateurs du Festival de Cannes a célébré sa clôture avec Dope, de l'Américain Rick Famuyiwa, film qui faisait le buzz grâce à sa musique signée Pharrell Williams.

Traditionnellement, les quelques prix remis dans cette sélection ont été attribués avant la projection.

Le Prix Art Cinema de la CICAE (Cinémas art et essai) a été décerné au film colombien El abrazo de la serpiente de Ciro Guerra (L'Ombre de Bogota et Les Voyages du vent). Il s'agit de l'histoire de Karamakate, un chaman amazonien, dernier survivant de son peuple. Il vit isolé dans les profondeurs de la jungle. Sa vie bascule lorsqu’Evan, un ethnobotaniste américain, débarque dans sa tanière à la recherche de la yakruna, une mystérieuse plante hallucinogène capable d’apprendre à rêver. Karamakate se joint à sa quête et ils entreprennent un voyage au cœur de la jungle. Après le triomphe du cinéma latino-américain à la Semaine de la critique la veille, et notamment le double prix pour un autre film colombien, La tierra y la sombra, ce prix pour L'étreinte du serpent sacre une nouvelle génération de cinéastes venues d'Amérique du sud.

Le Prix SACD a couronné Arnaud Desplechin avec ses Trois souvenirs de ma jeunesse, sorti cette semaine dans les salles françaises. Souvent sélectionné en compétition, Desplechin est reparti bredouille à chaque fois, hormis un Prix spécial pour Catherine Deneuve dans Conte de noël. Avec ce "prequel" de Comment je me suis disputé... Desplechin retrouve le personnage de Paul Dédalus, qui se souvient de son enfance à Roubaix, des crises de folie de sa mère, du lien qui l’unissait à son frère Ivan, enfant pieux et violent, de ses seize ans, de son père, veuf inconsolable, de ce voyage en URSS où une mission clandestine l’avait conduit à offrir sa propre identité à un jeune homme russe, de ses dix-neuf ans, de sa sœur Delphine, de son cousin Bob, des soirées d’alors avec Pénélope, Mehdi et Kovalki, l’ami qui devait le trahir, de ses études à Paris, de sa rencontre avec le docteur Béhanzin, de sa vocation naissante pour l’anthropologie et surtout d’Esther.

Enfin, le Prix Label Europa Cinéma a récompensé Mustang, premier film de la cinéaste franco-turque Deniz Gamze Ergüven, co-écrit avec Alice Winocour. Mustang se déroule dans un village au nord de la Turquie, où Lale et ses quatre sœurs rentrent de l’école en jouant innocemment avec des garçons. La débauche supposée de leurs jeux suscite un scandale aux conséquences inattendues. La maison familiale se transforme progressivement en prison, les cours de pratiques ménagères remplacent l’école et les mariages commencent à s’arranger. Les cinq sœurs, animées par un même désir de liberté, détournent les limites qui leur sont imposées.

Cannes 2015: Qui est Justin Kurzel ?

Posté par vincy, le 23 mai 2015

justin kurzel

À 40 ans, l'Australien Justin Kurzel fait sa première montée des marches cannoises avec Macbeth, sa version de la pièce de Shakespeare. C'est aussi à Cannes que le cinéaste fut révélé puisque après un un court métrage sélectionné à la Semaine de la critique en 2005, Blue Tongue, il présente son premier long, Les Crimes de Snowtown dans cette même section parallèle du Festival.

La Critique internationale le récompense du prix FIPRESCI et le jury d'une mention spéciale. Brillant, puissant, intense, ce film noir naturaliste et relativement poétique, entre crimes sordides et attirance entre mâles refoulée, envoûte les cinéphiles. Inspiré d'un fait divers réel, pas très loin de là où Kurzel a grandit, Snowtown est aussi brutal que lugubre. Avec des films comme Samson & Delilah et Animal Kingdom, celui-ci contribue au renouveau du cinéma australien.

Cinéaste sans concession, assez radical même en préférant l'essentiel, la dureté même, à la séduction et aux effets, Justin Kurzel a commencé sa carrière comme décorateur pour le cinéma et le théâtre. Après Les crimes de Snowtown, Kurzel se cherche: il écrit une version longue de Blue Tongue, réalise un segment de The Turning, où il révèle un certain sens de l'humour (noir là aussi) autour du tennis, et accepte de transposer le best-seller de John Le Carré, Our Kind of Traitor, avec Ewan McGregor, Damian Lewis et Naomie Harris. Finalement il y renonce et plonge dans la tragédie de Macbeth.

On est loin des Crimes de Snowtown, mais c'est toujours le sang qui parle. Ce Game of Throne classique, avec Michael Fassbender et Marion Cotillard, le place dans la cour des grands. Il va devoir rivaliser avec d'autres versions de la pièce réalisées par Orson Welles, Roman Polanski ou encore Alira Kurosawa avec Le château de l'araignée.

A l'ombre de ses géants, il prépare déjà son prochain film. L'adaptation du jeu vidéo Assassin's Creed, avec, a priori, le même duo de stars, Fassbender et Cotillard. C'est peut-être là que réside une partie de son don: dans sa relation avec les acteurs, professionnels ou non. En tout cas, il se dessine une oeuvre sombre et saignante, tragique et aliénée, où l'Homme est dépassé par ses démons.

L’instant Glam: une juge, des écailles et la réincarnation de Magnum

Posté par cynthia, le 22 mai 2015

Plus que deux jours avant la fin du festival et déjà un air de nostalgie souffle sur la Croisette. C'est bientôt fini!!!! Il va falloir reprendre l'avion/le train, retrouver son Paris sans plage, mais aussi dire adieu au tapis rouge, aux strass, aux paillettes, aux soirées et surtout aux projections. Bon, avant de sortir les violons et pleurer pourquoi ne pas profiter de l'instant présent: à commencer par ce dixième jour sur les marches cannoises.

Les stars ayant du goût et de la classe se font de plus en plus rares, il y a toujours autant de selfies (interdits) et d'embouteillages et aujourd'hui nous avons replongé en enfance (ou pas) avec la projection du Petit Prince.

Des agressions visuelles et une attente interminable

Dans une semaine, il y a forcément des jours avec et des jours sans. Des journées, où on aurait mieux fait de ne pas s'habiller pour sortir. Pour Vincent Macdoom, ce fut une fin de journée sans bas. Vêtue d'une sorte de robe de mariée déchiquetée, elle nous a fait le remake du film Les noces funèbres de Tim Burton. Il ne manquait plus qu'un fiancé cadavérique et c'était partie. N'empêche, aurait-elle confondu Cannes avec une vieille église hantée de Las Vegas? Petit message pour les célébrités: arrêtez de confondre Cannes avec autre chose! Ce n'est ni le tournage d'un film porno, ni le salon de la grande tante Hortense, ni un tribunal. Et quand j'évoque un tribunal je m'adresse à vous Brigitte Fossey. Il ne manquait plus que la perruque (quoique la coupe de cheveux n'en était pas loin) et le marteau et on se serait cru en plein procès. Nous on dit objection!!! Objection également à la coupe de cheveux de Marion Cotillard. Lorsque Marion est arrivée, notre cœur à cesser de battre... ah la môme dans sa robe sublime et ses cheveux... what the fuck??? Mais qu'est-ce qui lui a pris de plaquer ses cheveux ainsi? De loin nous aurions pu penser qu'elle était chauve. Plus jamais le gel comme ça Marion... PLUS JA-MAIS!

Plus jamais aussi la moustache de Tom Selleck dans Magnum, Laurent Laffite. Cela ne te sied guère au visage. Même chose pour la robe de Florence Foresti. Florence tu as cru que le tapis rouge de Cannes c'était un sketch? Porter une robe dans le style volet de badminton, tu l'as piquée à Marion Cotillard (César 2015) ou tu l'as faite toi-même à partir d'une vieille lampe?

Nous pensions être au summum de la claque visuelle et puis nous avons vu Sarah Sutherland (la fille de Mr Jack Bauer) couverte d'écailles argentées. Il aurait fallu contacter un charmeur de serpents, elle aurait peut-être avancé plus vite sur le tapis. Quant à sa collègue, Robin Bartlett, elle est arrivée en tenue naturelle et efficace, mise à part les godasses: des vieilles ballerines ternes. Dit nous qu'il s'agit d'un problème technique? Un peu comme celui qu'à vécu l'équipe de ton film, Chronic de Michel Franco, qui a attendu pendant des minutes interminables de pouvoir monter les marches. La montée du soir était à la bonne franquette.

Bonne franquette c'est également l'attitude de la jeune et jolie Mackenzie Foy (Interstellar, Twilight) face aux fans. Âgée de 15 ans à peine, l'actrice, somptueuse dans une robe de princesse, a signé des autographes avec une douceur déconcertante... douceur qui manque cruellement à Cannes avec les photographes hystériques qui hurlent sur le tapis rouge. Espérons que ce dernier weekend cannois les tranquillise un peu.

Cannes 2015 : lettre à Antoine de Saint-Exupéry

Posté par MpM, le 22 mai 2015

Le petit princeCher Antoine de Saint-Exupéry,

Nous avons découvert aujourd'hui Le petit prince de Mark Osborne, extrêmement librement adapté de votre plus célèbre livre, et nous sommes encore sous le choc. Qui aurait cru que passée à la moulinette des standards hollywoodiens, la poésie subtile et joyeuse de votre roman puisse devenir cette bouillie de mauvais goût, stupide et mièvre ?

On en aurait pleuré des larmes de sang de voir l'intrigue originelle réduite à quelques passages anecdotiques dans un produit formaté qui se permet d'inventer un épilogue (risible) et des personnages caricaturaux dépourvus de toute originalité. Que quiconque d'un tant soit peu sensé ait pu donner son accord à ce naufrage cinématographique dépasse l'entendement.

Le mouton, le renard, la rose, le businessman, l'homme vaniteux et les autres sont ainsi devenus le prétexte de petites pastilles noyées dans un salmigondis de bons sentiments et de gags éculés. Les scénaristes n'ont même pas été capables de respecter l'histoire, sans parler d'en retranscrire l'esprit. Il manque ainsi des personnages, des épisodes, cette petite musique singulière qui rend Le petit prince unique.

Le film serait n'importe quel autre divertissement calibré au kilomètre, on se contenterait de l'oublier. Mais avoir fait subir cet outrage au Petit Prince est comme vous tuer une seconde fois. Et ce qui est peut-être le pire, c'est que pour toute une génération, désormais, ce livre merveilleux se résumera à cette version boursoufflée.

Cannes 2015: Carte postale du Mexique

Posté par vincy, le 22 mai 2015

C'est la révolution! A l'instar du cinéma roumain et sud-coréen, le Mexique s'est placé sur la carte du cinéma mondial en quelques années. Pourtant, il ne date pas d'hier. Le premier film mexicain date de 1896. La première fiction est tournée deux ans après. Mais le vénérable cinéma mexicain s'est offert une cure de jeunesse.

Avec un voisin hollywoodien encombrant, ce n'était pas forcément gagné d'avance. Le Mexique a bénéficié, avant tout, d'une immigration de talents qui fuyaient l'URSS, l'Argentine fasciste ou l'Espagne franquiste. Ainsi Eisenstein est passé par là et Bunuel s'y est installé. Dans un pays où les spectateurs appréciaient avant tout les grands mélos et les farces, l'âge d'or qui allait naître au sortir de la gueule n'était pas forcément prévisible. Pourtant, le Mexique devint le plus gros producteur de films en langue espagnole durant les années 40.

Le Festival de Cannes a ainsi sélectionné dès 1946 un cinéaste mexicain, Emilio Fernández, avec son film, María Candelaria (incarnée par la star mondiale Dolores Del Rio). La qualité technique du film impressionne déjà: ce sera l'une des marques de fabrique de ce cinéma. Evidemment, le symbole international de ce 7e art s'appelle Luis Bunuel, prix de la mise en scène à Cannes en 1951 avec Los Olvidados. D'autres grands cinéastes apparaîtront dans les décennies suivantes tels Arturo Ripstein, Alejandro Jodorowski, Ismael Rodríguez...

Mais c'est au tournant des années 2000 que le cinéma mexicain s'impose sur la Croisette. Pour ne pas parler d'invasion. Trois prix de la mise en scène (Alejandro González Iñárritu pour Babel en 2006, Carlos Reygadas pour Post Tenebras Lux en 2012, Amat Escalante pour Heli en 2013), un prix du jury pour Lumière silencieuse, toujours de Carlos Reygadas, une Caméra d'or en 2010 pour Michael Rowe et son Année bissextile (et une mention pour Reygadas en 2002 pour Japon), un Prix Un certain regard en 2012 pour Michel Franco (Después de Lucía), qui est en compétition cette année. Sans oublier le duo Gael Garcia Bernal/Diego Luna et Salma Hayek, régulièrement présents à Cannes comme réalisateur, producteur, acteur ou président/membre de jury.

Le Mexique a aussi conquis Hollywood avec Guillermo del Toro (membre du jury cette année, déjà sélectionné), et les deux oscarisés Inarritu et Alfonso Cuaron. Pourtant, le pays ne produit désormais que 70-80 films par an, et les spectateurs mexicains préfèrent largement les films venus du nord de la frontière.

L’instant glam’: être en talons haut ou ne pas être, être classe ou ridicule

Posté par cynthia, le 22 mai 2015

Neuvième jour sur la Croisette (le temps passe si vite) et les stars se bousculent toujours sur le tapis rouge (la faute aux selfies et au talons trop hauts).

Sur le tapis aujourd'hui un seul sujet de discussion: le film Love de Gaspard Noé, projeté à la séance de minuit. "Oui il y a du sexe, oui il y a des choses extrêmes et en 3D mais c'est un film d'amour avant tout" confie la journaliste de TV Festival. Un film d'amour.. .un film d'amour, un film de boules aussi, excusez-moi pour le langage. La société Kleenex n'est pas prête à déposer le bilan avec des films comme cela. Bien, après tout, le festival de Cannes c'est la diversité cinématographique: peu importe les genres ou les origines, tout y est et c'est ce qu'on aime.

Aimer. On ne peut pas en dire autant de la tenue de Sophie Marceau: une robe rayée, en tissu épais, qui aurait pu convenir dans un film comme Bettlejuice. Même chose pour la tenue d'Agnès Varda, vêtue des fringues du dimanche. Vous savez la tenue que vous portez pour aller dîner chez la belle-mère afin qu'elle vous voit comme une jeune fille-modèle. Pantalon noir et veste à fleurs qui ne va pas du tout avec le collier (très beau et pour une fois sans brillants). Et tout ceci sans talons... sans talons... OMG! Par tous les saints tapis rouges, elle ne portait pas de talons!

La polémique des talons

Vous avez sûrement entendu parler de la polémique sur les talons "obligatoires" pour la montée des marches (sinon vous vivez dans une grotte avec une famille de chauve-souris). Selon les rumeurs, de nombreuses femmes auraient été refusées sur le tapis rouge car elles ne portaient pas de talons. Une productrice britannique s'est faite recaler car elle ne portait pas de talons, à savoir tout de même que cette dernière était amputée d'une partie du pied gauche. Elle s'en est plainte sur Twitter et avec les autres témoignages (car elle n'a pas été la seule à se faire "jarter" sans sympathie du tapis). Cela a créé une véritable polémique. Thierry Fremaux a démenti les faits sur son propre compte Twitter "Pour les Marches, le règlement n'a pas changé: smoking, tenue de soirée. Aucune mention sur les talons". Par ailleurs, ce dernier a constaté un certain zèle depuis mardi sur le tapis rouge... Quelques anonymes ont joué la provocation en venant en tongs sous leurs traines. Pourtant les stars se prennent toujours la tête afin de faire sensation devant le pool de photographes. Certaines réussissent et d'autres se vautrent, tel un soufflé au chocolat raté.

C'est quoi ce b****L?

Se vautrer visuellement, c'est le cas d'une jeune fille qui est arrivé sur le tapis portant une espèce d'écharpe qui entourait sa poitrine nue. Cette écharpe se prolongeait dans une robe noire... Vous n'arrivez pas à la visualiser? Ne vous inquiétez pas nous non plus on n'arrivait pas à avoir un visuel convenable.

Mais il n'y a pas que nos yeux qui ont souffert aujourd'hui, il y a aussi nos oreilles qui ont morflé grâce à la journaliste de TV Festival. Stress, bafouille, répétitions et manque de respect envers sa collègue au point de lui couper la parole sans cesse, on regrette que Didier Allouche ait des RTT. Sans oublier des questions inoubliables "Jacques (Audiard) on peut dire que Deepan est votre premier film d'amour?" ; Jacques Audiard: "Non j'en ai fait d'autres...!"
Bon ça c'est fait...

Côté montée des marches, nous avons adoré le franc-parler de Vincent Rottiers qui s'exprime comme il pourrait le faire en pleine rue, à la limite du "wesh bien ou bien" tout en étant légèrement timide. Vincent était classe malgré sa petite gène dans un costume noir (ça doit lui changer des jogging baskets habituels). Ayant eu la chance de le croiser au détour d'une sortie à l'avant-première de Bodybuilder, nous vous confirmons qu'il est plutôt timide et qu'il s'exprime avec une familiarité particulièrement touchante.

Les asiatiques, modèles à suivre

Avouons aussi que les actrices asiatiques devraient donner des conseils aux européennes. A commencer par le beau sari de Kalieaswari Srinivasan pour Dheepan. L'équipe du film The Assassin était radieuse, sublime, digne du choc esthétique du film. Les deux actrices Shu Qi et Zho Yun sont arrivées comme deux superhéroïnes dans une bataille. La première portait une robe presque couleur chair, couverte de motifs pailletés, lacée sur le devant, tandis que la seconde avait opté pour une robe noire simple mais définitivement époustouflante, avec un collier de Reine couvrant son décolleté. Espérons que la mode asiatique ait tapé dans l’œil de nos stars afin qu'elles éblouissent le prochain tapis rouge.

Cannes 2015 : Qui est Michel Franco ?

Posté par MpM, le 22 mai 2015

michel franco

Quatre films, trois sélections cannoises. Belle moyenne pour le réalisateur Michel Franco, à peine âgé de 36 ans, et désormais présenté partout comme "la relève du cinéma mexicain", qui accède pour la première fois cette année à la compétition officielle.

Cet autodidacte revendiqué s’est fait remarquer dès son premier long métrage, Daniel y Ana, sélectionné à la Quinzaine des Réalisateurs en 2009, qui racontait comment la relation entre une jeune femme et son frère adolescent était irrémédiablement altérée suite à leur enlèvement. Le cinéaste y imposait sa marque de fabrique, à savoir un cinéma dérangeant, extrêmement maîtrisé, mais refusant toute explication psychologique. Probablement sous l’influence de Bresson et Bergman dont il admire les "études de la condition humaine" et les "formes" trouvées pour les mener à bien.

Logiquement, son film suivant est de retour sur la Croisette trois ans plus tard, direction la section Un certain Regard. Despues de Lucia divise violemment la critique en montrant le calvaire d’une jeune fille harcelée et maltraitée par ses camarades de classe. Tandis que ses détracteurs le trouvent "pervers" et "complaisant", ses défenseurs vantent la précision et la densité de sa mise en scène, ainsi que la force de son propos. Le jury présidé par Tim Roth tranche et lui décerne son Prix. C’est la consécration pour Michel Franco, qui devient immédiatement le "jeune cinéaste sud-américain" à suivre.

Certains auraient eu du mal à supporter la pression, lui décide de réagir par le travail. Il se lance à corps perdu dans son troisième long métrage, A los ojos (inédit en France), réalisé avec sa sœur documentariste, Victoria Franco. Le film, qui sera notamment présenté au festival de Moralia, suit le quotidien d’une travailleuse sociale dont le dévouement est plus ambigu qu’il n’y paraît. Il aura peu de retentissement au niveau international, mais qu'importe, le cinéaste continue de creuser son sillon (et de poursuivre ses fantômes ?).

Son nouvel opus, Chronic, place ainsi à nouveau le thème de la famille au cœur de l’intrigue en mettant en scène un infirmier (incarné par Tim Roth rencontré à Cannes quand l'acteur était président du jury Un certain regard) qui assiste des patients en phase terminale et tente de renouer des liens avec la famille qu'il a abandonnée. Un sujet qui devrait a minima permettre à Michel Franco de renouer avec son sport favori : diviser la critique.

Cannes 2015 : Lettre à César Agusto Acevedo

Posté par MpM, le 21 mai 2015

Cher César Agusto Acevedo,

Félicitations, vous venez de remporter avec La terra y la sombra les prix SACD et Révélation France 4 de la semaine de la critique. Votre film raconte les retrouvailles d'un homme avec sa famille après des années d'absence, alors que les conditions d'existence sont devenues très difficiles.

On comprend tout de suite ce qui a pu séduire le jury dans ce film basé sur la dualité. Dans cette région pauvre de Colombie, la culture de cannes à sucre a tout envahi, provoquant des nuages permanents de poussière et de cendres à cause du brûlage nécessaire à sa récolte.  L'univers domestique (confiné, et dans lequel ne doit rien laisser pénétrer de l'extérieur) s'oppose ainsi aux vastes paysages accablés de soleil. De même, vous alternez l'intime de la cellule familiale avec le social du monde du travail et vous répartissez vos personnages de manière antagoniste : hommes cantonnés au foyer, femmes travaillant dans les champs.

Cette construction vous permet d'osciller entre la chronique familiale et le drame social pour faire le constat d'une situation bouchée de tous côtés. Avec subtilité et simplicité, vous montrez le délitement annoncé d'un monde où l'être humain n'a plus sa place. Malgré un contexte rude et douloureux, La terra y la sombra cultive un certain espoir en montrant la complicité entre les individus (notamment dans les scènes familiales joyeuses autour d'une mangeoire ou d'un cerf-volant) et la solidarité entre les travailleurs. Vous témoignez ainsi sans manichéisme d'une réalité forte et saisissante, tout en prouvant que le drame le plus sombre n'empêche pas une véritable humanité.

Cannes 2015 : l’Amérique du Sud à l’honneur dans le palmarès de la Semaine de la critique

Posté par MpM, le 21 mai 2015

Paulina

Traditionnellement première section parallèle à annoncer son palmarès, la Semaine de la Critique du Festival de Cannes récompense cette année les deux longs métrages sud-américains de la sélection. C'est en effet un drame argentin dérangeant, Paulina de Santiago Mitre, qui a séduit le jury Nespresso. Le film raconte le cheminement singulier d'une jeune femme victime de viol qui décide de protéger ses agresseurs.

La Tierra y la sombra de César Augusto Acevedo, film colombien sur le délitement d'un monde, repart lui avec le Prix Révélation France 4 et le Prix SACD. Il raconte à travers le destin d'une famille le déclin d'une région de Colombie condamnée à se vider de ses habitants

Enfin, l'aide Fondation Gan pour la diffusion revient au très beau film français Ni le ciel ni la terre de Clément Cogitore qui se déroule dans un camp de soldats français en Afghanistan.

Dans une compétition relativement homogène, les choix des jurés étaient particulièrement ouverts. Toutefois, on ne peut s'empêcher de regretter l'absence au palmarès du très captivant huis clos palestinien, Dégradé de Tarzan & Arab Nasser (voir notre lettre du 18 mai). Mais tout n'est pas fini : en tant que premier film, il est encore en lice pour la Caméra d'or.

Grand Prix Nespresso
Paulina de Santiago Mitre

Prix Révélation France 4
La Tierra y la sombra de César Augusto Acevedo

Prix SACD
La Tierra y la sombra de César Augusto Acevedo

Prix Découverte Sony CineAlta du Court Métrage
L'enfant est au coeur (Varicella) de Fulvio Risuelo

Prix Canal+ du Court Métrage
Ramona de Andrei Cretulescu

Aide Fondation Gan pour la diffusion
Ni le ciel ni la terre de Clément Cogitore

Cannes 2015: où sont passées les affiches de films?

Posté par vincy, le 21 mai 2015

C'est presque ce qui frappe le plus le festivalier cette année: sur la Croisette, les affiches promotionnelles de futurs films ou de films sélectionnés au Festival de Cannes sont quasiment absentes. Oh il y a bien quelques panneaux sur les hôtels (Hunger Games, London has fallen au Majestic, les bande-annonces de Terminator Genesys, un mini-film Vice-Versa, les kakémonos géants de Mad Max et la PLV de Snoopy au Carlton, Elle de Paul Verhoeven en haut d'un immeuble résidentiel), les bannières et logos des producteurs et distributeurs sur les balcons, mais tous les autres espaces publicitaires ont été achetés par des sociétés qui n'ont rien à voir avec le cinéma.

Depuis quelques années, on savait qu'il était de plus en plus difficile pour les Palaces de convaincre les distributeurs d'afficher leurs produits. Cette année, ni James Bond, ni Jurassic World ni même un gros film français ne sont là pour nous allécher. En revanche, à voir l'entrée enflammée du Majestic par Hunger Games, l'écran géant de Vice-Versa ou l'entrée du Carlton qui annonce Terminator sous forme de teaser, les moyens y sont, sur certains films.

On note aussi, que les partenaires du Festival sont présents: Air France dans le Palais, Renault en affiche géante près du Gray d'Albion. Mais point de L'Oréal, qui, autrefois, ne pouvait pas échapper à notre regard. Ironie du sort, c'est un parfum Dior qui squatte quelques panneaux.

Mais ce qui a vraiment changé c'est l'arrivée concomitante de marques de luxe (enfin, disons de bling-bling) et de services divers (les offices de tourisme d'Inde et de Turquie, ou encore Turkish Airlines). Le Carlton a ainsi la moitié de ses espaces dévolus à un coiffeur ou des marques de bijoux. Changement d'époque. Le Festival envahissait Cannes et affirmait sa domination en transformant la ville en véritable publicité du film. Même la série Cannes fait le mur (des photographies de stars passées par les marches étendues tout au long de la rue d'Antibes) a été réduite à quelques unités sur le début de la rue.

Et c'est sans oublier l'achat de nombreux panneaux par la ville de Cannes qui rappelle les fortes amendes à celui qui urinera ou jettera son mégot dans la rue. La mairie profite du Festival pour faire sa propagande sur le civisme. Pourquoi pas. Mais avec Vigipirate en alerte rouge, toutes les poubelles-cendriers sont interdites autour du Palais et il n'y a aucun urinoir public dans toute la ville. #JDCJDR.

Au final, c'est un pan de la magie cannoise qui a disparu: c'est d'autant plus regrettable que pour le visiteur lambda, le non accrédité qui vient humer l'air du 7e art sans voir les films, les affiches et autres installations marketing lui montraient un monde irréel où seul le cinéma avait sa place et où le consumérisme était légèrement mis entre parenthèse durant deux semaines.